4-1431/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

28 SEPTEMBRE 2009


Proposition de loi modifiant le Code civil en ce qui concerne le bail afférent aux chambres d'étudiant

(Déposée par M. Wouter Beke et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend, en l'adaptant, le texte de la proposition déposée à la Chambre des représentants le 1er février 2008 par Mme Katrien Schryvers et consorts (doc. Chambre, nº 52 0766/001).

Pendant leurs études, certains étudiants continuent à vivre chez leurs parents. D'autres, en revanche, cherchent un autre logement, temporaire, situé à proximité de l'établissement où ils font leurs études.

Ils peuvent trouver à se loger dans une résidence ou un home d'étudiants, rattaché à un établissement d'enseignement. La plupart des étudiants sont toutefois tenus de se tourner vers le marché locatif privé, pour louer une chambre ou un « kot » auprès de particuliers. Les étudiants peuvent également louer un studio, un appartement, une maison ou une maison communautaire sur le marché du logement ordinaire.

À défaut d'une législation spécifique concernant la location de chambres d'étudiant, celle-ci est en principe régie par le droit commun. La chambre ou le studio loué par l'étudiant n'étant généralement pas affecté à sa résidence principale, la loi sur les baux d'habitation ne peut être appliquée. Le droit commun en matière de baux ne s'intéresse pas au contexte spécifique du logement d'étudiant ni aux besoins en la matière.

Eu égard à la nature essentiellement supplétive du droit commun en matière de baux, les parties peuvent y déroger librement. Cela signifie que le bailleur peut décider lui-même de la forme du contrat de bail ainsi que de sa durée et du montant du loyer. Chaque année, lors de l'établissement d'un nouveau contrat, le bailleur peut adapter le loyer de façon arbitraire sans devoir se justifier d'aucune manière.

En outre, le bailleur de chambres d'étudiant peut déterminer en toute liberté le montant de la garantie locative ainsi que les modalités de constitution et de libération de celle-ci. À l'échéance du bail, la libération de cette garantie donne lieu à des problèmes récurrents.

Loin de nous l'intention de léser ou de sanctionner les bailleurs de chambres d'étudiant. La présente proposition vise toutefois à rééquilibrer les relations entre les étudiants-locataires et les bailleurs. Nous estimons que les étudiants-locataires ont besoin d'un minimum de protection, par analogie à celle dont peuvent bénéficier les locataires des logements qu'ils occupent à titre de résidence principale.

Étant donné que, pour les étudiants non navetteurs, le loyer de leurs chambres d'étudiant représente une grande partie des coûts à supporter, l'existence de logements d'étudiants à des prix abordables, assortis d'une certaine forme de sécurité de prix, peut influencer favorablement la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Les démocrates-chrétiens flamands veulent instaurer pour le preneur un droit au renouvellement de bail à l'échéance, ce qui permettrait aux étudiants de relouer leur chambre d'étudiant aux mêmes conditions. Ce droit est limité à quatre renouvellements.

Le bailleur peut refuser de renouveler le bail s'il est prévu que la chambre soit occupée par lui-même ou ses proches ou s'il met en vente, veut reconstruire, restaurer ou rénover le bien immobilier ou la partie que loue l'étudiant, en cas de manquements graves de l'étudiant ou faute de preuve que l'étudiant est régulièrement inscrit à une école ou une université.

Conformément à la loi sur les baux d'habitation, la garantie locative doit également être placée sur un compte bloqué, ouvert au nom du preneur auprès d'une institution financière.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article insère dans le Code civil une nouvelle section contenant des règles spécifiquement applicables à la location de chambres d'étudiant.

Art. 1er. — Cet article précise le champ d'application de la nouvelle section 2ter, à savoir la location d'une chambre, d'un appartement ou d'un studio qu'utilise un étudiant inscrit régulièrement pendant ses études et qui ne relève pas du champ d'application de la loi du 20 février 1991 sur les baux à loyer.

Art. 2. — Un logement loué à des fins d'étude doit offrir un minimum de confort dans le sens où le bien doit être sûr, salubre et habitable.

Une sanction est prévue en cas de non-respect de ces conditions minimales. Le preneur peut exiger que le bailleur réalise les travaux nécessaires pour rendre le bien sûr, salubre et habitable. En attendant, le juge peut accorder une réduction de loyer.

Le preneur peut également demander une révision du loyer lorsque la valeur locative normale est inférieure de 20 % au loyer réclamé. La décision du juge modifie également le montant du loyer pour les loyers déjà échus et payés. Pour éviter que le bailleur ne soit dans l'incertitude en ce qui concerne le loyer et que le preneur n'abuse de la mesure visant uniquement à récupérer les montants des loyers, le preneur doit introduire sa demande dans les trois mois de la conclusion du bail.

Cette mesure ne porte pas atteinte aux normes de qualité et de sécurité prévues par les différentes régions.

Art. 3. — Cet article fixe la durée des baux relatifs aux chambres d'étudiant.

Alors qu'auparavant, la période de location était généralement de dix mois, elle est aujourd'hui, dans la plupart des cas, de douze mois.

Un contrat de bail sur douze mois offre aux étudiants la meilleure garantie qu'ils pourront continuer à occuper leur chambre d'étudiant pendant une deuxième session éventuelle.

Art. 4. — Par analogie avec l'ancien article 10 de la loi susmentionnée du 20 février 1991 qui était d'application avant la modification législative du 25 avril 2007, il est prévu que la garantie locative doit être placée sur un compte bloqué et individualisé, ouvert au nom du preneur. Il ne peut être disposé de cette garantie et des intérêts qu'elle a générés qu'après accord écrit entre l'étudiant et le bailleur ou après une décision judiciaire.

La période d'essai ne peut être inférieure à un mois. Pour les étudiants ou leurs parents, en effet, une garantie constitue une charge énorme dans leur budget, une somme à débourser au début de l'année scolaire ou universitaire, au même moment que d'autres dépenses importantes, comme les frais d'inscription, l'achat de cours, etc.

Art. 5 à 8. — À l'heure actuelle, les loyers augmentent presque annuellement. Les étudiants louent généralement pour de courtes périodes et les bailleurs ont ainsi l'occasion de relever à chaque fois le loyer, même lorsqu'ils concluent un nouveau bail avec le même locataire. Par conséquent, la location entraîne souvent pour les étudiants et/ou leurs parents une charge financière à la fois lourde et incertaine.

Ces articles visent à instaurer une certaine sécurité et une certaine stabilité des prix. Ils se basent en partie sur les dispositions de la loi sur les baux commerciaux relatives au droit de renouveler le bail.

Tant que l'étudiant est aux études, le preneur peut prolonger le bail, chaque fois pour une durée de douze mois, quatre fois au maximum. À la fin de cette période, l'étudiant aura normalement terminé ses études. Afin d'éviter les abus, le preneur doit prouver que l'étudiant est inscrit régulièrement à une école ou une université.

Le preneur doit informer le bailleur par lettre recommandée de son souhait d'exercer son droit de renouveler le bail, au plus tard un mois avant la fin du bail.

Le renouvellement a lieu aux mêmes prix et conditions que ceux prévus dans le bail, moyennant une adaptation annuelle à l'indice des prix à la consommation.

Il est possible d'y déroger si la valeur locative normale a augmenté d'au moins vingt pour cent ou de dix pour cent si des travaux ont été effectués.

Le bailleur peut refuser le renouvellement si le preneur ne peut pas prouver que l'étudiant est encore aux études ou si lui-même ou une personne de sa famille proche souhaite occuper le bien loué. Le renouvellement peut également être refusé en cas de gros travaux à réaliser dans la chambre d'étudiant ou en cas de manquements graves dans le chef de l'étudiant. Le bailleur n'a le droit de refuser le renouvellement sans motivation que s'il paie au preneur une indemnité équivalente à trois mois de loyer.

Art. 9. — En prévoyant explicitement que les règles relatives à la location de chambres d'étudiant sont impératives, on attire l'attention sur le fait que les parties ne peuvent y déroger, sous peine de nullité relative.

Art. 10. — Les nouvelles dispositions s'appliqueront uniquement aux baux de chambres d'étudiant conclus après l'entrée en vigueur de la loi.

Les dispositions relatives au renouvellement du bail s'appliqueront néanmoins aussi aux baux en cours. Ainsi, les preneurs qui louent déjà une chambre d'étudiant avant l'entrée en vigueur de la loi, pourront également invoquer leur droit au renouvellement du bail au même prix et aux mêmes conditions.

Wouter BEKE.
Sabine de BETHUNE.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.
Tony VAN PARYS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré, dans le livre III, titre VIII, chapitre II du Code civil, une section IIter, intitulée:

« Section IIter. — Des règles particulières aux baux relatifs aux chambres d'étudiant.

Article 1er. — La présente section s'applique aux baux portant sur une chambre, un appartement ou un studio que l'étudiant régulièrement inscrit utilise pendant ses études et qu'il n'affecte pas à sa résidence principale.

Art. 2. — § 1er. Sous réserve de l'application des normes de qualité et de sécurité établies pour les chambres d'étudiant par l'autorité compétente, le bien loué répond aux exigences élémentaires de sécurité, de salubrité et d'habitabilité.

Cette condition s'apprécie par référence à l'état du bien au moment où l'étudiant entre en jouissance dudit bien.

§ 2. Si cette condition n'est pas remplie dans les trois mois de la conclusion du bail, le preneur a le choix soit d'exiger l'exécution des travaux nécessaires pour mettre le bien loué en conformité avec les conditions du § 1er, soit de demander une révision du loyer à compter de la date de la conclusion du bail s'il s'avère que la valeur locative normale du bien est inférieure de 20 % au moins au loyer demandé.

En attendant l'exécution des travaux, le juge peut accorder une diminution du loyer.

Art. 3. — Le bail est réputé avoir été conclu pour une période de douze mois.

Art. 4. — Si le preneur donne pour assurer le respect de ses obligations une garantie consistant en une somme d'argent, celle-ci ne peut excéder un montant équivalent à un mois de loyer.

Cette garantie est placée sur un compte individualisé, ouvert au nom du preneur auprès d'une institution financière. Les intérêts sont capitalisés et le bailleur acquiert un privilège sur l'actif du compte pour toute créance résultant de l'inexécution totale ou partielle des obligations du preneur.

Lorsque le bailleur est en possession de la garantie et s'abstient de la placer de la manière visée à l'alinéa 2, il est tenu de payer au preneur des intérêts au taux moyen du marché financier sur le montant de la garantie, à partir de la remise de celle-ci.

Ces intérêts sont capitalisés. Toutefois, à dater du jour où le preneur met en demeure le bailleur de satisfaire à l'obligation qui lui est imposée par l'alinéa 2, les intérêts dus sont les intérêts légaux sur le montant de la garantie.

Il n'est disposé du compte bancaire de garantie, tant en principal qu'en intérêts, au profit de l'une ou l'autre des parties que moyennant production soit d'un accord écrit, établi au plus tôt à la fin du bail, soit d'une copie d'une décision judiciaire. Cette décision est exécutoire par provision, nonobstant opposition ou appel, et sans caution ni cantonnement.

Art. 5. — Le preneur a le droit d'obtenir, par préférence à toute autre personne, le renouvellement de son bail pour une durée de douze mois lorsqu'il poursuit ses études, soit à l'expiration de celui-ci, soit à l'expiration du premier, à l'expiration du deuxième ou à l'expiration du troisième renouvellement. Ce droit est limité à quatre renouvellements.

Art. 6. — Sauf si la valeur locative normale du bien loué a augmenté de vingt pour cent au moins par le fait de circonstances nouvelles ou de dix pour cent au moins en raison de travaux effectués dans le bien loué, le loyer est renouvelé au même prix et aux conditions prévues dans le bail, étant entendu que le loyer de base est proportionnellement adapté au coût de la vie selon les règles visées à l'article 1728bis.

Art. 7. — § 1er. Le preneur désireux d'exercer le droit au renouvellement le notifie, à peine de déchéance, au bailleur par lettre recommandée, quatre mois au plus, deux mois au moins, avant l'expiration du bail en cours. Cette notification est accompagnée d'un document prouvant l'inscription régulière de l'étudiant dans une école ou une université. À défaut de notification par le bailleur, suivant les mêmes voies et dans le mois, de son refus motivé de renouvellement, le bailleur est présumé consentir au renouvellement du bail.

§ 2. Le bailleur peut se refuser au renouvellement du bail pour l'un des motifs suivants:

1º l'absence de preuve, produite par le preneur, de son inscription régulière en qualité d'étudiant dans une école ou une université;

2º sa volonté d'occuper le bien loué personnellement et effectivement ou de le faire occuper de telle manière par ses descendants, ses enfants adoptifs ou ses ascendants, par son conjoint, par les descendants, ascendants ou enfants adoptifs de celui-ci, par ses collatéraux ou par les collatéraux de son conjoint jusqu'au troisième degré.

La lettre recommandée par laquelle le bailleur notifie son refus mentionne l'identité de la personne qui occupera le bien et son lien de parenté avec le bailleur. À la demande du preneur, le bailleur apporte la preuve du lien de parenté. À défaut, le refus est réputé nul.

Le bien est occupé dans les douze mois qui suivent le refus du bailleur et reste occupé de façon effective et continue pendant un an au moins. Lorsque le bailleur, sans justifier de circonstances exceptionnelles, ne réalise pas l'occupation du bien dans les conditions et le délai prévus, le preneur a droit à une indemnité équivalente à trois mois de loyer.

3º son intention de reconstruire ou de rénover le bien loué en tout ou en partie, à condition que ces travaux:

a) respectent la destination des lieux telle qu'elle résulte des dispositions légales en matière d'urbanisme;

b) affectent le corps du logement occupé par l'étudiant;

c) soient d'un coût dépassant douze mois du loyer afférent au bien loué ou, si plusieurs biens loués sont affectés par les travaux, d'un coût dépassant deux années de loyer de l'ensemble de ces biens.

Le bailleur communique au preneur, soit le permis d'urbanisme qui lui a été octroyé, soit un devis détaillé, soit une description des travaux accompagnée d'une estimation détaillée de leur coût, soit un contrat d'entreprise.

Les travaux sont entamés dans les douze mois suivant la notification du refus par le bailleur.

Lorsque le bailleur, sans justifier de circonstances exceptionnelles, ne réalise pas l'occupation du bien dans les conditions et le délai prévus, le preneur a droit à une indemnité équivalente à trois mois de loyer.

Si le preneur le demande, le bailleur lui communique gratuitement les documents attestant la réalisation des travaux dans les conditions prévues au présent paragraphe;

4º les manquements graves de l'étudiant aux obligations qui découlent pour lui du bail en cours, en ce comprises la dépréciation du bien loué à concurrence de vingt pour cent au moins par le fait de l'étudiant et les modifications substantielles apportées sans l'accord du bailleur, ainsi que tout fait illicite de l'étudiant qui, apprécié objectivement, rend impossible la continuation des rapports contractuels entre le bailleur et le preneur.

§ 3. En dehors des cas visés au § 2, le bailleur peut refuser le renouvellement moyennant versement au preneur d'une indemnité d'éviction égale à trois mois de loyer.

Art. 8. — Lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail sans satisfaire aux conditions visées à l'article 7, le preneur peut, dans un délai d'un mois à compter du refus, s'adresser au juge qui peut encore accorder le renouvellement du bail.

Art. 9. — Les règles de la présente section sont impératives. »

Art. 3

Les articles 5 à 8 du livre III, titre VIII, chapitre II, section IIter, du Code civil, insérés par l'article 2, sont applicables aux baux conclus par les parties avant l'entrée en vigueur de la présente loi. ».

7 septembre 2009.

Wouter BEKE.
Sabine de BETHUNE.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.
Tony VAN PARYS.