4-1370/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

22 JUIN 2009


Proposition de résolution relative à la suppression de l'Ordre de Léopold, de l'Ordre de la Couronne et de l'Ordre de Léopold II

(Déposée par MM. Joris Van Hauthem et Hugo Coveliers)


DÉVELOPPEMENTS


Le 11 novembre 2006, Mme Sonia Gandhi, la femme la plus puissante de l'Inde, a reçu la décoration de Grand officier de l'Ordre de Léopold des mains de M. Verhofstadt, ancien premier ministre, et du baron Davignon dans la salle Horta du Palais des Beaux-Arts.

Ce geste de la Belgique a failli coûter sa carrière politique à Mme Gandhi. En effet, bien que l'Ordre de Léopold ait été institué par Léopold Ier et qu'il porte son nom, une certaine confusion entre Léopold Ier et Léopold II et les souvenirs laissés par la politique coloniale inhumaine de ce dernier ont suscité de vives protestations en Inde, pays symbole de la libération du colonialisme à l'échelle mondiale où la question du passé colonial reste sensible.

Cependant, c'est surtout le fait que l'acceptation de l'Ordre de Léopold revienne à jurer une fidélité indéfectible au Royaume de Belgique qui a été fatal à Mme Gandhi dans son pays. L'article 1er des statuts de la Société de l'Ordre de Léopold dispose en effet que cette société — et, dès lors, quiconque reçoit l'Ordre de Léopold — « professe un attachement indéfectible envers la Belgique et la monarchie ». Tant les adversaires que les alliés politiques de Sonia Gandhi ont vu dans cette situation une infraction à l'article 102 de la Constitution indienne, qui interdit aux mandataires politiques nationaux toute reconnaissance d'allégeance ou d'adhésion à un État étranger, et exigé qu'elle restitue cet ordre et qu'elle renonce à toutes ses fonctions politiques. Ce n'est qu'après deux ans et demi d'enquête et de débats que la commission électorale indienne a récemment décidé que Sonia Gandhi ne devait pas être suspendue de ses fonctions parlementaires pour avoir accepté le titre de Grand officier de l'Ordre de Léopold.

Ce malheureux exemple montre que les ordres nationaux et les ordres de chevalerie — qu'il s'agisse de l'Ordre de Léopold, de l'Ordre de la Couronne ou de l'Ordre de Léopold II — ne sont plus de ce temps. Avec leur relent de colonialisme inhumain, de féodalisme suranné et de loyauté déplacée à l'égard d'une famille bien précise, ils ne sont plus source que de honte et d'embarras à l'égard du reste du monde.

La présente résolution invite le gouvernement à mettre un terme à ces niaiseries d'un autre âge et à supprimer l'Ordre de Léopold, l'Ordre de la Couronne et plus particulièrement l'Ordre de ce génocidaire qu'était Léopold II.

Dans l'attente de cette décision, le service Protocole et Sécurité du SPF Affaires étrangères ne devrait plus pouvoir décerner d'ordres à des personnalités étrangères, afin d'éviter que celles-ci soient mises en cause dans leur pays d'origine. À titre accessoire, nous demandons également au gouvernement d'insérer dans la liste des articles de la Constitution qui seront soumis à révision au cours de la prochaine législature, l'article 114 de la Constitution, qui dispose que le Roi confère les ordres militaires.

Joris VAN HAUTHEM.
Hugo COVELIERS.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. vu les problèmes rencontrés par Mme Sonia Gandhi dans son pays d'origine par suite de sa nomination dans l'Ordre de Léopold;

B. vu la connotation coloniale et féodale négative attachée aux ordres nationaux et aux ordres de chevalerie;

C. vu la loyauté déplacée à l'égard de la Maison royale belge attendue de la part des titulaires de ces ordres;

demande au gouvernement fédéral:

1. de supprimer l'Ordre de Léopold, l'Ordre de la Couronne et l'Ordre de Léopold II;

2. dans l'attente de cette suppression, de ne plus décerner de décoration de l'Ordre de Léopold, de l'Ordre de la Couronne et de l'Ordre de Léopold II à des dignitaires étrangers;

3. d'inclure l'article 114 de la Constitution dans la liste des articles de la Constitution qui seront soumis à révision au cours de la prochaine législature.

17 juin 2009.

Joris VAN HAUTHEM.
Hugo COVELIERS.