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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 30 AVRIL 2009 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Questions orales

Question orale de Mme Joëlle Kapompolé au vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles sur «le fonctionnement du Comité de Stabilité Financière et son action en matière de liquidités» (nº 4-747)

Mme Joëlle Kapompolé (PS). - Le Comité de stabilité financière a été mis en place par la loi du 2 août 2002. Il est chargé d'examiner les questions d'intérêt commun à la Banque nationale et à la Commission bancaire financière et des assurances, la CBFA. Ces questions d'intérêt commun sont non exhaustives mais comprennent notamment l'obligation d'être attentif à la stabilité du système financier dans son ensemble. La crise foudroyante qui a frappé notre pays à partir du mois de septembre 2008 était une crise de liquidités. Le Comité de stabilité financière, le CSF, devait donc être particulièrement attentif à cet aspect.

Depuis juin 2007, on sait que le CSF organisait systématiquement un tour de table sur la stabilité du système financier belge. Il n'y a pourtant aucun rapport interne au CSF sur les risques de liquidités en 2007 et 2008. Il apparaît que ce n'est qu'à partir de la réunion du 7 janvier 2009 que le CSF a pu prendre connaissance de données chiffrées sur les grandes banques belges et leur position de liquidités.

Malgré l'excellent travail réalisé par la Commission spéciale, des questions restent toujours sans réponse et je reviens vers vous pour les obtenir.

Ne considérez-vous pas que cette absence de données chiffrées et de traces de délibérations illustre le manque de diligence de nos autorités de contrôle dans une de leurs missions centrales qui est de veiller à l'équilibre de notre système financier ?

J'ai lu votre réponse et vos interventions dans le cadre du débat qui s'est tenu hier sur les recommandations de la commission. Vous avez notamment dit en substance qu'il ne fallait pas se tromper de cible, néanmoins je me permets d'insister. Entre janvier et août 2008, le gouvernement a-t-il été informé de la position de liquidités de nos banques ? Si oui, par qui ?

Le paragraphe 3 de l'article 117 de la loi du 2 août 2002 avait prévu que le CSF puisse prendre des décisions selon des modalités à préciser par le Roi. Cet arrêté royal n'a pourtant jamais été adopté.

Pourquoi ? Qu'est ce qui justifie que le CSF ait fonctionné sur un mode aussi informel ?

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Nous avons longuement débattu de cette question, tant au Sénat qu'à la Chambre. Je suis malgré tout heureux que vous reveniez sur ce sujet, ce qui me donne l'occasion d'apporter des précisions au regard de la situation de confusion qui existe en cette matière.

Le rôle actuel du Comité de stabilité financière correspond à l'objectif que propose le rapport du Groupe de Larosière au niveau européen, c'est-à-dire un échange d'informations entre autorités microprudentielles et banques centrales. Nous avons donc sept ans d'avance par rapport à ces propositions.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire hier déjà en séance plénière, je propose d'aller plus loin et ce, même si dès à présent trois directeurs de la Banque nationale de Belgique siègent au comité de direction de la CBFA et ont accès à toutes les informations qui y sont discutées.

Je constate également que grâce à la loi de 2002, un lien institutionnel a été établi entre les organes de direction de la CBFA et de la Banque nationale. Avant cette loi, il n'existait aucun contact institutionnel, il faut voir à présent comment faire évoluer ce qui précède.

Quand on reprend les questions d'intérêt commun visées par cette loi de 2002 et appelées à être étudiées au sein du Comité de stabilité financière, on constate que depuis sa création, elles ont été systématiquement examinées et elles l'ont été davantage encore depuis la nomination des organes actuels, comme en attestent les rapports du CSF qui peuvent aisément être consultés sur son site.

Je me permets également de vous rappeler un passage du rapport de la commission spéciale que vous avez approuvé. Il en ressort qu'il n'y a pas eu de rétention d'information de la part de la CBFA, contrairement à des idées parfois répandues. Je cite le point 948 du rapport des experts : « Au niveau du `triangle magique' entre le contrôle microprudentiel, macroprudentiel et macroéconomique, nous n'avons pas constaté de déficit de communication ou d'information, contrairement à une croyance assez répandue ».

En ce qui concerne les dates de réunion auxquelles vous vous référez, je tiens à souligner que, comme ministre des Finances et apparemment contrairement à vous, je n'ai pas accès aux procès-verbaux approuvés par les membres du CSF mais je me permettrai de revenir sur cette question après avoir consulté mon représentant invité aux réunions du comité.

Je peux cependant déjà préciser qu'il résulte du rapport d'activité 2007 du CSF que la CBFA et la Banque nationale ont convenu dès 2005 de donner une plus grande priorité à la problématique de la gestion de la liquidité. La pertinence de cette préoccupation a été confirmée lors du déclenchement des turbulences sur les marchés financiers. Selon ce même rapport, la BNB et la CBFA ont approché conjointement les grands groupes bancaires actifs en Belgique afin d'approfondir l'examen du mode de gestion de leurs liquidités. Le risque de liquidité a, depuis la création du CSF, été englobé dans les discussions générales en son sein sur l'évolution des marchés financiers en Belgique et à l'étranger.

À partir de mai 2007, le CSF a procédé à l'examen de la situation des grandes banques individuelles, à l'initiative de la CBFA. Des informations ont également été échangées sur l'exposition des banques belges individuelles aux crédits subprimes et ce en complément des échanges portant sur des chiffres globaux et macro-économiques sur la situation du marché immobilier, pour l'ensemble des banques belges ou sur des données publiques. Des informations ont également été échangées sur la situation de liquidité des banques individuelles.

À partir de 2007, un représentant du ministre des finances a été associé à la partie des réunions du CSF consacrée aux échanges d'informations sur la situation individuelle des banques. Cela constitue d'ailleurs également un des avantages de la formule du CSF qui permet d'associer dans cette plate-forme nationale belge, sous la présidence du gouverneur de la Banque nationale, non seulement le contrôleur microprudentiel et la banque centrale mais aussi un représentant du Trésor. Cette plate-forme existe déjà et de nombreux États européens doivent nous envier.

Le gouvernement a été informé sur les positions de liquidité quand des situations à problèmes sont apparues. C'est ainsi que le président de la CBFA a demandé une réunion d'urgence du CSF le 26 septembre 2008. Je rappelle à cet égard la soudaineté de la crise de liquidité comme en atteste le rapport des experts. Et comme l'a régulièrement rappelé le président de la Banque centrale européenne.

Enfin et contrairement à votre lecture, l'article 117 de la loi du 2 août 2002 précise déjà les modalités de prise de décision du CSF et ceci n'impliquait donc pas l'adoption d'un arrêté royal. Il n'est donc pas exact de dire que le CSF aurait fonctionné de manière informelle au motif que les décisions y ont toujours été prises par voie de consensus et qu'une procédure formelle de vote n'a donc jamais été nécessaire. C'est de cette manière que travaille le gouvernement fédéral. J'en veux pour preuve les dix-sept accords de collaboration conclus entre la CBFA et la BNB dans tous les domaines, y compris l'utilisation des parkings et des restaurants.

Je souhaite renforcer cette formule de collaboration entre la CBFA et la Banque nationale à travers le CSF. Cette architecture, qui s'intègre dans celle proposée dans le rapport de Jacques de Larosière, est probablement la meilleure façon de faire coïncider le contrôle microprudentiel et le contrôle macroprudentiel mais également de donner un rôle direct à la trésorerie dans le suivi des dossiers.

Mme Joëlle Kapompolé (PS). - Je soutiens totalement le ministre dans sa volonté de renforcer les liens entre les contrôles microprudentiel et macroprudentiel. Cela figure d'ailleurs dans les recommandations. Le Comité de stabilité financière doit jouer un rôle efficace à cet égard.

Par contre, aucun PV n'a été dressé au sujet des tours de table relatifs à la stabilité financière du pays. Tout ceci relève d'un travail informel.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - J'ai simplement fait remarquer que je n'ai pas accès aux procès-verbaux du CSF. En lisant votre question, j'ai eu le sentiment que vous en disposiez. Le parlement examine souvent, à d'autres propos, la question de la circulation éventuelle d'informations confidentielles.

M. le président. - Cela devient en effet un grand sujet de préoccupation.

Mme Joëlle Kapompolé (PS). - Le problème vient de l'absence de procès-verbaux sur le tour de table concernant des liquidités.

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - Comment pouvez-vous affirmer ce genre de chose ? Je me renseignerai auprès des représentants au sein du CSF mais vous ne devez normalement pas avoir accès aux procès-verbaux du comité.

Suivre la stabilité financière des banques individuelles n'est pas une information qui doit se retrouver...

M. le président. - ... dans le public ...

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - ... ni probablement dans les mains des parlementaires, sauf si on imagine des formules de suivi ou d'accompagnement qui le permettent.

Cela dit, j'ai l'habitude de voir des documents confidentiels circuler et même servir de base à des questions parlementaires. Rassurez-vous donc, madame Kapompolé : vous n'êtes pas la seule dans le cas. Si, à l'avenir, on veut réellement associer le parlement au suivi de matières aussi délicates, il faudra apprendre à gérer ces dernières avec un minimum de confidentialité.

M. le président. - Y compris dans les commissions de suivi parlementaire de ces matières. Cela devient très préoccupant. Chaque fois que des réunions à huis clos se tiennent au parlement, on parle généralement de ce qui s'y est dit, le lendemain dans la presse. C'est totalement inadmissible et met souvent en danger des intérêts supérieurs de l'État, dans les domaines militaire, du renseignement ou financier.

Mme Joëlle Kapompolé (PS). - Je ne laisserai pas un ministre supposer que je dispose de documents confidentiels. Ce n'est pas du tout le cas. Il suffit de lire les rapports d'activité des institutions concernées. Ils précisent bien qu'il n'y avait pas de PV concernant ces aspects.