4-1299/1

4-1299/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

30 AVRIL 2009


Proposition de loi modifiant les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, afin d'en améliorer l'application, et le contrôle de celle-ci, par les administrations locales bruxelloises, les associations hospitalières et les zones de police

(Déposée par M. Joris Van Hauthem et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reproduit en grande partie une proposition de loi plus que louable qui avait été déposée sous la législature précédente par plusieurs collègues du VLD (doc. Sénat, nº 3-1008/1 - 2004/2005) mais qui n'avait pas encore été réintroduite à ce jour. Nous avons dès lors pris la liberté de la réintroduire nous-mêmes, de l'actualiser là où cela s'avérait nécessaire et de la compléter sur quelques points pour remédier définitivement à certains problèmes et imperfections auxquels la proposition de loi 3-1008/1 n'avait pas apporté de solution.

La coexistence de deux grandes communautés au sein d'un même État est source permanente de tensions. En Belgique, l'on a tenté de gérer ces tensions au niveau fédéral par le biais d'une série de garanties institutionnelles: lois à majorité spéciale, procédure de la sonnette d'alarme, composition paritaire du Conseil des ministres et parité dans les fonctions supérieures des autres institutions fédérales. En contrepartie, les mêmes techniques sont appliquées dans les institutions bruxelloises pour y protéger la minorité flamande.

En effet, Bruxelles, qui était initialement une ville majoritairement néerlandophone et qui l'est restée jusqu'au dix-neuvième siècle, est devenue un territoire principalement francophone. Le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale englobe les dix-neuf communes de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale. Cette situation fait que les dispositions des lois sur l'emploi des langues en matière administrative présentent un caractère un peu plus complexe pour les services locaux établis à Bruxelles-Capitale. Les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, qui constituent une des bases sur lesquelles repose ce plus grand équilibre institutionnel, visaient à organiser l'administration communale au sein des dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale dans le respect d'un strict bilinguisme, les deux communautés linguistiques étant traitées sur un pied d'égalité.

C'est ainsi que l'emploi des langues dans les services internes et dans les rapports avec d'autres services dépend de la localisation de l'affaire, laquelle est déterminée en fonction de différentes règles. Les avis, communications et formulaires destinés au public doivent être rédigés à la fois en français et en néerlandais. La même règle s'applique aux ordres de service, instructions au personnel, formulaires et imprimés à usage interne dans les services locaux de Bruxelles-Capitale. Les rapports avec les particuliers se font dans la langue de ces derniers, pour autant que cette langue soit le néerlandais ou le français, tandis que les actes relatifs aux particuliers, les certificats, les déclarations, les procurations et les autorisations sont rédigés en néerlandais ou en français, au gré de l'intéressé. En ce qui concerne les connaissances linguistiques du personnel, on peut dire en règle générale que tout candidat à une fonction ou un emploi dans un des services locaux bruxellois passe l'examen en néerlandais ou en français, selon la langue de l'enseignement qu'il a suivi. Les fonctionnaires supérieurs doivent réussir un examen de connaissance suffisante de la seconde langue; les fonctionnaires inférieurs, à l'exception du personnel de métier et ouvrier, doivent également réussir un examen de connaissance élémentaire de l'autre langue pour pouvoir être nommés. Toutefois, le personnel qui entre en contact avec le public, y compris le personnel de métier et ouvrier, doit toujours fournir la preuve d'une connaissance orale suffisante ou élémentaire de la seconde langue, adaptée à la nature de la fonction à assumer.

Enfin, lors du recrutement de leur personnel, les administrations des dix-neuf communes bruxelloises et celles des pouvoirs publics subordonnés à ces communes doivent répartir à parité entre les deux groupes linguistiques 50 % au moins des emplois à conférer.

Il va sans dire que les CPAS et les associations hospitalières de Bruxelles créées conformément aux chapitres XII et XIIbis de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS relèvent de l'application de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative.

Cette réglementation reflète la complexité de la région bilingue de Bruxelles-Capitale en tant que lieu de rencontre des néerlandophones et des francophones, le but étant de concilier le rôle des niveaux de pouvoir locaux majoritairement francophones avec le souci de garantir aux néerlandophones l'égalité d'accès aux services publics. Les lois sur l'emploi des langues en matière administrative constituent donc un instrument essentiel dans les rapports officiels entre les deux communautés linguistiques.

Explication des dispositions

Si l'on peut considérer que les lois sur l'emploi des langues en matière administrative dans la Région de Bruxelles-Capitale ont eu une incidence positive sur le statut du néerlandais, il subsiste toujours des discussions quant à certains de leurs aspects.

Du côté francophone, on n'est nullement d'accord sur le fait que le bilinguisme est également requis pour le personnel non statutaire, principalement contractuel, malgré les avis rendus à ce sujet par la Commission permanente de contrôle linguistique.

L'expression « contact avec le public » est également trop vague et conduit souvent à contourner les lois linguistiques, tout comme le terme « recrutement » et l'application de la règle des 25 % à l'ensemble du personnel, et non par catégorie et par service.

Contrôle des communes et des CPAS

Le contrôle du respect des lois sur l'emploi des langues en matière administrative pour les dix-neuf communes bruxelloises est confié au commissaire du gouvernement pour l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, dénommé vice-gouverneur. L'article 65 des lois précitées limite toutefois le pouvoir de contrôle du vice-gouverneur, dans la mesure où ce dernier ne peut que suspendre des nominations illégales, et non les annuler.

Au fil des ans, la tutelle administrative ordinaire des dix-neuf communes bruxelloises a été exercée par différentes instances. Avant 1980, il s'agissait d'une compétence fédérale; entre 1980 et 1988, cette compétence a été exercée par l'exécutif bruxellois de l'époque (qui faisait partie du gouvernement belge). En 1989, elle a été transférée aux autorités régionales (en vertu de l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, la Région de Bruxelles-Capitale dispose des mêmes compétences que la Région flamande et la Région wallonne, y compris en ce qui concerne les compétences en matière de tutelle administrative visées à l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles). En ce qui concerne les communes, l'accord de gouvernement a confié leur tutelle au président du gouvernement de Bruxelles-Capitale, tandis que le contrôle des CPAS est exercé conjointement par un ministre néerlandophone et un ministre francophone au sein du collège réuni de la Commission communautaire commune.

Cela signifie concrètement que la responsabilité finale en matière de contrôle du respect des lois sur l'emploi des langues en matière administrative au sein des pouvoirs subordonnés est entre leurs mains.

L'attitude de l'autorité de tutelle suscite toutefois des questions importantes. En effet, chacun sait que depuis que la tutelle sur les communes bruxelloises a été transmise, pour les matières en question, aux instances régionales bruxelloises, l'annulation de nominations illégales dans les administrations locales bruxelloises est pratiquement devenue lettre morte. Pire, les instances de tutelle régionales bruxelloises ont tout fait pour saboter totalement, et avec succès, l'application des lois sur l'emploi des langues à Bruxelles. On peut rappeler à cet égard l'accord dit de courtoisie linguistique conclu au sein du gouvernement bruxellois et qui n'est en fait rien d'autre qu'un accord permettant de fouler aux pieds la législation linguistique, qui s'est traduit dans les circulaires du 19 novembre 1997, des 18 et 19 juillet 2002 et des 14 et 29 octobre 2004. Bien que le Conseil d'État ait suspendu et finalement annulé ces circulaires (1) au motif qu'elles étaient manifestement contraires aux lois sur l'emploi des langues en matière administrative, dans les faits, les dispositions de ces circulaires sont toujours appliquées aujourd'hui, tant par le vice-gouverneur dans sa politique de suspension que par les instances de tutelle régionales bruxelloises dans leur politique d'annulation. Le Conseil d'État a en effet clairement affirmé que ni l'efficacité ni la continuité du service ne constituent des arguments valables permettant d'ignorer les lois sur l'emploi des langues en matière administrative (2) ; pourtant, le vice-gouverneur n'a toujours pas suspendu, pour ces motifs, des centaines de nominations illégales alors qu'il était donc tenu de le faire (3) . En ce qui concerne les instances de tutelle régionales bruxelloises, le Conseil d'État a affirmé tout aussi clairement que les nominations suspendues devaient obligatoirement être annulées par le ministre compétent ou par des membres du collège; comme cela sera démontré ci-après, en 2007, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, la réalité fut également tout autre. En agissant de la sorte, le vice-gouverneur et les instances de tutelle régionales bruxelloises ne tiennent tout simplement pas compte des arrêts pourtant parfaitement clairs de la plus haute juridiction du pays.

En raison notamment du dysfonctionnement des instances de tutelle, les administrations locales bruxelloises agissent donc en totale illégalité en ce qui concerne le respect des lois sur l'emploi des langues. Par conséquent, le bilinguisme des services pourtant prescrit par la loi, c'est-à-dire le bilinguisme du personnel, reste souvent lettre morte, et les néerlandophones sont privés de centaines d'emplois qui leur reviennent légalement par suite du non-respect des dispositions en matière de répartition des emplois entre les groupes linguistiques.

Le rapport annuel 2007 du vice-gouverneur, qui est le dernier actuellement disponible, en témoigne pour ce qui concerne l'année 2007 (4) :

Tableau 1: administrations communales 2007 (5)

Dossiers rentrés auprès du vice-gouverneur Dossiers suspendus par le vice-gouverneur et autres dossiers illégaux Dossiers annulés par le ministre compétent
1 457 930 3
100 % 63,8 %
100 % 0,3 %

Tableau 2: CPAS 2007 (6)

Dossiers rentrés auprès du vice-gouverneur Dossiers suspendus par le vice-gouverneur et autres dossiers illégaux Dossiers annulés par les membres du Collège compétents
1 176 1 023 1
100 % 87 %
0,1 %

La conclusion saute aux yeux. En 2007, près de 9 recrutements sur 10 effectués par les CPAS bruxellois étaient illégaux; dans les communes bruxelloises, ce fut le cas pour près de deux tiers de l'ensemble des nominations. À une exception près, la tutelle régionale bruxelloise n'a annulé aucune de ces nominations illégales.

Une comparaison des résultats pour 2007 avec ceux des années antérieures révèle qu'aucune amélioration n'a été apportée, comme en atteste le tableau ci-dessous.

Tableau 3: pourcentage du nombre de nominations illégales par les communes et les CPAS sur l'ensemble des nominations pour les années 1995-2007 (7)

Année Communes CPAS
1995 27 % 36 %
1996 22 % 50 %
1997 21,50 % 44 %
1998 26 % 73 %
1999 31,50 % 75 %
2000 33 % 69 %
2001 49,50 % 82 %
2002 58 % 81 %
2003 59 % 82,50 %
2004 60 % 88 %
2005 61,50 % 90 %
2006 61,50 % 91 %
2007 64 % 87 %

L'évolution est claire: sous l'influence de l'accord dit de courtoisie linguistique, dont l'application s'est fait ressentir à partir de 1998, le nombre de nominations illégales dans les CPAS a fortement augmenté. À la suite de cet accord, le nombre de nominations illégales dans les communes a également connu une forte augmentation linéaire, dont le point culminant provisoire a été atteint en 2007. Manifestement, le fait que le Conseil d'État a suspendu en 2003, puis annulé en 2006, les circulaires exécutant l'accord de courtoisie linguistique n'a nullement freiné les nominations illégales dans les administrations locales bruxelloises.

Le rapport du vice-gouverneur reste muet sur le nombre de nominations illégales que les instances de tutelle régionales bruxelloises ont annulées, à l'exception des données pour l'année 2007. L'on peut néanmoins tenir pour acquis que le nombre de ces annulations est chaque année proche de zéro.

En ce qui concerne la répartition des emplois entre les groupes linguistiques, le vice-gouverneur ne fournit dans son rapport que les chiffres pour les fonctions supérieures, où la parité est prévue. Il en ressort que d'après les dernières données disponibles (8) , le rapport serait de 161 francophones (55,3 %) pour 130 néerlandophones (44,7 %). On ne peut donc nullement parler de parité étant donné que les néerlandophones sont privés de 15 fonctions supérieures.

Quant aux emplois subalternes, le vice-gouverneur ne fournit aucune donnée. Toutefois, la réponse fournie à une question parlementaire du député bruxellois Dominiek Lootens nous apprend que pour ce qui concerne les communes uniquement, en avril 2006, 1063 emplois de trop ont été attribués à des francophones, partant de la disposition légale qui prévoit que 25 % au moins des emplois doivent revenir à chaque groupe linguistique (9) . Ici aussi, les néerlandophones sont donc largement spoliés des emplois qui leur reviennent. Nous n'avons pas connaissance des données concernant les CPAS mais un phénomène similaire s'y produit à n'en pas douter.

D'une manière générale, on peut donc conclure que le bilinguisme obligatoire des services des administrations locales bruxelloises représente une fiction vu la nomination massive, en toute impunité, de personnel essentiellement francophone unilingue dans ces services. Dans le prolongement de ce qui précède, il faut constater que les néerlandophones sont peut-être privés de quelques milliers d'emplois auxquels ils ont droit en vertu de la loi. Si une telle discrimination a pu exister au cours des dernières années et peut encore se maintenir aujourd'hui, c'est à cause de l'inertie totale du vice-gouverneur et surtout des instances de tutelle régionales bruxelloises, qui n'exercent pas la surveillance comme il se doit. Comme en atteste le rapport du vice-gouverneur pour l'année 2007, même l'annulation par le Conseil d'État, en 2006, des circulaires exécutant l'accord dit de courtoisie linguistique, n'a pas ramené ces institutions à de meilleurs sentiments en ce qui concerne l'application des lois sur l'emploi des langues et leur rôle en tant qu'autorités de tutelle. De ce fait, il règne à Bruxelles une situation de non-droit total dans ces matières. Les victimes de ces discriminations sont essentiellement les Flamands, et plus particulièrement les Flamands bruxellois.

Associations hospitalières et zones de police

Enfin, il y a également lieu d'inclure explicitement dans la législation sur l'emploi des langues en matière administrative les « nouvelles entités » que sont les associations hospitalières et les zones de police.

Le 1er janvier 1996, les hôpitaux publics, qui étaient précédemment gérés par les CPAS, ont été regroupés au sein d'une nouvelle structure et dotés d'un régime spécifique de tutelle administrative. Un certain nombre d'« associations locales » ont été créées pour exploiter et gérer un ou plusieurs hôpitaux. L'activité hospitalière est coordonnée et contrôlée par une association faîtière, créée conformément au chapitre XII de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale. Le personnel a été repris par l'association hospitalière.

Dans l'exposé des motifs de l'ordonnance y afférente, on peut lire que « l'assouplissement des règles de la tutelle générale ne change en aucun point la tutelle prévue par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative ». Et dans le rapport correspondant, il est précisé ce qui suit: « On applique aux structures locales le régime linguistique des communes et des CPAS ». Dans la pratique, force est toutefois de constater que les actes portant recrutement de personnel par les associations hospitalières ne sont plus transmis au vice-gouverneur.

L'arrêté royal du 28 avril 2000 déterminant la délimitation du territoire de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale en zones de police a créé six zones de police au sein desquelles le conseil de police exerce les compétences du conseil communal des différentes communes de la zone de police et recrute et nomme le personnel. Le (nouveau) personnel de la zone de police est soumis à la condition de bilinguisme et le vice-gouverneur exerce la tutelle sur les recrutements. Pour les agents qui étaient déjà en service à la date d'entrée en vigueur, un projet d'arrêté royal prévoit un régime transitoire.

Objectifs poursuivis

La présente proposition vise à apporter une solution à tous ces problèmes. Elle précise à quelles institutions et à quels agents les lois sur l'emploi des langues en matière administrative sont applicables, tout en en renforçant le caractère contraignant desdites lois.

Elle renforce en outre le contrôle du respect des lois sur l'emploi des langues en matière administrative en tant qu'elle supprime la levée automatique après un délai de quarante jours des suspensions dont les autorités concernées ont pris connaissance.

Les autres propositions de modification concernant le contrôle de l'application des lois sur l'emploi des langues en matière administrative font l'objet d'une proposition de loi spéciale.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article confirme explicitement la jurisprudence de la Commission permanente de contrôle linguistique, selon laquelle les lois sur l'emploi des langues en matière administrative sont applicables aux hôpitaux publics et à toutes leurs composantes, ainsi qu'aux associations hospitalières locales qui ont été créées conformément au chapitre XII de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, dénommées ci-après associations hospitalières.

Cette disposition garantit que dans ces hôpitaux, tout patient hospitalisé pourra toujours être servi dans sa langue.

Article 3

Dans son arrêt nº 28 387 du 2 juillet 1987, le Conseil d'État, section d'administration, a confirmé la thèse selon laquelle lors de la rédaction de l'article 21 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, on n'avait fait aucune distinction entre la nomination temporaire, la nomination provisoire, la nomination définitive ou la nomination à l'essai. Par « nomination » au sens de l'article de loi susvisé, il faut entendre « tout apport de personnel, tant par une nomination temporaire, une nomination provisoire ou une autre nomination non définitive, à titre de stage ou à titre définitif ». Selon la jurisprudence constante de la Commission permanente de contrôle linguistique, il faut entendre par « nomination ou désignation », « tout apport de personnel nouveau, peu importe s'il s'agit de personnel définitif, provisoire, stagiaire, temporaire ou contractuel, ainsi que tout apport de personnel nouveau par transfert, mutation, promotion et désignation à exercer certaines fonctions. » (10) .

La disposition proposée fournit une base légale à cette conception. En outre, elle établit clairement que le personnel contractuel et les agents auxiliaires, ainsi que par exemple les médecins (et les autres membres du personnel médical) des associations hospitalières sont soumis à l'application des lois sur l'emploi des langues en matière administrative.

Cet article prévoit par ailleurs que dans les services en question, tout le monde doit satisfaire à la condition de bilinguisme, parce que quiconque travaille dans un service public est censé entrer en contact avec le public. Il y a lieu de justifier, par un examen oral, d'une connaissance suffisante ou élémentaire de la seconde langue, adaptée à la fonction.

Enfin, cet article vise à ce que soient toujours répartis, à parité entre les deux groupes linguistiques, au niveau communal ainsi qu'au sein des associations hospitalières et des zones de police, 66 % au moins des emplois, et ce, dans chaque service et dans chaque catégorie de personnel, et sur la base de l'effectif réel. L'on se départit ainsi de la réglementation légale qui a prévalu jusqu'à présent et de la jurisprudence constante correspondante du Conseil d'État, selon laquelle ce rapport porte sur les emplois à conférer. Actuellement, pour déterminer concrètement ce pourcentage, il faut effectivement comptabiliser le nombre d'emplois conférés depuis l'entrée en vigueur des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, en 1963 (11) . Ceci complique singulièrement, voire rend totalement impossible, l'application desdites lois et le contrôle de celles-ci, étant donné que la majorité des communes n'effectuent plus ces comptages depuis bien longtemps. C'est la raison pour laquelle, pour déterminer ces rapports, nous mettons désormais en avant comme alternative l'effectif réel au moment où un emploi est à conférer. Au lieu de situer la répartition des emplois sur le plan des recrutements, la présente proposition la situe donc sur le plan de l'effectif réel au moment de chaque recrutement.

Article 4

Cet article habilite le Roi à fixer les modalités requises pour faire respecter la loi sur l'emploi des langues en matière administrative par les firmes privées de transport des malades dans le cadre de la loi sur l'aide médicale urgente. On vise de la sorte à conférer une base légale à un avis de la Commission permanente de contrôle linguistique (11 mai 2000), selon lequel « le SMUR et le service des urgences d'une clinique privée, agréés par les pouvoirs publics compétents en matière d'aide médicale urgente, sont chargés d'une mission qui dépasse celle d'un établissement privé au sens de l'article 1er, § 1er, 2º, des lois sur l'emploi des langues en matière administrative. Il en résulte que, dans la mesure du possible, ces services sont tenus de respecter la langue des patients qui leur sont confiés par le service 100 sur la base de la loi du 8 juillet 1964 relative à l'aide médicale urgente et de l'arrêté royal du 2 avril 1965 organisant l'aide médicale urgente ».

Article 5

La force contraignante de la législation sur l'emploi des langues en matière administrative constitue également un problème important. Les sanctions actuelles sont principalement la peine disciplinaire pour le fonctionnaire qui ne respecte pas cette législation et la nullité de l'acte juridique qui la transgresse.

Mais cela ne suffit pas. L'article proposé ajoute dès lors une sanction pénale: une infraction aux lois sur l'emploi des langues en matière administrative exposera à des peines correctionnelles s'il est constaté que lesdites lois sont enfreintes à plusieurs reprises par un même fonctionnaire.

Article 6

Le contrôle du respect des lois sur l'emploi des langues en matière administrative pose de gros problèmes, comme il est apparu dans les développements. Les actes administratifs en général et les recrutements en particulier sont communiqués à grand-peine — trop tard, voire pas du tout — à l'autorité de tutelle. La sanction de la nullité de plein droit est très utile à cet égard.

C'est pourquoi cet article impose à l'autorité l'obligation de constater explicitement et d'office pour tout acte juridique ou règlement administratif que celui-ci est conforme aux lois coordonnées. De ce fait, tous les actes et règlements administratifs contraires par la forme ou le fond aux lois sur l'emploi des langues en matière administrative seront nuls de plein droit.

Article 7

Cet article étend le pouvoir de tutelle du vice-gouverneur aux zones de police et aux centres publics d'action sociale de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, ainsi qu'aux associations hospitalières dont l'activité s'étend à une ou plusieurs communes de l'arrondissement administratif.

Article 8

Cet article étend l'obligation de transmettre les actes relatifs à l'emploi des langues aux zones de police et aux centres publics d'action sociale de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, ainsi qu'aux associations hospitalières dont l'activité s'étend à une ou plusieurs communes de l'arrondissement administratif.

Pour permettre réellement à l'autorité de tutelle de vérifier que lors d'un recrutement de personnel, la répartition des emplois entre les groupes linguistiques est bien respectée, ces administrations sont désormais tenues, en pareil cas, de communiquer à chaque fois l'effectif réel, ventilé par groupe linguistique.

Article 9

Cet article étend la compétence suspensive du vice-gouverneur aux actes des zones de police et des centres publics d'action sociale de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale ainsi qu'à ceux des associations hospitalières dont l'activité s'étend à une ou plusieurs communes de l'arrondissement administratif.

De plus, on ne prévoit plus de levée automatique, après un délai de quarante jours, des suspensions du vice-gouverneur dont les autorités ont pris connaissance.

Joris VAN HAUTHEM.
Nele JANSEGERS.
Yves BUYSSE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est inséré, à l'article 1er, § 1er, des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, un 7º rédigé comme suit:

« 7º aux hôpitaux publics et à toutes leurs composantes, ainsi qu'aux associations hospitalières créées conformément au chapitre XII de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, dénommées ci-après associations hospitalières ».

Art. 3

À l'article 21 des mêmes lois coordonnées sont apportées les modifications suivantes:

1º au § 1er, les mots « qui sollicite une fonction ou un emploi » sont remplacés par les mots « à une fonction ou un emploi, quelles que soient la nature et la durée du lien de service »;

2º au § 5, les mots « être nommé ou promu à un emploi ou à une fonction mettant son titulaire en contact avec le public » sont remplacés par les mots « occuper un emploi public »;

3º le § 7, alinéa 1er, est remplacé par la disposition suivante:

« § 7. Lors du recrutement de leur personnel, les administrations des communes, des personnes publiques subordonnées aux communes, ainsi que des associations hospitalières et des zones de police, sont tenues de veiller à toujours répartir à parité entre les deux groupes linguistiques 66 % au moins des emplois à conférer, et ce dans chaque service et dans chaque catégorie de personnel de l'effectif réel. »

Art. 4

L'article 50 des mêmes lois coordonnées est complété par l'alinéa suivant:

« Le Roi fixe en particulier les modalités auxquelles doivent satisfaire, en application des présentes lois coordonnées, dans le cadre de l'aide médicale urgente, le transport des malades, les services mobiles d'urgence et les services des urgences, ainsi que les services des soins urgents spécialisés agréés. »

Art. 5

L'article 57 des mêmes lois coordonnées est complété par un troisième et un quatrième alinéas, rédigés comme suit:

« Sans préjudice des articles 269 à 274 du Code pénal, lorsqu'il est constaté à plusieurs reprises que, par des ordres ou des actes, des dépositaires de l'autorité publique et des fonctionnaires éludent ou tentent de rendre inopérantes les dispositions des présentes lois coordonnées, la violation de celles-ci est punie d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de vingt-six euros à cinq cents euros ou d'une de ces peines seulement.

Les dispositions du livre Ier du Code pénal, à l'exception du chapitre V, mais y compris le chapitre VII et l'article 85, sont applicables aux infractions visées par les présentes lois coordonnées. »

Art. 6

L'article 58 des mêmes lois coordonnées est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 58. L'autorité constate expressément et d'office, pour tout acte juridique ou règlement administratif, que celui-ci respecte les présentes lois coordonnées. Les actes et règlements administratifs contraires par la forme ou par le fond auxdites lois coordonnées sont nuls de plein droit. »

Art. 7

À l'article 65, § 1er, alinéa 1er, des mêmes lois coordonnées, les mots « dans les communes de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale » sont remplacés par les mots « dans les communes, les centres publics d'action sociale et les zones de police de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, ainsi que dans les associations hospitalières dont l'activité s'étend à une ou plusieurs communes de cet arrondissement ».

Art. 8

L'article 65, § 2, des mêmes lois coordonnées est remplacé par la disposition suivante:

« § 2. Les bourgmestres des communes de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, les présidents des collèges de police de cet arrondissement, les présidents des centres publics d'action sociale de cet arrondissement et les fonctionnaires dirigeants des associations hospitalières dont l'activité s'étend à une ou plusieurs communes de cet arrondissement transmettent au vice-gouverneur, dans la huitaine, des expéditions des actes qui concernent directement ou indirectement l'application des lois et règlements sur l'emploi des langues en matière administrative. S'il s'agit d'un acte établi conformément à l'article 21 de ces lois coordonnées, ces expéditions sont accompagnées de l'effectif réel en vigueur à ce moment, ventilé par groupes linguistiques, au niveau du service, de la catégorie de personnel et de l'effectif total de l'administration à laquelle les actes se rapportent. »

Art. 9

L'article 65, § 3, des mêmes lois coordonnées est remplacé par la disposition suivante:

« § 3. Le commissaire du gouvernement de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, vice-gouverneur, peut, par arrêté motivé, suspendre l'exécution de l'acte par lequel une autorité ou une instance viole les lois et/ou les règlements sur l'emploi des langues en matière administrative dans les communes, zones de police, centres publics d'action sociale ou associations hospitalières, placés sous sa tutelle en vertu du § 1er.

L'arrêté de suspension doit intervenir dans les quarante jours de la réception de l'acte au gouvernement; il est immédiatement notifié à l'autorité ou l'instance dont l'acte émane.

L'autorité ou l'instance dont l'acte a été régulièrement suspendu peut retirer ou justifier celui-ci. »

25 mars 2009.

Joris VAN HAUTHEM.
Nele JANSEGERS.
Yves BUYSSE.

(1) Arrêts du Conseil d'État no 118 134 du 8 avril 2003, 143 469 du 21 avril 2005, 156 436 du 16 mars 2006 et 161 084 du 7 juillet 2006.

(2) Il s'agit notamment de l'arrêt du Conseil d'État no 118 134 du 8 avril 2003, p. 11.

(3) Cela est en tout cas attesté par le rapport annuel 2007 du vice-gouverneur lui-même, dans lequel on peut constater qu'en 2007, il a accepté pour ces motifs 845 nominations illégales au lieu de les suspendre. Voyez la référence dans la note de bas de page, p. 6.

(4) Rapport du vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale pour l'année 2007, 77 p.

(5) Rapport, pp. 6 et 18. Les chiffres relatifs aux annulations doivent être donnés sous réserve parce que le vice-gouverneur indique lui-même qu'il n'en a pas une vue d'ensemble. Cependant, la réalité ne sera pas très éloignée du chiffre indiqué.

(6) Voir la note en bas de page précédente.

(7) Estimations personnelles sur la base des données figurant dans le rapport, p. 60.

(8) Rapport, p. 72. Le caractère actuel de ces données varie néanmoins selon les communes: les données les plus anciennes remontent au 11 avril 2005 et les plus récentes datent du 31 décembre 2007.

(9) Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, session ordinaire 2005-2006, Questions et Réponses, no 18 du 15 mai 2006, pp. 23-25. La situation la plus criante est celle de la commune d'Auderghem, où seulement 5,2 % des emplois de grade inférieur sont occupés par des néerlandophones, au lieu du pourcentage minimum de 25 %. Ce n'est certainement pas non plus un hasard si l'une des communes qui obtient les plus mauvais scores est celle de Saint-Gilles, avec 6,68 % de fonctionnaires néerlandophones. C'est la commune dont le ministre-président actuel, Charles Picqué, fut bourgmestre pendant des années et dont il est actuellement toujours « l'homme fort »; M. Picqué est également le ministre compétent pour l'annulation des nominations illégales intervenues dans les communes et qui ont été suspendues par le vice-gouverneur...

(10) Voir entre autres: l'avis nº 23 018 du 13 juin 1991, l'avis no 23 126 du 24 octobre 1991 et l'avis no  25 080 du 15 septembre 1993.

(11) Conseil d'État, arrêt no 20 597 du 30 septembre 1980.