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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 23 AVRIL 2009 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Marc Elsen à la ministre de la Politique de Migration et d'Asile sur «le traitement des demandes de visas « court séjour » par l'Office des étrangers» (nº 4-842)

M. le président. - Mme Julie Fernandez Fernandez, secrétaire d'État aux Personnes handicapées, adjointe à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, répondra.

M. Marc Elsen (cdH). - Lors d'une demande de visa pour un court séjour - en l'occurrence de trois mois - en Belgique, l'Office des étrangers examine les moyens de subsistance du demandeur. Quand ce dernier n'est pas en mesure de démontrer sa solvabilité, il peut produire un engagement de prise en charge : un citoyen belge ou étranger résidant en Belgique se porte garant de son entretien durant son séjour sur notre territoire. L'État ne devra donc pas supporter les frais de soins de santé et/ou de rapatriement éventuels de cette personne.

D'après le rapport annuel 2008 du Médiateur fédéral, il ressort que des plaintes ont été déposées pour non-respect de ce règlement par l'Office des étrangers. Il arrive en effet que l'Office des étrangers refuse un visa « court séjour » au motif que le demandeur ne démontre pas des moyens de subsistance propres suffisants alors qu'un engagement de prise en charge a été produit.

L'Office des étrangers se justifie en déclarant qu'il s'agit là d'une formule standard qu'il utilise lorsqu'il y a, selon lui, un risque d'établissement, c'est-à-dire lorsque le demandeur n'a aucun intérêt économique ou familial à rester dans son pays.

D'après le Médiateur fédéral, l'Office reconnaît qu'aucun moyen de subsistance propre ne peut être demandé lorsqu'il y a un garant. Il se serait même « engagé à réfléchir à une autre formulation pour motiver les décisions de refus d'une manière plus appropriée lorsqu'il estime qu'il y a risque d'établissement ».

Madame la ministre, avez-vous pris connaissance du rapport annuel 2008 du Médiateur fédéral ?

Confirmez-vous la situation que je viens de décrire ? Comment une telle situation est-elle possible ? L'Office des étrangers n'est-il soumis à aucune autre règle que celles de la machinerie administrative ? Concrètement, comment se passe le refus d'attribution de visa ? Le demandeur se voit-il adresser un courrier qui exprime explicitement et sans complexe la contradiction ci-dessus décrite ?

L'Office s'engage, dit-il, à réfléchir à un autre type de formule lorsqu'il doit refuser la demande de visa, estimant que le demandeur risquait de s'établir sur notre territoire. N'y a-t-il pas lieu de l'aider dans cette réflexion ? Avez-vous pris des initiatives en ce sens ?

Enfin, quels sont les critères sur lesquels se base l'Office des étrangers pour décréter qu'il y a risque d'établissement sur notre territoire du demandeur de visa « court séjour » ?

Mme Julie Fernandez Fernandez, secrétaire d'État aux Personnes handicapées, adjointe à la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique. - Je vous lis la réponse de la ministre.

J'ai en effet pris connaissance du rapport annuel 2008 du Médiateur fédéral.

Pour répondre à votre préoccupation, il faut savoir que le fait de présenter un engagement de prise en charge souscrit par un garant solvable en Belgique n'est pas une condition suffisante pour obtenir un visa de court séjour.

À côté de la couverture financière nécessaire pour faire face aux frais de séjour et de voyage, qui peut effectivement être fournie soit par un engagement de prise en charge, soit par la preuve de moyens d'existence propres, le demandeur de visa doit également pouvoir donner toutes les assurances quant à son retour dans le pays d'origine à l'issue du visa.

Il s'agit là d'une condition qui est explicitement reprise dans la réglementation Schengen. L'Office des étrangers motive ses décisions en référence à l'article 15 de la Convention d'application de l'accord de Schengen. Les conditions qu'il faut remplir pour obtenir un visa de court séjour sont toutefois énumérées et explicitées dans les Instructions consulaires communes aux 25 États Schengen, qui constituent la réglementation de base en matière de délivrance d'un visa Schengen.

Ces instructions prévoient comme condition préalable à la délivrance d'un visa une appréciation du risque migratoire de la part du poste diplomatique, qui vise à détecter, selon les termes de l'instruction, « les candidats à l'immigration qui cherchent à pénétrer et à s'établir dans le territoire des États membres sous le couvert de visa pour tourisme, affaires, études, travail ou visite à des parents ».

Ces instructions mettent en garde les postes contre « les populations à risque, c'est-à-dire les chômeurs, les personnes démunies de ressources stables » qui sont potentiellement des candidats à l'immigration. Ceci explique la motivation de l'Office des étrangers par rapport aux « moyens d'existence » du demandeur.

En vertu de ces instructions, la représentation diplomatique belge, à l'instar des autres représentations Schengen, vérifiera concrètement la demande de visa, l'identité et le document de voyage du demandeur de visa, les pièces justificatives qu'il présente pour soutenir sa demande mais également sa situation socioprofessionnelle.

Si le requérant d'un visa satisfait à toutes les conditions énumérées dans les instructions consulaires communes, il obtiendra d'office un visa du poste diplomatique. Par contre, si ce dernier a un doute ou si les conditions de délivrance du visa ne sont pas remplies, il soumet la demande pour décision à « l'autorité centrale », c'est-à-dire l'Office des étrangers. Les postes diplomatiques ne sont en effet pas habilités à refuser un visa, vu la compétence relative à l'accès au territoire.

Si l'Office des étrangers décide de refuser le visa, les motifs du refus sont transmis par voie électronique au poste diplomatique qui notifie la décision au requérant. La Belgique motive toutes ses décisions en droit et en fait et indique les possibilités de recours, alors que ce type de visa ne constitue pas un droit.

Mon administration et mes collaborateurs ne manqueront pas d'être attentifs à la formulation que doit revêtir le refus de visa dans ce cas de figure.

M. Marc Elsen (cdH). - La réponse de la ministre m'étonne et me laisse quelque peu dubitatif. Je ne remets pas en cause l'accord de Schengen. Toutefois, les critères auxquels recourt l'Office des étrangers pour établir le risque d'établissement sur le territoire me paraissent plutôt catégoriques, même si l'on peut comprendre que se manifeste une certaine « suspicion ». Figure en effet parmi ces critères le fait que les personnes concernées seraient des chômeurs ou ne posséderaient pas de ressources stables.

On peut lire dans le rapport annuel 2008 du Médiateur fédéral : « L'Office reconnaît qu'aucun moyen de subsistance propre ne peut être demandé lorsqu'il y a un garant ». Cette réponse de l'Office des étrangers me paraît en contradiction avec une partie de votre réponse.

Toujours selon le rapport du Médiateur fédéral, l'Office se serait engagé à réfléchir à « une autre formulation pour motiver les décisions de refus d'une manière plus appropriée lorsqu'il estime qu'il y a un risque d'établissement ». Il ne faut donc pas simplement s'arrêter aux considérations strictes que vous avez citées. Il convient d'aller plus loin. Aussi nous ne manquerons pas de revenir sur cette question, sur la base d'un rapport officiel du Médiateur fédéral.