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M. Alain Courtois (MR). - Je commencerai par un exemple concret, un cas vécu. Une personne est condamnée, par défaut, à treize mois de détention pour violence familiale. Elle est interceptée et arrêtée par la police de Bruxelles et conduite à la prison où elle fait opposition. Le directeur de cette prison déclare qu'en raison de l'absence de places disponibles, il fera en sorte que le condamné se voit placer un bracelet électronique dans les plus brefs délais.
Monsieur le ministre, vous dirigez le département de la Justice depuis trois mois. Existe-t-il une volonté de changer la situation actuelle et de mener une profonde réflexion sur l'exécution des peines ?
La lecture des circulaires de l'administration pénitentiaire - pardon, on dit désormais le SPF Justice - est édifiante. En résumé, une personne condamnée à trois ans de prison reçoit la consigne de revenir dans quatre mois, moment où il sera peut-être possible de lui placer un bracelet électronique. Dès lors, je pose la question : les peines de trois ans de prison sont-elles encore exécutées dans notre pays ?
Mon expérience de quelques années au parquet de Bruxelles me permet de savoir que les faits qui conduisent à une peine de trois ans de prison sont extrêmement graves. Dans le passé, il a été décidé de ne plus faire exécuter les peines de moins d'un an. Ensuite ce fut le cas pour les peines de moins de deux ans. Aujourd'hui, on n'exécute plus les peines inférieures à trois ans. Je me demande où cela va nous mener.
En effet, les magistrats qui prononcent ces peines risquent, selon moi à juste titre, de « gonfler » le nombre de détentions préventives, afin d'être sûrs que les auteurs de délits fassent au moins un peu de prison. Et les mandats d'arrêt risquent de se multiplier pour les mêmes raisons.
Monsieur le ministre, je vous demande de réfléchir fondamentalement à cette problématique car il en va de la crédibilité du système judiciaire. Des magistrats ont écrit des mots très durs en parlant de mascarade de justice ; cela ne peut plus se reproduire.
Pour conclure, prenons l'exemple d'une personne qui reçoit un avertissement pour mauvais stationnement. Elle aura ensuite quinze euros à payer qui deviendront rapidement 50 euros, en cas de défaut de payement. Enfin, elle recevra une sommation, puis la visite de l'huissier, puis sera convoquée devant le tribunal de police, etc. Situation aberrante, s'il en est, où celui qui se rend coupable d'un mauvais stationnement sera poursuivi sans relâche tandis que le condamné à trois ans de prison pour des faits forcément graves - car-jacking, sac-jacking - bénéficiera d'une légèreté incompréhensible.
Monsieur le ministre, pouvons-nous espérer une avancée prochaine dans le domaine de l'exécution des peines ?
M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice. - Je ne cesse de réfléchir aux problèmes de la Justice. Chaque jour, d'autres dossiers se présentent. Parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui concernent l'exécution des peines, l'emprisonnement et les problèmes dans les prisons belges, notamment à Namur et à Bruges, sans oublier la surpopulation pénitentiaire. La situation est paradoxale avec, d'une part, un sentiment de non-exécution des peines et, d'autre part, un total de 10 331 personnes détenues en prison, le chiffre maximal que la Belgique ait jamais connu. L'exécution des peines conduit dont un plus grand nombre de personnes en prison qu'auparavant.
Nous cherchons des solutions aux différents problèmes. La question mérite un large débat et je me suis engagé à présenter une note sur l'exécution des peines ainsi qu'une nouvelle note d'orientation. En 1997, j'avais d'ailleurs déjà présenté une note qui évoquait toutes les possibilités et qui, heureusement, a été suivie d'effets.
L'un des problèmes est celui des peines alternatives. Actuellement, il y en a environ 10 000 et nous nous heurtons en quelque sorte aux limites du système dont la praticabilité n'est pas toujours évidente.
Un autre problème est celui de la surveillance électronique. Actuellement, 722 personnes sont sous surveillance électronique alors qu'il avait été prévu d'atteindre un total de 1 000 personnes. Demain, la nouvelle procédure pour le nouveau grand contrat de surveillance électronique sera présentée au conseil ministres. Il faudra faire appel aux nouvelles technologies et élargir le contrat pour augmenter les possibilités.
Il convient aussi de réfléchir à la proportion entre le pourcentage de détenus en détention préventive, qui est de 40%, et le pourcentage de détenus ayant été condamnés, qui est de 60%. Avec de tels chiffres, la Belgique est en quelque sorte le champion européen de la détention préventive. Il faut trouver une solution afin que les magistrats puissent avoir moins souvent recours à la détention préventive. Une étude à ce sujet est actuellement réalisée par l'Institut national de criminalistique et de criminologie. Le cas échéant, le système devra être modifié.
Par ailleurs, 1 000 personnes sont actuellement internées dans les prisons. Il y a donc différents problèmes à résoudre simultanément.
J'ai l'intention de présenter au Parlement, encore avant les vacances, un projet qui concernera les amendes, les peines alternatives et la surveillance électronique mais aussi les prisons et la construction de nouvelles prisons. En décembre dernier, la gouvernement a pris la décision de faire construire d'ici 2012 sept nouvelles prisons dont deux sont destinées aux internés. L'objectif est de remplacer certaines prisons, notamment celles de Saint-Gilles, Forest et Anvers, et non d'ouvrir des places supplémentaires.
Nous sommes en train de réaliser tout cela.
En fait, les peines supérieures à trois ans sont exécutées avec un contrôle du tribunal d'application des peines. Pour les peines inférieures à trois ans, on utilise la surveillance électronique, mais les capacités sont insuffisantes. C'est pour cela que des problèmes se posent dans cette catégorie. Nous avons renforcé toutes les infrastructures et le personnel des maisons de justice afin d'accélérer les choses. Nous lancerons prochainement une nouvelle procédure concernant une nouvelle technologie et espérons pouvoir aboutir le plus rapidement possible.
Il convient d'exécuter la loi récemment adoptée, selon laquelle les tribunaux d'application des peines pourront également se prononcer dans les cas de condamnations à des peines inférieures à trois ans. C'était irréalisable jusqu'à présent car nous ne disposions pas des infrastructures nécessaires. Nous devrons donc encore un peu patienter avant d'exécuter ce volet de la loi.
Je présenterai, avant les vacances d'été, une note globale sur la problématique de l'exécution des peines. C'était une priorité de Jo Vandeurzen et c'est également la mienne.
M. Alain Courtois (MR). - Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre promesse de déposer une note au mois de juin. Nous suivrons cela avec intérêt.
J'estime qu'il faut être extrêmement prudent en cette matière, car on peut rapidement faire oeuvre de populisme ou de poujadisme et donner à certains l'impression qu'il y a impunité. Vous savez très bien que les nouvelles vont vite pour ceux qui veulent bénéficier de cette impunité !
Les détentions préventives sont plus nombreuses à l'heure actuelle parce que les magistrats les utilisent comme des peines. On sait qu'ils augmentent les peines pour être certains qu'elles soient exécutées.
La surpopulation carcérale est liée à la détention préventive parce que beaucoup de magistrats savent qu'en fin de course il n'y aura aucune exécution de peine. Cette question est également liée au fait que le nombre de juges d'application des peines devra être augmenté dans le cadre de l'exécution de la loi sur les tribunaux d'application des peines.
Pour ce qui est du bracelet électronique, je me réjouis du fait qu'une nouvelle procédure soit lancée. La précédente étant arrivée à terme, on était « en panne » de bracelets.
J'attends avec impatience votre note du mois de juin, monsieur le ministre. Nous sommes sur la même longueur d'ondes, mais il faut à tout prix exécuter les peines. Vous savez comme moi que, quand on condamne quelqu'un à trois ans, c'est parce que les faits ont été extrêmement graves.