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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 12 MARS 2009 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Philippe Mahoux à la vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances sur «le plan d'accompagnement des chômeurs» (nº 4-668)

M. le président. - M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, adjoint au premier ministre, et secrétaire d'État à la Politique des familles, adjoint à la ministre de l'Emploi, et en ce qui concerne les aspects du droit des personnes et de la famille, adjoint au ministre de la Justice, répondra.

M. Philippe Mahoux (PS). - L'évaluation du Plan d'accompagnement des chômeurs pour le premier semestre 2008 conduirait à des résultats positifs et encourageants, j'utilise le conditionnel sciemment.

Cette observation, saluée par l'Union européenne, a été mise en évidence par votre département ce mardi, lors de l'échange de vues organisé par la commission des Affaires sociales, le Comité d'avis fédéral chargé des questions européennes et nos collègues de la Chambre des Représentants.

Toutefois, l'évaluation relèverait également que des améliorations devraient être apportées. Ainsi une attention particulière devrait-elle être accordée à l'anticipation et à la personnalisation, et à l'individualisation de l'accompagnement des chômeurs.

En revanche, la fédération des CPAS wallons a réagi au plan d'accompagnement en avançant qu'en conséquence de ce plan, les CPAS prendraient en charge quelque 38 pour cent des personnes exclues du chômage.

Ainsi, selon certaines informations, au 31 décembre 2008, les Centres publics d'action sociale auraient pris en charge quelque 2637 personnes ayant été sanctionnées par l'ONEM.

Ces personnes correspondraient à 7,2 pour cent des bénéficiaires du revenu d'intégration sociale en Wallonie. C'est la raison pour laquelle ces CPAS avancent que les sanctions de l'ONEM seraient arbitraires, systématiques et subjectives.

J'insiste sur le fait qu'en Wallonie, il y a des CPAS dirigés par des membres de tous les partis politiques démocratiques.

La question d'un éventuel manque d'accompagnement individuel est clairement posée par les CPAS.

Que pensez-vous de ce qui apparaît comme une contradiction entre ceux qui se trouvent en amont ou en aval de la décision de sanctionner ?

M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, adjoint au premier ministre, et secrétaire d'État à la Politique des familles, adjoint à la ministre de l'Emploi, et en ce qui concerne les aspects du droit des personnes et de la famille, adjoint au ministre de la Justice. - Je vous lis la réponse de Mme Milquet, vice-première ministre.

J'ai pris connaissance du rapport du service d'insertion professionnelle de la Fédération des CPAS de Wallonie.

En cette matière, il est important de disposer de données scientifiques et objectives. C'est la raison pour laquelle j'ai chargé les administrations fédérales compétentes, c'est-à-dire l'ONEM et le SPF de l'Intégration sociale, d'un examen plus approfondi du suivi des exclusions et de l'impact des transferts vers les CPAS.

J'attends les résultats de cette étude qui permettra d'avoir une vue complète et objective de la question. Des premières informations disponibles, il ressort que, parmi les personnes sanctionnées lors de la procédure d'activation du comportement de recherche d'emploi, huit pour cent se retrouveraient au CPAS dans les deux mois qui suivent l'application de la sanction et cinq pour cent, cinq mois plus tard. On avait des chiffres du même ordre, neuf pour cent, dans l'enquête d'IDEA Consult, organisme indépendant.

L'ONEM ne prend de décision de sanction qu'en dernier ressort, c'est-à-dire après que le chômeur a été clairement informé sur ses droits, ses obligations et sur la procédure.

Il est utile de rappeler qu'après le premier entretien, lorsque l'évaluation des efforts fournis est négative, aucune sanction n'est notifiée. Après le deuxième entretien, si le demandeur d'emploi n'a pas respecté ses engagements, la sanction est temporaire ; elle prend la forme d'une suspension ou d'une réduction des allocations pendant quatre mois.

La sanction devient exclusion lorsqu'à l'issue du troisième entretien, l'évaluation du facilitateur de l'ONEM est toujours négative.

Il faut donc souligner que cette exclusion n'intervient que vis-à-vis de la personne dont il est établi qu'elle ne recherche pas d'emploi après la succession des trois entretiens.

Un autre type de sanction vise les personnes qui, suivant les informations envoyées par les services régionaux de l'Emploi et de la Formation professionnelle, ont refusé un emploi, une formation professionnelle ou n'ont pas répondu à leurs convocations ou invitations à se présenter chez un employeur et ce, sans fournir de justification.

Il est un fait que la procédure d'accompagnement et de suivi entraîne un nombre de situations dans lesquelles les demandeurs d'emploi s'adressent aux CPAS. Je rappelle toutefois que toute sanction pour non-présentation à l'ONEM peut être levée dès que le demandeur d'emploi s'y présente. Par ailleurs, appliquées à des chômeurs isolés ou cohabitants ayant charge de famille, les sanctions consistent en des réductions d'allocations au niveau du revenu d'insertion et non en des exclusions totales, ce qui limite les risques supplémentaires de transfert vers les CPAS.

Je rappelle que les décisions de l'ONEM sont motivées en droit et en fait. Le chômeur peut être assisté d'un accompagnateur syndical, d'un avocat ou de toute autre personne.

Chaque personne sanctionnée peut introduire un recours, soit devant la Commission administrative nationale - composée notamment de représentants d'employeurs et de travailleurs -, soit devant le Tribunal du travail. On peut relever que le nombre de recours est limité et qu'en outre, le pourcentage global de décisions favorables à l'ONEM est élevé, soit 77%.

L'évaluation approfondie de la procédure d'accompagnement et de suivi actifs des demandeurs d'emploi avec la réalisation de bureaux de consultance extérieurs a montré que cette procédure améliorait le fonctionnement du marché du travail.

Si l'on compare les chiffres du trimestre précédant la mise en application de la procédure et ceux du deuxième trimestre 2008, on constate une diminution moyenne du chômage de 24%.

Les chômeurs sont mieux accompagnés et mieux formés : entre le deuxième trimestre 2002 et le deuxième trimestre 2008, le nombre de chômeurs qui ont obtenu des dispenses pour reprise de formation a augmenté de 44%. Pour la même période, l'augmentation pour les reprises d'études est de 66%. Les dernières données disponibles, arrêtées au 31 décembre 2008, confirment ces bons résultats.

J'ai proposé une réforme de la procédure qui vise à répondre aux points d'amélioration mis en évidence par l'évaluation précitée. Il s'agit essentiellement d'anticiper davantage l'accompagnement et en particulier celui des jeunes, d'individualiser davantage cet accompagnement notamment pour les personnes les plus éloignées du marché du travail, de confier davantage de compétences aux services de l'emploi dans la mesure où la définition du contrat ou du trajet d'insertion serait toujours prise en charge par le conseiller emploi et, enfin, d'améliorer et de renforcer les échanges d'informations entre les institutions fédérales et régionales.

Comme vous le savez, cette réforme est tenue en suspens à la demande de la Région flamande qui fait le lien entre ce dossier et le dossier institutionnel.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je constate que la ministre tient compte de l'évaluation en cours.

Je ferai quelques remarques. On peut accepter que l'absence de réponse aux convocations entraîne des sanctions et que ce soit parfois le seul moyen d'obtenir une réponse. Mais il arrive souvent que des documents et des convocations n'arrivent pas à l'endroit indiqué.

Je souligne également que c'est la recherche d'emploi qu'il faut prendre en compte et non le fait d'en trouver. Très souvent des démarches sont faites pour trouver des emplois mais elles n'aboutissent pas. Il est inadmissible de sanctionner dans de tels cas.

Par ailleurs, la crise actuelle se traduit par des difficultés de trouver des emplois également réparties sur l'ensemble du pays. L'égalisation de la crise permettra peut-être de lever certains fantasmes.

Les exclusions du chômage, qu'elles soient temporaires ou non, aboutissent de toute manière aux CPAS. Cela revient à renvoyer vers les budgets communaux ce qui est pris en charge par l'État fédéral. Ce n'est pas de cette manière que l'on trouvera une solution au problème social qui est posé.

Il convient donc de prendre ces éléments en compte pour ne pas assister à une prolongation des constats faits par les présidents des CPAS, les CPAS eux-mêmes et les travailleurs sociaux, et qui ne manquent pas de s'amplifier avec la crise.