4-64

4-64

Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 19 FÉVRIER 2009 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Philippe Monfils au vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles sur «les interprétations erronées de la loi du 16 juillet 2008 instaurant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins» (nº 4-641)

M. Philippe Monfils (MR). - Après plus d'un an et demi de débats et de travaux très approfondis au Sénat notamment, le Parlement a finalement voté en juillet dernier la loi visant à organiser une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins.

Cette loi a pour objet de modifier, de clarifier et de simplifier le régime fiscal des droits d'auteur et d'octroyer ainsi des avantages fiscaux aux auteurs. Concrètement, ces revenus sont dorénavant soumis à une imposition distincte au taux uniforme de 15%. Le précompte mobilier est perçu à la source et est libératoire. Ce précompte de 15% peut encore être réduit à 7,5% dans certaines fourchettes.

Comme son nom l'indique clairement, cette loi concerne uniquement les revenus de droits d'auteur et de droits voisins. Il n'est nullement question de revenus professionnels.

Il nous revient pourtant que certaines personnes font volontairement une interprétation erronée de cette loi en tentant d'étendre le champ d'application de celle-ci. Il en est ainsi des architectes qui essaient d'obtenir des droits d'auteur sur leurs plans et maquettes, d'avocats qui tentent de faire de même pour leurs plaidoiries, de médecins qui considèrent qu'une ordonnance est une création qui, par conséquent, peut être rémunérée comme un droit d'auteur.

Plus grave, nous avons appris dernièrement que certaines rédactions de presse avaient décidé de transformer les revenus de certains de leurs collaborateurs en droits d'auteur. Étant donné que ceux-ci paient moins d'impôts, les rédactions ont décidé de revoir ces rémunérations à la baisse. De ce fait, la société paie moins de charges sociales mais les employés voient leur protection sociale amoindrie.

De telles pratiques sont totalement inacceptables et ne correspondent aucunement à l'objectif recherché par le législateur.

Monsieur le ministre, êtes-vous au courant de telles pratiques ?

Si oui, quelle est votre position et quelles sont les mesures que vous préconisez pour résoudre ce problème ?

M. Didier Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances et des Réformes institutionnelles. - La loi du 16 juillet 2008 modifiant le Code des impôts sur les revenus de 1992 et organisant une fiscalité forfaitaire des droits d'auteur et des droits voisins a créé une nouvelle catégorie de revenus, à savoir les « revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d'auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visés par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins ou par des dispositions analogues de droit étranger » et en a logiquement fait des revenus mobiliers, les droits eux-mêmes étant qualifiés de mobiliers par la loi de juin 1994.

Je suis au courant de l'attitude que vous dénoncez, comme de l'interprétation donnée par certains commentateurs de la loi sur le champ d'application extrêmement large qu'aurait celle-ci et sur la tentation de disqualification de certains revenus qu'elle susciterait par conséquent.

Comme je l'ai indiqué dans l'avis publié au Moniteur belge du 9 décembre 2008, la loi du 16 juillet 2008 précitée n'a pas pour vocation de transformer en droits d'auteur des revenus qui constituent des rémunérations de travailleurs salariés ou appointés ou des profits de professions libérales, charges ou offices.

La loi du 16 juillet n'a rien modifié pour les revenus professionnels. Elle a seulement créé une nouvelle catégorie de revenus mobiliers, qui est cohérente et nécessaire et assure une sécurité juridique fortement accrue en simplifiant le régime fiscal applicable aux droits d'auteur et aux droits voisins.

La loi définit les rémunérations des travailleurs comme étant toutes les rétributions qui constituent, pour les intéressés, le produit du travail au service d'un employeur et ce, quels que soient le débiteur, la qualification et les modalités de détermination et d'octroi desdites rémunérations. Du moment qu'il est établi que le contribuable a reçu une rémunération représentant un revenu direct ou accessoire de son travail, cette rémunération est imposable à ce titre sans que l'administration ait à qualifier la profession exercée par l'intéressé.

Le principe fiscal est identique pour les profits. Les revenus d'une profession libérale, charge ou office sont constitués des recettes, quelle que soit leur dénomination, qui consistent en sommes d'argent recueillies par le contribuable en raison d'actes qui entrent dans le cadre des ses activités professionnelles.

L'administration est donc armée, avec les définitions des revenus professionnels imposables qui figurent dans le Code des impôts sur les revenus de 1992, pour contrer les disqualifications abusives. Concernant plus précisément le cas que vous évoquez, elle prendra éventuellement contact avec les Affaires sociales pour mieux détecter les situations similaires.

Je répète que sont seuls visés par la loi du 16 juillet 2008 les droits perçus par les artistes et les auteurs, pour leurs oeuvres originales et protégées, dans le domaine littéraire ou artistique, dont ils ont cédé ou concédé le droit de diffusion et d'exploitation.

Les prescriptions du médecin ou les conclusions de l'avocat, pour ne citer que deux exemples, génèrent des profits qui sont des revenus professionnels. Si un médecin ou un avocat rédige un ouvrage ou un article scientifique ou non et perçoit pour celui-ci des droits de son éditeur, il s'agit de droits d'auteur visés par la nouvelle catégorie de revenus mobiliers.

Je charge mon administration de me soumettre un projet de circulaire visant à préciser notamment le champ d'application de la loi du 16 juillet 2008.

Je profite de votre question pour confirmer que les mesures de contrôle spécifiques annoncées lors des débats parlementaires qui ont conduit à l'adoption de la loi du 16 juillet 2008 seront effectivement mises en oeuvre tout prochainement : une déclaration spécifique au précompte mobilier, la déclaration 273S, et une fiche individuelle 281.45 permettront à l'administration de vérifier qu'il n'y a pas transgression de la loi et de la volonté du législateur.

M. Philippe Monfils (MR). - Je me réjouis de la réponse du ministre. La circulaire qu'il a déjà transmise au Moniteur Belge, l'interprétation qu'il donne en mettant clairement les points sur les i, la nouvelle directive qu'il a annoncée et les contacts qu'il a pris avec l'administration des Affaires sociales prouvent bien qu'il souhaite mettre un terme à ces dérives inacceptables.