4-1115/1 | 4-1115/1 |
15 JANVIER 2009
En supprimant la notion de faute, la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce a fondamentalement modifié le système existant jusqu'alors.
Ainsi, l'article 229 du Code civil prévoit désormais que le divorce est prononcé lorsque le juge constate la désunion irrémédiable entre les époux.
La demande en divorce peut être introduite conjointement par les deux époux (article 229, § 2) mais également « par un seul époux après plus d'un an de séparation de fait » ou encore lorsqu'elle « est répétée à deux reprises conformément à l'article 1255, § 2, du Code judiciaire » (article 229, § 3).
Sur le plan de la procédure, l'article 1258 du Code judiciaire prévoit que:
« Sauf convention contraire, les dépens sont partagés entre les parties lorsque le divorce est prononcé sur la base de l'article 229, §§ 1er et 2, du Code civil. Toutefois, lorsque le divorce est prononcé sur la base de l'article 229, § 1er, le juge peut en décider autrement, compte tenu de toutes les circonstances de la cause.
Ils sont mis à charge de la partie demanderesse lorsque le divorce est prononcé sur base de l'article 229, § 3, du Code civil ».
Autrement dit, dans l'hypothèse d'une demande unilatérale en divorce, les dépens de la procédure sont entièrement mis à charge de la partie demanderesse.
Selon le commentaire des articles du projet de loi réformant le divorce, déposé le 15 mars 2006 par le gouvernement à la Chambre des représentants, cette solution se justifiait par le fait qu'il « est logique que la partie qui sollicite le divorce sans cause, parfois contre l'avis de son conjoint, supporte les dépens » (1) .
Or, depuis la loi du 21 avril 2007 relative à la répétibilité des honoraires et des frais d'avocat, l'application de cet article revêt évidemment une grande importance puisque l'indemnité de procédure, — qui est désormais prévue à l'article 1022 du Code judiciaire —, sera conformément systématiquement due par l'époux qui a introduit unilatéralement sa demande, sur base de l'article 229, § 3, du Code civil.
Cette règle a poussé trois demandeurs en divorce, fondé sur l'article 229, § 3, à solliciter des tribunaux de première instance de Turnhout, Gand et Anvers, qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour constitutionnelle.
Synthétiquement, les trois demandeurs relèvent qu'il n'existe aucune raison objective de condamner la partie demanderesse en divorce dans le cadre d'une procédure sur la base de l'article 229, § 3, à tous les dépens, au seul motif que cette partie a pris l'initiative de la procédure.
Elles soulignent qu'en adoptant l'article 1258, alinéa 2, du Code judiciaire, le législateur a de nouveau instauré une présomption de faute, alors que la nouvelle législation sur le divorce tend justement à prévoir un divorce sans faute.
L'application de cet article apparaît en effet comme une sanction financière à l'égard de l'époux unilatéralement demandeur qui serait systématiquement présumé « coupable ».
Cette règle est d'autant plus lourde que, comme le relève l'une des parties, eu égard au nouveau régime des indemnités de procédure, le montant dû s'élève désormais à 1 200 euros pour les affaires non évaluables en argent.
Il était donc demandé à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la constitutionnalité de la règle inscrite à l'article 1258 du Code judiciaire au regard de l'article 11 de la Constitution dans la mesure où c'est seulement dans le cadre du divorce sur la base de l'article 229, § 3, du Code civil que les frais sont toujours mis à charge de la partie demanderesse, alors que ces frais, pour les autres formes de ce même divorce pour désunion irrémédiable, peuvent faire l'objet d'une compensation entre les parties.
Dans son arrêt nº 137/2008 du 21 octobre 2008, la Cour constitutionnelle relève qu'il découle de ce qui a été examiné que la différence de traitement critiquée n'est pas raisonnablement justifiée et que, partant, l'article 1258, alinéa 2, du Code judiciaire, tel qu'il a été remplacé par l'article 26 de la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Une des options possibles pour rétablir l'équilibre serait évidemment de supprimer le second alinéa de l'article 1258 du Code judiciaire et de considérer que les dépens sont systématiquement partagés entre les parties, quelle que soit la forme de la demande en divorce (conjointe ou unilatérale).
Mais cette solution nie la réalité des faits, à savoir que le divorce fondé sur l'article 229, § 3, est le fait de la volonté d'une seule personne, — volonté qui s'oppose à celle de son conjoint —, en sorte qu'il paraît injuste de faire supporter à la partie défenderesse le poids financier d'une procédure qu'elle n'a pas souhaitée et à laquelle elle n'a nullement succombé, comme prévu à l'article 1017 du Code judiciaire.
Il paraît donc conforme à l'équité d'appliquer à la procédure en divorce fondée sur l'article 229, § 3, du Code civil la règle de la compensation des dépens, telle que prévue à l'article 1017 du Code judiciaire.
La partie demanderesse supportera ainsi les frais d'introduction de la procédure, sans pouvoir en réclamer la moitié à la partie défenderesse et l'indemnité de procédure prévue à l'article 1022 du Code judiciaire ne devra être assumée par aucune des deux parties.
Philippe MAHOUX. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 1258, alinéa 2, du Code judiciaire, modifié par la loi du 27 avril 2007, les mots « mis à charge de la partie demanderesse » sont remplacés par les mots « compensés entre parties ».
15 décembre 2008.
Philippe MAHOUX. |
(1) Doc. Chambre, no 51-2341/1, 2005-2006, p. 30.