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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 20 NOVEMBRE 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de M. Marc Elsen à la ministre de la Politique de Migration et d'Asile sur «l'avant-projet de loi relatif aux étudiants étrangers» (nº 4-480)

M. Marc Elsen (cdH). - Je puis comprendre, madame la ministre, que vous ne puissiez répondre en détail à toutes les questions que je vous poserai et, pour certaines d'entre elles, je comprendrais que la réponse soit différée.

Vous préparez un projet de loi visant à restreindre l'octroi des visas étudiants car vous estimez qu'il existe trop d'abus. Par conséquent, j'aimerais recevoir une réponse aux questions suivantes.

Sur la totalité des visas étudiants délivrés ces cinq dernières années, combien ont-ils été renouvelés ?

Parmi les visas étudiants non renouvelés, combien ont-ils conduit à un changement de statut, soit de travailleurs migrants, soit de regroupés ?

Afin de cibler correctement les abus et les solutions à apporter, l'Office des étrangers effectue-t-il une évaluation du nombre de visas étudiants délivrés et du nombre de personnes diplômées ayant bénéficié de ces visas ? Combien parmi ces personnes sont-elles retournées dans leur pays d'origine une fois diplômées ?

De plus, malgré la concertation avec les entités fédérées, votre projet de loi semble poser certains problèmes. D'une part, la vérification de la « cohérence du projet d'étude » et de la progression de l'étudiant dans ses études relève de la compétence des communautés ; d'autre part, conditionner la délivrance d'une « autorisation d'inscription » à une connaissance suffisante de « la langue du programme d'étude » est contraire à la pratique des hautes écoles et des universités, qui accordent une importance prépondérante aux connaissances académiques.

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en est la concertation avec les entités fédérées ? Alors que les établissements d'enseignement supérieur ne souhaitent pas jouer un rôle de délation, comment comptez-vous collaborer avec ces derniers, notamment en ce qui concerne l'appréciation de ce qu'est un étudiant « qui progresse insuffisamment dans ses études » ?

Qu'en est-il de la reconnaissance des diplômes, qui est du ressort des communautés, ou plus exactement de leurs administrations ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Politique de migration et d'asile. - Je rappelle que le but poursuivi par cet avant-projet de loi est non pas de restreindre l'octroi des visas « étudiants », mais bien de veiller à n'admettre sur notre territoire que des personnes dont l'objectif véritable du séjour en Belgique est d'étudier et non un moyen d'obtenir une autorisation de séjour à d'autres fins.

L'avant-projet de loi poursuit la transposition de la directive européenne 2004/114/CE du 13 décembre 2004 qui fixe notamment les conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à des fins d'études. Les dispositions figurant dans l'avant-projet de loi sont ainsi celles prévues par cette directive.

Actuellement, si les documents requis par la loi sont produits, le visa étudiant doit en principe être délivré. Cela laisse donc peu de possibilités aux autorités compétentes d'exercer un contrôle quant au bien-fondé de la demande. L'avant-projet permet, lui, aux autorités compétentes de demander éventuellement des informations complémentaires.

En raison du temps imparti, je ne puis vous communiquer les données chiffrées que vous demandez, monsieur Elsen. Toutefois, compte tenu de la nature technique de la question, celle-ci pourrait faire l'objet d'une question écrite.

Le texte de l'avant-projet de loi est toujours en cours de négociation. Il sera donc certainement encore amendé. Je considère dès lors comme prématuré d'en débattre de manière approfondie à ce stade.

Pour ce qui est de la connaissance suffisante de la langue du programme d'études, il s'agit d'une condition prévue par la directive.

Par ailleurs, la loi actuellement en vigueur prévoit déjà qu'il appartient aux autorités en charge du séjour de l'étudiant de mettre fin à ce séjour si l'étudiant progresse insuffisamment dans ses études. L'arrêté royal du 8 octobre 1981 détermine, à l'article 103.2, ce que l'on entend par « prolonger ses études de manière excessive compte tenu des résultats ».

C'est le cas lorsque l'étudiant :

1º dans la même orientation d'études, n'a pas réussi une seule épreuve pendant trois années scolaires ou académiques successives ou au moins deux épreuves pendant les quatre dernières années d'études ;

2º a entamé au moins deux orientations d'études différentes sans avoir réussi une seule épreuve pendant quatre années scolaires ou académiques successives ou au moins deux épreuves pendant les cinq dernières années d'études ;

3º a entamé au moins trois orientations d'études différentes sans avoir obtenu aucun diplôme de fin d'études au cours des deux orientations précédentes.

Les autorités en charge de l'enseignement supérieur sont associées à la rédaction de l'avant-projet de loi. À la suite de réunions de travail organisées à mon cabinet, il a été décidé de commun accord de constituer un groupe de travail technique pour travailler sur le texte. Ce groupe, qui vient d'être formé, pourra donc poursuivre la rédaction du texte au cours des prochaines semaines.

La constitution de ce groupe paraissait nécessaire compte tenu de la complexité du système d'enseignement supérieur et du croisement inévitable de celui-ci avec le séjour. Il s'agit de garantir la bonne rédaction du texte mais aussi et surtout d'assurer sa mise en oeuvre. Je puis vous assurer que l'on tiendra compte des particularités des deux matières et des compétences institutionnelles respectives.

M. Marc Elsen (cdH). - Ce sujet est délicat, a fortiori dans le contexte difficile que nous connaissons. Un contrôle est certes nécessaire mais nous devons agir avec prudence et éviter de faire systématiquement des procès d'intention aux étudiants concernés. Comme vous l'avez expliqué, il s'agit de transposer une directive européenne de 2004 mais en tenant compte des différentes sensibilités.

J'aimerais obtenir les données chiffrées pour avoir une vision globale du dossier. Vous avez précisé que cet avant-projet de loi était en cours de négociation et qu'il devait encore être amendé.

Je me réjouis que les communautés soient associées au groupe technique qui vient d'être constitué puisque certains éléments sont de leur ressort. Nous avons en effet tout intérêt à ce que chacun fasse connaître son point de vue.

Nous reviendrons sur la question au fil de l'élaboration de cet important texte.