4-223/2 | 4-223/2 |
3 OCTOBRE 2008
Le Conseil d'État, section de législation, quatrième chambre, saisi par le Président du Sénat, le 29 novembre 2007, d'une demande d'avis sur une proposition de loi « modifiant l'article 17 de la loi du 5 août 1991 relative au commerce des armes, en vue de renforcer le contrôle parlementaire » (doc. Sénat, 2007, nº 4-223/1), a donné l'avis suivant:
Examen de la proposition
1. La proposition de loi tend à modifier l'article 17 de la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente (1) , qui dispose comme suit:
« Le gouvernement remet annuellement aux Chambres législatives fédérales un rapport sur l'application de la présente loi.
Ce rapport comprendra entre autres les éléments suivants:
— l'évolution des exportations;
— une analyse du commerce mondial et européen en matière d'armements;
— les données relatives aux exportations, importations et au transit pour la Belgique;
— les problèmes particuliers qui se sont posés;
— les éventuelles modifications de la réglementation et des procédures en Belgique;
— les initiatives internationales et européennes;
— l'application du code de conduite européen.
Dans le rapport visé, un chapitre distinct sera consacré à l'exportation de matériel et de technologies qui visent, dans le pays de destination, le développement de la capacité de production pour l'armement, les munitions et le matériel spécialement destiné à un usage militaire.
Le rapport susvisé comportera en outre un chapitre distinct consacré au suivi du respect des dispositions de la présente loi concernant le détournement de l'équipement concerné à l'intérieur des pays de destination et le respect de la clause de non-réexportation.
En outre, le gouvernement fournira tous les six mois un rapport concernant les licences accordées et refusées pour les marchandises relevant de la présente loi, avec, pays par pays, le montant total et le nombre de licences réparties par catégorie de destination et par catégorie de matériel.
Le rapport visé, présenté tous les six mois, fera en outre mention de manière distincte de la délivrance et du refus d'octroi de licences pour l'exportation de matériel et de technologies qui visent, dans le pays de destination, le développement de la capacité de production pour l'armement, les munitions et le matériel spécialement destiné à un usage militaire.
Sans préjudice des dispositions précitées, il sera veillé à ce qu'aucune information préjudiciable aux entreprises concernées ne soit communiquée ».
La proposition de loi tend à insérer entre les deuxième et troisième alinéas, un nouvel alinéa rédigé comme suit:
« Outre les éléments généraux visés à l'alinéa 2, le rapport mentionne, pour toute importation et exportation d'armes, les données suivantes:
1º la date de la demande;
2º le pays d'expédition;
3º le pays de destination;
4º la destination finale;
5º le nom de l'entreprise concernée;
6º une description des marchandises;
7º une indication précisant s'il est question d'une importation ou d'une exportation;
8º le montant ».
La proposition tend encore à remplacer, dans le dernier alinéa du même article, les mots « aucune information préjudiciable aux entreprises concernées ne soit communiquée », par les mots « aucune information relative aux données de fabrication préjudiciable aux entreprises concernées ne soit communiquée ».
Selon les développements de la proposition de loi,
« Le Parlement devrait en effet pouvoir vérifier ainsi non seulement si toutes les dispositions légales sont respectées, mais également si le commerce d'armements est conforme à la politique fédérale et régionale, tant sur le plan des relations extérieures que sur le plan de la coopération au développement durable. La législation actuelle prévoit uniquement un contrôle général. La présente proposition de loi vise à introduire de nouveaux paramètres permettant de contrôler toute importation ou exportation d'armes ».
2. Sur la base de la législation en vigueur, des rapports sont aujourd'hui déposés au Sénat et à la Chambre des représentants par le gouvernement fédéral (2) , au Parlement flamand par le gouvernement flamand (3) , au Parlement wallon par le gouvernement wallon (4) et au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale (5) par le gouvernement de Région de Bruxelles-Capitale en application de la loi du 5 août 1991.
Cette fragmentation des rapports visés à l'article 17 de la loi s'explique par la répartition des compétences opérée par l'article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, dont le paragraphe 1er, VI, alinéa 1er, 4º, dispose comme suit depuis qu'est entrée en vigueur la loi spéciale du 12 août 2003 modifiant la loi spéciale du 8 août 1980:
« Les matières visées à l'article 107quater de la Constitution sont:
(...)
4º L'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions, et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente ainsi que des produits et des technologies à double usage, sans préjudice de la compétence fédérale pour l'importation et l'exportation concernant l'armée et la police et dans le respect des critères définis par le Code de conduite de l'Union européenne en matière d'exportation d'armements; ».
Cette nouvelle répartition des compétences est réaffirmée par l'article 6, § 1er, VI, alinéa 4, 8º, de la loi spéciale, qui prévoit que
« l'autorité fédérale est, en outre, seule compétente pour: (...) les contingents et licences à l'exception des licences pour l'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions, et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente ainsi que des produits et des technologies à double usage, sans préjudice de la compétence fédérale pour celles concernant l'armée et la police ».
Il résulte des mêmes dispositions de la loi spéciale que si la proposition de loi à l'examen venait à être adoptée par le législateur fédéral, le texte nouveau ne trouvera à s'appliquer qu'aux rapports déposés au Sénat et à la Chambre des représentants par le gouvernement fédéral, ayant trait donc aux licences concernant l'armée et la police belges (à la différence des sociétés commerciales) (6) .
Cette nécessaire restriction du champ d'application des modifications proposées, gagnerait à être clairement exprimée lors des travaux parlementaires.
Si l'intention des auteurs de la proposition est de viser « toute importation ou exportation d'armes », pour reprendre les termes des développements de ladite proposition, il y aurait lieu de prévoir la conclusion d'un accord de coopération soumis le cas échéant, selon sa teneur, à l'approbation des législateurs concernés (7) .
La chambre était composée de
M. Ph. HANSE, président de chambre,
MM. P. LIÉNARDY et J. JAUMOTTE, conseillers d'État,
Mme C. GIGOT, greffier.
Le rapport a été présenté par M. J. REGNIER, premier auditeur chef de section.
La concordance entre la version française et la version néerlandaise a été vérifiée sous le contrôle de M. P. LIÉNARDY.
Le greffier, | Le président, |
C. GIGOT. | Ph. HANSE. |
(1) Ce texte a été remplacé par la loi du 26 mars 2003.
(2) C'est ainsi, par exemple, que selon les informations communiquées par le service juridique du Sénat, le ministre de l'Économie, de l'Énergie, du Commerce extérieur et de la Politique scientifique a transmis au Sénat par une lettre du 23 mars 2007, le rapport sur l'application de la loi du 5 août 1991 pour la période du 1er juillet au 31 décembre 2006. Le site Internet de la Chambre des représentants récapitule la liste des derniers rapports annuels « annoncés » à la Chambre (www.lachambre.be).
(3) Le site Internet www.vlaanderen.be/wapenhandel reproduit les rapports déposés par le gouvernement flamand.
(4) Les rapports du gouvernement wallon sont consultables sur le site www.gov.wallonie.be.
(5) Les rapports du gouvernement bruxellois sont « annoncés » en séance plénière et mentionnés dans le compte-rendu intégral.
(6) À l'appui de cette solution, voir les explications fournies au Conseil d'État par le délégué du ministre lors de l'examen de l'avant-projet de loi spéciale et l'adaptation du texte qui a résulté de l'observation de la section de législation du Conseil d'État (doc. Sénat, 2003, no 89/1, pp. 4, 6 et 10, spécialement l'observation II.A.3 dans l'avis 35.701/VR/V). Dans le même sens, en ce qui concerne la reconnaissance de la compétence des régions pour modifier dans le cadre de leurs compétences matérielles la loi du 5 août 1991, voir l'avis 44.667/1, donné le 1er juillet 2008, sur une proposition de décret « houdende wijziging van de wet van 5 augustus 1991 betreffende de in-, uit- en doorvoer van en de bestrijding van illegale handel in wapens, munitie en speciaal voor militair gebruik of voor ordehandhaving dienstig materieel en daaraan verbonden technologie wat de verslaggeving van het Vlaams Parlement betreft » (Parl. St., Vl. Parl., 2005-2006, nr. 1591/1).
(7) Voir, à cet égard, mais dans une mesure plus limitée, l'accord de coopération du 17 juillet 2007 entre l'État fédéral, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale relatif à l'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente, ainsi que des biens et technologies à double usage, qui règle déjà certains échanges d'informations de l'État fédéral vers les Régions et inversement (Moniteur belge, 20 décembre 2007, 4e éd., p. 63 355 et s.).