4-970/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

17 OCTOBRE 2008


Proposition de loi modifiant l'article 3 de l'arrêté royal du 2 septembre 1985 relatif aux farines, en vue de les enrichir en acide folique

(Déposée par M. Patrik Vankrunkelsven et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


En Europe, plus de 4 000 bébés naissent chaque année avec une anomalie du tube neural, la structure dont est issu le système nerveux central, c'est-à-dire le cerveau et la moelle épinière (1) .

Deux types d'anomalies sont possibles. Premièrement, il peut s'agir d'un défaut de fermeture du canal rachidien ou d'une fermeture incomplète de celui-ci. C'est ce qu'on appelle le spina bifida ou « dos ouvert ». Cette malformation s'accompagne souvent d'une lésion plus ou moins profonde du système nerveux, qui peut entraîner notamment une paralysie des membres inférieurs. Une deuxième anomalie possible est le développement insuffisant du cerveau ou l'absence totale de cerveau. On parle alors d'anencéphalie. Le plus souvent, les bébés qui présentent cette anomalie sont morts-nés ou décèdent peu de temps après la naissance.

En outre, d'autres anomalies congénitales connexes peuvent également survenir, parmi lesquelles la fente labiale (le « bec de lièvre »), la fente palatine et un certain nombre d'anomalies cardiaques congénitales. Différentes techniques permettent de déceler les anomalies du tube neural et les affections apparentées au cours de la grossesse. Il arrive souvent que les parents optent alors pour un avortement (70 % des cas de spina bifida sont diagnostiqués au cours de la grossesse et donnent lieu à un avortement).

Ces anomalies à la naissance sont liées à une carence en acide folique chez la mère.

L'acide folique est une vitamine du groupe B qui est présente, entre autres, dans les légumes-feuilles, les choux de Bruxelles, les brocolis, les agrumes et les légumineuses. Il joue un rôle important dans le développement du matériel génétique, à savoir l'ADN. Dans les années 90, on a constaté que la supplémentation des femmes en acide folique permettait de réduire de plus de moitié le nombre de malformations congénitales du tube neural. Depuis lors, on recommande à toutes les femmes de prendre un supplément d'acide folique dès qu'elles envisagent une grossesse.

Malheureusement, nombre de jeunes femmes, même celles sensibilisées aux problèmes de santé, entament trop tard cette supplémentation. Le tube neural se forme à un stade précoce de la grossesse. Il commence à se fermer seize jours environ après la conception, c'est-à-dire à un moment où, souvent, les femmes ignorent encore qu'elles sont enceintes. De plus, il faut un certain temps avant que l'acide folique ne commence à renforcer l'ADN. Quelques semaines avant la conception, les femmes qui envisagent une grossesse devraient donc déjà ingérer des doses supplémentaires d'acide folique, mais très peu le font, par ignorance. Aux États-Unis, les « Centers for Disease Control and Prevention » (2) ont fait savoir au début de cette année que 61 % seulement des femmes âgées de 18 à 24 ans connaissaient l'importance de l'acide folique pour l'enfant à naître (3) et que seulement 30 % d'entre elles prenaient effectivement un supplément d'acide folique. Dans la catégorie des femmes de 25 à 34 ans, ce pourcentage s'élevait à 47 %, mais 6 % seulement des femmes de la première catégorie et 16 % de la seconde savaient exactement à quel moment entamer leur supplémentation en acide folique. Il n'y a aucune raison de croire que la situation soit meilleure en Belgique. L'enrichissement en acide folique des céréales et des farines destinées à la fabrication du pain permettrait d'atteindre toutes les femmes en âge de procréer.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont été les premiers pays à procéder à l'enrichissement de denrées alimentaires en nombre limité. C'était en 1995 (4) . Les États-Unis et le Canada leur emboîtèrent le pas en 1998 en imposant l'enrichissement de tous les produits céréaliers. Par la suite, tous ces pays ont enregistré une diminution, de 31 à 78 %, du nombre d'enfants présentant une anomalie du tube neural. L'enrichissement n'a pas été réalisé partout avec la même intensité, n'a pas toujours atteint les groupes cibles visés et n'a pas eu des résultats identiques dans toutes les régions pour des raisons encore inconnues. L'année dernière, le Canada a communiqué des chiffres concrets (5) . Le nombre d'anomalies du tube neural y a baissé de 158 à 86 pour 100 000 naissances. En outre, l'acide folique n'a pas un effet bénéfique que sur les foetus. Pris en quantité suffisante à l'âge adulte, il a aussi un impact positif sur la santé en ce qu'il réduit les risques d'accidents cardio-vasculaires.

Les résultats obtenus étant globalement positifs, de nombreux autres pays envisagent de procéder eux aussi à l'enrichissement des denrées alimentaires. C'est le cas des Pays-Bas, où le « Gezondheidsraad » a publié, en février de cette année, un rapport intitulé: « Naar een optimaal gebruik van foliumzuur » (6) .

Le coût de l'acide folique ne représente qu'une petite partie du coût de la farine nécessaire à la fabrication du pain.

Les besoins journaliers en acide folique ont été fixés à 0,4 milligramme pour une femme ne présentant pas de risque accru. Pour la majorité des adultes, la dose recommandée n'est pas couverte par l'alimentation normale. C'est pourquoi il conviendrait de suppléer cette carence en ajoutant de l'acide folique dans les denrées de consommation courante, en vue de pouvoir couvrir 30 à 70 % des besoins journaliers. Dans la plupart des pays, on enrichit le pain, toutes les formes de farine blanche et les pâtes. Aux États-Unis et au Canada, cela se fait depuis 10 ans. Au Canada, on ajoute 0,15 milligramme d'acide folique par 100 grammes de farine (5).

Par la présente proposition de loi, l'auteur souhaite faire en sorte que notre alimentation de base soit enrichie d'une quantité identique d'acide folique afin que le nombre de bébés atteints de spina bifida et d'anencéphalie diminue également dans notre pays.

Patrik VANKRUNKELSVEN.
Jacques BROTCHI.
Marleen TEMMERMAN.
Christine DEFRAIGNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 3, § 1er, de l'arrêté royal du 2 septembre 1985 relatif aux farines, est complété par le 5º, rédigé comme suit:

« 5º ils doivent contenir 0,15 mg d'acide folique par 100 g de farine. ».

23 mai 2008.

Patrik VANKRUNKELSVEN.
Jacques BROTCHI.
Marleen TEMMERMAN.
Christine DEFRAIGNE.

(1) The Lancet, 2007, 369, p. 641-642.

(2) www.cdc.gov.

(3) Morbidity and Mortality Weekly Report, 2008, 57, p. 5-8.

(4) Australian and New Zealand Journal of Public Health, 2004, 28, p. 458-464.

(5) New England Journal of Medicine. 2007; 357:135-142.

(6) www.gr.nl.