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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

7 OCTOBRE 2008


Proposition de loi visant à introduire une taxe sur les bénéfices des centrales amorties en vue d'assurer une meilleure ouverture du marché belge de l'électricité, à promouvoir les énergies alternatives et l'efficacité énergétique et à réduire le coût global de l'énergie.

(Déposée par M. José Daras et Mme Vera Dua)


DÉVELOPPEMENTS


La Belgique est en matières énergétiques confrontée à trois défis majeurs: permettre la diversification des producteurs d'électricité afin de sortir enfin d'un marché énergétique monopolisé par un acteur non seulement dominant mais aussi historique, maîtriser sa consommation d'énergie et enfin, lutter efficacement contre le réchauffement climatique.

Diversification des producteurs

La production d'électricité en Belgique reste très largement dominée par l'opérateur historique le plus important, à savoir Electrabel. Malgré la libéralisation du marché et les mesures mises en place pour soutenir la production d'électricité renouvelable et la production combinée d'électricité et de chaleur, on constate que la position dominante de l'opérateur historique se maintient et peut rester figée par la capacité de l'opérateur historique à peser sur les prix, notamment parce qu'il a bénéficié d'un avantage considérable lié à l'amortissement accéléré de ses investissements dans les centrales nucléaires et les centrales au charbon, amortissements financés par les consommateurs et qui permettent aujourd'hui à l'opérateur historique de vendre à faible prix son électricité produite par des installations amorties artificiellement grâce aux pouvoirs publics.

L'amortissement des centrales nucléaires belges a été autorisé sur 20 ans, alors que leur durée de vie est actuellement fixée à 40 ans. Cette technique d'amortissement accéléré permet maintenant aux exploitants de centrales nucléaires ainsi amorties d'avoir un prix de revient artificiellement bas, sans que les consommateurs belges, qui ont financé des amortissements accélérés pendant 20 ans en payant leur électricité particulièrement chère, n'en profitent. D'après la CREG, l'avantage financier global de cette technique est de l'ordre de 3,9 milliards d'euros.

Les nouveaux entrants sur le marché belge souhaitent généralement y implanter des centrales au gaz naturel de type TGV en raison de leur grande souplesse d'utilisation et de leur faible coût de construction, et ce malgré les importantes émissions de gaz à effet de serre liée à la combustion du gaz naturel. Comme ils ne possèdent pas de centrales amorties, leurs coûts fixes sont nettement plus élevés. Par conséquent, le marché belge reste fermé à de nouveaux acteurs. Il serait par ailleurs très intéressant de mieux soutenir le développement des installations de production combinée d'électricité et de chaleur, mais celles-ci demandent des investissements importants, et les nouveaux entrants ne s'y risquent pas, toujours à cause des faibles coûts de production de l'opérateur historique en lien avec les amortissements accélérés pratiqués par le passé.

Par ailleurs, les profits réalisés par l'ancien détenteur du monopole ne sont investis en Belgique que pour une partie infime. En effet, la SA Electrabel utilise les centrales nucléaires et les centrales au charbon déjà amorties comme « vaches à lait » pour financer des reprises et des investissements risqués à l'étranger ou pour verser des dividendes à la société mère Suez. En même temps, l'investissement en Belgique est minimal: le détenteur du monopole historique ne doit pas investir puisqu'il peut produire à partir de centrales amorties, et les nouveaux acteurs sont découragés en raison de la forte concentration du marché belge.

En 2000, le Conseil de la Consommation rendait déjà l'avis suivant:

« Par ailleurs, ces représentants (1) demandent instamment au gouvernement de retenir l'idée d'une contribution des propriétaires de centrales nucléaires, selon le principe qu'il faut assurer, dans le futur, un juste retour à la collectivité de l'amortissement rapide des centrales nucléaires dans le système régulé du passé, auquel la collectivité a contribué. En effet, l'outil nucléaire est largement amorti, une provision nucléaire a été constituée et a été amplement soutenue par les usagers et par les contribuables. La loi de 1999 définit un concept de coûts échoués. Par contre, rien n'est dit dans les propositions du gouvernement à propos des bénéfices échoués. Pour rappel, les bénéfices échoués sont le résultat d'un amortissement comptable des installations de production et de transport, surévalué par rapport à leur dépréciation économique réelle. Cette surévaluation a été mise à charge des tarifs.

Ces représentants demandent dès lors que l'on mette en place un mécanisme de mobilisation de ces bénéfices, notamment au profit des usagers pour financer les obligations de service public en matière sociale et en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie. »

Dans l'esprit de la recommandation du Conseil de la Consommation, la présente proposition de loi entend instaurer une taxe sur les bénéfices échoués des producteurs d'électricité détenteurs de centrales amorties dans le cadre du marché protégé.

La taxe stimulera également l'innovation et la modernisation dans le secteur de la production d'électricité, parce qu'elle supprime le handicap concurrentiel des nouvelles centrales par rapport aux centrales amorties. Les nouvelles centrales ne cessent d'être plus efficaces, moins polluantes et plus fiables.

De plus, les nouvelles centrales devraient prendre la forme d'installations de cogénération. Dans le cas de la cogénération, l'électricité est produite à proximité d'un demandeur de chaleur qui récupère le surplus de chaleur dégagé par la production d'électricité comme chaleur de production ou pour le chauffage de bâtiments, au lieu de le laisser se perdre à travers les cheminées ou tours de refroidissement. Cette solution procure une économie nette sur l'énergie primaire.

Actuellement, la part de notre électricité qui est produite dans des installations de cogénération n'atteint pas 10 %. Notons que les projets en cours d'installation s'éloignent assez fortement du plan indicatif des équipements de production d'électricité de la CREG 2005-2014, puisque l'on ne compte que 212 mégawatt (MW) de cogénération de qualité installés à ce jour contre 1 749 MW prévu dans le plan indicatif. Aux Pays-Bas, cette part dépasse 40 % et au Danemark plus de la moitié.

La présente proposition, en rééquilibrant les coûts de production, permettra donc de mieux soutenir ce mode de production intéressant, tant au niveau de l'efficacité énergétique qu'au niveau de la lutte contre le réchauffement climatique.

Maîtriser la consommation énergétique et lutter contre le réchauffement climatique

La lutte contre le réchauffement climatique est un des enjeux fondamentaux de ce début de siècle, tant en Belgique qu'ailleurs dans le monde. Elle implique des changements structurels profonds dans nos sociétés qu'il faut aborder et mettre en œuvre au plus vite. L'attribution du Prix Nobel de la paix, aux experts du GIEC et à Al Gore, en 2007, est un signal important de plus.

Selon le Groupe Intergouvernemental d'Experts Climatiques (GIEC), les émissions mondiales doivent décroître dès 2015 et être réduites de 25 à 40 % en 2020, et de 40 à 95 % en 2050 dans les pays industrialisés (2) . En Belgique, nous en sommes très loin. Notre pays ne parvient même pas à atteindre les objectifs fixés par le Protocole de Kyoto, protocole qui n'est qu'un tout premier pas dans cette lutte climatique. Le protocole de Kyoto prévoit des objectifs de limitation chiffrés pour les pays développés. Pour la Belgique l'engagement est fixé à -7,5 % en 2012 par rapport à l'année de référence (3) .

En 2005 les émissions totales de gaz à effet de serre en Belgique s'élevaient à 143,8 millions de tonnes d'équivalent de CO2 (hors secteur UTCATF) (4) , soit une réduction de 2,1 % par rapport aux émissions de l'année de référence au sens du Protocole de Kyoto (5) .

On est donc encore loin de l'objectif de Kyoto de -7,5 % et la Commission européenne propose de porter cette réduction à au moins 15 % pour les émissions non industrielles en 2020.

La Belgique doit par ailleurs d'ores et déjà se préparer à aller au-delà de cette réduction d'émissions, tant parce que l'Union européenne prévoit de porter son objectif de 2020 à 30 % de réduction d'emissions en cas d'accord international que parce que les objectifs de réduction à plus long terme sont très élévés.

Si rien ne change, notre pays n'atteindra pas l'objectif fixé pour le Protocole de Kyoto. Selon le Bureau fédéral du Plan, la Belgique n'atteindra pas son objectif si la politique actuelle ne change pas.

Dans le Planning Paper publié tous les trois ans, le Bureau constate: « On entrevoit donc bel et bien la lumière au bout du tunnel de Kyoto. Néanmoins, les perspectives pour le climat ne seront encourageantes que si d'importants efforts en termes de maîtrise de la demande énergétique et des choix appropriés et novateurs sur le plan technologique sont entrepris (6)  ».

Nombreux sont donc les rapports internationaux qui indiquent que la Belgique doit prendre des mesures additionnelles pour arriver à la réduction de 7,5 % des émissions de gaz à effet de serre sur son propre territoire et pour limiter au maximum les achats de réduction d'émissions à l'étranger.

Il faut renforcer, rassembler et rendre fonctionnels le « Fonds Kyoto » ainsi que les fonds existants pour réduire le coût de l'énergie afin d'intensifier la réduction des gaz à effet de serre. Nous disposons en effet d'un potentiel de réduction qui nous permet d'aller bien au-delà des 7,5 % de Kyoto, ce qui deviendra nécessaire pour la politique du climat post 2012.

L'Union européenne s'est déjà fixé des objectifs:

— 20 % de réduction de CO2,

— 20 % de l'énergie renouvelable

— et 20 % de l'efficacité énergétique en 2020.

Pour la Belgique cela impliquera 15 % de réduction de CO2, 13 % de l'énergie renouvelable et 20 % de l'efficacité énergétique.

Le rapport du Bureau fédéral du plan de 2006 « Het klimaatbeleid na 2012 » indique qu'il est possible de réaliser des réductions de 17 à 24 % (7) en 2020 en Belgique.

Il existe donc un consensus scientifique pour indiquer qu'il faut des réductions plus importantes, allant au-delà des engagements Kyoto. Mais il existe en même temps des rapports qui indiquent que ces réductions sont réalistes, possibles et faisables, tant au niveau mondial qu'au niveau belge.

Ainsi, la production électrique à partir de centrales au charbon représente près de 10 % des émissions de CO2 de la Belgique, bien que ces centrales ne procurent que 11 % de la production totale de l'électricité. En d'autres mots: si ces centrales sont fermées, l'objectif Kyoto est automatiquement atteint. Un indice complémentaire si besoin en était: par unité électrique produite, le charbon émet 92 % de CO2 en plus que le gaz naturel.

Le logement et la production d'électricité sont responsables de plus de 40 % des émissions de CO2 dans notre pays. Des actions conséquentes doivent donc être menées dans ces deux secteurs.

Dans le secteur du logement, les investissements visant à réduire la consommation d'énergie et donc les émissions de CO2 sont pour la plupart rentables.

Pour les mettre en œuvre au mieux, il faut toutefois disposer de moyens financiers suffisants, ce qui est loin d'être le cas pour tout le monde. Nous constatons d'ailleurs que le dispositif d'aide existant est surtout utilisé par ceux qui disposent de moyens financiers pour investir et pour pouvoir, par exemple, bénéficier des réductions d'impôts.

Il est donc essentiel pour les écologistes de donner accès aux mesures d'économies d'énergie, aux énergies renouvelables et aux mesures de réduction d'émissions de CO2 à tous les ménages à bas revenus en alimentant le « Fonds de réduction du coût global de l'énergie » et en le rendant fonctionnel. Ce fonds créé en février 2006 devrait financer des mesures structurelles qui économisent l'énergie dans les logements privés pour le groupe cible des personnes les plus démunies et octroyer des emprunts bon marché en faveur de mesures structurelles visant à promouvoir la réduction du coût global de l'énergie pour tous les particuliers.

Malheureusement, deux ans plus tard, il n'a encore jamais été utilisé, or, sans mesures sociales fortes, il n'y aura pas de solution à la lutte contre le réchauffement climatique, que ce soit ici en Belgique, ou ailleurs sur la planète. Faut-il rappeler que l'énergie la moins chère est celle qui n'est pas consommée ? Une politique ambitieuse en matière du climat est donc avant tout une politique sociale.

Si on peut réduire les factures d'énergie d'une manière structurelle, moins d'énergie sera consommée, moins d'énergie devra être payée et donc moins de CO2 sera émis. Les familles belges dépensent environ 10 milliards d'euros/par an en factures énergétiques (chauffage, lumière, transport). Une réduction de 10 % de la facture énergétique implique l'augmentation du pouvoir d'achat avec 1 milliard d'euros (8) .

Des moyens financiers existent pour mener ces politiques: taxer les superbénéfices des centrales amorties.

Cette proposition de loi vise bien sûr à taxer le bénéfice indu dont bénéficie Suez-Electrabel grâce à des centrales amorties à partir d'un prix élevé payé par les consommateurs.

Mais elle vise également à utiliser le produit de cette taxation pour financer la réduction du coût global de l'énergie au bénéfice des consommateurs et par la même occasion la réduction des émissions des gaz à effet de serre au bénéfice des citoyens belges, de la stabilité climatique et dès lors des habitants de la planète.

Une taxe est préférable à une baisse des marges du producteur dominant, car cette deuxième option empêcherait l'accès au marché de nouveaux producteurs et partant freinerait le développement de sources d'électricité plus respectueuses de l'environnement.

Parallèlement à l'instauration de la taxe sur la production électrique, la présente proposition de loi maintient l'ensemble des cotisations fédérales existantes (servant à financer les tarifs sociaux, le financement des projets de développement propre et d'implémentation conjointe prévus par le Protocole de Kyoto, les services de la CREG, etc.). Attendu que ces cotisations fédérales servent à financer des mécanismes redistributifs, il est préférable de les maintenir et d'imposer en sus de ces cotisations la taxe sur les bénéfices injustifiés. Cette nouvelle taxe sur la production ne devrait pas engendrer d'augmentation des tarifs dans la mesure où elle touche les bénéfices et non les coûts supportés par les producteurs.

Toutefois, si l'on n'y prend pas garde, les producteurs d'électricité pourraient répercuter sur les consommateurs le poids de cette taxe en augmentant artificiellement leurs coûts. Pour pallier ce problème, il est dès lors nécessaire de prévoir la possibilité de fixer un prix maximum au niveau de la production d'électricité dans le cas où les producteurs tenteraient de contourner l'esprit de cette proposition de loi aux détriments des consommateurs. À cet effet, il est essentiel d'accompagner cette précaution d'un élargissement des missions de la CREG afin que cette dernière puisse vérifier la véracité des coûts supportés par les producteurs.

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 2

Cet article insère de manière explicite la possibilité de fixer des prix maxima à la production d'électricité pour les producteurs assujettis à la taxe sur les bénéfices injustifiés.

Il doit permettre au gouvernement de réagir dans l'hypothèse où les assujettis tenteraient de répercuter le poids de cette taxe dans les tarifs payés par les consommateurs.

À cet effet, un mandat clair est donné à la CREG de vérifier le respect de ce prescrit, tout comme les instruments adéquats pour permettre à la CREG d'atteindre cet objectif.

Il est ainsi prévu que la CREG dispose de la capacité de demander toute information utile lui permettant de vérifier les coûts supportés par les producteurs et la manière d'établir ses tarifs.

En cas de manquement à ces obligations d'information, les producteurs sont susceptibles de devoir payer une amende administrative.

Article 3

Cet article insère le dispositif de taxation des bénéfices injustifiés. La CREG est chargée de percevoir le produit de celle-ci.

Une série d'hypothèses ont du être émises afin de concevoir un mécanisme de taxation efficace et équitable. Ce mécanisme doit garantir une marge correcte à l'opérateur dominant qui lui permette de rémunérer de façon raisonnable et honnête le capital mobilisé pour la production électrique. Compte tenu des importants bénéfices passés et actuels réalisés grâce aux centrales nucléaires, une rentabilité de 12 % sur les capitaux mobilisés pour la production d'électricité à partir du nucléaire et du charbon est socialement et économiquement justifiée. À partir d'un rapport du Comité de Contrôle de l'Électricité et du Gaz, on peut estimer les capitaux affectés à la production d'électricité à 2 milliards d'euros. Si l'on applique un rendement annuel de 12 % sur ces capitaux mobilisés, cela représente un bénéfice normal de 200 millions d'euros.

Selon les données disponibles, le prix de gros de l'électricité est proche de 60 euros par MWh, alors que le coût de production est de 15 euros par MWh pour la production nucléaire et 25 euros par MWh pour la production charbon. La production électrique annuelle s'élève quant à elle à 47 TWh pour le nucléaire et à 9 TWh pour le charbon. Le bénéfice avant impôts s'élève donc annuellement à quelques 2,4 milliards d'euros. Soit plus de dix fois par rapport à ce qui est économiquement justifié.

Une taxe forfaitaire de 25 euros par MWh pour la production nucléaire et de 15 MWh pour la production charbon est donc totalement justifiée. Compte tenu du niveau de production, cela réduirait les bénéfices avant impôts d'un peu plus d'un milliard d'euros. Une taxe d'une telle ampleur permet encore de rémunérer le capital mobilisé dans la production électrique bien plus grassement que le rendement équitable de 12 % l'an.

Compte tenu du fait que les informations qui ont servi à la fixation de la taxe par MWh produit sont sujettes à caution, un mécanisme de révision de la taxe a été prévu.

Le dispositif prévoit en effet la possibilité pour les producteurs de démontrer que leur coût par mégawattheure ou les capitaux mobilisés sont plus importants que ce qui est admis dans les hypothèses de départ. Dans ce cas le montant de la taxe pourra être revu.

Un échéancier est également fixé qui laisse aux producteurs le temps de se conformer aux divers prescrits de loi.

Des voies de recours sont également organisées en cas d'interprétation divergente entre la CREG et les producteurs. Des sanctions sont prévues en cas de manquement.

Article 4

Cet article vise à définir ce qui sera fait du produit de cette taxe. Après centralisation dans un Fonds de compensation géré par la CREG, les moyens seront répartis de la façon suivante:

— la moitié du produit de la taxe sera versée au Fonds pour la réduction du coût global de l'énergie;

— trois dixièmes du produit de la taxe seront versés au Fonds pour le financement de la politique fédérale de réduction des émissions de gaz à effet de serre;

— un cinquième du produit de la taxe doit venir en soutien aux politiques de recherche et développement de tout ce qui fait avancer les connaissances sur les énergies alternatives et les économies d'énergie. Il s'agit donc d'un mécanisme souple d'aide à la recherche dans le domaine.

José DARAS
Vera DUA.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution, à l'exception de l'article 3 qui règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Dans le chapitre V de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, ci-après dénommée « loi sur l'électricité », et modifiée en dernier lieu par la loi du 16 mars 2007, est inséré un article 20bis, rédigé comme suit:

« Art 20bis. Sur proposition de la commission, le Roi peut, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres, fixer des prix maximaux pour les producteurs d'électricité assujettis à la taxe sur l'électricité produite au moyen de centrales au charbon et de centrales nucléaires qui ont été amorties sur le marché protégé telle que visée à l'article 21quater.

La commission veille à ce que l'imposition de cette taxe ne puisse se répercuter dans une augmentation du tarif de production de l'électricité. À cet effet, tous les acteurs, personnes physiques ou morales établies ou non en Belgique, du marché de l'électricité transmettront à la commission, dans les délais demandés par celle-ci, des informations périodiques en vue du suivi du fonctionnement du marché, de la concurrence et des aspects techniques et tarifaires du marché de l'électricité. La commission peut procéder, sur les lieux, au contrôle des renseignements et de l'information qui lui ont été fournis.

La commission peut imposer une amende administrative en cas de non-respect ou de l'observation insuffisante de cette obligation d'information et des délais prévus. L'amende pécuniaire ne peut être inférieure à 10 000 euros ni supérieure à 3 pour cent du chiffre d'affaires réalisé par la personne concernée sur le marché belge de l'électricité pendant le dernier exercice clôturé. L'amende pécuniaire est perçue au profit du Trésor par l'Administration du cadastre, de l'enregistrement et des domaines. ».

Art. 3

Dans le même chapitre V de la loi sur l'électricité, est inséré un article 21quater, rédigé comme suit:

« Art. 21quater. — § 1er. Il est instauré une taxe annuelle sur l'électricité produite au moyen de centrales au charbon et de centrales nucléaires qui ont été amorties sur le marché protégé. La commission assure la perception de cette taxe.

§ 2. Par centrales au charbon, on entend les centrales qui utilisent comme combustible le charbon, le coke et le lignite relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704. Les codes de la nomenclature combinée visée dans le présent article sont ceux figurant dans le règlement CEE nº 2031/2001 de la Commission européenne du 6 août 2001 modifiant l'annexe I du règlement CEE nº 2658/87 du Conseil relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et aux tarifs douaniers communs. Si ces centrales utilisent aussi d'autres combustibles que le charbon, la production d'électricité à partir du charbon est calculée au prorata.

Par centrales nucléaires, on entend des centrales de production d'électricité à partir de la fission de combustibles nucléaires.

Les centrales au charbon et les centrales nucléaires sont considérées comme amorties dans le marché protégé si elles ont été mises en production avant le 1er janvier 1987.

§ 3. La taxe est le produit de la quantité d'électricité produite exprimée en kWh et un montant forfaitaire. La taxe est calculée selon les formules suivantes:

TPC(n) = Q(n) * M(n)

TPC(c) = Q(c) * M(c)

Dans ces formules, TPC(n) représente la taxe sur la production électrique à partir de centrales nucléaires, Q(n) la production annuelle d'électricité à partir de combustibles nucléaires exprimée en MWh, M(n) le montant forfaitaire par MWh d'électricité produite à partir de combustibles nucléaires, TPC(c) représente la taxe sur la production électrique à partir de centrales au charbon, Q(c) la production annuelle d'électricité à partir de charbon exprimée en MWh, M(c) le montant forfaitaire par MWh d'électricité produite à partir de charbon.

Pour la première année d'application de la taxe, les montants forfaitaires M(n) et M(c) sont fixés à respectivement 25 euros et 15 euros.

§ 4. Les montants forfaitaires M(n) et M(c) visés au § 3 sont augmentés de la différence positive entre le prix de gros de l'électricité par MWh et 60 euros.

Le prix de gros de l'électricité visé à l'alinéa 1er est fixé par la commission dans les deux mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, sur la base du prix moyen de l'électricité sur le marché belge pendant les 12 mois précédant le calcul.

Sur la proposition de la commission, le Roi peut définir des règles particulières relatives à la fixation du prix de gros.

§ 5. Le montant forfaitaire M(n) fixé au § 3 est diminué de la différence positive entre le coût de production par MWh et 20 euros. La réduction du montant forfaitaire M(n) n'est accordée que si les conditions du § 7 du présent article sont réunies.

§ 6. Le montant forfaitaire M(c) fixé au § 3 est diminué de la différence positive entre le coût de production par MWh et 30 euros. La réduction du montant forfaitaire M(n) n'est accordée que si les conditions du § 7 du présent article sont réunies.

§ 7. Un producteur d'électricité exploitant des centrales visées au § 2 peut, dans les deux mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, demander à la commission de réviser les montants forfaitaires M(n) et M(c) visés au §§ 5 et 6, utilisés pour le calcul de la taxe pour l'année suivant celle de la demande.

Il introduit sa demande auprès de la commission et lui fournit les éléments nécessaires justifiant la structure de coûts de la production d'électricité. La commission peut procéder à un contrôle des comptes sur place.

La révision de la taxe ne peut être accordée par la commission que si le producteur apporte la preuve à la Commission que le montant de celle-ci réduit le rendement des capitaux mobilisés à la production d'électricité est inférieur à 12 % l'an.

Sur proposition de la commission, le Roi peut définir des règles particulières relatives à la détermination du coût de production.

§ 8. Les exploitants des centrales visées au § 2 transmettent tous les trois mois à la commission, par lettre recommandée, un aperçu de leurs centrales indiquant la quantité produite d'électricité par centrale en mégawattheures au cours des trois mois précédents. Pour ce qui est des centrales à charbon, si d'autres combustibles que le charbon y sont utilisés, la production d'électricité à partir de charbon est calculée au prorata.

§ 9. Dans les trente jours civils de la réception de l'aperçu visé au § 8, la commission fixe:

1º la quantité d'électricité produite par centrale en mégawattheures au cours des trois mois précédents;

2º la taxe due;

3º le cas échéant, les coûts de production conformément au § 7.

Dans les trois jours ouvrables de la décision, celle-ci est signifiée par lettre recommandée avec accusé de réception au débiteur de la taxe, et mentionne les possibilités de recours.

§ 10. Sans préjudice de l'application de l'article 89bis du Code d'instruction criminelle, la commission peut:

1º accéder aux bâtiments, ateliers et leurs dépendances pendant les heures d'ouverture ou de travail, lorsque ceci est nécessaire à l'exercice de sa mission;

2º faire toutes les constatations utiles, se faire produire et saisir des documents, pièces, livres et objets nécessaires à l'enquête et à la constatation.

Lorsque ces actes ont le caractère d'une perquisition, ils ne peuvent être accomplis que sur autorisation du juge d'instruction ou du président du tribunal de première instance saisi sur requête.

§ 11. À peine de déchéance, le débiteur de la taxe peut, dans les trente jours civils de la réception de la décision, introduire auprès de la commission, par lettre recommandée avec accusé de réception, un recours administratif motivé contre la décision.

§ 12. Le débiteur de la taxe peut contester la décision dans les faits et quant au fond par tous moyens de droit commun, à l'exception du serment. Sous peine d'irrecevabilité, il joint à sa requête en contestation copie de l'aperçu, la décision, ainsi que toutes les pièces utiles pour statuer sur le recours et il indique également s'il souhaite être entendu.

§ 13. Le directeur général de la direction générale Énergie statue dans un délai de soixante jours civils sur le recours. Si aucun jugement n'est intervenu dans ce délai, le recours est censé avoir été accepté.

§ 14. Dans les trois jours ouvrables suivant l'échéance du délai visé au § 13, la décision du directeur général de la direction générale Energie est signifiée à la commission et au débiteur de la taxe par lettre recommandée avec accusé de réception, accompagnée d'informations quant à la poursuite de la procédure.

§ 15. La commission transmet, dans les trois jours ouvrables de la réception, toute décision définitive au Service public fédéral Finances. Dans les quinze jours ouvrables de la réception de la décision visée au § 14, le receveur des Domaines fait parvenir un avis de paiement au débiteur de la taxe.

L'avis de paiement mentionne l'assiette de la taxe, le montant à payer, le mode de calcul, la date d'échéance pour le paiement et les formalités à remplir.

Le montant de la taxe doit avoir été acquitté au plus tard le dernier jour du mois qui suit le mois au cours duquel l'avis de paiement a été envoyé.

Si le paiement n'a pas lieu dans le délai visé à l'alinéa précédent, des intérêts sont dus d'office, calculés au taux d'intérêt légal, pour la totalité de la durée du retard, et les sommes dues seront récupérées par voie de contrainte, conformément aux dispositions de l'article 94 des lois coordonnées du 17 juillet 1991 sur la comptabilité de l'État.

§ 16. Le débiteur de la taxe ou le tiers peut, en application des dispositions du Code judiciaire, intenter une action en justice devant le tribunal de première instance contre la contrainte.

L'action en justice n'a pas d'effet suspensif, à moins que le débiteur de la taxe ou le tiers ne demande que l'exécution de la contrainte soit suspendue et que le tribunal, avant dire droit, n'ordonne la suspension, lorsque le demandeur invoque des moyens sérieux susceptibles de justifier l'annulation ou la réformation de la décision visée aux §§ 9 et 11 et que l'exécution immédiate de la contrainte risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable. Le tribunal statue toute affaire cessante sur la demande de suspension.

§ 17. Si l'action en justice est acceptée, les montants dus sont majorés des intérêts calculés au taux d'intérêt légal, à partir du premier jour du mois suivant celui de la date du paiement jusqu'au dernier jour du mois précédant celui de la date du remboursement.

§ 18. Les membres du personnel de la commission sont liés par le secret professionnel. La confidentialité des données individuelles, obtenues dans le cadre de la présente loi, est assurée. Toute utilisation des données recueillies à d'autres fins que celles visées par la présente loi est interdite.

Toute infraction à l'alinéa précédent est punie des peines prévues à l'article 458 du Code pénal. Les dispositions du livre premier du Code pénal, y compris le chapitre VII et l'article 85, sont applicables.

§ 19. Sont punis d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende d'un euro vingt cents à quatre cent nonante-cinq euros septante-huit cents ou d'une de ces peines seulement ceux qui font obstacle aux vérifications et investigations effectuées par le fonctionnaire en vertu de la présente loi, refusent de lui donner les informations qu'ils sont tenus de fournir en vertu de la présente loi ou lui donnent sciemment des informations inexactes ou incomplètes.

Les dispositions du livre premier du Code pénal sont applicables aux infractions visées au § 1er. Les sociétés sont civilement responsables des amendes auxquelles leurs administrateurs, gérants ou mandataires sont condamnés pour de telles infractions.

§ 20. La commission peut enjoindre au débiteur de la taxe ou au tiers de se conformer aux §§ 9 et 11 dans un délai fixé par elle. Si l'intéressé reste en défaut à l'expiration du délai, le fonctionnaire peut, l'intéressé entendu ou dûment convoqué, lui infliger une amende administrative. L'amende s'élève au double de la taxe due conformément au § 3. Elle est recouvrée par le Service public fédéral Finances au profit des tarifs visés à l'article 12 de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité. ».

Art. 4

Dans le même chapitre V de la loi sur l'électricité, est inséré un article 21quinquies, rédigé comme suit:

« Art 21quinquies. § 1er. Le produit de la taxe perçue en vertu de l'article 21quater est versé par la commission dans un fonds dénommé « , fonds de compensation ». Ce fonds est géré par la commission.

§ 2. Par année civile la moitié des moyens du fonds de compensation est versé au « Fonds pour la réduction du Coût global de l'énergie », créé par le chapitre VIII de la loi-programme du 27 décembre 2005.

§ 3. Par année civile, trois dixièmes des moyens du fonds de compensation sont versés au « Fonds pour le financement de la politique fédérale de réduction des émissions de gaz à effet de serre ». Ces moyens sont investis exclusivement dans des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire belge.

§ 4. Le solde des moyens du fonds de compensation est destiné d'une part à financer par des aides non récupérables des initiatives favorisant la recherche et le développement permettant d'améliorer les connaissances dont le résultat final peut avoir pour conséquence de permettre à la Belgique de respecter plus facilement ses engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto par une amélioration de l'efficacité énergétique. »

Art. 5

La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.

3 juillet 2008.

José DARAS
Vera DUA.

(1) Bond van Grote en Jonge Gezinnen, Test-Achats, Verbraucherschutzzentrale Ostbelgien, FGTB, Unizo, Union des Classes moyennes.

(2) Contribution of Working Group III to the Fourth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Technical Summary, pages 39 et 90 (2007).

(3) Pour la Belgique, le niveau des émissions de l'« année de référence » désigne la somme des émissions de CO2, CH4, N2O en 1990 et des émissions de HFC, PFC et SF6 en 1995.

(4) Émissions de gaz à effet de serre en Belgique. Tendances, projections, progrès par rapport à l'objectif de Kyoto (2007), Commission nationale Climat.

(5) L'avenir énergétique de la Belgique: y a-t-il de la lumière au bout du tunnel de Kyoto ?, Bureau fédéral du Plan, 27 novembre 2007, http://www.plan.be/press/press_det.php?lang=fr&TM=30&IS=67&KeyPub=603.

(6) La politique climatique post-2012: analyse de scénarios de réductions d'émissions aux horizons 2020 et 2050, Bureau fédéral du Plan, juillet 2006..

(7) Het Klimaatboek, Els Keytsman en Peter Tom Jones, 2007, EPO, blz. 123.

(8) Het Klimaatboek, Els Keytsman en Peter Tom Jones, 2007, EPO, blz. 44.