4-929/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

30 SEPTEMBRE 2008


Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite en vue de permettre le cumul des allocations accordées en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs, pour congé parental ou pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de sa famille avec la pension des salariés

(Déposée par M. Marc Elsen et Mme Anne Delvaux)


DÉVELOPPEMENTS


1. Cadre général

En principe, le cumul entre la pension et d'autres revenus sociaux est interdit, quel que soit le régime de pension (salarié, indépendant ou secteur public).

Cependant, il existe certaines exceptions. Parmi celles-ci, il y a trois cas où le cumul entre pension et revenus sociaux a été autorisé, mais dans le secteur public uniquement:

— les allocations accordées en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs;

— les allocations pour congé parental;

— les allocations pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave.

Ces allocations sont perçues lorsque le bénéficiaire travaille encore. C'est donc le cumul avec la pension de survie perçue par un veuf ou une veuve qui est surtout visé. Ceux-ci, bien qu'ils aient fait le choix de poursuivre leur carrière (en respectant le plafond de revenus imposé pour cumuler un revenu professionnel et une pension de survie), peuvent ressentir la nécessité d'interrompre leur carrière, notamment dans le but de s'occuper d'un membre de la famille malade ou d'un enfant. Ce besoin est d'autant plus compréhensible que cet enfant n'a plus qu'un seul parent, le survivant.

2. Aperçu des règles de cumul applicables dans les différents régimes de pension

2.1. Régime des salariés

Le régime des salariés recouvre deux types de pension: les pensions de retraite et les pensions de survie.

Dans les deux cas, le cumul entre la pension et un autre revenu est, en principe, interdit, en vertu de l'article 25 de l'arrêté royal nº 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés:

« Sauf dans les cas et sous les conditions déterminées par le Roi, la pension de retraite et la pension de survie ne sont payables que si le bénéficiaire n'exerce pas d'activité professionnelle et s'il ne jouit pas d'une indemnité pour cause de maladie, d'invalidité ou de chômage involontaire, par application d'une législation de sécurité sociale belge ou étrangère, ni d'une allocation pour cause d'interruption de carrière, de crédit-temps ou de réduction des prestations, ni d'une indemnité complémentaire accordée dans le cadre d'une prépension conventionnelle.

Il peut déterminer également les cas et les conditions dans lesquels une partie de la pension est payable. »

Cependant, ce principe connaît déjà certains assouplissements.

Ainsi, en matière de cumul de la pension de retraite ou de survie avec un revenu du travail, le pensionné peut encore travailler dans certaines limites de travail autorisé.

La pension de retraite ou de survie peut aussi être cumulée avec des indemnités en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle mais le montant des indemnités sera influencé par l'octroi de la pension.

En ce qui concerne le cumul de la pension avec d'autres revenus sociaux, depuis le 1er janvier 2007, les bénéficiaires d'une pension de survie, âgés de moins de 65 ans, peuvent cumuler partiellement et temporairement une pension de survie avec des indemnités de maladie ou de chômage.

La pension de survie est alors limitée au montant de base de la GRAPA. Le montant de la prestation sociale compte aussi pour déterminer si le pensionné dépasse les limites de travail autorisé.

2.2. Régime du secteur public

2.2.1. Mécanisme

Dans le secteur public, le principe est la suspension de la pension pour les mois durant lesquels le bénéficiaire de la pension a perçu d'autres revenus.

Cela, en vertu de l'article 13, § 1er, de la loi du 5 avril 1994 régissant le cumul des pensions du secteur public avec des revenus provenant de l'exercice d'une activité professionnelle ou avec un revenu de remplacement: « La pension de retraite ou de survie est suspendue pour les mois calendrier au cours desquels la personne qui bénéficie de cette pension perçoit effectivement un revenu de remplacement visé à l'article 2, 3º, a) ou c). »

Mais, le législateur a introduit une possibilité de cumul entre la pension et certaines allocations à l'article 2, alinéa 1er, de la même loi du 5 avril 1994:

« 3º il faut entendre par « revenu de remplacement »:

a) l'allocation pour cause d'interruption de carrière ou de réduction des prestations ou de crédit-temps à l'exception de l'allocation accordée en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs, pour congé parental ou pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave;

b) l'allocation de chômage;

c) l'indemnité complémentaire accordée dans le cadre d'une prépension conventionnelle;

d) l'indemnité d'incapacité primaire;

e) l'indemnité d'invalidité. »

Les allocations suivantes sont donc désormais cumulables avec une pension dans le secteur public:

— l'allocation accordée en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs;

— l'allocation pour congé parental;

— l'allocation pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave.

Ces congés dont il est question sont proposés afin que le travailleur puisse s'absenter du travail pour des raisons personnelles et familiales. Des allocations sont prévues afin de ne pas subir un trop lourd préjudice financier. Elles sont payées par l'ONEm. L'employeur, lui, n'intervient pas.

Pour être certain que le travailleur puisse prendre son congé, il est protégé contre le licenciement.

2.2.2. Modalités

L'interruption de carrière ou la réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs (1) vise toute forme de soins ou d'accompagnement médical, social, administratif et psychologique à un mourant. Pour être accordé, il suffit que le travailleur produise un certificat médical attestant qu'il est disposé à donner des soins à une personne mourante. Le congé dure un mois mais peut être prolongé.

Le congé parental (2) est accordé au travailleur, homme ou femme, qui souhaite accueillir ou s'occuper d'un enfant de maximum six ans.

Il peut prendre la forme:

— d'une suspension complète des prestations pendant trois mois;

— d'un passage à mi-temps pendant six mois;

— d'un passage à 4/5 temps pendant quinze mois.

Enfin, l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave (3) peut prendre la forme:

— d'une interruption de travail de douze mois maximum;

— d'une réduction du temps de travail pendant vingt-quatre mois.

Au 1er mai 2008, les montants des allocations dans ces cas de congés se présentent comme suit:

Type d'interruption Âge Montant (en euros)
Interruption complète 712,60
Réduction 1/2 < 50 356,30
> 50 604,36
Réduction 1/5 < 50 Isolé: 162,55
Autres: 120,87
> 50 241,74

L'autorisation de cumul a été introduite par l'article 74 de la loi du 3 février 2003 apportant diverses modifications à la législation relative aux pensions du secteur public, pour les raisons suivantes:

« Enfin, il convient encore de souligner que le fait de prendre un congé pour assurer des soins palliatifs est motivé par d'autres raisons que le fait de prendre une interruption de carrière ordinaire. Traiter les deux allocations de la même manière en ce qui concerne le cumul avec une pension du secteur public, paraît dès lors peu justifié.

C'est la raison pour laquelle il est proposé, pour l'application de la loi du 5 avril 1994, de ne désormais plus considérer comme un revenu de remplacement l'allocation accordée en cas d'interruption de carrière en vue d'assurer des soins palliatifs.

Un même raisonnement peut être suivi pour les nouvelles formes d'interruption de carrière instaurées par les articles 35 et 117, § 2, de l'arrêté royal du 19 novembre 1998 (4) , c'est-à-dire l'interruption de carrière pour congé parental et l'interruption de carrière pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré, qui souffre d'une maladie grave. » (5) .

3. Différence de traitement entre le régime du secteur privé et le régime du secteur public

3.1. Étendue

La comparaison du régime du secteur privé et celui du secteur public montre une différence de traitement injustifiée car, contrairement aux salariés du secteur privé, les travailleurs du secteur public qui perçoivent une pension ont le droit de cumuler avec leur pension:

— l'allocation accordée en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs;

— l'allocation pour congé parental;

— l'allocation pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave.

3.2. Caractère injustifié

Les raisons qui ont poussé à prendre cette décision dans le secteur public sont valables dans le secteur privé également, car des congés comme le congé parental ou le congé pour assurer des soins à un membre de sa famille malade ou des soins palliatifs sont motivés par des raisons spécifiques.

Il faut encourager les bénéficiaires d'une pension de survie à mener leur propre carrière. Cela ne peut se faire que si ces bénéficiaires savent qu'ils pourront cumuler leur pension avec des allocations dues en cas d'interruption de carrière pour des raisons familiales importantes, d'autant plus qu'ils sont seuls pour s'occuper de leur famille, puisqu'ils sont veufs.

Enfin, cette modification législative est recommandée par le Rapport annuel 2007 du Service de médiation des pensions.

Pour ces différentes raisons, les auteurs de la présente proposition suggèrent de modifier les règles de cumul du régime salarié afin de les calquer sur celles du secteur public, et donc d'autoriser le cumul de la pension avec:

— l'allocation accordée en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs;

— l'allocation pour congé parental;

— l'allocation pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article vise à permettre aux salariés du secteur privé de cumuler leur pension avec:

— l'allocation accordée en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs;

— l'allocation pour congé parental;

— l'allocation pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave.

Marc ELSEN
Anne DELVAUX.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans l'article 25, alinéa 1er, de l'arrêté royal nº 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, les mots « à l'exception des allocations accordées en cas d'interruption de carrière ou de réduction des prestations en vue d'assurer des soins palliatifs, pour congé parental ou pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre de son ménage ou à un membre de sa famille jusqu'au deuxième degré qui souffre d'une maladie grave, » sont insérés entre les mots « ou de réduction des prestations, » et les mots « ni d'une indemnité complémentaire ».

11 septembre 2008.

Marc ELSEN
Anne DELVAUX.

(1) Introduit par la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985 et l'arrêté royal relatif à l'octroi d'allocations d'interruption du 2 janvier 1991

(2) Visé dans la convention collective de travail no 64 du 29 avril 1997 et l'arrêté royal du 29 octobre 1997.

(3) Accordée en vertu de la loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales et l'arrêté royal du 10 août 1998 instaurant un droit à l'interruption de carrière pour l'assistance ou l'octroi de soins à un membre du ménage ou de la famille gravement malade.

(4) Il s'agit de l'arrêté royal du 19 novembre 1998 reltaif aux congés et aux absences accordées aux membres du personnel des administrations de l'État.

(5) Doc. Parl., Chambre, 50-1901/001, p. 54.