4-30

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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 22 MAI 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Proposition de loi modifiant le Code pénal et la loi du 9 avril 1930 de défense sociale à l'égard des anormaux, des délinquants d'habitude et des auteurs de certains délits sexuels, en ce qui concerne la récidive (de Mme Marie-Hélène Crombé-Berton et M. François Roelants du Vivier, Doc. 4-330)

Discussion générale

M. Philippe Mahoux (PS), rapporteur. - Je me réfère à mon rapport écrit.

M. Francis Delpérée (cdH). - Si le cdH n'apportera pas son appui à la proposition à l'examen, c'est d'abord pour des raisons de forme.

La proposition initiale a en effet changé d'intitulé, d'objet. Des amendements, des sous-amendements ont été déposés, retirés. Plus encore, l'article 2 entend modifier un article du Code pénal qui n'est pas encore en vigueur. Une chatte n'y retrouverait pas ses petits !

C'est aussi pour une raison de fond. Notre système juridique en matière de récidive repose sur une équation extrêmement simple. Relèvent de la récidive trois situations : le délit sur délit, le crime sur crime, le délit sur crime.

Dans cette dernière hypothèse, le législateur est parti de l'idée que si une personne a été condamnée pour crime, qu'elle est ensuite remise en liberté et qu'elle en vient à commettre un délit, elle n'honore pas la confiance que la société lui a témoignée. Cette rupture du lien de confiance doit être sanctionnée.

La quatrième hypothèse, celle du crime sur délit, n'est pas prise en compte par le droit pénal et c'est ce qu'entend corriger la proposition, telle qu'elle a été amendée.

Il y aurait là une sorte d'anomalie : pourquoi dans trois cas et pas dans le quatrième ?

Encore aurait-il fallu au départ se demander si cet autre régime juridique ne répondait pas à des considérations logiques, de bon sens.

J'ai eu la curiosité de relire les travaux du Code pénal. Ils décrivent la situation et cherchent ensuite à l'expliquer.

Nous sommes ici dans le cas d'un délinquant au sens technique du terme, c'est-à-dire celui qui a commis une infraction que la loi qualifie de délit. Cette personne a été poursuivie pour un fait délictueux et la condamnation peut être assortie d'un sursis. Si ultérieurement, elle en vient à commettre un crime - au sens technique de l'expression - la loi ne dit évidemment pas que la nouvelle infraction ne doit pas être poursuivie, jugée et sanctionnée, mais elle considère que les règles sur la récidive ne doivent pas s'appliquer à ce moment-là.

Pourquoi ? L'explication donnée lors de l'élaboration de la loi était très simple : le crime est l'infraction la plus grave, celle qui appelle les peines les plus graves. Le criminel va encourir le maximum. Quel profit y a-t-il à ce moment-là à fouiller dans son passé pour voir s'il n'a pas commis, un jour, un autre délit qui n'a d'ailleurs peut-être rien à voir avec le crime examiné ? Cette explication a le mérite d'être rationnelle.

Je voudrais ajouter qu'à l'occasion des travaux en commission, le représentant du gouvernement a regretté que la question ne soit pas examinée de manière plus globale, qu'elle ne soit examinée que de manière partielle, qu'elle ne s'inscrive pas dans une réflexion plus large en concertation avec toutes les branches de la majorité.

La proposition actuelle est prématurée et j'estime qu'une réflexion plus approfondie et plus complète aurait dû se poursuivre en tenant compte des principes fondamentaux qui doivent présider à une répression pénale, juste et cohérente.

M. Philippe Mahoux (PS). - Notre groupe émettra un vote négatif lors du vote de la présente proposition de loi. Les raisons viennent d'être citées ; elles semblaient d'ailleurs être partagées par le gouvernement. Nous avons longuement insisté sur le fait que le délit antérieur devait concerner des personnes et nous n'avons même pas réussi à trouver un accord sur cette question. Les auteurs ont retenu la règle d'une condamnation supérieure à trois ans, sans toutefois soulever l'hypothèse qu'il est possible d'être condamné à trois ans pour des délits ne touchant pas directement des personnes.

En outre, la proposition est la copie exacte d'un texte déposé en 2004. Depuis lors, des modifications ont été apportées à la loi. Elles concernent le statut externe des détenus et la création du tribunal d'application des peines. Ces modifications législatives doivent entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2009. Cela signifie que le présent texte modifie une loi qui n'est pas encore en vigueur. Dès lors, pourquoi le faire ?

Certains ont affirmé que les auteurs des crimes les plus graves ne font pas l'objet de poursuites et de sanctions importantes. Ce n'est pas du tout le cas. En effet, la loi sur le statut externe et sur le tribunal d'application des peines prévoit, pour les crimes les plus graves, des mesures de mise à disposition du gouvernement particulières.

Nous considérons dès lors que la présente proposition n'est pas cohérente. Le ministre de la Justice a dit qu'il prendrait des initiatives afin de clarifier et de modifier ce texte entre le Sénat et la Chambre. Nous en acceptons l'augure. Pour l'heure, nous nous opposerons à cette proposition de loi.

Mme Marie Hélène Crombé-Berton (MR). - Je me dois de répondre aux questions qui viennent d'être posées. Je ne revendique pas la perfection et le texte a été amendé. Je remercie à ce sujet le ministre la Justice qui a accompagné le travail parlementaire. C'est souvent l'inverse. Dans ce cas, le ministre a permis l'aboutissement d'une proposition de loi.

Lorsque le Code pénal a été voté, seul le crime sur crime avait été prévu. En effet, à l'époque, les crimes n'étaient pas correctionnalisés comme ils le sont aujourd'hui. Lorsqu'un crime n'est pas correctionnalisé, il y a récidive. Par contre, pour un crime de même nature qui est correctionnalisé, on ne parle pas de récidive. Votre argument, monsieur Delpérée, me paraît dès lors totalement aléatoire et correspond à une autre époque. La plupart des cours d'assises sont engorgées et la plupart des crimes sont correctionnalisés.

C'est vrai, monsieur Mahoux, que nous avons réfléchi. Pouvions-nous arriver à une proposition de loi qui distingue l'atteinte aux biens et l'atteinte aux personnes ? Sur le plan de la technique, c'est impossible. Des infractions peuvent recouvrir les deux types d'atteinte. Par ailleurs, il n'était pas judicieux d'instaurer une telle distinction alors qu'il existe déjà des cas de crimes sur crimes, de délits sur délits et de délits sur crimes où cette distinction n'est pas faite.

Je remercie en tout cas tous ceux qui ont contribué à ce que cette proposition de loi soit examinée en assemblée plénière après avoir été approuvée en commission.

Je regrette qu'il n'y ait pas unanimité dans ce dossier qui répond pourtant à une triste réalité.

Mme Isabelle Durant (Ecolo). - Sur le fond, nous avons sciemment créé un tribunal d'application des peines. C'est la meilleure des solutions. Laissons lui le temps de se mettre en place et de fonctionner.

En outre, je pense que notre assemblée a des tâches plus importantes à réaliser que la modification d'une loi qui n'est même pas encore appliquée.

Pour ces deux raisons, ni Groen! ni Ecolo ne soutiendront ce texte.

-La discussion générale est close.