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Sénat de Belgique

Annales

MERCREDI 30 AVRIL 2008 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Isabelle Durant au vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur et à la ministre de la Politique de migration et d'asile sur «les événements d'hier et de cette nuit devant l'Office des Étrangers et le Palais de Justice» (nº 4-264)

Question orale de M. Marc Elsen au vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur et à la ministre de la Politique de migration et d'asile sur «la détention de manifestants sans-papiers» (nº 4-273)

M. le président. - Je vous propose de joindre ces questions orales. (Assentiment)

Mme Isabelle Durant (Ecolo). - Je désire interroger la ministre à propos des événements qui se sont produits hier en fin d'après-midi et cette nuit dans le cadre d'une manifestation assez pacifique de personnes sans-papiers devant l'Office des étrangers, comme cela se passe chaque semaine. Attendant depuis des mois la fin d'une interminable crise, ces personnes espèrent une solution ou des signaux par rapport à leur statut.

Hier, on ne sait pour quelle raison - nous ignorons qui a donné l'ordre - ces personnes ont été embarquées et conduites au Palais de justice où des incidents inqualifiables se sont produits : des actes de violence ont été commis et des avocats se sont fait « tabasser ». Des plaintes seront d'ailleurs déposées à cet égard.

Dans un État de droit, il est inadmissible qu'un avocat qui a reçu l'autorisation d'aller rencontrer ses clients se fasse frapper par les forces de l'ordre.

Je comprends, madame la ministre, que vous ne soyez pas en charge de la police de Bruxelles mais, vu la gravité des faits, je souhaite vous poser plusieurs questions.

Tout d'abord, qui a donné l'ordre d'interpeller ces 150 ou 200 manifestants très pacifiques et de les arrêter ? Les avis divergent sur le point de savoir qui a autorisé la manifestation. D'aucuns affirment qu'il s'agit de la Ville de Bruxelles et d'autres, de l'Office des étrangers.

Ensuite, même si vous n'êtes pas directement compétente, que comptez-vous entreprendre par rapport à une telle situation, car il n'est pas acceptable que les choses dérapent de cette manière ?

Enfin, quelles consignes donnerez-vous en termes de moratoire ? Je continue à croire qu'il n'est pas normal, alors que le gouvernement tarde à prendre les décisions adéquates, que des personnes répondant aux critères de régularisation se voient aujourd'hui envoyées à Merksplas ou au Centre 127bis pour être expulsées.

Il convient de prendre d'urgence des mesures de moratoire pour permettre au moins à ces personnes de faire valoir leur dossier au moment où une décision sera prise.

J'aimerais recevoir une réponse précise à ces différentes questions, car ces personnes qui attendent depuis plus d'un an un signal clair sur leur présent et leur avenir sont en droit d'obtenir autre chose que des « bavures policières », puisqu'il n'existe pas d'autres mots pour qualifier les événements d'hier.

M. Marc Elsen (cdH). - Ma question, dont le ton sera quelque peu différent de celui de la précédente, concernera particulièrement la concrétisation des accords de gouvernement, en en soulignant les avancées positives, notamment en matière de régularisation.

Des sans-papiers manifestant paisiblement mardi après-midi pour la création de la circulaire objectivant la régularisation devant l'Office des étrangers ont fait l'objet d'arrestations administratives.

La manifestation aurait été tolérée jusqu'à 16 heures et, ensuite, la police se serait comportée violemment à l'égard des manifestants. Selon différents témoins, la réaction policière fut disproportionnée.

(M. Armand De Decker, président, prend place au fauteuil présidentiel.)

De plus, il semble que des avocats des sans-papiers aient été malmenés par la police alors qu'ils avaient reçu du bourgmestre l'autorisation de voir les conditions dans lesquelles vivaient les sans-papiers enfermés dans des cellules.

Je ne veux cependant pas m'appesantir aujourd'hui sur cet aspect, certes très important, mais qui ne relève pas de votre responsabilité.

Madame la ministre, la manifestation d'hier prouve une fois de plus que nous sommes dans une situation d'urgence, tant pour les personnes concernées que pour la population, qui mérite une clarification rapide.

Aussi, je me permets de réitérer ma question posée à la Commission de l'Intérieur du Sénat, où des réponses ont déjà été amorcées :

Quand pensez-vous que la circulaire objectivant les régularisations sera d'application ? Un calendrier précis paraît plus que jamais souhaitable.

En attendant, il apparaîtrait logique de rédiger un moratoire ou, à tout le moins, de prôner la plus grande prudence dans la gestion des dossiers, notamment en fonction des nouveaux éléments à venir.

Par ailleurs, pourriez-vous nous faire savoir quelle est la situation administrative de ces sans-papiers concernés ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Politique de migration et d'asile. - La première question posée par Mme Durant ne relève pas de mes compétences mais je vous donne l'information qui m'a été communiquée par le vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur.

La manifestation d'environ 250 personnes, dont une cinquantaine d'étudiants de l'ULB, n'était pas autorisée mais a été tolérée par le bourgmestre de Bruxelles jusqu'à 16 heures.

Cependant, étant donné que des étudiants voulaient installer une quarantaine de tentes en vue de bivouaquer toute la nuit sur place et qu'une autre manifestation en faveur du Tibet avait lieu dans les environs immédiats, le bourgmestre a mis fin à la manifestation des sans-papiers à l'heure qu'il avait indiquée aux manifestants.

Parmi les personnes qui ont participé à l'action d'hier, il y avait des Belges, des étrangers qui disposent déjà d'un droit de séjour, des étrangers dont la procédure est en cours d'examen à l'Office des étrangers et d'autres étrangers en séjour illégal.

Au total, 25 étrangers ont été arrêtés ; 12 d'entre eux ont été transférés vers des centres fermés. Il s'agit d'étrangers pour lesquels il a été constaté, après examen, qu'ils ne pourraient manifestement pas entrer en ligne de compte pour une régularisation humanitaire ; 10 étrangers ont par ailleurs été libérés, notamment ceux disposant de documents valables et un mineur d'âge.

Enfin, trois ordres de quitter le territoire ont été délivrés.

Je tiens à souligner le fait que mes services continuent d'appliquer la réglementation sur les étrangers.

Pour ce qui est de la politique de régularisation, les critères actuels d'obtention d'une autorisation de séjour sont d'ores et déjà suffisamment connus. En outre, comme je l'ai maintes fois répété, chaque dossier sera traité individuellement.

L'accord de gouvernement prévoit une circulaire reprenant ces critères de régularisation et les explicitant. Mes services viennent de me transmettre un projet de circulaire qui reprend les critères retenus dans l'accord de gouvernement, à savoir les longues procédures et l'ancrage durable.

Un premier groupe de travail devra se pencher sur ce projet dès la semaine prochaine. J'espère ainsi pouvoir finaliser ce texte dans les prochaines semaines, tenant compte du fait qu'il devra être approuvé par l'ensemble des partenaires de gouvernement.

La question de M. Elsen concernant la manière dont la police a réagi ne relève pas de mes compétences. Je vous donne toutefois les informations fournies par le ministre de l'Intérieur, M. Dewael. Une centaine de manifestants ont quitté les lieux ; les autres ont fait l'objet d'une arrestation administrative. Selon les informations de la police locale de Bruxelles, lors de cette opération policière, cinquante étudiants et quelques avocats des sans-papiers ont manifesté une certaine résistance, mais la police n'a pas agi violemment.

Mme Isabelle Durant (Ecolo). - Je sais que les questions policières ne relèvent pas de vos compétences. À Bruxelles-Ville, nous interviendrons pour comprendre ce qui s'est passé. Il est en effet inadmissible que des avocats se fassent tabasser dans le palais de Justice. C'est le monde à l'envers !

Toutefois, la question que je vous adressais, en tant que ministre de la Politique de migration, ne portait pas sur les bavures policières mais sur ce que vous entendez faire pour que ce genre de choses ne se reproduisent pas. Ces personnes doivent y voir clair. Elles attendent depuis des mois de connaître leur sort. C'est inadmissible. Je ne peux donc que vous demander d'apporter le plus vite possible les précisions nécessaires à cette circulaire. L'accord de gouvernement doit être clair et les personnes concernées doivent savoir à quoi s'en tenir de manière à éviter des difficultés voire des risques ou des accidents dans les semaines à venir. Elles n'en peuvent plus !

M. Marc Elsen (cdH). - La question est très sensible. Des équivoques voire des excès peuvent être dus au manque d'information. On ne peut vous le reprocher puisque vous n'êtes pas ministre depuis longtemps. Il convient de clarifier d'urgence la situation, car on peut concevoir que des personnes puissent être excédées.

Vous avez cité un timing assez serré pour la mise en application de la circulaire. Elle devra notamment expliquer de manière très précise ce que l'on appelle l'ancrage communal durable et les longues procédures. Ces deux critères importants sont inscrits dans l'accord de gouvernement. Toutefois, les interprétations peuvent être diverses. Nous avons donc tout à gagner à clarifier la situation. De cette manière, les intéressés sauront à quoi s'en tenir. Ce n'est toutefois pas toujours simple. Comme vous l'avez souligné, il faut un accord du gouvernement. Nous plaidons pour un traitement très rapide. De plus, dans l'intervalle, il ne faudrait pas donner l'impression qu'on accélère le traitement des dossiers dans un sens contraire de ce qui se fera bientôt. Sans prendre en compte les nouveaux critères à venir. Ce serait quand même paradoxal.