4-549/1 (Senaat) 52 853/001 (Kamer)

4-549/1 (Senaat) 52 853/001 (Kamer)

Sénat et Chambre des représentants de Belgique

SESSION DE 2007-2008

13 FÉVRIER 2008


La politique gouvernementale relative à l'Afghanistan


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE (S) ET DES COMMISSIONS RÉUNIES DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES RELATIONS EXTÉRIEURES (CH) PAR

M. BEKE (S) ET MME BOULET (CH)


SOMMAIRE

  • I. Réunion du 7 février 2008
  • 1. Exposé de M. Pieter De Crem, ministre de la Défense
  • 2. Échange de vues
  • II. Réunion du 13 février 2008
  • 1. Exposé de M. Karel De Gucht, ministre des Affaires étrangères
  • 2. Exposé de M. Pieter De Crem, ministre de la Défense
  • 3. Échange de vues

  • La commission des Relations extérieures et de la Défense a procédé, le jeudi 7 février 2008, à un échange de vues, conjointement avec la commission de la Défense nationale de la Chambre des représentants, sur la politique gouvernementale relative à l'Afghanistan, en présence du ministre de la Défense.

    Cet échange de vues s'est poursuivi le mercredi 13 février 2008, en présence du ministre de la Défense et du ministre des Affaires étrangères. La commission des Relations extérieures de la Chambre s'est jointe à cette seconde réunion.


    I. Réunion du 7 février 2008


    1. Exposé de M. Pieter De Crem, ministre de la Défense

    Depuis 2002, la Belgique participe à l'opération FIAS (Force internationale d'assistance à la sécurité). Initialement, la contribution belge se limitait à un C130 qui assurait le transport depuis le Pakistan. Des troupes terrestres belges sont également présentes en Afghanistan depuis 2003.

    Le nombre total des militaires belges déployés au sein de la FIAS au cours des dernières années s'élevait à 300 hommes en moyenne. Ce nombre variait en fonction des permissions du personnel, des rotations en cours ou d'autres facteurs. Exceptionnellement, cet effectif est passé à quelque 600 hommes, à l'occasion de la reprise du commandement de la FIAS par l'EUROCORPS.

    La présence militaire belge est actuellement principalement centrée sur deux endroits: Kaboul et Kunduz. D'une part se trouve sur l'aéroport de Kaboul le détachement KAIA (Kabul International Airport Detachment). Ce détachement est composé de la compagnie de protection qui, avec ses 245 hommes, est chargée de la protection de l'aéroport de Kaboul et d'une mission de formation au profit des militaires afghans (Belgian Mentoring Team). Depuis octobre 2007, la Belgique assure, avec le détachement Lead KAIA de 77 militaires, le commandement des activités militaires de l'aéroport. Environ 45 militaires belges, dont une cellule de renseignements et une cellule d'officiers de liaison, font également partie du Quartier Général de l'ISAF.

    D'autre part, 24 hommes sont déployés à Kunduz, au sein du PRT (Provincial Reconstruction Team) qui dépend du Quartier Général Régional Nord. Ces militaires y appuient un détachement allemand dans des tâches de reconstruction et effectuent des travaux de déminage dans la région.

    Outre les endroits précités, des militaires belges sont présents à Masar-E-Sharif où deux hommes appuient le Quartier Général local. Enfin, à Kandahar, cinq militaires belges sont détachés en appui du Quartier général Sud.

    Au total, environ 400 militaires belges sont actuellement déployés en Afghanistan. Le Conseil des ministres du 23 novembre 2007 a décidé de prolonger cette contribution jusque fin 2008.

    Eu égard aux diverses demandes de l'OTAN et des pays partenaires (des Pays-Bas notamment), le Conseil des ministres a décidé, lors de sa réunion du 1er février 2008, que la contribution de la Belgique pour le second semestre de 2008 serait la suivante:

    — la prolongation de la mission du Lead KAIA jusqu'au 1er octobre 2008, de celle de la compagnie de protection KAIA et de celle à la PRT Kunduz jusqu'au 31 décembre 2008, et le soutien de ces activités par l'envoi de « contact teams », d'équipes de renseignement et d'une participation aux quartiers généraux internationaux;

    — le renfort provisoire de la compagnie de protection KAIA à partir du 1er avril 2008, qui comptera 20 militaires en plus;

    — la participation de 20 militaires à une OMLT (Operational Mentoring and Liaison Team) au plus tôt à partir du 1er octobre 2008 dans la région de KABOUL ou de KUNDUZ;

    — l'envoi de 4 avions de chasse F-16 et de 100 militaires en partenariat avec les Pays-Bas à partir du 1er septembre 2008.

    Les efforts supplémentaires auront lieu sous réserve et en fonction du résultat du prochain contrôle budgétaire. L'impact financier de ces mesures supplémentaires sera à charge du budget du département de la Défense nationale et sera compensé.

    Avant la fin février 2008 et après le conclave budgétaire, un dossier global « Opérations 2008 » sera soumis au Conseil des ministres. Ce dossier global sera discuté au parlement après avoir été approuvé par le Conseil des ministres.

    Au demeurant, le ministre accordera une attention particulière aux éléments susceptibles de favoriser une stratégie de sortie d'Afghanistan, lors des prochaines réunions de l'OTAN.

    Plus concrètement, le ministre assistera à un sommet de l'OTAN à Vilnius (Lituanie) les 8 et 9 février 2008 avec tous les ministres de la Défense des États membres. Le ministre voudrait présenter les éléments et les informations dont il aura pris connaissance lors de ce sommet à la réunion de commission prévue pour le mercredi 13 février 2008 en présence du ministre des Affaires étrangères. Le ministre avait prévu de commenter l'ensemble du dossier devant les membres de la Commission.

    En outre, l'état-major militaire et le cabinet se penchent encore actuellement sur le volet technique d'un certain nombre de conséquences qui découlent de la décision du Conseil des ministres du 1er février 2008. Étant donné que ces décisions ne seront mises en œuvre pour l'essentiel qu'en septembre-octobre 2008 au plus tôt, ce dossier n'est pas urgent à l'heure actuelle et le ministre demande le temps nécessaire pour pouvoir organiser une préparation approfondie et informer le parlement ainsi que d'autres organisations telles que les organisations syndicales représentatives. Le ministre précisera volontiers tous les détails techniques en temps utile à la réunion de la Commission spéciale du suivi des missions à l'étranger, étendue éventuellement aux membres de la Chambre des représentants.

    Le ministre s'engage à faire rapport régulièrement sur l'état d'avancement du dossier, soit lorsque cela sera souhaitable, soit à la demande de la Chambre ou du Sénat.


    2. Échange de vues

    M. Van der Maelen (Chambre) apprécie la promesse du ministre d'informer le parlement mais il estime qu'elle est très tardive. Le débat a lieu maintenant à la demande insistante du groupe SP.A.

    En effet, la décision que le gouvernement vient de prendre signifie un changement de cap important sans qu'il y ait eu le moindre débat préalable au parlement. Il est frappant de constater à cet égard que le ministre dissocie la mission en Afghanistan des autres opérations à l'étranger.

    Depuis plus de 20 ans, la tradition veut que le ministre de la Défense dresse une note globale à la fin de l'année — ou au début de la nouvelle année — concernant les missions à l'étranger. Dans l'attente de la note globale qui sera déposée à l'occasion du conclave budgétaire, il a été procédé à un prélèvement anticipé. Celui-ci aura peut-être été dicté par la volonté d'obtenir un « effet d'annonce » juste avant le sommet de l'OTAN de Vilnius, puisque le ministre a l'intention d'annoncer la décision du gouvernement lors de ce sommet. L'orateur estime que le ministre doit au moins signaler que cette décision n'est pas encore définitive tant que le débat de société et le débat parlementaire n'ont pas été menés.

    Une deuxième critique qu'on peut formuler est le fait que le ministre s'empresse de donner suite à la demande des États-Unis et d'autres pays qui ont des troupes dans le sud de l'Afghanistan, alors que le débat entre l'UE et les autres États membres de l'OTAN est en cours. Cela témoigne d'une très grande soumission aux États-Unis et inscrit notre pays dans une logique de guerre qui est à la base de la politique étrangère américaine, qu'il s'agisse de la politique à l'égard de l'Irak ou à l'égard de l'Afghanistan.

    Le SP.A ne veut pas s'engager dans cette logique de guerre qui est aussi ruineuse qu'inopérante. La communauté internationale et notre pays en particulier peuvent investir cet argent à meilleur escient.

    De surcroît, la logique de guerre des États-Unis ne fonctionne pas. L'objectif des opérations menées en Afghanistan et en Irak était le démantèlement d'Al-Quaida. Ces opérations ont débuté en 2001 en Afghanistan et en 2003 en Irak. Aujourd'hui, Al-Quaida est plus puissant que jamais, non seulement en Afghanistan et en Irak, mais aussi au Pakistan.

    La FIAS avait pour mission de stabiliser le pays et de repousser les Talibans. Sur le terrain, les Talibans sont plus forts que jamais, grâce notamment aux nationalistes pachtounes qui considèrent que leur pays subit une occupation étrangère. D'après un rapport récent, les Talibans contrôleraient 54 % du territoire afghan.

    La deuxième mission de la FIAS consistait à mettre sur pied un gouvernement afghan efficace. Force est de constater que le gouvernement actuel est le contraire de ce qu'il devrait être: pourri par la corruption, tributaire de seigneurs de guerre et lié à des groupes mafieux qui gagnent beaucoup d'argent grâce à la culture de l'opium. Il n'est absolument pas question de bonne gouvernance.

    Tous les experts qui ne sont pas liés directement au complexe militaro-industriel affirment que la stratégie appliquée en Afghanistan est un fiasco. Il faut donc non seulement évaluer cette stratégie, mais aussi la revoir.

    Malgré la pléthore de rapports qui prédisent que l'Afghanistan ne pourra jamais être sous contrôle militaire, même si l'on augmente les effectifs ou les moyens technologiques, les États-Unis décident tout simplement de poursuivre la même stratégie, certes en amplifiant quelque peu la puissance de feu militaire. Cette stratégie est vouée à l'échec.

    Le SP.A plaide en faveur d'une stratégie délaissant l'approche exclusivement militaire, qui serait davantage axée sur les aspects politiques et qui aiderait et pousserait le gouvernement afghan à construire une nation.

    À cet égard, il est nécessaire de lancer une initiative diplomatique sous la houlette des Nations unies, et d'y associer les pays voisins et toutes les forces présentes en Afghanistan.

    M. Van der Maelen s'étonne à chaque fois que l'on privilégie uniquement des solutions militaires, qui ont prouvé leur inefficacité et qui nécessitent des fonds énormes.

    En ce qui concerne le coût, l'intervenant renvoie aux chiffres de l'administration Bush: la guerre en Irak et en Afghanistan a coûté 804 milliards de dollars au Trésor américain. Selon le parti démocrate, ce coût atteindrait même 1 600 milliards de dollars. À titre comparatif, l'aide au développement apportée par l'ensemble des pays riches du Nord aux pays pauvres ne représente qu'une somme comprise entre 70 et 100 milliards de dollars.

    La logique de guerre des États-Unis est donc très onéreuse. Il est dès lors surprenant que le ministre propose de s'inscrire dans cette logique de guerre américaine, au lieu d'opter pour une approche qui a fait ses preuves dans d'autres régions.

    Pour conclure, M. Van der Maelen pose les questions suivantes au ministre:

    Quelle est la date finale de l'engagement dans le sud de l'Afghanistan ? Le ministre peut-il confirmer que la date limite est bien fixée à fin 2008 et préciser si elle concerne toutes les troupes belges ou seulement les quatre avions de chasses F-16 ? De leur côté, les États-Unis et le Royaume-Uni parlent en effet d'un conflit générationnel.

    Selon la presse, un budget de 30 millions d'euros serait prévu dans le budget du département de la Défense pour cette opération. Quelles en sont les répercussions sur les autres missions, telles que l'entraînement de nos troupes ? L'intervenant craint que le ministre ait omis de prendre en compte cet élément ainsi que d'autres aspects. Il pense que le ministre recherche uniquement l'effet d'annonce.

    M. Flahaut (Chambre) estime que la situation sécuritaire en Afghanistan se déteriore et que le terrorisme refait surface, non seulement au Sud mais aussi à Kaboul. L'industrie illégale de la drogue et la corruption menacent la consolidation du processus de paix. La nécessité d'une approche globale par rapport à la situation en Afghanistan s'impose.

    Nous sommes de plus en plus convaincus de la nécessité d'insister sur cette approche globale. Il faut insister auprès des acteurs internationaux, non seulement l'OTAN, mais aussi l'UE et l'ONU, de prôner la collaboration et la complémentarité dans leurs actions.

    Le militaire ne doit pas être prédominant dans la poursuite des objectifs de stabilité et de reconstruction du pays, même si nous menons une opération intéressante dans le PRT à Kunduz — exemple d'une bonne coopération entre civils et militaires.

    Nous avons calqué notre action sur l'initiative allemande, dans laquelle le rôle dirigeant est assumé par un responsable de la coopération au développement, ce qui donne une autre approche par rapport à la population civile. Il y a aussi l'approche par rapport aux ONG. On ne peut pas ignorer la population locale. En Afghanistan, comme en Irak, il ne faut pas essayer d'importer des modèles étrangers, parce que cela ne marche pas (ceci vaut également pour l'Afrique d'ailleurs).

    Nous sommes présents depuis le début de l'opération et sans discontinuité. Ceci nous place dans une situation favorable vis-à-vis de nos alliés à Vilnius pour poser l'exigence d'une stratégie de sortie de crise qui n'est pas présente aujourd'hui. Ce n'est pas la seule opération en cours où le cas se présente. Lorsqu'on s'engage, on ne dit généralement pas comment on va se retirer progressivement.

    Dès lors, le ministre devra faire œuvre de pionnier, pour préparer le travail du futur premier ministre qui ira au Sommet de Bucarest (2-4 avril 2008) pour la réunion des chefs d'État et de gouvernement. Ceci afin de demander au nom de la Belgique, mais aussi d'autres pays qui le souhaitent comme le Canada et les Pays-Bas, que l'on développe une stratégie de sortie. Notre population ne comprendra plus longtemps qu'on soit indéfiniment en Afghanistan. Elle constate le peu d'évolution, et même si on explique qu'il y a un impact plus ou moins direct sur la consommation des drogues dans notre pays, c'est un argument difficile à faire entendre.

    M. Flahaut se réjouit de la création d'une commission mixte Chambre/Sénat en ce que concerne le suivi des missions à l'étranger qui ainsi ne soit plus l'apanage du seul Sénat, et du fait qu'elle puisse se réunir également selon les mêmes règles de confidentialité et de secret. Cela évitera au ministre de faire double travail.

    Actuellement, les décisions ont été prises, mais la situation peut encore fortement changer au cours de l'automne. Il faut donc prévoir que d'initiative, ou à la demande des assemblées, le gouvernement (que ce soit le ministre de la Défense, le ministre des Affaires étrangères ou le Premier ministre) vienne régulièrement donner une information sur l'état d'avancement de la mission en Afghanistan, en ce compris sur les rapports qui sont établis régulièrement par les services de renseignement aussi bien belges qu'étrangers.

    Ensuite, il est important de parler des caveats, les dispositions permettant de limiter l'utilisation de nos forces à l'étranger. Ceci constitue un frein à l'utilisation par la force de l'OTAN, des éléments que nous déployons aussi bien les F-16 que nos équipes de formation. Là-dessus nous devons nous donner un maximum de garanties par rapport aux femmes et aux hommes que nous enverrons en opération.

    Aucune opération n'est sans risque. Il est toutefois clair que le risque dans ces missions est plus important que dans d'autres régions de l'Afghanistan, même si l'insécurité grandit dans l'ensemble du pays et même si l'insécurité existe aussi au Liban ou au Kosovo, peut-être bientôt au Tchad. Nous devons veiller à ce que les militaires belges ne soient pas utilisés n'importe où et n'importe comment. Dès lors, M. Flahaut demande au ministre de préciser avec l'État-major les limitations et restrictions à l'utilisation de nos forces en opération extérieure.

    Les F-16 peuvent être envoyés à titre de dissuasion, comme jadis, lors des élections présidentielles en Afghanistan, mais aussi pour certains bombardements qui risquent de mal tourner comme ceux effectués par les Hollandais qui ont bombardé par accident des cibles civiles. Ceci ne saurait être l'objectif de la Belgique, d'autant plus qu'elle risque ainsi des représailles ou de l'insécurité à l'intérieur de son propre territoire. Des règles d'engagement sont donc nécessaires, même si elles ne seront pas acceptées de gaieté de cœur à l'OTAN.

    Il est clair qu'un grand nombre de pays pratiquent de la sorte. La Belgique ne doit donc avoir aucune honte à imposer des restrictions assez précises, pour ne pas devoir revenir au parlement après coup, à la suite d'une exécution trop libre d'ordres de mission.

    En ce que concerne le budget, la note de politique du ministre sera utile, puisqu'on ne peut pas tout prolonger avec une enveloppe limitée. Il faut évidemment compenser à l'intérieur du département et il fallait le préciser d'emblée. Mais il est clair qu'il faudra faire des choix, surtout s'il faut rester au Kosovo jusqu'à la fin de l'année et qu'il y a des incertitudes sur le sort de notre mission au Liban. De plus, il y aura le Tchad. Il ne faudra pas laisser aux seuls ambassadeurs le soin de décider si on reprend le processus comme si de rien n'était. Par contre, il faut revenir à un processus en interne du gouvernement belge, ainsi qu'au niveau des instances européennes. On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé au Tchad.

    M. Dubié (Sénat) estime qu'une mission parlementaire devrait effectuer le plus rapidement possible une visite d'étude en Afghanistan pour y évaluer la situation qui risque de dégénérer à court terme. Les ministères des Affaires étrangères des États-Unis et de la France ont déjà vivement déconseillé à leurs nationaux de s'y rendre à cause de la situation sécuritaire préoccupante et de la criminalité.

    Le régime que l'OTAN défend est peu démocratique et la corruption y est loin d'être éradiquée. Le 5 février 2008, l'ambassadeur de l'Afghanistan a été convoqué par notre ministre des Affaires étrangères pour lui demander des explications sur la condamnation à mort pour blasphème d'un jeune journaliste afghan.

    De plus, la pénurie alimentaire qui règne en ce moment risque, à terme, de dégénérer en famine. Il faut éviter que le conflit en Afghanistan s'éternise et devienne ingérable, comme ce fut le cas pour les armées de l'empire britannique et de l'ancienne Union soviétique qui ont dû se retirer de l'Afghanistan respectivement en 1842 et en 1988. Il faut prendre conscience du sentiment de nationalisme qui règne parmi la population afghane.

    Déjà en novembre 2006, le ministre de la Défense disait que la situation en Afghanistan était en train de se dégrader, qu'avec le temps les troupes de l'OTAN risqueraient d'apparaître comme une armée d'occupation et qu'il serait indiqué de mettre en place une stratégie de sortie.

    L'orateur renvoie à un article paru dans le « Soir » du 23 décembre 2007 dans lequel le président afghan, Hamid Karzai, déclarait que la reconstruction de l'Afghanistan prenait plus de temps que prévu et que le maintien des troupes de l'OTAN sur place durerait au moins encore dix ans.

    Il faut faire une analyse des conditions du déploiement des troupes de l'OTAN et préciser la durée et les règles d'engagement de cette mission militaire.

    Selon Mme Wiaux (Chambre), les pays de l'OTAN sont de plus en plus réticents à maintenir leurs troupes en Afghanistan tandis que la pression des États-Unis pour un renforcement des troupes se fait de plus en plus grande. La Force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN, la « FIAS » est déployée en Afghanistan en vertu d'une résolution 1707 du Conseil de sécurité des Nations unies. La résolution 1510 du Conseil de sécurité des Nations unies précise que la responsabilité d'assurer l'ordre et la sécurité, appartient aux Afghans, en coopération avec la FIAS.

    Pour que le pays reprenne souffle, il convient de renforcer la légitimité des institutions afghanes par des programmes civils et de mieux prendre en compte les priorités de développement. À cette fin, la communauté internationale devrait mettre un minimum de cohérence dans ses efforts d'aide au développement en laissant à l'ONU le soin de coordonner l'ensemble. Il est impératif que notre pays plaide au sein du Conseil de sécurité pour un plus grand multilatéralisme en la matière.

    L'oratrice souhaite que notre pays adopte une position nette et critique envers la politique de l'OTAN et plaide pour un rôle plus important des Nations unies. Il convient de demeurer attentif aux règles d'engagement de nos troupes sur place. Le respect du droit humanitaire international vis-à-vis de la population locale revêt une importance capitale.

    À la remarque formulée par le SP.A, qui parle d'un changement de cap majeur dans la politique, M. Beke (Sénat) répond qu'il ne s'agit pas d'un changement de cap dans la politique, mais d'un changement de cap au sein du SP.A. La présence en Afghanistan a été décidée en 2002 et reposait sur un large consensus politique. Au départ, un C-130 assurait le pont aérien avec le Pakistan. En 2005, lorsque le SP.A faisait partie du gouvernement, des avions de chasse F-16 ont été envoyés avec 65 militaires en Afghanistan. La décision de prolonger le mandat permettant de maintenir la présence en Afghanistan a été prise le 23 novembre 2007, alors que le SP.A faisait toujours partie du gouvernement. On peut donc se demander en quoi il y aurait eu un changement de cap.

    D'après les principaux experts, il convient de mener une double action dans le cadre d'une stratégie de sortie: renforcer la présence militaire et renforcer la présence civile. La coopération au développement joue ici un rôle important, y compris dans le contexte international, parce que le pays doit être reconstruit par la société civile. À ce propos, l'intervenant constate d'ailleurs que lorsque le SP.A était au gouvernement, la coopération au développement a à peine atteint 0,43 % du PNB. Il est trop facile de tenir aujourd'hui de grands discours, alors que jadis, on est resté les bras croisés.

    Le sénateur Beke se demande ce que veut le SP.A pour l'Afghanistan. Certes, on sait clairement ce que le SP.A ne veut pas, mais on ignore ce qu'il veut vraiment. Veut-on le retour des Talibans au pouvoir, le renforcement de l'extrémisme islamique, la déstabilisation de la région ? Tout le monde connaît les problèmes de la région; au Pakistan aussi, la situation est extrêmement instable, alors que ce pays possède l'arme nucléaire. L'intervenant craint que si la communauté internationale tourne le dos à l'Afghanistan, l'on se trouve face à un véritable imbroglio, pas seulement dans ce pays, mais dans l'ensemble de la région.

    Certains font référence à la situation en Irak. Mais en ce qui concerne ce pays, il y avait un consensus politique pour ne pas y jouer un rôle actif, alors que c'était le contraire pour l'Afghanistan. L'intervenant déplore qu'un changement de la situation de la politique intérieure provoque une rupture du consensus sur la politique à mener.

    Le coût de 30 millions d'euros est important. Le ministre a garanti que cette somme serait couverte par son propre budget. Ce coût n'est toutefois pas nouveau. En 2007, nous avons déjà dépensé 24,5 millions d'euros pour la même mission. Il ne s'agit donc pas d'une dépense totalement inattendue. Dans ce dossier, il s'agit avant tout de poursuivre la politique déjà mise en œuvre.

    Suite à l'observation de M. Dubié à propos de l'avis de voyage formulé pour l'Afghanistan, M. Beke répond que les militaires ne vont pas y faire du tourisme.

    M. Beke a aussi quelques questions à poser au ministre.

    Aujourd'hui, l'aéroport de Kaboul est relativement sûr. La nouvelle mission des militaires ne serait pas sûre. Le ministre peut-il donner une évaluation réaliste des risques liés à la nouvelle mission ?

    Ce n'est qu'en octobre que nos militaires commenceront à exécuter leur mission. Il aurait aimé connaître les mesures de protection prévues pour nos militaires envoyés sur place.

    Plusieurs collègues sont favorables à une stratégie de sortie. Mais on ne peut parler d'une stratégie de sortie que si l'on porte une coresponsabilité sur le terrain. La Belgique ayant pris ses responsabilités, elle a, politiquement parlant, son mot à dire sur cette stratégie. L'intervenant espère dès lors qu'elle ne laissera pas passer l'occasion.

    M. Sevenhans (Chambre) souligne que la commission a déjà organisé un débat sur l'Afghanistan le 5 décembre 2007 (voir: doc. Chambre, nº 52-708/1). Malheureusement, à l'époque, le débat n'a pas suscité beaucoup d'intérêt, alors que c'est le cas aujourd'hui. Manifestement, certains partis ont fait volte-face.

    D'après le groupe auquel appartient l'intervenant, la lutte menée en Afghanistan est un combat justifié contre la dictature islamique, en l'occurrence l'ancien régime des Talibans et les terroristes d'Al-Qaida. Ce combat n'est qu'une goutte d'eau face à la montée des militants de l'extrémisme islamique. Il n'existe pas de stratégie mondiale pour aborder ce problème, pas même au sein de l'OTAN.

    Son groupe est convaincu qu'il faut agir et soutient dès lors le combat mené contre les terroristes islamistes fondamentalistes. C'est pourquoi on peut comprendre la décision d'engager les forces militaires belges dans le cadre de l'OTAN. En même temps, il convient de limiter les risques au maximum. Il ne faut toutefois pas exagérer: il est parfois plus dangereux de se rendre à Bruxelles en voiture que de participer à des opérations militaires à l'étranger.

    La mission militaire en Afghanistan doit poursuivre trois objectifs:

    — elle doit mener à la stabilité politique; le succès ne sera au rendez-vous que si tout est mis en œuvre pour donner naissance à un État démocratique respectant les droits de chacun;

    — la paix, la sécurité et la stabilité ne peuvent être imposées, à l'heure actuelle, que par un engagement militaire, même si on peut le déplorer;

    — à terme, il faudra oeuvrer à la reconstruction du pays.

    Naturellement, il est impossible de fixer une date pour la réalisation de ces objectifs.

    En tant que membre de la commission de la Défense, il déplore le cirque que nous vivons aujourd'hui. L'ancien ministre de la Défense, M. Flahaut, semble n'obéir qu'à une seule maxime: « il faut tuer Pieter De Crem ». Ce qu'il a pu lire ces derniers jours dans la presse dépasse l'entendement, et il observe que le SP.A est à la tête de la croisade menée contre le ministre. L'on détourne une opération militaire à l'étranger à des fins de politique intérieure. C'est la deuxième fois que des F-16 sont envoyés en Afghanistan. Qu'est-ce qui a changé par rapport à la précédente mission, en dehors du fait que le SP.A est désormais dans l'opposition ? En fait, ce parti utilise nos militaires comme des pions sur un échiquier politique.

    Aujourd'hui, en présence des caméras, chacun a tout à coup son mot à dire. Pourtant, il y a quelques semaines, lorsque le thème a été abordé, à peine trois ou quatre membres étaient présents. Le seul objectif de l'actuelle réunion est de tirer profit de l'éclairage médiatique.

    Le déploiement de quatre F16 ne changera cependant pas grand-chose à la situation. L'intervenant a un problème d'un autre ordre: il doute de l'utilité de l'opération car les Talibans et Al-Qaida sont en train de regagner du terrain. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons nous retirer d'Afghanistan ou condamner sans plus la réponse américaine à cette situation. Peut-être serons-nous amenés à envisager de jouer un rôle plus actif dans les opérations de combat si l'on constate que toutes les autres options n'amènent aucun changement concret.

    Mme Hermans (Sénat) cite Bertolt Brecht: « Quand ceux d'en haut parlent de paix, le petit peuple sait que c'est la guerre ».

    Divers médias ont rapporté les propos du général Gerard Van Caelenberghe selon qui l'engagement de quatre F-16 et d'hommes supplémentaires n'a rien de fondamentalement différent par rapport aux autres opérations auxquelles la Belgique a pris part en Afghanistan.

    En effet, de juillet 2005 à la mi-janvier 2006, un détachement de la Force aérienne belge a déjà été présent en Afghanistan, à raison de six chasseurs-bombardiers F-16 et de 65 hommes de personnel au sol. Tel est du moins l'avis des divers commentateurs.

    Une analyse de la situation actuelle en Afghanistan nous apprend que ce pays a changé. La mission de paix pour laquelle la Belgique s'est engagée, n'est pas sans danger. Nous devons nous demander si la situation s'est améliorée. L'an passé, quelque 237 soldats étrangers et 6500 civils ont trouvé la mort. Rien qu'au cours du premier mois de cette année, 11 soldats étrangers ont été tués. L'on a dénombré l'an passé 140 attentats suicide. Comme la corruption ne cesse de gagner du terrain dans tout le pays, les Talibans contrôlent les campagnes où ils installent leurs propres tribunaux. De plus en plus de régions tombent sous leur coupe. Quant à la production d'opium, elle bat de nouveaux records: avec 192 000 ha de plantations de pavot, l'Afghanistan fournit 90 % de la production mondiale d'opium. La production de cannabis est également en hausse: 70 000 ha ont été plantés cette année.

    La ministre américaine des Affaires étrangères, Mme Condoleeza Rice, a déclaré le 7 février 2008 sur la BBC et CNN: « Allied governments should be straightforward in telling their citizens that the fight against the Taliban and Al-Qaeda linked militants will be long and difficult. Our allies should understand that this is not a peacekeeping mission but a counterinsurgency operation and thus a long fight against extremists. »

    La ministre Rice ne parle donc pas d'une mission de maintien de la paix mais d'un engagement dans un conflit armé. L'intervenante reconnaît qu'il ne faut pas laisser tomber l'Afghanistan, mais elle considère que la situation a changé et qu'il faut mener un débat de fond sur la participation de la Belgique.

    Mme Hermans pose dès lors les questions suivantes au ministre:

    — Le ministre partage-t-il l'analyse de la ministre Rice qui demande aux partenaires de l'OTAN de jouer franc jeu avec leur population et de ne plus parler d'une mission de paix, mais bien d'une situation de combat qui risque de s'éterniser ?

    — Considérant que le cadre opérationnel a changé à la suite des déclarations de Mme Rice, elle voudrait connaître l'impact de ce changement sur les missions et les ordres de nos militaires.

    — Compte tenu de la multiplication des attentats suicide, le besoin de blindés se fait fortement ressentir. Nos troupes disposent-elles de véhicules de ce type en nombre suffisant ?

    — Quel est l'engagement de la Belgique et de nos alliés dans la reconstruction de l'Afghanistan ? Seule la reconstruction pourra améliorer la situation.

    M. De Vriendt (Ch.) veut convaincre les parlementaires que l'extension de la mission en Afghanistan n'est pas une sage décision. Il s'agit d'un changement de cap fondamental, étant donné que c'est la première fois que les forces belges participeront à une stratégie d'attaque dans le sud de l'Afghanistan, qui est une région dangereuse. C'est un élément nouveau.

    Répondant à une question du sénateur Beke, l'intervenant précise que l'exécution éventuelle de missions de bombardement relève d'une stratégie d'attaque. Le sénateur Beke souligne que c'était également le cas en 2005.

    M. De Vriendt maintient qu'il s'agit d'un changement de cap fondamental par rapport à la politique actuelle. La guerre en Afghanistan est une guerre sans issue. D'innombrables rapports confirment que la stratégie actuelle ne mène nulle part. Quel est le sens pour la Belgique de participer à un projet voué à l'échec ?

    L'International Crisis Group analyse de mois en mois l'évolution de la situation en Afghanistan. Chacune de ces analyses souligne que la stratégie actuelle ne contribue en rien à améliorer la situation, bien au contraire. Le nombre de victimes civiles est impressionnant, l'insécurité grandit et s'étend à plusieurs parties du pays. Il y a un manque énorme d'engagement civil au niveau de la reconstruction et de la stabilisation du pays. En matière d'irrigation, de construction routière et de distribution d'électricité aussi, le travail restant à accomplir est colossal.

    Les trois études publiées récemment ne permettent guère d'espérer. Dans son rapport, Oxfam International souligne la nécessité urgente d'investir davantage. Le Atlantic Council of the United States, un groupe de réflexion américain, affirme dans son rapport: « Make no mistake, NATO is not winning in Afghanistan ».

    Telle est la situation actuelle. Elle se complique encore en raison des chevauchements entre les deux opérations en cours: d'une part, la mission FIAS de l'OTAN et, d'autre part, une guerre américaine unilatérale contre le terrorisme, l'opération Enduring Freedom. La corrélation entre les deux opérations rend les choses particulièrement difficiles parce qu'elle crée de la confusion sur le terrain. L'OTAN et les USA poursuivent des intérêts contradictoires, suscitant ainsi la méfiance de leurs partenaires afghans.

    Les risques éventuels constituent un argument supplémentaire pour ne pas prendre part à une opération vouée à l'échec. Des troupes de la coalition dont on est en train d'envisager de prolonger, voire d'élargir la participation, sont la cible d'attentats. Les Pays-Bas ont déjà perdu 14 militaires. Quand on sait qu'il s'agit d'une opération vouée à l'échec, c'est peu encourageant et l'on a même du mal à comprendre que la Belgique y prenne part. Une stratégie militaire unilatérale mène droit à une impasse; y participer témoigne d'une crise d'égarement collectif de l'actuel gouvernement.

    Aussi l'intervenant propose-t-il d'abandonner une stratégie par trop axée sur la seule composante militaire. Il convient d'investir d'urgence sur d'autres terrains: augmenter l'engagement civil, mettre l'accent sur la reconstruction, faire jouer un rôle plus important aux Nations unies. L'intervenant prône aussi un renforcement des efforts diplomatiques sous l'égide des Nations unies. On parle toujours des Talibans comme s'il s'agissait d'un bloc monolithique, ce qui ne correspond pas à la réalité. Essayons d'associer les Talibans modérés à un processus politique en vue de creuser un fossé entre eux et Al-Qaida. Faisons aussi surveiller la frontière avec le Pakistan et mettons ce pays sous pression. Cela ne semble pas possible pour toute une série de raisons, alors que la clé du problème se trouve aussi en partie au Pakistan.

    À l'heure actuelle, l'OTAN représente une partie du problème plutôt qu'une partie de la solution. Dès lors, M. De Vriendt conseille au ministre d'oeuvrer d'abord à un changement de stratégie avant de discuter au Parlement d'une extension de l'engagement belge. Si la stratégie ne change pas, le groupe de l'intervenant préconisera un retrait de nos troupes.

    En ce qui concerne le coût de 30 millions d'euros, l'intervenant pense qu'il faut probablement prévoir le double.

    M. De Vriendt a des doutes quant au délai fixé pour le retrait. On peut constater sur le terrain que la plupart des opérations durent plus longtemps que prévu et que se retirer d'un engagement pose un gros problème pour les partenaires de la coalition.

    La réunion informelle de l'OTAN à Vilnius a pour but de préparer le sommet officiel de l'OTAN à Bucarest qui se tiendra du 2 au 4 avril 2008. L'intervenant ne comprend pas pourquoi le ministre a d'ores et déjà décidé de renforcer l'engagement belge. Il aurait été préférable de lier l'extension à un changement de stratégie qui aurait pu être décidé à Vilnius. La Belgique aurait ainsi disposé d'une plus grande marge de négociation. Selon lui, la décision actuelle n'est donc pas judicieuse d'un point de vue tactique. En effet, la Belgique aurait pu plaider en faveur d'un changement de stratégie en échange d'un plus grand engagement en Afghanistan. Le ministre a raté l'occasion en accédant rapidement à la demande des Pays-Bas.

    D'un point de vue formel, un gouvernement peut prendre la décision de renforcer son engagement. Néanmoins, M. De Vriendt estime que cela n'est pas opportun, compte tenu de la situation politique actuelle, à savoir dans le cadre d'un gouvernement intérimaire. Procéder à un changement de cap si radical sans mener un débat au Parlement est en dessous de tout. Notre pays n'a pas un ministre de la Défense mais a un ministre de la Guerre qui, de surcroît, fait des mauvais choix en s'engageant dans une guerre qu'il n'est pas en mesure de remporter.

    M. Tommelein (Chambre), s'exprimant au nom de son groupe, estime qu'il est essentiel de mener un débat parlementaire sur un sujet aussi important. Il déplore cependant que ce débat ait lieu aujourd'hui, dans une période où de nombreux parlementaires se trouvent à l'étranger, malgré le fait que le ministre ait annoncé qu'il tiendrait les débats parlementaires la semaine prochaine à la Chambre et au Sénat. Il s'interroge sur l'urgence de la séance actuelle.

    L'opposition donne l'impression que les militaires belges vont lancer une offensive de grande envergure en Afghanistan. La perception est la réalité.

    Que se passe-t-il aujourd'hui ? La Belgique envoie 140 militaires supplémentaires en Afghanistan, pour répondre à la demande de l'OTAN d'aider notre pays voisin, les Pays-Bas. Le 1er février 2008, 20 militaires se rendront à Kaboul pour renforcer la sécurité de l'aéroport. Ensuite, le 1er octobre 2008, 20 militaires seront envoyés à Kaboul ou à Kunduz pour assurer la formation des troupes locales et le déminage. Enfin, quatre avions F-16 seront déployés en soutien à Kandahar.

    Pourquoi en faire toute une affaire ? S'agit-il d'une offensive de grande envergure ? Des membres de l'opposition parlent d'un « changement de cap radical » et de la « logique de guerre des États-Unis ». La question est pourtant de savoir si la Belgique a le choix, en tant que membre de la communauté internationale. Quelles sont les autres possibilités ? Retirer les troupes et abandonner l'Afghanistan au terrorisme et au crime organisé ? Ou la Belgique entend-elle continuer à aider ce pays à établir une société démocratique ?

    Il est évidemment toujours possible d'envisager des changements de cap. L'intervenant souhaite approfondir cette question lors du prochain débat avec les ministres des Affaires étrangères et de la Défense. Cela ne signifie pas que nous ne pouvions pas en discuter avec les alliés à Vilnius et à Bucarest, ni que nous ne pouvions rien entreprendre provisoirement, d'autant plus que les Chambres ont été dissoutes le 2 mai 2007 et que la Belgique a eu jusqu'au mois de décembre 2007 un gouvernement en affaires courantes, qui ne pouvait prendre aucune décision. Un ministre peut prendre les décisions absolument indispensables pour répondre à une nécessité sur le terrain.

    Dans ce contexte, l'attitude de l'opposition est étrange. Chaque démarche a fait l'objet d'une concertation, aussi bien à l'ONU qu'à l'OTAN. En outre, des militaires belges sont présents en Afghanistan depuis 2002. Des avions F-16 y ont été envoyés en 2006, en plus grand nombre que ce qui est prévu prochainement. La Belgique n'entre pas en guerre, mais apporte des renforts aux troupes de l'OTAN pour une courte période et avec une puissance de feu relativement limitée. Enfin, l'intervenant ne comprend pas comment l'opposition peut comparer la situation en Afghanistan à celle en Irak. En réponse à une question de Mme Vautmans, le ministre a encore récemment indiqué clairement qu'il n'avait à aucun moment été envisagé d'envoyer des troupes en Irak. Le groupe VLD s'est toujours opposé à une participation belge en Irak et continuera à le faire.

    M. Tommelein est toutefois conscient du fait qu'une composante militaire doit aussi ouvrir la voie à une reconstruction civile. Les plaidoyers en faveur de ce type de missions civiles sont justifiés, mais ils omettent le fait que l'organisation de ces missions nécessite une composante militaire. La création d'un environnement sûr en est une prémisse. Il est vrai que des attentats sont perpétrés et qu'un danger existe, mais c'est une raison supplémentaire pour renforcer les troupes et pour faire en sorte qu'une intensification de la menace terroriste et de la violence puisse être réprimée.

    Depuis 2002, la Belgique participe à la mission FIAS qui est chargée de la sécurité, de la mise sur pied, du développement et du contrôle de l'administration civile, ainsi que de la reconstruction de l'Afghanistan et de l'aide humanitaire. Toutes nos opérations et nos décisions s'inscrivent dans ce cadre. Il n'est nullement question d'une stratégie de guerre ou d'une participation à certains affrontements.

    Il n'empêche que très peu de militaires sont présents dans le sud de l'Afghanistan, qu'il n'y a pas de Belges dans cette région et qu'en réalité, aucun pays ne souhaite déployer des militaires dans le sud, car la situation y est plus dangereuse que dans le nord. Certains pays, comme l'Allemagne, disposent d'un contingent important dans le nord, où ils organisent également la formation des troupes.

    Pour conclure, M. Tommelein souligne trois points:

    — Compte tenu de la volonté d'élargir la Commission spéciale du suivi des missions à l'étranger à des membres de la Chambre, il propose que cette commission mixte se réunisse toutes les deux semaines.

    — Les avis d'opposition doivent être bien rédigés et les missions délimitées de manière restrictive.

    — Lors des sommets de Vilnius et de Bucarest, le ministre devra insister sur la nécessité d'une stratégie de sortie assortie d'une modification de la stratégie, afin que la Belgique puisse rechercher un nouvel équilibre. Participer durablement au conflit ne peut pas être l'objectif, mais il importe également de ne pas abandonner la population afghane et de ne pas se retirer sans raisons sérieuses. En tout cas, nous devons agir en concertation avec les pays qui disposent eux aussi de troupes en Afghanistan.

    Mme Boulet (Chambre) déclare tout d'abord, en réponse aux propos des représentants du Vlaams Belang, que son groupe est lui aussi présent et travaille en commission, même en l'absence des médias. Elle déplore que certains choisissent de régler devant les caméras leurs problèmes avec les autres partis.

    Depuis bien longtemps, Ecolo et Groen ! demandaient un débat général sur la situation en Afghanistan, qui regroupe les commissions de la Défense et des Affaires étrangères, car ils étaient conscients que la situation ne cessait de se dégrader.

    L'intervenante a pu lire, dans une brève venant du site Internet du Centre européen de stratégie et d'analyse de la menace terroriste, que la Belgique avait répondu favorablement aux États-Unis en envoyant davantage de militaires et de matériel. Les brèves suivantes précisaient que l'Allemagne et les Pays-Bas demandaient, au contraire, un temps de réflexion supplémentaire. L'oratrice s'interroge sur la cohérence de la position belge, au vu notamment des questions qui se posent à propos du respect de la liberté de la presse en Afghanistan, et des prises de position du ministre des Affaires étrangères à propos du sort du journaliste qui va probablement être tué.

    Le ministre Flahaut avait en partie accédé à la demande d'organiser un débat, en faisant un état des lieux de la situation militaire. On avait conclu à la nécessité d'une évaluation. L'oratrice pense en effet que celle-ci est nécessaire, car l'Afghanistan s'enlise, et il n'est pas sûr qu'un supplément d'hommes et de matériel suffise à résoudre le problème. Les narco-trafiquants sont de plus en plus présents, on assiste à une montée en puissance des Talibans, et le gouvernement s'entoure de chefs de guerre qui ont du sang sur les mains. De plus en plus, nos soldats sont considérés comme une armée d'occupation, comme des alliés des Américains, et sont détestés par la population civile.

    Aux yeux de l'intervenante, la solution se situe plutôt sur le plan diplomatique, et dans un encadrement humanitaire accru. Il faut aussi renforcer les ONG présentes sur le terrain, qui rencontrent d'énormes difficultés dans l'accomplissement de leurs missions et dans l'élaboration d'une stratégie de démocratisation et de soutien à la population civile.

    M. Geerts (Chambre) souligne que son groupe a toujours adopté la même attitude par rapport à l'Afghanistan: il faut créer une structure étatique stable, ce qui n'est possible qu'en investissant dans les PRT.

    L'intervenant pose deux questions:

    — il ressort du rapport de la réunion du 5 décembre 2007 à propos de la situation en matière de sécurité à Kaboul qu'il n'y a jamais eu autant d'attentats. De plus, le rapport indique que, dans le nord, la situation est en fait beaucoup plus grave et que, dans le sud et l'est du pays, elle est encore pire que dans le nord et à Kaboul, éant donné que la guerre y fait rage. La question se pose de savoir si la Belgique compte effectivement participer à une guerre.

    — Que va dire le ministre au sommet de l'OTAN de Vilnius et à celui de Bucarest ?

    Réponses du ministre de la Défense

    Le ministre insiste tout d'abord, une fois de plus, sur le fait que la décision qui a été prise est une décision du gouvernement tout entier.

    Beaucoup de choses ont été dites, parmi lesquelles les suggestions formulées au sujet de la stratégie de sortie. C'est la première fois que, dans une décision gouvernementale, une telle stratégie est évoquée. Le ministre soutient pleinement cette prise de position, de même que celle relative aux commissions de suivi qui pourront être organisées au sein du Parlement.

    La proposition formulée par le sénateur Dubié est judicieuse. Le ministre suggère qu'une invitation soit lancée par les commissions mixtes elles-mêmes, en vue d'un déplacement en Afghanistan, afin que l'on puisse se rendre compte de ce qui a été fait, et des défis qui se présenteront pour l'avenir.

    Le ministre tient à signaler que la décision prise par le gouvernement couvre la présence de la Belgique jusqu'à la fin de 2008. En octobre et novembre 2008, une évaluation de la situation aura lieu, sur base de laquelle une nouvelle décision pourra être prise, en fonction des données dont on disposera à ce moment.

    En ce qui concerne les caveats, comme l'a dit M. Flahaut, ils jouent un rôle très important dans la prise de décision. L'ensemble des caveats seront définis avec précision avant tout départ. Le ministre souligne qu'il ne sera pas moins prudent que son prédécesseur ne le fut sur ce point, et qu'il a déjà chargé le cabinet et les états-majors de les élaborer.

    La stratégie de sortie de la crise n'est pas évoquée pour la première fois. Le ministre veillera à ce qu' elle soit reprise dans la note. Il ne s'agit pas seulement d'une question de l'OTAN, des Nations unies ou de l'Union européenne, mais d'une responsabilité de beaucoup d'organisations. C'est là que réside la plus grande difficulté pour résoudre le conflit existant actuellement en Afghanistan.

    Le ministre remercie M. Flahaut, qui a déjà répondu à bon nombre des questions posées par M. Van der Maelen.

    Il souligne ensuite la nécessité de la décision gouvernementale relative au prolongement des opérations en 2008.

    En novembre 2007, le gouvernement en affaires courantes, soutenu par les ministres Sp.A, a décidé de prolonger l'engagement en Afghanistan jusque fin juin 2008.

    En tout cas, une décision s'imposait en vue de la préparation dans les délais des unités qui devraient se charger de relever les contingents déjà présents. La Belgique ayant déjà été priée à plusieurs reprises dans des forums internationaux de combler diverses carences au niveau de la composition de la FIAS ou de partager les charges avec un pays partenaire, il convient de considérer la décision gouvernementale du vendredi 1er février 2008 dans ce cadre et dans celui de la réunion de l'OTAN de Vilnius.

    De plus, le ministre tient encore à signaler que par le passé, au cours des législatures violettes, des avions de chasse F-16 ont déjà été envoyés en Afghanistan. En outre, durant la période de mars à juin 1999, la Belgique a participé activement, sous la tutelle du ministre socialiste des Affaires étrangères, Erik Derycke, à la frappe aérienne au-dessus du Kosovo, durant laquelle des objectifs au sol ont également été visés. Mais à l'heure actuelle, l'on ne sait pas encore avec certitude si des objectifs au sol seront cette fois également pris pour cibles.

    En ce qui concerne les questions relatives à la stratégie de sortie, le ministre indique que le gouvernement veut se positionner en tant que pays allié, petit mais fiable, dans le cadre de la stratégie de retrait de l'Afghanistan préconisée par l'OTAN. Cette stratégie existe déjà, elle est mentionnée dans le plan des opérations et les efforts du département de la Défense s'inscrivent dans ce contexte. Ils sont toutefois conditionnés par les moyens disponibles et les possibilités budgétaires. Le ministre observe encore que lors des prochaines rencontres de l'OTAN, il s'intéressera tout particulièrement à la concrétisation de cette stratégie de sortie. En effet, non seulement les parlementaires mais aussi le gouvernement entendent veiller à ce que cette stratégie soit définie avec précision et à ce que des lignes claires soient tracées.

    À la question concernant la sécurité des avions F-16 qui participeront aux opérations au-dessus de l'Afghanistan, le ministre répond que tous les avions ont été modernisés dans le cadre du programme MMU (Midlife Update Standard) et qu'ils ont en outre été équipés de flares, un système de fusées destinées à détourner les missiles à détection de chaleur. Même s'il apparaît qu'il n'existe vraisemblablement pas de menace de missiles téléguidés par radar en Afghanistan, tous les appareils belges ont quand même été équipés d'un système passif d'avertissement qui prévient le pilote lorsque l'avion est balayé par un radar ennemi et qui peut également enclencher automatiquement les systèmes de défense.

    De plus, toutes les missions au-dessus de l'Afghanistan seront exécutées suivant les procédures en vigueur, c'est-à-dire à une altitude moyenne, entre 3 000 et 8 000 m, altitude à laquelle l'efficacité de l'artillerie classique antiaérienne et des missiles classiques à détection de chaleur diminue fortement.

    Toutefois, pour le cas où le pilote serait quand même forcé, pour une raison technique ou autre, à utiliser son siège éjectable, des procédures et des moyens sont prévus pour récupérer le pilote et l'équipage le plus rapidement possible. Il s'agit en l'occurrence du système CSAR (Combat Search and Rescue), qui est assuré par une unité américaine basée à Kandahar. Pour des raisons évidentes de sécurité, le ministre est toutefois dans l'impossibilité de détailler davantage cette mission.

    À l'instar de différents parlementaires qui l'ont déjà souligné, le ministre confirme également que cette mission n'est pas sans risques. Au cours des mois précédents, les Pays-Bas y ont déjà perdu un appareil et un pilote. Toutefois, l'enquête a démontré qu'une erreur humaine était à l'origine de cette perte.

    Le ministre souligne que la particularité de ce type de missions est que le risque zéro n'existe pas. Les militaires sont néanmoins spécialement formés pour cela. Ils ont été suffisamment briefés et ils suivent encore, avant leur départ pour l'Afghanistan, un entraînement supplémentaire durant lequel on leur transmet toute l'expertise accumulée.

    Les quatre avions de chasse F-16 seront envoyés en Afghanistan dans le cadre d'un partenariat avec les Pays-Bas à partir du 1er septembre 2008. Selon le ministre, l'ensemble s'inscrit dans un contexte de partenariat et de répartition équitable des charges et des risques entre les différents participants à la FIAS. En même temps, l'appui aérien est un des principaux piliers de la force de dissuasion opposée aux Talibans et de la protection des troupes alliées au sol.

    En ce qui concerne la problématique des dommages collatéraux, le ministre déclare que les fast forward air controllers répondent tous aux conditions d'entraînement de l'OTAN et aux procédures standards. Ils sont également pleinement conscients des responsabilités qui pèsent sur eux. Un pilote est dès lors tenu d'identifier son objectif avec certitude avant d'utiliser son armement, et il doit renoncer à l'opération au moindre doute. En matière de précision, des progrès considérables ont également été enregistrés puisque les F-16 belges sont actuellement équipés d'un système de targeting-pod ou de nacelles à désignation laser d'une grande précision. De plus, l'armement lui-même se compose non seulement d'un canon de bord, mais aussi de bombes téléguidées par laser et GPS. Ces dernières peuvent également être larguées au travers d'une couverture nuageuse avec une très grande précision.

    Enfin, l'intervenant signale que la Belgique peut affecter un red card holder au quartier général pour les opérations aériennes. Cet officier, un pilote expérimenté dans le domaine des attaques air-sol, devra veiller à l'application correcte des procédures et des règles d'engagement. En cas de doute ou d'un risque trop élevé de dommages collatéraux, il peut interrompre ou refuser une mission.

    Le ministre indique en outre que le coût de la décision gouvernementale, tel qu'il figure dans la notification du Conseil des ministres, est budgétisé à 5,5 millions d'euros. Ce montant est à ajouter aux 24,5 millions d'euros qui sont déjà affectés actuellement aux opérations à l'étranger. Au total, 30 millions d'euros sont dès lors budgétisés.

    Le ministre répète que l'on ne prendra pas part à toutes les initiatives. C'est précisément la raison pour laquelle une note « Opérations à l'étranger » sera proposée au Conseil des ministres et au parlement. Des choix seront proposés dans cette note après que le Conseil des ministres aura pris une décision à leur sujet.

    Pour l'heure, on a jeté les bases d'un bon débat; ce dernier sera poursuivi mais il importe de le placer dans le cadre adéquat.

    Cependant, observer sans rien faire n'est pas une option dans le contexte international. Il est absurde d'être membre d'organisations internationales telles que l'OTAN et l'ONU et d'ignorer les demandes de participation à des opérations internationales en vue de contribuer à la paix et au bien-être d'un pays en crise, à moins qu'une décision politique différente soit prise. Or, pour l'heure, les trois formations politiques traditionnelles ont décidé conjointement de ne pas faire comme si de rien n'était. La situation en Afghanistan est grave, et, à cet égard, nous devrons assumer notre part de responsabilité. Aucun autre choix ne s'offre à nous hormis la coopération dans un contexte international, à moins que notre intention soit d'abandonner de nouveau le pays, menacé par l'avancée des Talibans. Nous ne pouvons ni renoncer ni céder. Il serait lâche de le faire, également de la part d'un petit pays tel que le nôtre. C'est précisément la raison pour laquelle la décision en question a été prise en consensus avec le gouvernement.

    Cette décision jouit manifestement du soutien d'une très large majorité à la Chambre et au Sénat. Toutes les suggestions sont prises en compte dans le document important qui sera également déposé ici. Ce document fixera les règles d'engagement avec les avertissements, ainsi que le contrôle parlementaire, afin de permettre la participation internationale en Afghanistan.

    Répliques

    M. Van der Maelen (Chambre) réplique que le SP.A déclare depuis des années déjà ne pas croire en la guerre contre le terrorisme prônée par les États-Unis. Que ce soit au sein du gouvernement ou en dehors, le SP.A déclare depuis des années déjà ne pas croire que les forces négatives, que sont Al-Qaida et les Talibans, puissent être affaiblies manu militari. Nul n'ignore que les États-Unis exercent des pressions sur la Belgique depuis deux ans déjà pour qu'elle participe aux combats dans le sud de l'Afghanistan. Toutefois, le SP.A a déjà résisté à ces pressions durant deux années et a pu empêcher que le gouvernement prenne une décision dans ce sens. L'orateur affirme que l'on peut être fier de la résistance opposée.

    La mission de 2005 avec les F16 n'était pas une mission de combat mais faisait partie d'une mission psychologique visant à permettre le déroulement à l'époque des élections en Afghanistan. En ce qui concerne le Kosovo, on s'est rallié à la participation belge parce qu'à l'époque, des soldats serbes commettaient des exactions envers des civils bosniaques et parce que les bombardements de l'OTAN auxquels le groupe SP.A avait également consenti ont permis d'exercer des pressions sur les Serbes afin qu'ils acceptent une solution politique. Cette mission avait un objectif clair qui a été atteint et a connu une issue claire. Toutefois, l'issue de l'opération actuelle est inconnue. En conséquence, l'intervenant demande de nouveau au ministre quand les troupes quitteront l'Afghanistan.

    En 2002, le groupe SP.A a marqué son accord sur la mission de surveillance de l'aéroport de Kaboul et sur la mise en place des PRT. Cependant, le SP.A ne peut consentir à ce que soit menée une guerre contre le terrorisme à l'américaine. Au cours des dernières années, cette façon d'agir a en effet eu l'effet contraire puisque l'on a assisté entre 2002 et 2007 à un renforcement de la position des Talibans dû notamment au fait que les armées occidentales ont fait plus de victimes que n'en ont fait les Talibans.

    Pour terminer, le membre ajoute que l'opération envisagée repousse la solution au problème et est à haut risques. L'orateur souhaite dès lors à tous ceux qui soutiennent l'opération de pouvoir dormir du sommeil du juste. Il espère qu'aucun soldat belge ne reviendra d'Afghanistan dans un body bag et qu'il n'y aura pas de dommages collatéraux.

    M. Flahaut (Chambre) déclare que, comme l'a dit le ministre, la décision a été prise par le gouvernement, mais doit encore être adaptée, affinée et confirmée au vu de l'évolution de la situation. Les CAVEATS constituent en effet un élément important. Le ministre pourra constater qu'il ne sera pas bien accueilli à Vilnius lorsqu'il évoquera ce sujet, car certains y sont hostiles, mais ils sont pourtant indispensables.

    L'intervenant voudrait également souligner une nouvelle fois le professionnalisme et la spécialisation de nos militaires. Il apprécie par ailleurs la précision qui a été fournie quant au bon équipement de notre matériel F16 mis aux normes de coopération internationale.L'orateur souligne en outre que la vérité a ses droits. Les missions de 2008 ne sont pas, pour les F16, les mêmes que celles qui avaient été confiées en 2005-2006. Comme l'a dit M. Van der Maelen, la mission de 2005-2006 était effectivement limitée par des caveats et ne concernait pas, pour les F16, des tâches offensives. Rien n'est encore décidé aujourd'hui.

    En ce qui concerne la prolongation de notre mission en Afghanistan fin novembre 2007, elle ne porte pas sur les F16. Ici encore, Mr Van der Maelen a raison de dire qu'il s'agit aujourd'hui d'une autre décision prise en connaissance de cause. Nous sommes maintenant bien outillés pour poser nos conditions autour de la table, à Vilnius et à Bucarest, car la Belgique est présente depuis le début. Peu de nations peuvent en dire autant. L'OTAN émet beaucoup de critiques à l'égard de la Belgique, tout simplement parce qu'elle refuse de prendre en compte les opérations qui ne sont pas les siennes, comme l'effort que nous faisons au Liban ou, demain, au Tchad dans le cadre de l'Union européenne. Une mise au point serait grandement nécessaire à ce sujet, notamment pour des raisons budgétaires. Si l'on décide de se retirer d'Afghanistan à la fin de l'année 2008, il faudrait pratiquement l'annoncer aujourd'hui, faute de quoi on nous opposera les délais très longs pour trouver des remplacements au travail que fait la Belgique à l'aéroport de Kaboul. On dira aussi que, puisque nos F16 sont là à partir du mois de septembre, et que leur présence pourrait se prolonger quelque peu, il ne faut pas retirer ceux qui se trouvent à l'aéroport de Kaboul. Il faudra revenir sur tout cela, et sans doute aussi parler de notre engagement au Tchad.

    Selon M. De Vriendt (Chambre), chacun s'accorde pour dire que l'Afghanistan doit retrouver de nouvelles perspectives de stabilisation et de reconstruction.

    La seule question est de savoir comment y arriver. Certains affirment qu'il faut accroître la capacité militaire sur le terrain. Ainsi, l'OTAN parle de 1 000 à 3 000 hommes supplémentaires. À l'heure actuelle, 40 000 hommes sont déjà présents. Dans les années 80, l'Union soviétique a déployé en Afghanistan une opération qui a mobilisé 120 000 soldats, mais cette action militaire unilatérale n'a pas été couronnée de succès. Va-t-on à présent mettre sur pied une action militaire de la même envergure ? Ce serait de la folie, car une telle tactique militaire ne donne rien. Son groupe plaide dès lors pour un élargissement de la stratégie en Afghanistan: en dehors de la composante militaire, il faut mettre l'accent sur la reconstruction et la diplomatie, renforcer le rôle des Nations unies et augmenter la pression sur les responsables politiques locaux. Ce sont là des aspects trops souvent négligés, mais qui sont les seuls facteurs susceptibles de mener au succès.

    L'intervenant insiste pour que la Belgique ne sombre pas dans la crise d'égarement collectif qui a manifestement frappé le gouvernement. Il faut impérativement changer de stratégie. À Vilnius, le ministre doit plutôt former un front commun avec les pays qui affichent les mêmes réserves vis-à-vis de cette stratégie, comme l'Allemagne.

    M. Dubié (Sénat) rappelle trois questions qui lui paraissent essentielles, et auxquelles le ministre n'a pas répondu: pour qui sommes-nous prêts à nous battre, pourquoi, et pour combien de temps ? Le ministre a seulement déclaré qu'il n' y avait pas d'autre choix que de participer à une escalade militaire voulue par les États-Unis. S'il avait proposé de renforcer la présence de troupes belges à Kunduz pour participer au programme de reconstruction, le groupe de l'intervenant l'aurait soutenu. En effet, c'est là que se trouve la solution. L'option militaire est sans issue. Il faut gagner le cœur des Afghans, que nous sommes en train de perdre au profit des Talibans. Ce n'est pas en bombardant et en faisant de nombreuses victimes civiles qu'on le fera, mais en démontrant que nous sommes capables de les aider à vivre mieux. Ce n'est malheureusement pas la voie choisie par le gouvernement, qui a opté pour une solution tout à fait erronée.

    Mme Wiaux (Chambre) remercie le ministre pour les nombreux éléments de réponse et les précisions qu'il a apportés, notamment en ce qui concerne la stratégie militaire, la stratégie de sortie, les règles d'engagement de nos troupes sur place. L'intervenante attendra également la suite de la discussion, parce que le ministre reviendra alors de Vilnius et disposera d'informations nouvelles, et que le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères seront peut-être présents. On pourra dès lors débattre plus en profondeur de la cohérence des efforts de développement de la communauté internationale et des priorités afghanes, matière dans laquelle le rôle de l'ONU devrait être beaucoup plus important.

    M. Verherstraeten (Chambre) estime que dans la mesure où il existe des institutions internationales qui tentent de garantir la paix dans le monde, il est plus que normal que notre pays y prenne ses responsabilités. Par le passé, la Belgique a toujours assumé cette responsabilité. Le gouvernement précédent avait également augmenté son budget pour pouvoir intervenir en Afghanistan. Ce fut le cas en 2002 sous la coalition arc-en-ciel et la coalition violette a poursuivi la politique.

    L'intervenant prône l'honnêteté: l'engagement d'un F-16 en 2005 ne diffère pas de l'engagement d'un F-16 en 2008.

    En 2005, on pouvait lire ce qui suit sur le site web du gouvernement: « Nous utilisons une version modernisée du F-16, qui gère les bombes à guidage laser. Cela nous procure une précision de quelques mètres, largement suffisante pour une bombe de 250 kilos. L'avion est également équipé d'un GPS et d'un système d'identification des aéronefs, ennemis ou amis. Enfin, notre chasseur a aussi deux missiles infrarouges. » Aujourd'hui, il s'agit des mêmes avions.

    Bien sûr, ces opérations ne sont pas sans risques et l'on tente de les limiter au maximum. Les opérations poursuivent un seul objectif, qui est le même aussi bien en 2002 qu'en 2005 et 2008: la reconstruction du pays. Mais un pays ne peut être reconstruit que dans un environnement sûr. Actuellement, cette condition essentielle n'est pas remplie. C'est pourquoi nous devons engager plus de moyens, tant militaires qu'humanitaires, en gardant obligatoirement un équilibre entre les deux, pour pouvoir parler d'une stratégie de sortie. L'importance des moyens que nous pourrons engager en tant que pays dépendra de la discussion du budget 2008.

    Pour M. Sevenhans (Chambre), une opération militaire d'envergure ne peut pas faire l'objet d'un jeu politique entre l'opposition et la majorité. L'intervenant estime, comme en décembre 2007, que la présence de nos militaires en Afghanistan, dans le cadre de l'OTAN, est justifiée. À l'heure actuelle, il est difficile d'évaluer si toutes les opérations se déroulent correctement et avec les moyens les plus appropriés.

    Une opération militaire est toujours un sujet sensible et il est hors de propos d'en faire l'objet de manoeuvres politiques. Jusqu'à présent, l'intervenant n'a pas reçu d'informations susceptibles de l'amener à changer son point de vue sur la question.

    M. Tommelein (Chambre) déclare que son groupe soutient la décision du ministre, qu'il trouve justifiée. Le déploiement de militaires en Afghanistan est très limité par comparaison avec ce qui s'est fait au Kosovo. En effet, étant donné la taille des deux pays, il y avait, proportionnellement, beaucoup plus de militaires présents au Kosovo.

    Pour l'intervenant, il faut engager des moyens suffisants pour ramener la paix en Afghanistan. Pour y arriver, il faut partager les risques. La Belgique ne peut pas vouloir être membre d'une institution internationale et refuser en même temps de prendre ses responsabilités. Nous n'avons pas milité pour entrer en guerre avec l'Afghanistan. Son groupe ne fait rien d'autre que de poursuivre la politique des années précédentes. La décision du ministre constitue donc une décision loyale. Les arguments de M. De Vriendt reviennent à dire qu'il n'accepte d'apporter son soutien que s'il est sûr de gagner.

    Le ministre de la Défense souligne qu'il a tenté de répondre à toutes les questions, mais que ses réponses n'ont pas toujours plu.

    La solution de la situation en Afghanistan ne sera pas exclusivement civile ou exclusivement militaire. Une solution exclusivement civile ou exclusivement militaire ne pourra pas aboutir. Il faut donc s'engager dans une combinaison des deux pour arriver à une solution et à une stratégie de sortie. Si nous n'y parvenons pas dans un contexte international, l'avenir de l'Afghanistan est sombre. Le gouvernement actuel a décidé de mener la politique proposée précisément parce qu'il ne veut pas être tenu pour responsable du fait qu'on ne parvient pas à trouver une solution pour l'Afghanistan.


    II. Réunion du 13 février 2008


    1. Exposé de M. Karel De Gucht, ministre des Affaires étrangères

    Le ministre souligne l'existence de nombreux malentendus sur l'action de la communauté internationale en Afghanistan. La comparaison avec la situation en Irak n'est pas pertinente.

    Il esquisse ensuite le contexte de l'opération en Afghanistan.

    Les attentats du 11 septembre 2001 ont été le déclencheur concret de la guerre contre les Talibans et Al Qaida. Avant la fin de 2001, le feu vert a été donné à l'ISAF (International Security Assistance Force) qui, aujourd'hui encore, est présente en Afghanistan. Le mandat de l'ISAF se fonde sur le chapitre VII de la Charte de l'ONU. L'opération de l'OTAN a l'aval du Conseil de sécurité. Depuis août 2003, l'ISAF est placée sous le commandement de l'OTAN à la demande des Nations unies et du gouvernement afghan.

    L'intervention dans ce pays s'appuie dès lors pleinement sur le droit international.

    Un autre aspect porte sur la sécurité de la zone euro-atlantique, qui dépasse le cadre de la situation en Afghanistan même. Le ministre renvoie à l'allocution qu'il a prononcée le 1er février 2008 devant le Nato Defence College à Rome (« Nato and International Security in the 21st Century »). Dans cette allocution, il parle de l'eurocentrisme, qui doit revenir à l'avant-plan au sein de l'OTAN, étant donné l'existence de critiques concernant les interventions out of area. Cela ne signifie pas pour autant que ces opérations ne peuvent plus avoir lieu. Elles seraient cependant subordonnées à l'existence d'un lien avec la sécurité en Europe et dans la zone euro-atlantique. C'est le cas pour l'Afghanistan, ce qui a d'ailleurs toujours été considéré en tant que tel par la Belgique, les autres pays européens et l'OTAN.

    Avant les attentats de 2001, le pays n'était, avec la complicité des Talibans, rien moins qu'un havre pour Al Qaida. Pour la première fois, l'article V de la Charte de l'OTAN a ensuite été invoqué pour soutenir la guerre contre Al Qaida. Récemment, le ministre américain de la Défense, Gates, a encore déclaré que l'extrémisme islamique constituait une menace bien réelle pour les citoyens européens.

    La menace terroriste constitue incontestablement une certitude acquise. En Belgique également, on a déjoué des attentats planifiés par des personnes ayant des liens avec Al Qaida. Il est dès lors de la plus haute importance que ce mouvement terroriste n'ait pas la possibilité de se réorganiser et de se renforcer en profitant de la faiblesse d'un État en déliquescence, ce que redeviendrait l'Afghanistan si les Talibans revenaient au pouvoir. C'est pourquoi il faut construire ensemble un État afghan qui fonctionne et qui soit capable de garantir le développement et la sécurité de ses citoyens.

    Depuis le début de l'ISAF, la Belgique est présente en Afghanistan et elle reste conséquente vis-à-vis de ses obligations internationales. La récente décision gouvernementale s'inscrit dans ce cadre, sans qu'il soit question d'une soudaine nouvelle opération de grande envergure de la part de la Belgique.

    L'OTAN s'efforce d'aider les autorités afghanes à assurer la sécurité et la stabilité du territoire, une condition indispensable pour la bonne gestion et la reconstruction du pays. La contribution de l'OTAN s'inscrit dans le cadre de l'Afghanistan compact, un plan (2006-2010) du gouvernement afghan et de la communauté internationale qui fixe des objectifs en termes de sécurité, d'administration et de développement économique.

    Plusieurs composantes peuvent être distinguées dans l'action de l'OTAN.

    — L'ISAF. Les effectifs de l'ISAF sont de 43 250 hommes, ce qui est insuffisant, a fortiori si l'on part du principe que la reconstruction serait facilitée si l'on augmentait la présence militaire (sans que cela n'implique nécessairement que la composante militaire doive intervenir davantage).À l'heure actuelle, il n'y a cependant aucune volonté d'envoyer des troupes supplémentaires.

    L'ISAF aide les autorités afghanes à exercer une autorité et une influence sur l'ensemble du territoire et à créer ainsi les conditions de la stabilité et de la reconstruction. L'ISAF collabore à cet effet avec les forces de sécurité locales et assiste et accompagne également l'armée afghane qui devra reprendre de plus en plus à l'avenir le rôle assumé actuellement par l'ISAF.

    Il ne faut pas oublier, à cet égard, que la plupart des victimes sont à déplorer jusqu'à présent parmi les rangs de la police et des forces afghanes.

    — Le Senior civilian representative est responsible des aspects politico-militaires de la mission de l'OTAN; il collabore étroitement avec l'ISAF et est en liaison avec le gouvernement aghan, les organisations internationales et les pays limitrophes.

    — À titre d'exemple d'une initiative réalisable principalement grâce à la présence de militaires, on renverra à l'initiative des troupes allemandes à Kunduz, qui ont édifié une école locale pour jeunes filles avec l'accord des autorités locales, dans le respect nécessaire des coutumes et des traditions locales (par exemple, sur le plan du code vestimentaire à l'intérieur et à l'extérieur de l'enceinte de l'école). Cette initiative permet effectivement à 3000 jeunes filles de suivre une scolarité.

    En ce moment, il y a en Afghanistan 43 250 militaires de 40 pays qui participent à l'ISAF. En outre, 25 PRT sont opérationnels sur l'ensemble du territoire.

    La majeure partie du contingent de l'ISAF émane de l'OTAN: les troupes viennent des États-Unis (15 000), du Royaume-Uni (7 800), du Canada (2 500), d'Allemagne (3 200), des Pays-Bas (1 650), de France (1 500), de Pologne (1 100), du Danemark (780), d'Espagne (740) et de Turquie (675). Il y a également des États participants qui ne sont pas membres de l'OTAN: l'Australie (1 000), la Suède (345), la Croatie (188), l'Albanie (140), la Nouvelle-Zélande (115) et la Jordanie (90).

    La participation de la Belgique représente en l'espèce environ 1 %, soit moins que la cost share de notre pays au sein de l'OTAN. Au Kosovo, la représentation de la Belgique au sein de la KFOR est proportionnellement deux fois plus importante.

    L'une des missions de l'ISAF consiste à former et à appuyer l'armée afghane (notamment via les Operational Mentor and Liaison Teams (OMLT)), ce qui est essentiel pour que les autorités afghanes reprennent leur destin en main. La Belgique prendra du reste la direction d'une OMLT dès le deuxième semestre 2008. L'ISAF participe également à la reconstruction et au développement (réhabilitation des écoles et des hôpitaux, répartition des installations d'eau potable et soutien d'autres projets civils et militaires).

    Des résultats importants ont été obtenus dans le domaine du développement et de la reconstruction. En 2004, seuls 9 % de la population avaient accès aux soins de santé primaires, contre 83 % à l'heure actuelle. En 2001, 1,2 million d'enfants étaient scolarisés, contre 7 millions aujourd'hui, dont 2 millions de filles. Il y a actuellement 10 universités, contre une sous le régime des talibans.

    L'ISAF est également chargée de la destruction de 88 000 mines antipersonnel et de 11 500 mines antichar. Plus de 4 000 km de routes ont été construits. Plus de 60 000 anciens combattants ont été désarmés. La police afghane compte aujourd'hui plus de 80 000 hommes, l'armée presque 50 000.

    Les différents programmes de développement n'ont évidemment pu être mis en œuvre que parce que la sécurité était garantie.

    Le ministre donne ensuite un aperçu de la contribution de l'UE.

    Eupol Afghanistan a été lancé en juin 2007 dans le but de contribuer à une structure policière efficace gérée par les Afghans conformément aux normes internationales. Au complet, cette mission de police compte 195 experts en matière de police et de justice, qui sont postés à Kaboul et au niveau régional et provincial.

    Eupol Afghanistan fait partie d'un plus grand ensemble. Entre 2002 et 2006, l'UE a fourni, au total, une aide se chiffrant à 3,7 milliards d'euros, dont 1,1 milliard en provenance de la Commission et 2,6 milliards des États membres. La Commission européenne a par ailleurs encore approuvé un programme pluriannuel indicatif pour 2007-2010 de 610 millions axé sur la gouvernance, le développement rural et la santé. Lors de la conférence des donateurs de juillet 2007 à Rome, l'UE s'est engagée à contribuer à hauteur de 200 millions à des projets axés sur le rétablissement de l'ordre public et de l'État de droit (2007-2010).

    Selon le ministre, la participation de la Belgique a dès lors beaucoup de sens. Il est toutefois difficile de comprendre pourquoi le parti de M. Van der Maelen a bloqué la participation éventuelle de la Belgique à Eupol, bien qu'il préconise de mettre davantage l'accent sur les opérations civiles. Il va de soi que l'engagement de la seule OTAN ne suffit pas. Dans l'Afghanistan compact 2006 et l'Afghan national security strategy sont énumérées les responsabilités d'autres organisations internationales et pays en matière de gestion et de développement.

    Les pays de l'OTAN élaborent en ce moment un plan stratégique politico-militaire global qui accorde de l'attention à la responsabilité du gouvernement afghan et au rôle des autres acteurs internationaux. Ce plan sera discuté lors du sommet de l'OTAN de Bucarest (2-4 avril 2008).

    Au cours de la discussion de ce plan, la Belgique a fortement insisté sur le rôle central et coordinateur des Nations unies (y compris une forte représentation sur place) et sur la responsabilité du gouvernement afghan en matière d'efforts civils visant la reconstruction et le développement.

    La question d'une stratégie de sortie a été soulevée, question qui, selon d'aucuns, doit être abordée à Bucarest. Le ministre estime qu'à Bucarest, un plan global doit voir le jour à propos des piliers de la reconstruction et du développement, de l'État de droit et du bannissement de la culture de l'opium. Il est illusoire de penser qu'un retrait d'Afghanistan d'ici un à deux ans serait décidé à Bucarest. Pour les militaires belges, cette possibilité ne pourrait exister que si notre pays était disposé à ne plus faire partie de l'OTAN.

    Pour illustrer l'attitude de la population afghane même, le ministre renvoie à l'écrivain d'origine afghane Khaled Hosseini, qui estime que de nombreux Afghans préfèrent que les troupes étrangères restent sur place dès lors que la seule alternative est le retour à la situation antérieure de failed state et de chaos. La sympathie de la population pourrait toutefois rapidement se perdre si les troupes se rendaient coupables d'acte de violence aveugle. La plupart des Afghans estiment que la vie est actuellement meilleure que sous les Talibans. Force est certes de reconnaître que, dans les campagnes, la situation n'a souvent guère changé, en particulier pour les femmes.

    Aussi n'est-il pas correct d'affirmer que la Belgique part en guerre. Il s'agit de convaincre la population afghane que l'enjeu est grand pour elle aussi (hôpitaux, écoles, etc.). Pour la Belgique, les raisons de participer à l'ISAF, même dans le sud, ne manquent dès lors pas: le souci d'offrir une perspective de vie conforme à la dignité humaine à la population afghane (sans Talibans), la solidarité avec d'autres alliés et fournisseurs de troupes, la solidarité avec le Canada, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui font face à de sérieuses difficultés dans le sud et la confirmation du renforcement de la défense européenne.

    Trois éléments sont essentiels:

    — Il est indispensable d'assurer la sécurité pour reconstruire le pays. Il faudra, pour cela, des forces militaires et une armée propre à l'Afghanistan qui soit en mesure de relever le défi de la sécurité. Il est extrême ment difficile de mettre en place a une armée autonome en partant de rien. La présence militaire occidentale sera dès lors encore nécessaire pendant un moment.

    — Une autre exigence concerne une administration (gouvernance) ferme. À l'heure actuelle, celle-ci est toutefois faible en Afghanistan. On sait d'expérience que ce processus est très progressif. Les élections de 2009 sont l'un des grands défis à relever à cet égard. La mise en place d'un État de droit constitue un autre élément décisif de ce processus.

    — Il convient de mettre fin à la culture de l'opium en reconstruisant l'économie et de proposer une solution de remplacement aux agriculteurs.

    Enfin, le ministre souligne que la situation de l'Afghanistan est très différente de celle de l'Irak, qu'elle concerne également la sécurité de la Belgique, et que ce dernier point justifie le maintien de la présence belge. La décision du gouvernement s'inscrit parfaitement dans ce contexte.


    2. Exposé de M. Pieter De Crem, ministre de la Défense

    Le ministre se rallie à l'exposé du ministre des Affaires étrangères et fait ensuite rapport sur la réunion informelle de l'OTAN des 7 et 8 février 2008 à Vilnius. Cette réunion a également accueilli des représentants de pays qui ne font pas partie de l'OTAN mais qui sont néanmoins présents en Afghanistan. Des institutions telles que les Nations unies, l'Union européenne et la Banque mondiale étaient également représentées. Les opérations menées en Afghanistan et au Kosovo figuraient à l'ordre du jour.

    Dans un bref volet formel, deux rapports confidentiels faisant état des progrès et de l'avancement des travaux en ce qui concerne les capacités et l'envoi de forces armées, d'une part, et les matières relatives aux opérations menées en Afghanistan et au Kosovo, d'autre part, ont été entérinés.

    La réunion informelle des ministres de la Défense a abouti aux constatations suivantes:

    — L'Afghanistan est et reste la première priorité opérationnelle de l'OTAN mais appelle une approche globale impliquant le gouvernement afghan et tous les acteurs de la communauté internationale (l'ONU, l'Union européenne et la Banque mondiale), en particulier en ce qui concerne les aspects civils (civil society) de la reconstruction et la création d'un État de droit (rule of law).

    — L'absence de la totalité des troupes et des moyens nécessaires (combined joint statement of requirement) et la limitation de la capacité d'engagement (ce que l'on appelle caveats) préoccupent les militaires.

    — La formation de l'armée afghane jouera un rôle de premier plan pour permettre au gouvernement de reprendre le contrôle du pays (Afghan ownership). On a assisté à de nombreuses plaidoyers visant à soutenir l'OMLT à laquelle participe la Belgique après la décision du gouvernement. Un grand nombre de nations y participent.

    — Les éléments clés du projet de plan politico-militaire stratégique global proposé par le secrétaire général de l'OTAN ont été approuvés par la plupart des ministres. Plusieurs ministres de la Défense, dont le ministre belge, ont insisté pour que l'on y inclue la justification en ce qui concerne la présence dans le pays et la description exacte de la mission. On a également insisté sur la nécessité de mener une approche globale, en menant, notamment, une coordination entre le gouvernement afghan et l'ensemble des acteurs de la communauté internationale (general strategic approach).

    — Au cours de l'échange de vues qui a eu lieu avec les représentants des autorités afghanes, il a été posé clairement que l'Afghan ownership relève totalement d'eux et que l'Occident les soutient dans sa réalisation, mais qu'il leur appartient de prendre eux-mêmes une grande part de responsabilités. La crédibilité du gouvernement afghan actuel et la lutte contre la corruption ont été pointées en tant que priorité absolue dans ce cadre.

    — Différents pays, dont la Belgique, ont annoncé une augmentation de leurs efforts;

    — les États-Unis augmentent la présence de marines;

    — l'Allemagne insiste en vue d'obtenir une participation accrue à la quick reaction force dans le nord;

    — la Norvège, l'Allemagne, la Turquie, la Roumanie, la Slovaquie et le Portugal participent aux OMLT;

    — la Norvège envoie des forces spéciales; la Pologne, des hélicoptères et le Portugal, un C-130;

    Au cours de cette réunion informelle et intermédiaire, on a esquissé une préfiguration des décisions importantes qui seront prises à Bucarest.


    3. Échange de vues

    M. Philippe Monfils (Sénat) affirme son soutien à la position du gouvernement d'envoyer des F-16 et des forces supplémentaires. Le maintien d'une armée ne répond pas en effet seulement à l'objectif de défendre le territoire, mais également à celui de participer à des opérations internationales de maintien de la paix.

    En outre, la justification de l'opération que vient de donner le ministre des Affaires étrangères apporte une réponse à plusieurs des critiques exprimées précédemment. Comme le ministre l'a souligné, l'intervention de l'OTAN en Afghanistan contribue à assurer la sécurité de l'Europe.

    À ceux qui craignent que la contribution qui vient d'être décidée n'accroisse le danger pour nos troupes, il faut faire observer que la Belgique doit pouvoir prendre ses responsabilités autrement qu'en dernière ligne. Certes, l'opération présente des risques, mais c'est le propre de toute action militaire et, de toute manière, il reviendra aux responsables de ne prendre que des risques bien calculés.

    Pour l'intervenant, le problème ne réside donc pas dans la décision que vient de prendre le gouvernement belge, mais dans l'insuffisance de la coordination au sein de l'OTAN, dont tous les membres ne sont pas sur la même ligne et où les responsabilités ne sont pas équitablement partagées. Dans ces conditions, il y a tout lieu de craindre que le prochain sommet de Bucarest ne soit à l'image du sommet de Riga en 2006: jusqu'à présent, rien ne permet d'apercevoir une réelle volonté d'établir un vrai pilier européen au sein de l'OTAN. Aux yeux de l'intervenant, ce sont pourtant là les deux objectifs auxquels il convient de donner forme: établir une réelle coordination au sein de l'OTAN d'une part et aller plus loin sur le plan de la construction d'une défense européenne d'autre part.

    Enfin, comment s'effectuera le financement supplémentaire ? Il ne faudrait pas que cette plus grande disponibilité de la Belgique en Afghanistan remette en cause nos engagements dans la région des Grands Lacs.

    M. Van den Eynde (Chambre) constate que le plaidoyer du ministre des Affaires étrangères s'appuie sur deux piliers: d'une part, la défense des intérêts européens et, d'autre part, l'aide à la reconstruction de la société civile afghane.

    Sur ce dernier point, l'intervenant estime l'analyse du ministre trop optimiste. Ainsi, la scolarisation de ces 3 000 filles mise en exergue par le ministre ne peut en fait avoir lieu que sous la protection militaire constante de l'Occident et ne change rien à la situation à l'extérieur des bâtiments ainsi sécurisés: hors de ces îlots protégés, le port de la burka reste de rigueur, les talibans font toujours régner l'insécurité et la production d'opium ne cesse de progresser.

    Le problème est d'ailleurs clairement structurel, puisque, en deux siècles, l'Occident n'a jamais pu établir sa présence en Afghanistan, pays que n'ont pu conquérir ni l'Empire britannique ni l'Union soviétique.

    Quant à l'argument selon lequel nous défendrions nos intérêts en étant présents en Afghanistan, il n'est sans doute pas faux, mais encore faudrait-il être sûr de ne pas répéter la désastreuse expérience rwandaise, où des troupes belges étaient certes présentes, mais sans disposer d'un équipement efficace.

    M. Flahaut (Chambre) se réjouit de constater que tout le monde s'accorde désormais sur la nécessité d'une approche globale du dossier afghan.

    Il faut par ailleurs souligner que les autorités afghanes n'ont pas rempli leur contrat. Il convient donc de faire pression sur elles pour qu'elles luttent contre la corruption et contre la production d'opium.

    Il est par ailleurs important d'informer et de sensibiliser correctement notre opinion publique: un effort doit clairement être fait sur ce plan.

    Il faut par ailleurs être conscient que l'on ne pourra poursuivre indéfiniment notre présence en Afghanistan: une présence prolongée nous assimile à une armée d'occupation et donne l'impression que nous voulons transposer là-bas notre modèle occidental.

    Contrairement à ce que donnent à penser les critiques de certains chefs militaires de l'OTAN — qui ne voient la situation qu'en fonction des opérations de l'Alliance — les engagements internationaux de la Belgique sont tout sauf insuffisants: il convient en effet d'ajouter aux opérations menées dans le cadre de l'OTAN — où les troupes belges sont présentes dès le début (Kosovo et Afghanistan) — les opérations qui ont lieu dans d'autres contextes, comme au Liban ou au Tchad. Le nombre même de ces différents engagements rendra nécessaire d'effectuer des choix budgétaires à plus long terme.

    L'intervenant déplore par ailleurs que, contrairement au consensus qui s'était dégagé au sein des commissions de la Défense avant la réunion de Vilnius, le ministre de la Défense n'ait pas, lors de cette réunion, insisté auprès de ses homologues sur la nécessité de préparer une stratégie de sortie.

    Il semblerait également que le ministre n'ait pas davantage évoqué les caveats. Pourtant, même s'il s'agit là d'un point de vue qu'il n'est jamais agréable de défendre, il est de la responsabilité du gouvernement belge vis-à-vis de ses forces militaires d'imposer de tels caveats; c'est du reste notre droit le plus strict.

    L'orateur souhaite que, par l'adoption d'une résolution, le parlement formule clairement ces demandes à l'attention du ministre.

    M. De Vriendt (Chambre) déclare que son groupe n'est favorable à un engagement belge en Afghanistan que pour autant que l'on fasse dépendre celui-ci d'un changement de stratégie. Il ne fait en effet aucun doute que l'actuelle stratégie de la communauté internationale est un échec. Différents rapports internationaux viennent d'ailleurs de le souligner (OXFAM International, International Crisis Group, ...). Ces différentes analyses ont pour point commun de souligner qu'à côté de la composante militaire, il y a surtout beaucoup à faire sur le plan des initiatives civiles et qu'en tout état de cause, un rôle beaucoup plus important doit être imparti à l'ONU.

    Pour le groupe auquel appartient l'intervenant, un changement de stratégie en ce sens aurait dû être la condition à une participation belge accrue.

    Comme l'orateur précédent, il déplore que rien n'ait été dit sur l'instauration de caveats ou sur l'établissement d'une stratégie de sortie. Il ne fait certes malheureusement aucun doute que la communauté internationale devra rester quelques années en Afghanistan, mais ceci ne doit pas empêcher de déjà envisager la fin de l'opération.

    Enfin, qu'en est-il du délai de quatre mois prévu ?

    M. Dallemagne (Sénat) souligne que la nature de l'opération menée en Afghanistan diffère totalement de l'intervention en Irak: l'intervention en Afghanistan bénéficie en effet d'une légalité internationale; elle est en lien direct avec la sécurité internationale; et, jusqu'il y a peu, elle donnait l'impression de produire des résultats. Pour ces différentes raisons, le groupe auquel appartient l'intervenant a toujours été favorable au déploiement militaire en Afghanistan.

    La contribution additionnelle qui vient d'être décidée maintenant apparaît également acceptable: on ne peut en effet refuser que les risques soient partagés avec davantage d'équité au sein de l'OTAN.

    Cela étant, un certain nombre de questions doivent être posées: quelle est l'importance de ces risques ? De quelles opérations sur le terrain s'agit-il ? Quelles sont les règles d'engagement des Néerlandais ? Quelles seront les règles d'engagement des troupes belges ?

    Envisage-t-on par ailleurs de coordonner l'intervention de l'ISAF d'une part et l'opération Enduring Freedom d'autre part ? Les troupes belges risquent-elles dès lors d'être amenées à participer à cette dernière ? Pour l'intervenant, il ne peut en être question et les deux opérations doivent rester clairement distinctes.

    Quel est par ailleurs le point de vue du ministre sur l'analyse de certains, qui estiment que les efforts militaires occidentaux en Afghanistan seraient insuffisants et peu efficaces ? La communauté internationale n'a-t-elle pas d'ores et déjà réduit ses ambitions ?

    Quelles sont les initiatives concrètes que la Belgique pourrait prendre sur le plan du développement ? De même, quelles initiatives supplémentaires peut-on envisager tant dans ce domaine du développement que sur le plan diplomatique ? Comment, par exemple, contribuer à la stabilisation et à la démocratisation de la région, alors qu'il apparaît de plus en plus clairement que l'avenir de l'Afghanistan se joue au moins en partie au Pakistan ?

    Enfin, en ce qui concerne le financement des opérations, l'intervenant réclame une analyse des capacités à long terme en matière de déploiements. Veut-on par ailleurs recourir à un fonds spécial ?

    M. Van der Maelen (Chambre) déclare sa conviction que l'Afghanistan doit être aidé par la communauté internationale.

    Toutefois, dès lors que celle-ci est présente dans ce pays depuis déjà plusieurs années, il convient maintenant d'évaluer ce qui a été atteint à l'issue de cette période. Or cette évaluation ne laisse pas d'être inquiétante: beaucoup trop peu a été fait sur le plan humanitaire; l'effort a été jusqu'à présent avant tout militaire; cette opération est coûteuse et inefficace. Devant un tel constat, il est à tout le moins paradoxal que la solution proposée par le gouvernement soit d'investir davantage dans l'approche militaire.

    Il a par ailleurs été annoncé qu'un plan global serait présenté à Bucarest.

    Pour l'intervenant, il convient également de donner des informations précises sur ce que l'engagement militaire coûte à l'Occident et sur son efficacité. Il convient également d'apporter des précisions sur le common funding.

    L'intervenant réclame également des précisions sur ce que les différents membres de l'OTAN ont consenti à faire comme effort supplémentaire. Au vu des informations contradictoires qui circulent, il doute que l'objectif annoncé soit atteint — d'autant que les États-Unis, déjà si largement engagés en Irak, auront eux-mêmes du mal à tenir leur promesse.

    De toute manière, même si la communauté internationale arrivait à déployer 80 000 hommes, l'intervenant ne pense pas que l'on pourrait ainsi éliminer Al Qaida et les talibans d'Afghanistan.

    D'autre part, quand le nouvel engagement belge viendra-t-il à son terme ? On a certes parlé de 4 mois, mais les Néerlandais, en renfort desquels s'effectue le nouveau déploiement belge, ne comptent clôturer leur opération qu'en 2010. Cela implique-t-il que les renforts belges maintiendront également leur appui jusqu'à cette date ?

    S'agissant de l'aspect budgétaire, on a annoncé une compensation à l'intérieur du budget de la Défense. Où cette compensation sera-t-elle effectuée ? Si cela devait être sur les crédits destinés aux opérations à l'étranger, il ne ferait aucun doute que l'accroissement de l'intervention en Afghanistan se ferait aux dépens des autres opérations. L'intervenant demande dès lors au ministre s'il est disposé à communiquer au parlement les différents documents budgétaires qui ont servi à préparer la décision, y compris les documents émanant de l'Inspection des Finances.

    Le membre s'étonne par ailleurs que le CD&V et le VLD aient rallié le camp du président Bush, alors que le SP.A est clairement sur la même ligne que la chancelière allemande.

    Enfin, il précise être favorable aux opérations qui ont lieu au Liban, au Kosovo ou au Tchad, en dépit des risques inhérents à ces interventions. S'il est en revanche totalement opposé à l'opération annoncée en Afghanistan, c'est parce que cette contribution militaire n'atteindra pas l'objectif visé et qu'il s'agit donc d'une prise de risques insensée. Il faut en outre se souvenir des 7 000 victimes civiles qui sont tombées en Afghanistan ces dernières années, la plupart victimes de tirs de l'OTAN.

    M. Ducarme (Chambre) se déclare inquiet de la manière dont un certain nombre de responsables militaires de l'OTAN envisagent la présence de l'ISAF en Afghanistan: s'ils ne font pas mystère de ce que cette présence risque d'être longue, ils ne donnent en revanche aucune information sur la planification de l'opération. Il apparaît qu'il y a une nouvelle stratégie de maintien de la paix, mais sans aucune réflexion sur la feuille de route — alors que celle-ci se trouve de facto invalidée par ce changement de stratégie.

    Dans ces conditions, l'intervenant déclare partager la réflexion de l'un des précédents orateurs, qui insistait pour que l'on étudie sans délai une stratégie de sortie. Pour l'intervenant, à défaut d'établir une stratégie de sortie, on se trouvera tôt ou tard confronté à une stratégie de vide.

    L'analyse à faire devra en outre prendre en considération une approche régionale. En tout état de cause, cette analyse devra être précise. En premier lieu, il faudra préciser la finalité de notre présence en Afghanistan: s'agit-il de venir en appui d'une force d'interposition dans une guerre civile, ou veut-on promouvoir la reconstruction du pays, éradiquer la culture du pavot et lutter contre la corruption ? Non seulement convient-il de préciser l'objectif poursuivi, mais il faut également indiquer avec quels moyens.

    Il convient également d'élaborer une nouvelle feuille de route, précisant clairement qui fait quoi entre l'OTAN, l'Union européenne, les ONG, le gouvernement afghan, etc.

    Enfin, il conviendra d'avoir le courage d'établir un agenda en ce qui concerne la durée de cette présence en Afghanistan — sans pour autant s'enfermer dans la logique d'une date-butoir, car on n'atteint jamais les objectifs.

    L'intervenant demande que ce soit ce message que le ministre défende au Sommet de Bucarest et que, dans l'intervalle, le ministre relaie d'ores et déjà cette analyse dans tous ses contacts.

    M. Vijnck (Chambre) souscrit à la volonté de solidarité envers nos partenaires de l'OTAN dont témoigne la décision annoncée. Il s'agit ici d'accomplir un devoir de solidarité.

    Du reste, même de cette manière, la contribution de la Belgique à l'opération en Afghanistan se limitera à 1 %.

    Enfin, l'intervenant souligne combien nos pilotes sont bien entraînés et disponibles.

    M. Beke (Sénat) constate qu'il ressort du présent débat qu'on assiste au retour des pacifistes.

    Il rappelle que l'essence même de l'Alliance atlantique est la solidarité. Dans le cadre de la présente opération, l'intervenant estime impossible d'indiquer d'avance l'échéance: l'opération sera sans aucun doute basée sur une évaluation continue.

    À ceux des intervenants qui souhaitent que le parlement indique clairement sa volonté au gouvernement par l'adoption d'une résolution, le membre fait observer que, par le passé, les résolutions adoptées par une assemblée parlementaire n'ont pas toujours été suivies par le gouvernement. Il plaide dès lors plutôt pour une information régulière et suivie du parlement par le gouvernement.

    Quant à la stratégie de sortie réclamée par d'aucuns, il estime qu'elle aura sa place quand les efforts tant militaires que civils se seront accrus. Il lui paraît dès lors qu'il faut avant tout assurer un suivi de l'évaluation.

    Enfin, en ce qui concerne les aspects budgétaires de l'opération, il s'agira d'en reparler sur la base de la note dont le ministre a annoncé la préparation.

    Mme Vautmans (Chambre) insiste pour que la note qui vient d'être évoquée soit rapidement disponible. Elle rappelle par ailleurs que les commissions de la Chambre ont eu le 5 décembre dernier un échange de vues avec le précédent titulaire du département sur les opérations à l'étranger menées par la Défense en 2007 et sur le planning de ces mêmes opérations pour 2008 (voir le rapport de Mme Hilde Vautmans au nom des commissions de la Défense et des Relations extérieures — DOC 52 0708/001).

    Il lui paraît souhaitable que cette information soit renouvelée tous les six mois et puisse chaque fois faire l'objet d'un débat.

    Elle rappelle par ailleurs avoir déjà à plusieurs reprises demandé que la commission du Sénat « Participation aux missions à l'étranger » soit élargie à des membres de la Chambre. A défaut, il reviendra à la Chambre d'instituer une commission semblable à l'organe créé au Sénat sur la base des leçons tirées des travaux de la commission Rwanda.

    Sur le fond, l'intervenante approuve la décision du gouvernement d'envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan.

    Elle demande par ailleurs que la politique des « journées des familles » soit poursuivie.

    Quand commencera par ailleurs la formation des unités qui seront envoyées en mission en octobre ?

    S'agissant de la volonté de certains intervenants de clôturer le présent débat par l'adoption d'une résolution, l'intervenante estime que la formule la meilleure est de suivre de près l'opération au sein de la commission « Participation aux missions à l'étranger » qui a été évoquée ci-dessus.


    Le ministre des Affaires étrangères comprend que d'aucuns craignent que l'on ne s'enlise dans une situation sans issue en Afghanistan. Les extraits de certains rapports cités par certains membres sont cependant très ciblés. Il convient de tenir tout autant compte de l'image générale.

    L'attention accrue portée à la reconstruction doit de toute évidence être soutenue, mais cela suppose la création préalable d'une situation assurant une sécurité de base.

    À cet égard, on constate que, dans les provinces du sud, où leur influence est la plus grande, les Talibans ont cessé de conquérir de nouvelles positions. À présent, ils tentent plutôt de créer un climat général d'insécurité sur l'ensemble du territoire (y compris à Kaboul), essentiellement en perpétrant des attentats terroristes généralement spectaculaires, visant souvent des étrangers, ce qui entraînera probablement une réduction des activités des ONG. Ce revirement vers les activités terroristes s'explique probablement par l'efficacité des interventions des troupes d'interposition et de l'armée afghane. En 2007, une quinzaine de commandants talibans ont d'ailleurs été éliminés. Ils ne sont dès lors plus parvenus, cette année-là, à conquérir des centres importants, à bloquer des routes ou à ouvrir de nouveaux fronts. Aux mains des Talibans depuis février 2007, la ville de Musakala a été reconquise. Il s'impose de consolider ce succès. Il convient de soutenir la population afin de la convaincre de la valeur du gouvernement officiel. Malgré tout cela, l'influence des Talibans est grande dans les provinces du sud de Kandahar, d'Uruzgan et de Helmand, où ils contrôlent certains districts. La présence du gouvernement y est faible et inefficace. L'influence s'étend même jusqu'à la région frontalière avec le Pakistan.

    Il est erroné de dire qu'une victoire militaire est impossible à obtenir. Les troupes de l'OTAN n'ont pas pour objectif d'engranger une victoire militaire, mais de créer un climat devant permettre la reconstruction du pays. Aucun rapport n'indique d'ailleurs que le risque existe que l'OTAN puisse essuyer une défaite militaire.

    La stratégie de l'OTAN ne vise pas à « gagner ou perdre la guerre ». Elle est pluridisciplinaire et il est peu vraisemblable que le nombre de militaires étrangers augmentera. C'est pour cela qu'il importe de soutenir la mise en place d'une armée propre à l'Afghanistan.

    Le ministre aborde ensuite la question des risques.

    Il déplore la manière dont les groupes SP.A-spirit et Ecolo-Groen ! évoquent ces questions en parlant notamment de « bodybags » (sacs mortuaires) et de « collateral damage » (dommages collatéraux). Il qualifie cette analyse de perfide.

    Toute opération militaire effectuée à l'étranger présente naturellement des risques, que ce soit au Liban, au Kosovo, au Tchad ou en Afghanistan. Compte tenu de son importance stratégique, la surveillance de l'aéroport international de Kaboul est risquée. Cela vaut également pour le Sud.

    La question essentielle est toutefois de savoir si l'on peut prendre des risques injustifiés ou liés à un objectif politique auquel on n'adhère pas, et si l'on prend les mesures de précaution nécessaires pour limiter ces risques. Le propre d'une armée est qu'elle peut être mobilisée pour des opérations risquées. Si on n'accepte pas cette réalité, il faut oser poser la question du maintien de forces armées propres. Le risque qu'un militaire soit abattu ne signifie toutefois pas que la décision politique prise à cet égard n'était pas la bonne. Le gouvernement ne prend ce type de décisions qu'après mûre réflexion et certainement pas à la légère. Il en va de même pour les dommages collatéraux évoqués par M. Van der Maelen. Fait-il par-là allusion au risque que des attentats soient perpétrés en Belgique ?

    Le ministre des Affaires étrangères déplore l'attitude du groupe de M. Van der Maelen. Il y a quelques semaines, son parti était encore représenté au sein du gouvernement et il a toujours participé à la décision d'envoyer des militaires belges en Afghanistan. Dans le passé, la Belgique y a d'ailleurs déjà envoyé des F-16. La situation sur place n'a pas changé au point de ne plus exiger de stratégie militaire et de ne plus nécessiter qu'une présence civile. L'Afghanistan ne pourra être reconstruit que si la sécurité y est assurée et une présence militaire sera encore nécessaire pour longtemps si l'on veut atteindre cet objectif.


    Le ministre de la Défense précise que le montant destiné aux opérations à l'étranger augmente à la suite de cette mission supplémentaire, ce qui ne signifie pas que le budget de la défense augmentera. Des compensations auront lieu sur le budget propre du département.

    En ce qui concerne la stratégie de sortie, le ministre préfère parler de stratégie du succès, à savoir la stratégie qui doit être suivie pour atteindre l'objectif fixé: rendre l'Afghanistan aux Afghans, avec un État de droit et une société civile qui fonctionne bien. Cela nécessitera des efforts particulièrement importants à assez long terme, sans que l'on sache exactement combien de temps cela prendra. L'approche sera en tout cas civile et militaire: il n'y a pas d'autre solution. Le gouvernement a soigneusement mis en balance tous les arguments et contre-arguments pour prendre sa décision.

    Pour un aperçu détaillé du calcul des coûts, le ministre renvoie à sa note de politique qu'il déposera ultérieurement.

    En ce qui concerne les caveats, le ministre souligne que cette question a bel et bien été abordée à Vilnius, tant par lui-même que par d'autres ministres de la défense. Cet aspect découle en effet des tensions entre la finalité d'une opération et la mesure dans laquelle des restrictions sont nécessaires pour garantir la sécurité des troupes engagées. La nature de la réunion de Vilnius n'a cependant pas permis de conclure déjà des accords définitifs à ce sujet. Ils feront, le cas échéant, partie de l'entry- et de l'exit-strategy et des rules of engagement, afférentes à chaque nouvelle mission.

    Lors de ce type d'opérations, il y a toujours un calcul des risques qui est lié aux rules of engagement. En outre, cette décision du gouvernement concerne non seulement l'envoi de 4 appareils F-16, mais 20 hommes supplémentaires sont aussi envoyés à l'aéroport de Kaboul et le détachement à Kunduz est renforcé et il y a en outre la participation à l'OMLT. Les rules of engagement pour les F-16 belges ne sont pas les mêmes que celles pour les appareils néerlandais qui sont déjà stationnés à Kandahar. Le ministre promet de fournit ultérieurement plus d'informations à ce sujet.

    Le ministre estime que des progrès ont bel et bien été réalisés. Il propose d'examiner ceux-ci plus en détail lors d'une discussion ultérieure. Le rôle de l'ONU et de l'UE est primordial en la matière, mais celui d'une institution comme la Banque mondiale ne doit pas non plus être sous-estimé. En effet, l'impact du trafic de drogue sur le PIB de l'Afghanistan est encore particulièrement élevé. Le ministre a insisté à Vilnius sur la contribution que peut apporter une institution de ce type.

    Le ministre constate encore que tous s'accordent sur l'importance et la nécessité de l'opération projetée en Afghanistan. Les avis divergent par contre sur la question des moyens mis en œuvre à cet effet. Or, il s'agit d'une décision politique qui a été prise par consensus en Conseil des ministres. L'Afghanistan se voit offrir une solution civilo-militaire devant lui permettre à long terme de se stabiliser. La stabilité de ce pays revêt aussi un intérêt essentiel pour l'Europe occidentale et pour le reste du monde.

    La comprehensive approach reprend la préparation du secrétaire général de l'OTAN pour le sommet de Bucarest. Lors de ce sommet, les États membres devront également se pencher sur la question du minimum de moyens nécessaires pour atteindre les objectifs poursuivis.

    Ainsi que l'a souligné M. Vijnck, il s'agit en premier lieu d'afficher la solidarité entre les partenaires et de renforcer la stabilité en Afghanistan.

    En ce qui concerne l'évaluation des opérations à l'étranger, il appartient au Parlement de choisir le moyen le plus adéquat en la matière.

    Un certain nombre de suggestions, dont celle formulée par M. Daniel Ducarme au sujet de la planification, pourront être inscrites dans une future note de politique.


    M. Flahaut (Chambre) constate qu'à la différence de la Belgique, d'autres pays membres de l'Alliance, comme l'Allemagne ou la Pologne, ont refusé de participer à l'effort supplémentaire demandé.

    Il demande par ailleurs que l'on prenne en compte les coûts bruts et les coûts nets.

    Quant à la stratégie de sortie, il lui paraît que la Belgique doit exiger de ses partenaires que l'on en parle et que cela se fasse de manière concrète.

    M. Ducarme (Chambre) souhaite qu'une résolution puisse être adoptée et qu'il n'y ait pas de blocage politique à ce propos. Il lui paraît impératif qu'il y ait un accord entre la Chambre et le gouvernement.

    Comme l'intervenant précédent, il lui paraît essentiel que la Belgique puisse avoir son mot à dire sur l'établissement d'une stratégie de sortie.

    Enfin, il estime que, d'une manière générale, il y a une distinction à faire entre la perception qui est celle des États-Unis et d'autres participants extra-européens d'une part et celle des Européens d'autre part, car tous ne disposent pas des mêmes informations.

    De rapporteurs, De voorzitters,
    Wouter BEKE (S).
    Juliette BOULET (K).
    Marleen TEMMERMAN (S).
    Ludwig VANDENHOVE (K)
    Hilde VAUTMANS (K).