4-606/1

4-606/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

4 MARS 2008


Proposition de loi modifiant les articles 187bis, 191bis et 194bis du Code judiciaire concernant le statut des référendaires à la Cour de cassation

(Déposée par M. Hugo Vandenberghe et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La loi du 6 mai 1997 visant à accélérer la procédure devant la Cour de cassation a doté cette juridiction d'un cadre de référendaires. Lors de l'élaboration de leur statut, le législateur s'est inspiré de celui des référendaires près la Cour d'arbitrage (doc. Sénat, 1995, nº 1-52/1, p. 8). Le but exprès du législateur, tel que formulé par Monsieur le Sénateur Lallemand, était d'aligner le statut de référendaire près la Cour de cassation sur celui des référendaires à la Cour d'arbitrage.

Le statut des référendaires près la Cour de cassation fait l'objet de plusieurs dispositions du Code judiciaire. À l'instar des référendaires des autres juridictions supérieures du pays (la Cour constitutionnelle et le Conseil d'État), ils bénéficient de droits et d'obligations communs à ceux dont jouissent les magistrats. Ils sont titulaires du privilège de juridiction (art. 479 et 483 du Code d'instruction criminelle) et ils sont rémunérés selon les barêmes applicables aux magistrats (art. 365bis du Code judiciaire).

Le Code judiciaire n'organise cependant pas la carrière des référendaires près de la Cour de cassation de manière à assurer suffisamment leur orientation vers d'autres fonctions au sein de l'ordre judiciaire, dans l'exercice desquelles ils pourront valoriser l'expérience acquise au service de la Cour de cassation.

La création d'une perspective de carrière est pourtant souhaitable, et ce pour deux raisons.

D'abord, la Cour doit disposer, à l'avenir, de la possibilité de recruter des juristes jeunes et performants. Lors du recrutement, les règles du marché du travail jouent, en effet, un grand rôle. La Cour ne pourra choisir parmi les meilleurs candidats que si la fonction de référendaire près la Cour de cassation est tout aussi attrayante que la fonction de magistrat ou de référendaire à la Cour constitutionnelle ou au Conseil d'État. Afin d'y parvenir, il est nécessaire de créer une perspective de carrière pour les référendaires près la Cour de cassation.

La deuxième raison tient à la mise à disposition, au profit des cours et des tribunaux, de l'expérience que les référendaires ont acquise au sein de la Cour de cassation. De cette manière, les efforts fournis par la Cour pour la formation de ses référendaires sont profitables aux cours et tribunaux.

Par ailleurs, une telle perspective de carrière correspond au profil des référendaires près la Cour de cassation.

En effet, les référendaires près la Cour de cassation ne peuvent être nommés qu'après avoir déjà réussi un concours particulièrement exigeant, comparable à l'examen d'aptitude professionnelle visé à l'article 259bis-9, du Code judiciaire.

L'examen qui donne accès à la fonction de référendaire près la Cour de cassation consiste en deux épreuves écrites, suivies d'une épreuve orale et d'un examen linguistique (voir par exemple le Moniteur belge du 21 juin 2002).

Il débute par une épreuve écrite générale, organisée dans les locaux de la Cour, et qui vérifie la maîtrise que les candidats ont des notions juridiques élémentaires. Les candidats doivent commenter deux décisions de la Cour, qu'ils choisissent parmi six décisions concernant respectivement le droit civil, le droit pénal, le droit public, le droit fiscal, le droit social et le droit européen.

Seuls les candidats qui ont obtenu au moins 50 pour cent à l'épreuve écrite générale sont admis à l'épreuve écrite particulière. Celle-ci impose aux candidats de rédiger, en moins de deux jours ouvrables, un exposé sur un problème juridique choisi par le jury dans un domaine juridique de leur choix. Cette épreuve n'a pas lieu dans les locaux de la Cour.

L'épreuve orale n'est accessible qu'aux candidats qui ont obtenu la moitié des points à l'épreuve écrite spécifique. Les candidats sont jugés sur la manière dont ils défendent leur exposé écrit et sur leur aptitude à exposer un problème juridique. L'épreuve a lieu devant un jury composé de huit membres (quatre magistrats de la Cour et quatre professeurs d'université). Les candidats sont classés selon le résultat total des trois épreuves. En outre, seuls sont retenus les candidats qui ont obtenu 60 pour cent au total.

Enfin, le candidat qui souhaite être nommé référendaire près la Cour de cassation doit encore prouver sa connaissance de l'autre langue nationale (cf. article 43sexies de la loi du 15 juin 1935 relative à l'emploi des langues en matière judiciaire).

Le législateur a confié le recrutement des référendaires directement à la Cour (art. 259duodecies du Code judiciaire).

L'examen de référendaire près la Cour de cassation offre toutes les garanties d'objectivité nécessaires, puisque le jury est composé pour une moitié de membres de la Cour et du parquet général, et pour l'autre de personnalités extérieures à la Cour et désignée par le Roi, sur proposition du premier président et du procureur général.

Il ne faut, par ailleurs, pas perdre de vue que les référendaires près la Cour de cassation sont nommés à l'essai. Durant trois années, la Cour vérifie la méthode de travail du référendaire. Ce n'est en effet qu'à l'issue d'un stage de trois ans que le référendaire est nommé définitivement, à moins que le Roi, sur proposition du premier président ou du procureur général, n'en décide autrement (art. 259terdecies du Code judiciaire).

L'examen, particulièrement exigeant, et le stage de trois ans sont donc la garantie du recrutement objectif de collaborateurs très qualifiés.

Le législateur a déjà clairement reconnu la valeur de l'expérience professionnelle des référendaires près la Cour de cassation aux articles 187, § 2 et 190, § 2, du Code judiciaire, qui ont trait à l'expérience professionnelle nécessaire aux nominations de base dans la magistrature (juge de paix, juge au tribunal de police ou juge au tribunal de première instance, par exemple). Rappelons que pour les avocats, il est actuellement exigé, pour ces nominations, une expérience professionnelle de 12 ans (article 187 du Code judiciaire) ou de 10 ans (article 190 du Code judiciaire).

Pour les référendaires près la Cour de cassation, tout comme pour les magistrats du Conseil d'État (les conseillers, les auditeurs, les référendaires et les référendaires adjoints) et pour les référendaires à la Cour constitutionnelle, une expérience professionnelle de 5 ans est suffisante (cf. les articles 187, § 2, 1º et 190, § 2, 2º, du Code judiciaire).

Les référendaires près la Cour de cassation, à l'inverse des référendaires à la Cour constitutionnelle (cf. article 34, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage) et au Conseil d'État (cf. articles 69 à 71 des lois coordonnées sur le Conseil d'État), ne disposent cependant pas de la possibilité d'accéder, après l'exercice de leur profession durant un certain nombre d'années, à d'autres fonctions au sein de la juridiction à laquelle ils appartiennent.

Conclusion

Tant la sélection très sévère, que l'accomplissement d'un stage de trois ans et une longue expérience acquise par les référendaires près la Cour de cassation dans le traitement des dossiers en étroite collaboration avec les plus hauts magistrats peuvent faire présumer de qualités professionnelles certaines et utiles et postulent, au même titre que l'assimilation prévue par la loi de leur fonction à celle des magistrats (entre autres sur le plan du traitement et du privilège de juridiction), qu'une voie d'accès adaptée à la magistrature soit prévue pour ces référendaires.

La logique veut, à cet égard, que l'on opte pour un examen oral d'évaluation par le Conseil supérieur.

La présente proposition offre ainsi aux référendaires près la Cour de cassation une perspective de carrière et est aussi de nature à assurer le renouvellement du corps des référendaires. La proposition leur permet de valoriser leur expérience au sein de l'ordre judiciaire et garantit que l'investissement dans leur formation peut profiter aux cours et tribunaux.

Vu le nombre restreint de référendaires près la Cour de cassation (quinze), cet accès à la magistrature qui leur serait réservé ne devrait avoir aucune conséquence préjudiciable aux nominations au sein de la magistrature.

Portée de la proposition

La présente proposition vise ainsi à compléter et à modifier les articles 187bis, 191bis et 194bis, tels qu'introduits dans le Code judiciaire par la loi du 7 avril 2005, par les articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi. Elle prévoit la possibilité pour les référendaires près la Cour de cassation d'entrer en ligne de compte pour une nomination dans la magistrature, moyennant la réussite d'un examen oral d'évaluation.

Aux termes de cette proposition, une expérience professionnelle d'au moins 12 ans serait requise, soit l'exercice durant 12 ans de la fonction de référendaire près la Cour de cassation, soit l'exercice durant 7 ans de cette fonction en combinaison avec l'exercice pendant 5 ans d'une fonction qui exige une connaissance approfondie du droit.

L'expérience professionnelle requise correspond, quant à la durée, à celle qui est prévue aux articles 187 et suivants du Code judiciaire à modifier, soit avoir exercé pendant douze ans au moins des fonctions juridiques (pour une nomination à la magistrature assise).

Hugo VANDENBERGHE.
Tony VAN PARYS.
Dirk CLAES.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

L'article 187bis du Code judiciaire, inséré par la loi du 7 avril 2005, est remplacé par la disposition suivante:

« Est dispensée de l'examen d'aptitude professionnelle prévu à l'article 259bis-9, § 1er, en vue d'une nomination visée à l'article 187, pour autant que les conditions prévues à l'article 191bis, §§ 2 et 3, soient respectées:

— toute personne qui a exercé la profession d'avocat à titre d'activité professionnelle principale pendant vingt ans au moins ou qui a exercé pendant quinze ans au moins cette activité à titre d'activité professionnelle principale et exercé pendant cinq ans au moins une fonction dont l'exercice nécessite une bonne connaissance du droit;

— toute personne qui a exercé la fonction de référendaire près la Cour de cassation pendant douze ans au moins ou qui a exercé pendant sept ans au moins cette activité et exercé pendant cinq ans au moins une fonction dont l'exercice nécessite une bonne connaissance du droit.

Art. 3

À l'article 191bis, § 1er, du même Code, inséré par la loi du 7 avril 2005, sont apportées les modifications suivantes:

A) Le § 1er, est remplacé par ce qui suit:

« Est dispensée de l'examen d'aptitude professionnelle prévu a l'article 259bis-9, § 1er, en vue d'une nomination visée à l'article 190, pour autant que les conditions prévues aux §§ 2 et 3 soient respectées:

— toute personne qui a exercé la profession d'avocat à titre d'activité professionnelle principale pendant vingt ans au moins ou qui a exercé pendant quinze ans au moins cette activité à titre d'activité professionnelle principale et exercé pendant cinq ans au moins une fonction dont l'exercice nécessite une bonne connaissance du droit;

— toute personne qui a exercé la fonction de référendaire près la Cour de cassation pendant douze ans au moins ou qui a exercé pendant sept ans au moins cette activité et exercé pendant cinq ans au moins une fonction dont l'exercice nécessite une bonne connaissance du droit.

B) Au § 2, est inséré entre le septième et le huitième alinéa, un alinéa nouveau libellé comme suit:

« De même, préalablement à l'examen oral d'évaluation d'un référendaire près la Cour de cassation, la commission de nomination et de désignation sollicite, par lettre recommandée à la poste, l'avis écrit motivé du premier président ou du procureur général selon que le candidat est placé sous leur autorité respective. Cet avis porte notamment sur l'expérience professionnelle utile dont le candidat peut se prévaloir, en tant que référendaire, pour exercer des fonctions en tant que magistrat. »

Art. 4

L'article 194bis, § 1er, du même Code, inséré par la loi du 7 avril 2005, être remplacé par la disposition suivante:

« Est dispensée de l'examen d'aptitude professionnelle prévu à l'article 259bis-9, § 1er, en vue d'une nomination visée à l'article 194, pour autant que les conditions prévues à l'article 191bis, §§ 2 et 3, soient respectées:

— toute personne qui a exercé la profession d'avocat à titre d'activité professionnelle principale pendant vingt ans au moins ou qui a exercé pendant quinze ans au moins cette activité à titre d'activité professionnelle principale et exercé pendant cinq ans au moins une fonction dont l'exercice nécessite une bonne connaissance du droit;

— toute personne qui a exercé la fonction de référendaire près la Cour de cassation pendant douze ans au moins ou qui a exercé pendant sept ans au moins cette activité et exercé pendant cinq ans au moins une fonction dont l'exercice nécessite une bonne connaissance du droit.

28 février 2008.

Hugo VANDENBERGHE.
Tony VAN PARYS.
Dirk CLAES.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.