4-600/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

29 FÉVRIER 2008


Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants en vue de lutter contre l'usage impropre du statut de travailleur indépendant à titre complémentaire dans le cadre du statut social des travailleurs indépendants

(Déposée par M. Wouter Beke et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend en grande partie le texte d'une proposition de loi déposée le 23 janvier 2007 par M. Jan Steverlynck (doc. Sénat, nº 3-2028/1).

Elle vise à lutter contre l'usage impropre du statut de travailleur indépendant à titre complémentaire dans le cadre du statut social des travailleurs indépendants, en donnant au Roi la possibilité de limiter dans le temps l'exercice de l'activité complémentaire indépendante dans les secteurs où des abus manifestes sont constatés.

Les auteurs tiennent à souligner qu'ils n'entendent absolument pas supprimer le régime de l'activité complémentaire indépendante. L'exercice d'une telle activité est, dans bien des cas, une excellente chose, car il constitue souvent un tremplin vers une profession indépendante à titre principal et contribue ainsi à stimuler l'entrepreunariat. De plus, ce système donne à de très nombreuses personnes la possibilité de déployer une activité complémentaire qui, en soi, n'est pas rentable économiquement, car elle se combine avec une autre activité (souvent salariée), mais qui peut jouer un rôle capital sur les plans sociétal et social, par exemple lorsqu'elle consiste à dispenser des heures de cours supplémentaires. Il va sans dire que la cotisation sociale minimum à verser pour de telles activités n'est pas la même que celle due pour une activité exercée à titre principal.

Ces aspects positifs ne sauraient toutefois occulter le fait que dans certains secteurs spécifiques, le statut de travailleur indépendant à titre complémentaire peut donner lieu à des abus et susciter une concurrence déloyale à l'égard des entrepreneurs honnêtes qui exercent leur activité à titre principal. De surcroît, l'utilisation du statut de travailleur indépendant à titre complémentaire va très souvent de pair avec le phénomène des faux indépendants.

Ainsi, dans le secteur de la construction, par exemple, les organisations professionnelles telles que l'ASBL Bouwunie dénoncent depuis plusieurs années l'abus croissant qui est fait du statut de travailleur indépendant à titre complémentaire dans le secteur en question. Bouwunie indique que le nombre d'entrepreneurs indépendants à titre complémentaire croît d'année en année et que ceux-ci peuvent se permettre de facturer des prix plus bas compte tenu des cotisations sociales moins élevées dont ils sont redevables, des charges fiscales et des obligations administratives moins lourdes qu'ils doivent supporter, du filet de sécurité que leur procure l'exercice de leur activité principale ainsi que des activités complémentaires qu'ils effectuent au noir (communiqué de presse de Bouwunie du 26 avril 2006). Et l'organisation susvisée d'ajouter que, dans l'industrie de la construction, la part des travailleurs indépendants à titre complémentaire dans le nombre total d'entrepreneurs indépendants a augmenté, passant de 22,4 % en 2000 à 25,1 % en 2006.

En 2002 déjà, le ministre des Affaires sociales avait dû admettre, en réponse à une question parlementaire (nº 486 du député Valkeniers, 17 mai 2002, Questions et Réponses, 50-149 du 16 décembre 2002, p. 18888-18892), que l'inspection sociale avait effectivement constaté que le statut de travailleur indépendant à titre complémentaire donnait lieu à des abus, que le ministre décrivait comme suit: la personne concernée opte — à tort — pour le statut de travailleur indépendant comme profession accessoire alors qu'elle travaille en fait dans une relation d'autorité par rapport à son commanditaire. Dans ce cas, il s'agit d'un faux indépendant. Une autre possibilité, selon le ministre, est d'utiliser le statut de travailleur indépendant à titre complémentaire afin de se soustraire aux dispositions de la loi du 6 avril 1960 concernant l'exécution de travaux de construction, ce qui veut dire que le travail est effectué, par exemple, en dehors des heures de travail autorisées ou les samedis, dimanches ou jours fériés. Ce constat n'a toutefois pas amené le ministre à mettre en œuvre une politique en vue de remédier au problème.

Le secteur de la construction n'est pas le seul à être confronté à cette problématique: le phénomène se manifeste aussi dans d'autres secteurs. Ainsi, nombreux sont les esthéticiennes et les coiffeurs qui, en exerçant leur activité à titre complémentaire, soumettent leurs collègues exerçant la profession à titre principal à une concurrence illicite et ôtent toute attractivité à l'exercice de celle-ci dans le cadre d'une entreprise indépendante à part entière, et ce, à un point tel que, dans le secteur en question, beaucoup rechignent à franchir le pas vers l'entrepreneuriat indépendant.

D'un côté, le statut de travailleur indépendant à titre complémentaire présente donc des aspects positifs mais de l'autre, il donne lieu à des abus depuis plusieurs années. Les auteurs de la présente proposition de loi entendent réprimer les abus dont ce statut fait l'objet sans mettre en péril ses côtés positifs. C'est pourquoi ils souhaitent s'attaquer au problème d'une manière objective et prudente, c'est-à-dire non pas en supprimant intégralement le régime de l'activité complémentaire indépendante, mais en élaborant un cadre réglementaire qui permette de limiter dans le temps l'exercice d'une telle activité dans les secteurs où des abus manifestes sont constamment constatés. Cette option présente l'avantage que dans ces secteurs aussi, l'activité complémentaire indépendante pourra encore servir d'incitant économique du fait qu'elle restera pour les entrepreneurs débutants honnêtes un tremplin possible vers une activité effective à titre principal.

Les mesures restrictives devront toutefois être mises en œuvre avec prudence après une évaluation approfondie et objective de la problématique, en concertation avec le secteur concerné et ce, dans le cadre d'une procédure précise.

Cette procédure existe. La loi concernant la nature des relations de travail (il s'agit, en fait, d'une loi-cadre visant à remédier au problème des faux indépendants), figurant dans la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 (Moniteur belge du 28 décembre 2006) (articles 328 à 343), prévoit la création d'une « Commission de règlement de la relation de travail » au sein de laquelle est instituée une chambre normative ayant notamment pour mission d'« objectiver la réalité d'une incertitude concernant la nature des relations de travail dans un secteur ou pour une ou plusieurs professions », d'émettre un avis et de rédiger un rapport à ce sujet. En l'espèce, la loi prévoit aussi une procédure qui donne entre autres la possibilité aux secteurs professionnels de soumettre un problème à cette chambre normative.

Les auteurs sont d'avis que cette chambre normative de la Commission de règlement de la relation de travail permet déjà, lorsqu'il y a corrélation entre l'usage impropre du statut de travailleur indépendant à titre complémentaire et un éventuel phénomène de faux indépendants, de s'attaquer de manière objective à l'abus constaté.

C'est pourquoi la présente proposition de loi donne au Roi la possibilité de limiter dans le temps l'application du régime spécifique des cotisations des travailleurs indépendants à titre complémentaire dans les secteurs où un usage impropre du statut de travailleur indépendant à titre complémentaire a été constaté par la chambre normative de la Commission de règlement de la relation de travail. L'exercice de l'activité complémentaire indépendante sera alors de facto limité dans le temps. En effet, au terme de la période en question, l'indépendant à titre complémentaire devra payer des cotisations sociales égales à celles d'un indépendant à titre principal.

La présente proposition de loi ne vise pas à étendre la compétence de la chambre normative créée au sein de la Commission de règlement de la relation de travail. Ce n'est pas à cette chambre mais au Roi qu'il appartiendra de prendre la décision de limiter dans le temps l'application du régime des cotisations des travailleurs indépendants à titre complémentaire. Toutefois, le Roi ne pourra prendre une décision que sur la base d'une donnée objective, à savoir la constatation par la chambre normative en question qu'il existe, dans un secteur déterminé, un phénomène de faux indépendants qui pose problème. Le Roi pourra alors intervenir dans ce secteur sans consulter la chambre normative précitée.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

L'actuel article 12, § 2, de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants (Moniteur belge du 29 juillet 1967) traite du calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants à titre complémentaire. Cet article prévoit un seuil minimum en dessous duquel aucune cotisation n'est due. Au-delà de ce seuil minimum, on applique un pourcentage de cotisation au revenu de référence visé à l'article 11, § 2, de l'arrêté royal précité. Il en résulte que si le revenu de référence du travailleur indépendant à titre complémentaire est inférieur au seuil minimum, celui-ci ne doit pas payer de cotisations et que, si son revenu de référence dépasse ce seuil, l'indépendant en question est redevable de cotisations sociales représentant un pourcentage de son revenu effectif jusqu'à concurrence d'un plafond déterminé. Mais dans ce dernier cas aussi, la cotisation sera très souvent inférieure à celle due par un travailleur indépendant à titre principal, étant donné que ce dernier est toujours supposé atteindre un revenu minimum déterminé et qu'il est redevable de cotisations sociales au moins sur celui-ci (même si son revenu effectif est inférieur à ce revenu minimum fictif).

L'actuel article 12, § 2, de l'arrêté royal précité est maintenu mais est complété par un alinéa prévoyant que le Roi peut, dans les cas où la chambre normative de la Commission de règlement de la relation de travail a constaté un usage impropre du statut de travailleur indépendant à titre complémentaire, limiter dans le temps l'application des dispositions prévues à l'article 12, § 2. Dans les cas précités, un arrêté royal pourra donc prévoir que, dans un secteur déterminé, le régime spécifique des cotisations pour les travailleurs indépendants à titre complémentaire (prévu par l'article 12, § 2) ne sera applicable que durant une période déterminée, par exemple trois ans. À l'issue de cette période, l'exercice d'une activité complémentaire dans le secteur en question donnera lieu au paiement de cotisations sociales identiques à celles dues pour l'exercice d'une activité à titre principal (conformément donc aux dispositions de l'article 12, § 1er, de l'arrêté royal précité).

Wouter BEKE.
Hugo VANDENBERGHE.
Tony VAN PARYS.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.
Etienne SCHOUPPE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 12, § 2, de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, modifié en dernier lieu par la loi du 26 mars 2007, est complété par l'alinéa suivant:

« Le Roi peut limiter dans le temps l'application du présent paragraphe dans les secteurs dans lesquels la chambre normative de la Commission de règlement de la relation de travail visée à l'article 329 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 a constaté que ladite application a engendré des problèmes en rapport avec la nature des relations de travail. »

12 février 2008.

Wouter BEKE.
Hugo VANDENBERGHE.
Tony VAN PARYS.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.
Etienne SCHOUPPE.