4-580/1

4-580/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

25 FÉVRIER 2008


Proposition de loi modifiant l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants en vue de supprimer la présomption irréfragable d'assujettissement au statut social des travailleurs indépendants qui pèse sur les mandataires de sociétés non rétribués

(Déposée par M. Wouter Beke et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend en grande partie le texte d'une proposition de loi de M. Jan Steverlinck du 6 décembre 2006 (doc. Sénat, nº 3-1972/1 - 2006/2007).

Depuis le 1er janvier 1992, toute personne qui assume un mandat, y compris un mandat non rétribué, dans une société assujettie à l'impôt des sociétés, est présumée, « de manière irréfragable », exercer une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant, sauf si elle est pensionnée. Il en résulte qu'elle doit s'affilier à une caisse d'assurances sociales pour travailleurs indépendants et payer des cotisations sociales en fonction de son statut social. Dans bien des cas, cette présomption irréfragable d'assujettissement obligatoire au statut social des travailleurs indépendants, qui a déjà été levée à plusieurs reprises par des décisions de justice, se révèle surtout très inéquitable.

C'est pourquoi la présente proposition de loi vise à supprimer cette présomption irréfragable et à rétablir la situation d'avant 1992. La réglementation en vigueur à l'époque établissait déjà une présomption selon laquelle l'exercice d'un mandat dans une société constituait une activité indépendante, mais cette présomption était réfragable, c'est-à-dire que le mandataire pouvait apporter la preuve du contraire en démontrant que le mandat n'était pas rétribué.

La réglementation actuelle est inéquitable pour diverses raisons:

— il n'est pas rare que des personnes exercent un mandat dans une société à titre totalement gracieux. Dans ce cas, on ne peut pas parler d'une véritable activité professionnelle ni d'un « exercice » du mandat. Le mandat n'est alors qu'une formalité qui ne recouvre aucune réalité économique. En l'espèce, on peut difficilement prétendre que les mandataires en question sont de véritables travailleurs indépendants, alors que la réalité sociologique (l'exercice effectif d'une activité professionnelle indépendante) est précisément la base sur laquelle repose l'assujettissement au statut social des travailleurs indépendants. C'est pourquoi la présomption irréfragable d'assujettissement obligatoire équivaut à un traitement discriminatoire des mandataires de sociétés par rapport à d'autres personnes physiques auxquelles s'applique également une présomption d'assujettissement obligatoire mais qui ont la possibilité de prouver que cette présomption ne correspond pas à la réalité sociologique;

— étant donné que, dans certains cas, l'exercice d'un mandat dans une société n'est rien de plus qu'une formalité, les intéressés finissent souvent par ne plus être conscients qu'ils ont un mandat dans une société. Ainsi, il peut arriver qu'un travailleur indépendant soit confronté à la faillite de sa société et doive cesser son activité professionnelle. Si l'on constatait alors qu'il est encore titulaire d'un mandat dans une société où il ne se livre à aucune activité professionnelle et dont il ne tire aucune rémunération, il serait réputé (de manière irréfragable) être un travailleur indépendant et devrait s'affilier, avec effet rétroactif, à une caisse d'assurances sociales et payer des cotisations sociales et ce, même s'il se trouvait dans une situation d'indigence extrême. Une telle chose est inacceptable du point de vue de l'équité sociale;

— les pensionnés qui exercent un mandat non rétribué ne sont pas considérés comme des travailleurs indépendants, contrairement aux non-pensionnés qui exercent un mandat non rétribué. On ne voit pas très bien sur quoi repose cette différence de traitement étant donné que toute autre activité professionnelle exercée par un pensionné en dehors d'un lien de subordination donne bel et bien lieu à un assujettissement au statut social des travailleurs indépendants.

En outre, la Cour constitutionnelle (anciennement Cour d'arbitrage) s'est aussi déjà prononcée sur cette problématique. D'après la Cour constitutionnelle, la « présomption irréfragable » d'assujettissement au statut social des indépendants est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi par la disposition légale, qui est en l'espèce de tenter d'empêcher des mandataires sociaux de gérer depuis l'étranger une société établie en Belgique afin de se soustraire à l'assujettissement au statut social des indépendants. La Cour dit donc pour droit ce qui suit:

« L'article 3, § 1er, alinéa 4, de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il n'autorise pas la personne désignée comme mandataire dans une société ou association assujettie à l'impôt belge des sociétés ou à l'impôt belge des non-résidents, à établir, lorsque cette personne gère en Belgique une telle société, qu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle de travailleur indépendant au sens de l'article 3, § 1er, alinéa 1er, de l'arrêté royal nº 38. »

Afin de mettre un terme à cette situation inéquitable, la présente proposition de loi supprime la présomption irréfragable d'assujettissement obligatoire au statut social des travailleurs indépendants pour les mandataires de sociétés.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

L'article 3, § 1er, alinéa 4, de l'arrêté royal nº 38 organisant le statut social des travailleurs indépendants prévoit, dans sa version actuelle, que « les personnes désignées comme mandataires dans une société ou association assujettie à l'impôt belge des sociétés ou à l'impôt belge des non-résidents sont présumées, de manière irréfragable, exercer, en Belgique, une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant. »

Le membre de phrase « , de manière irréfragable, » a été inséré dans le texte de l'article précité en 1992, ce qui a fait perdre à la présomption existante d'assujettissement obligatoire son caractère contradictoire.

L'article proposé vise à supprimer le membre de phrase « , de manière irréfragable, », ce qui implique que l'exercice d'un mandat dans une société supposera toujours une présomption légale d'assujettissement obligatoire au statut social des travailleurs indépendants mais que la preuve du contraire pourra être apportée, tout comme c'était le cas avant le 1er juillet 1992.

Cette adaptation de l'arrêté royal nº 38 aura pour conséquence que le Roi devra également apporter les adaptations qui s'imposent à l'arrêté royal du 19 décembre 1967 portant règlement général en exécution de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants. Ainsi, à l'article 2 de cet arrêté royal du 19 décembre 1967, le membre de phrase « , de manière irréfragable » devra également être supprimé et le champ d'application de l'article 37, § 3, de ce même arrêté, qui précise les modalités d'administration de la preuve contraire, devra être étendu à tous les mandataires de sociétés et pas uniquement à ceux qui sont pensionnés.

Wouter BEKE.
Hugo VANDENBERGHE.
Tony VAN PARYS.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.
Etienne SCHOUPPE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 3, § 1er, alinéa 4, de l'arrêté royal nº 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants, modifié par l'arrêté royal du 18 novembre 1996, les mots « , de manière irréfragable, » sont supprimés.

11 février 2008.

Wouter BEKE.
Hugo VANDENBERGHE.
Tony VAN PARYS.
Pol VAN DEN DRIESSCHE.
Etienne SCHOUPPE.