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21 JANVIER 2008
En juillet 2001, le Comité international olympique a attribué l'organisation des Jeux olympiques à la République populaire de Chine (RPC). Cette décision est en tous points comparable à l'attribution des Jeux olympiques de 1936 à l'Allemagne nazie. Depuis, des organisations de défense des droits de l'homme contestent cette décision. L'espoir que le régime de Pékin respecterait les droits de l'homme et la liberté de la presse — par suite de l'attribution des JO — s'est complètement évanoui. Pire encore, pour ne pas « perdre la face » pendant les Jeux, la RPC emprisonne toutes les personnes qui pourraient mettre en péril le bon déroulement des événements. La décision prise par le CIO a donc eu pour effet d'intensifier la répression et le manque criant de liberté en RPC. Quant à Jacques Rogge, le président du CIO, il s'en lave les mains et maintient — malgré la demande de révision de la décision formulée avec force au cours des dernières années — que le régime meurtrier de la RPC, qui opprime brutalement, depuis près de six décennies, son propre peuple ainsi que d'autres populations mérite de se voir confier l'organisation des Jeux.
Après la chute de la dynastie Qing et la proclamation de la république par Sun Yixian en 1911, le peuple chinois pensait qu'un nouvel avenir allait s'ouvrir à lui. Ces cent dernières années se sont cependant révélées l'une des périodes les plus sombres de l'histoire chinoise. Les guerres civiles et l'occupation japonaise au cours de la première partie du siècle précédent ont épuisé la population chinoise. Mais le pire restait à venir. Cela fait en effet déjà plus de cinquante ans que le régime communiste, qui a pris le pouvoir à Beijing en 1949, inflige une souffrance inhumaine à la population chinoise et aux minorités nationales vivant à l'intérieur de la République populaire de Chine. Des campagnes et des projets insensés ont ainsi coûté la vie à des dizaines de millions de Chinois sous le règne de Mao Zedong.
Même après le « virage » opéré par Deng Xiaoping, le cauchemar se poursuit. Les droits universels de l'homme sont bafoués à grande échelle en République populaire de Chine. Le régime communiste prive le peuple chinois des libertés et droits les plus fondamentaux, comme la liberté d'expression, le droit de s'associer et de se réunir, la liberté de culte et la liberté de la presse. Le droit à la défense est inexistant en République populaire de Chine. C'est ainsi qu'après une grève menée en mars 2002, les ouvriers Wang Zhaoming et Pang Quingxiang ont été internés durant des mois sans aucun procès. Après avoir fait appel à un avocat, une fois libérés, afin d'assigner l'État, ils ont été de nouveau incarcérés, fin 2002, pour « actions subversives ». Des étudiants qui ont échappé au massacre de Tienanmen de juin 1989 sont aujourd'hui encore incarcérés dans les tristement célèbres laogai, sortes de camps de concentration à la chinoise. Des prisonniers et des milliers de paysans paupérisés sont contraints de se mettre au service d'une forme moderne d'économie esclavagiste. Les ouvriers qui veulent s'associer en syndicats libres sont enfermés sans autre forme de procès dans le « paradis chinois des travailleurs ». Les grèves sont brisées manu militari. À l'instar de la Stasi dans l'ex-R.D.A. et de la Gestapo dans l'Allemagne nazie, la Gonganju, la sécurité de l'État chinoise, a, grâce à son réseau d'espionnage, la mainmise sur tous les rouages de la société. Les minorités, l'opposition politique et les groupes religieux et philosophiques qui ne suivent pas la ligne de Pékin sont poursuivis impitoyablement. Les rares bâtiments historiques que les Gardes rouges n'ont pas détruits pendant la Révolution culturelle sont démantelés à un rythme accéléré par les bonzes de l'immobilier du régime communiste, pour faire place à de hauts immeubles de moindre valeur, qui sont inoccupés. Les Jeux olympiques de 2008, qui se dérouleront à Pékin, constituent un prétexte rêvé pour abattre les quartiers historiques de la capitale, vieux de plusieurs siècles. De même, dans la perspective des Jeux olympiques, un nombre croissant de dissidents politiques sont arrêtés et emprisonnés.
Le monde occidental et le gouvernement belge commettent une grave erreur en considérant le peuple chinois et le régime de Pékin comme une unité harmonieuse. Comme nous l'avons démontré ci-dessus, il n'en est rien: le régime est dictatorial, non élu démocratiquement et il opprime le peuple chinois. Celui qui, de quelque manière que ce soit, légitime le régime de Pékin, contribue également à l'oppression du peuple chinois. Alors que celui-ci continue de subir ce régime inhumain, le gouvernement belge est tout sucre tout miel avec les dirigeants de ce régime. Le gouvernement belge encourage sur le plan politique et financier les relations d'affaires avec les entreprises chinoises, alors que celles-ci sont la propriété des responsables de partis chinois et des membres de leur famille, qui sont seuls à en tirer profit. Par le biais de joint-ventures, le savoir-faire belge disparaît entre les mains des Chinois.
Pendant ce temps, les sweatshops de l'économie esclavagiste chinoise inondent notre pays et le monde occidental d'articles de contrefaçon bon marché, ce qui déstructure une partie de notre économie.
Force est de conclure que la politique belge et européenne menée jusqu'à présent à l'égard de la République populaire de Chine est un échec. Alors que les dirigeants chinois profitent pleinement des opportunités qui s'offrent depuis une vingtaine d'années suite à l'ouverture économique vers l'Ouest, le régime de Pékin reste sourd à la demande inconditionnelle et formelle du monde occidental de mettre un terme aux violations des droits du peuple chinois et des minorités au sein des frontières de la République populaire de Chine.
Le peuple chinois, qui représente un cinquième de la population mondiale, aspire à un régime juste et démocratique. La présente résolution demande à l'autorité fédérale de suivre une ligne politique et économique plus ferme à l'égard de la République populaire de Chine, de soutenir activement les forces démocratiques chinoises et de boycotter les Jeux olympiques de 2008. Ce n'est qu'en restant sourd aux intimidations politiques et économiques du régime de Pékin que la dictature qui opprime le peuple chinois pourra être remplacée.
Anke VAN DERMEERSCH. Karim VAN OVERMEIRE. Jurgen CEDER. |
Le Sénat,
A. vu la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Déclaration européenne des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, le Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels du 19 décembre 1966, la Convention des Nations unies contre la torture et autres traitements inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 et la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 26 novembre 1987, la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale du 7 mars 1966 et les protocoles internationaux concernant l'abolition de la peine de mort du 28 avril 1983 et du 15 décembre 1989;
B. considérant que le peuple chinois est dirigé depuis 1949 par un régime inhumain, même après le « virage » de Deng Xiaoping;
C. rappelant les Cent fleurs, le Grand bond en avant et la Révolution culturelle, qui ont coûté la vie à des millions de Chinois;
D. rappelant la répression sanglante de la manifestation pacifique de Tien'anmen le 4 juin 1989;
E. vu les violations permanentes des droits de l'homme en République populaire de Chine;
F. vu les violations permanentes de la plupart des droits civils fondamentaux en République populaire de Chine, à savoir la liberté de réunion, d'expression, d'association, d'enseignement, la liberté religieuse, politique et la liberté de presse;
G. vu l'oppression des dizaines de minorités en République populaire de Chine et l'occupation du Tibet;
H. vu l'oppression de l'opposition, des défenseurs des droits de l'homme et de groupements religieux et spirituels non reconnus, tels que le Falun Gong et les chrétiens romains;
I. vu les milliers de prisonniers politiques, religieux et sociaux;
J. vu les violations massives des droits de la défense en République populaire de Chine;
K. vu les quelque 400 000 chinois qui sont actuellement emprisonnés sans aucune forme de procès;
L. vu les violations massives des droits des détenus en République populaire de Chine, tels que le droit aux soins médicaux et le droit à l'intégrité physique et morale;
M. vu les témoignages concordants selon lesquels la torture est encore pratiquée à grande échelle dans les prisons chinoises et le témoignage d'Amnesty Intenational selon lequel la torture en République de Chine est même de plus en plus pratiquée;
N. considérant que les opposants au régime sont enfermés dans des institutions psychiatriques;
O. vu l'existence de Laogai ou camps de concentration en République populaire de Chine;
P. considérant que 500 adeptes de Falun Gong ont péri dans les Laogai depuis 1999;
Q. vu le millier d'exécutions officielles qui ont lieu chaque année, Amnesty International estimant que ce chiffre est de loin inférieur au nombre réel d'exécutions;
R. considérant que dans l'économie moderne de la Chine, qui repose sur l'esclavage, des millions de prisonniers, de paysans et d'ouvriers déplacés travaillent, contraints ou non, gratuitement ou pour un salaire de misère, dans des conditions inhumaines et dangereuses, dans des mines ou des usines;
S. considérant que, mis à part l'organisation syndicale officielle, la République populaire de Chine ne tolère aucune organisation syndicale libre;
T. vu la répression sanglante des grèves et des révoltes paysannes;
U. craignant les restrictions continuelles apportées aux libertés civiles dans la région administrative spéciale de Xiangkang (Hong-Kong);
V. soulignant que ces violations persistantes des droits de l'homme et des libertés civiles ne peuvent être considérées comme une affaire interne à la Chine;
W. déplorant le manque d'initiatives du gouvernement belge en ce qui concerne la situation des droits de l'homme en République populaire de Chine et le manque de soutien de la Belgique à de telles initiatives lors de forums internationaux;
X. déplorant l'absence d'une politique belge cohérente et efficace en matière de défense des droits du peuple chinois et de promotion d'un modèle démocratique en Chine;
Y. déplorant le refus du gouvernement belge de ne déposer ou soutenir, au cours de la 54e session de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, aucune résolution sur la situation en Chine;
Z. considérant que, depuis l'ouverture, il y a déjà plus de deux décennies, du marché chinois par Deng Xiaoping aux entreprises occidentales, l'espoir du monde économique belge de réaliser d'importantes marges bénéficiaires en Chine repose sur un mythe entretenu par les autorités chinoises elles-mêmes;
AA. déplorant le fait que le gouvernement belge se laisse intimider par les pressions économiques exercées par les autorités de Pékin et qu'il renonce, par conséquent, à exercer des pressions économiques et politiques sur les autorités chinoises afin qu'elles respectent les droits de l'homme;
AB. considérant que le régime de Pékin inonde le marché mondial de contrefaçons;
AC. considérant que le commerce malhonnête avec la République populaire de Chine coûte des milliers d'emplois en Occident, également en Belgique;
AD. considérant que, malgré l'attitude souple de la Belgique vis-à-vis de la République populaire de Chine au cours des dernières décennies, les violations des droits de l'homme sont, selon Amnesty International et d'autres organisations de défense des droits de l'homme, de plus en plus nombreuses chaque année;
AE. considérant que la faible pression politique exercée par la communauté internationale jusqu'à présent sur la République populaire de Chine n'a pas produit les effets escomptés;
AF. convaincue que le gouvernement belge doit adopter une attitude plus stricte vis-à-vis de la République populaire de Chine en ce qui concerne les droits de l'homme et du citoyen;
demande au gouvernement fédéral:
1. de soutenir activement les résolutions concernant la situation des droits de l'homme en République populaire de Chine qui seront soumises aux prochaines sessions de la Commission des droits de l'homme des Nations unies et d'inscrire lui-même cette question à l'ordre du jour de cette Commission;
2. de prendre l'initiative de soulever la question des violations des droits de l'homme en République populaire de Chine lors des prochaines sessions des Troisième et Quatrième Commissions de l'Assemblée générale des Nations unies;
3. de prendre au sein de l'UNESCO l'initiative de faire classer au patrimoine mondial le patrimoine historique chinois qui n'est pas encore détruit;
4. de demander aux autorités chinoises de respecter les droits de l'homme;
5. de demander aux autorités chinoises de respecter les droits et libertés civiles, et, en particulier, la liberté de réunion, d'expression, d'association, d'enseignement, la liberté religieuse, la liberté politique et la liberté de la presse;
6. de demander aux autorités chinoises de libérer sans délai tous les prisonniers politiques, religieux et sociaux;
7. de demander aux autorités chinoises de ne pas profiter de la campagne « Frappez fort » qui est actuellement menée contre la criminalité pour opprimer les dissidents, les minorités et les groupements religieux non officiels;
8. de demander aux autorités chinoises de fermer les Laogai;
9. de demander aux autorités chinoises de ne plus poursuivre l'opposition et de lui donner la possibilité de s'organiser;
10. de demander aux autorités chinoises d'autoriser les syndicats libres;
11. de demander aux autorités chinoises de supprimer les travaux forcés;
12. de demander aux autorités chinoises de démanteler le secteur économique des produits de contrefaçon;
13. de demander aux autorités chinoises de cesser la destruction du patrimoine historique du peuple chinois;
14. d'instaurer un embargo commercial ciblé et un embargo politique à l'encontre de la République populaire de Chine, de ne plus y envoyer de missions officielles et de ne plus accueillir de missions en provenance de ce pays;
15. de ne plus accorder de prêt d'État à État à la Chine;
16. de nouer des contacts avec l'opposition chinoise et de l'aider à s'organiser;
17. de charger un ministre ou un secrétaire d'État de coordonner la politique belge menée sur le plan national et dans les enceintes multilatérales à l'égard de la République populaire de Chine;
18. de boycotter sur tous les plans les Jeux olympiques qui se dérouleront à Pékin en 2008 et de demander au COIB de ne pas mandater d'athlètes à Pékin, et ce aussi longtemps que le régime de Pékin n'aura pas répondu de manière satisfaisante aux demandes formulées par les autorités belges;
19. de tenter d'aligner les partenaires européens.
16 janvier 2008.
Anke VAN DERMEERSCH. Karim VAN OVERMEIRE. Jurgen CEDER. |