4-402/1

4-402/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

22 NOVEMBRE 2007


Proposition de loi modifiant l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, en vue de supprimer un piège à l'emploi pour les travailleurs à temps partiel involontaires bénéficiant de l'allocation de garantie de revenu

(Déposée par Mme Anne Delvaux et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée à la Chambre des représentants le 10 juillet 2006 (doc. Chambre, nº 51-2621/001).

Préliminaire: les 3 catégories de travailleurs à temps partiel

Il existe dans la réglementation trois catégories de travailleurs à temps partiel:

1. Les travailleurs à temps partiel assimilés à ceux à temps plein: ils reçoivent une rémunération au moins égale au salaire minimum interprofessionnel pour un emploi à temps plein, c'est-à-dire:

— 1 234 euros pour les 21 ans et plus;

— 1 283 euros pour les 22 ans avec 12 mois d'ancienneté;

2. Les travailleurs à temps partiel « avec maintien des droits »: les travailleurs à temps partiel dans ce statut sont censés rechercher un job à temps plein. Avant 1991, ils étaient appelés officiellement « travailleurs à horaire réduit afin d'échapper au chômage » ensuite, jusqu'en 1996, « travailleurs à temps partiel involontaire ». Ces travailleurs bénéficient sous certaines conditions (comme nous le verrons, celles-ci se sont avérées progressivement de plus en plus contraignantes) d'une allocation de chômage complémentaire à leur salaire, appelée « allocation de garantie de revenu » (AGR);

3. Les travailleurs à temps partiel volontaires: tous les travailleurs qui ne rentrent pas dans les deux autres catégories.

Nous nous penchons ici sur la deuxième catégorie de travailleurs, à savoir: les travailleurs à temps partiel « avec maintien des droits ». En 2005, on comptait environ 48 000 personnes bénéficiant de l'AGR sur 800 000 salariés travaillant à temps partiel, soit environ 5,9 % des travailleurs à temps partiel.

Historique: l'évolution des réformes de l'AGR

Avant 1993

Toutes les personnes qui travaillaient à temps partiel bénéficiaient d'une allocation de chômage complémentaire au prorata du temps de travail non presté, pour autant que le travailleur ne gagne pas plus que le salaire mensuel de référence, c'est-à-dire le revenu minimum mensuel moyen (1) . Beaucoup de travailleurs faisaient le choix délibéré d'un temps partiel, vu qu'ils bénéficiaient également de cette allocation complémentaire de chômage. De même, dans certains secteurs, les entreprises s'organisaient pour tirer parti de la formule. Ainsi les supermarchés, par exemple, qui ouvraient de 9h à 19h privilégiaient les doubles shifts en insistant sur le fait que leur personnel, des femmes majoritairement, y gagnait.

1993

L'année 1993 fut une année charnière à cet égard. L'économie belge subit la pire récession depuis la deuxième guerre mondiale, avec un PIB baissant de 1,7 %. Ce fut en quelque sorte une année de crise. En conséquence, toutes les mesures qui prévoyaient une restriction budgétaire étaient les bienvenues. Dans ce contexte, le gouvernement Dehaene adopta le « Plan Global ». Ce dernier contenait entre autres des mesures concernant le statut des travailleurs à temps partiel.

C'est ainsi que, à partir du 1er juin 1993, le gouvernement a introduit le statut de « travailleur à temps partiel avec maintien des droits pouvant prétendre à une allocation de garantie de revenu » qui remplaça progressivement le statut de « travailleur à temps partiel involontaire ayant droit à une allocation de chômage ».

Ce dernier statut fut définitivement supprimé en 1996. Ce changement fut capital car il réduisit considérablement le nombre de personnes ayant droit à une indemnisation et allégea, par conséquent, fortement le budget de l'État. Ainsi, alors que le nombre de travailleurs à temps partiel indemnisés évoluait d'un peu plus de 20 000 unités en 1982 à plus de 200 000 en 1991, il descendit progressivement à 30 000 en 1996 ! En 1998, le pourcentage de travailleurs à temps partiel indemnisés ne représentait plus que 20 % du nombre de ces travailleurs enregistrés en 1992 (voir annexe pour un aperçu graphique).

Les conditions pour obtenir ce nouveau statut (qui sont, pour la plupart, toujours d'application) étaient en effet bien plus restrictives:

1. La durée du travail devait être au moins équivalente au tiers d'un temps plein (certaines dérogations étaient néanmoins prévues);

2. Au début de l'occupation à temps partiel, il y avait lieu de satisfaire aux conditions d'octroi et d'admissibilité d'un travailleur à temps plein et d'introduire, dans les 2 mois, une demande pour l'obtention du statut de temps partiel avec maintien des droits;

3. Le travailleur devait s'inscrire comme demandeur d'emploi à temps plein endéans les 2 mois suivant la reprise du travail à temps partiel;

4. Le salaire devait être inférieur au revenu mensuel minimum;

5. L'horaire ne pouvait être supérieur à un 3/4 temps (cette règle changea pour un 4/5 temps en 1997);

6. L'intéressé devait introduire une demande de travail à temps plein auprès de son employeur.

Sous ces conditions, le montant de l'AGR était calculé comme suit:

AGR = l'allocation de référence + supplément mensuel — rémunération nette

ou

— L'allocation de référence: 26 x l'allocation journalière octroyée en cas de chômage complet ce mois-là;

— Le supplément mensuel: le montant forfaitaire déterminé en fonction de la situation familiale, soit (2) :

— 154,08 euros pour un travailleur avec revenu unique et charge de famille;

— 123,26 euros pour un isolé;

— 92,44 euros pour un cohabitant.

Les conséquences du changement instauré en 1993 sont les suivantes:

— Les avantages:

Les personnes doivent dorénavant montrer une réelle volonté de travailler à temps plein pour bénéficier de l'allocation de garantie de revenu, ce qui a pour effet de réduire le nombre de travailleurs à temps partiel avec maintien des droits et donc d'alléger considérablement le budget de l'État.

— Les désavantages:

Quel que soit le niveau du temps de travail presté (1/3 temps, mi-temps, 3/4 temps, ...), le travailleur à temps partiel recevait le même revenu. Ainsi, à statut égal — chef de ménage, isolé ou cohabitant —, la personne qui travaillait trois-quarts temps ne gagnait pas un revenu plus élevé qu'une personne travaillant un tiers ou un cinquième temps. Cette mesure n'incitait par conséquent pas à augmenter son régime de travail.

2003

En juillet 2003, le gouvernement a annoncé, lors de sa déclaration gouvernementale, qu'il allait effectuer une réforme de l'AGR, ce qui a été confirmé lors d'un Conseil des ministres de janvier 2004.

L'idée de base était la suivante: l'allocation ne serait plus un montant fixe par mois; elle serait, au contraire, allouée comme un complément par heure prestée. Le système fut ainsi instauré le 1er juillet 2005 (via l'arrêté royal du 28 juin 2005).

L'AGR est, depuis lors, proportionnelle à la durée de travail mais son calcul est aussi devenu exceptionnellement complexe comparé au système précédent. La charge administrative du calcul de l'AGR a d'ailleurs été transférée aux syndicats et ne relève plus des compétences de l'ONEM.

Montant de l'AGR:

Ainsi, l'allocation de garantie de revenu correspond depuis juillet 2005 (sauf pour les personnes bénéficiant de l'allocation de garantie transitoire) (3) (4) à la formule suivante:

AGR = L'allocation de référence + (complément horaire x nombre d'heures de travail au-dessus de 55h) — (salaire net + bonus à l'emploi)

ou

— L'allocation de référence = 26 x l'allocation journalière octroyée en cas de chômage complet ce mois-là.

— Le montant mensuel du supplément horaire = nombre d'heures prestées ce mois-là x supplément horaire: (attention: seules les heures qui dépassent le 1/3 d'un horaire à temps plein comptent, c'est-à-dire après les 55 premières heures):

— 2,60 euros pour un travailleur avec charge de famille;

— 1,82 euros pour un isolé;

— 1,04 euros pour un cohabitant.

Si l'objectif officiel de cette réforme, à savoir prévoir une indemnité plus équitable selon le nombre d'heures prestées dans le cadre d'une occupation à temps partiel, a été atteint, il faut néanmoins s'interroger sur ses motivations réelles et sur la méthode choisie.

En effet, nous formulons trois critiques par rapport à cette réforme, critiques à partir desquelles nous proposons un nouveau système d'allocation de garantie de revenu.

1) Première critique: ce nouveau système réduit fortement l'AGR pour les travailleurs à temps partiel

Le nouveau système entré en vigueur le 1er juillet 2005 est nettement moins avantageux que le précédent pour presque tous les travailleurs à temps partiel, sauf si le travailleur preste un trois-quarts temps, et s'il relève du statut « chef de ménage ».

Le personnel des syndicats, chargé du calcul de l'AGR, a immédiatement constaté ce problème dès les premières simulations du calcul de l'AGR en juillet 2005. Thierry Bodson, secrétaire général de la FGTB, expliquait « C'est une perte de revenus mensuelle de 65 à 205 euros qui est régulièrement observée (...) Certaines personnes touchent désormais moins d'argent en travaillant à temps partiel que lorsqu'elles étaient au chômage. Je dirais même que certaines personnes perdent quelques euros pour aller travailler à tiers-temps. (...) 90 % des travailleurs à temps partiel vont perdre de l'argent. Parmi les travailleurs à temps partiel, 50 % sont à mi-temps. Ceux qui vont gagner avec le nouveau système ce sont les chefs de ménage mais ils vont à peine recevoir 2 à 5 euros supplémentaires chaque mois (5) . » Ci-dessous se trouve un graphique la CSC simule le calcul de l'AGR avant et après juillet 2005.

Cette situation n'est ni juste, ni efficace, pour plusieurs raisons:

— La réduction de l'AGR est telle qu'un grand nombre de travailleurs à temps partiel se voit confronté aux pièges à l'emploi. Ainsi, ces cas vécus sont particulièrement éloquents:

a) Un ouvrier, chef de ménage, chôme à mi-temps et travaille à mi-temps (19h/38/semaine). Son salaire brut est de 680 euros. S'il était au chômage complet, il toucherait 1 025,70 euros. En tant que chef de ménage, depuis juillet 2005, il bénéficie d'une AGR équivalente à 462 euros. Il gagne ainsi pour son mi-temps: 462 euros du chômage + 631 euros pour son activité professionnelle, c'est-à-dire, 1 093 euros au lieu de 1 025,70 euros s'il ne travaillait pas du tout;

b) Une puéricultrice travaillant 4 heures par semaine (6) gagnait au total 752,37 euros net par mois en juin 2005. Depuis le 1er septembre 2005, elle gagne 670,46 euros par mois. La réforme de l'AGR est donc telle que cette personne a vu son revenu diminuer de 81,91 euros par mois.

— Ce problème touche particulièrement les contrats les plus précaires comme ceux dans l'horeca ou les garderies d'écoles. En effet, dans ces métiers, les travailleurs prestent la plupart du temps moins d'un 3/4 temps. Ceci n'est pas volontaire de leur part mais résulte de la demande de travail bien particulière de ces secteurs. Ainsi, dans l'horeca, les travailleurs sont utiles en grand nombre mais pendant un laps de temps restreint, à savoir les heures de repas. La diminution drastique de revenu dans ces emplois risque donc de provoquer une pénurie de main-d'œuvre, ce qu'on commence déjà à constater dans les garderies d'écoles.

— Les travailleurs à temps partiel avec maintien des droits sont des personnes bénéficiant de revenus très modestes (pour rappel: ceux qui gagnent plus que le salaire minimum garanti ne peuvent pas en bénéficier). Ceci signifie que ces personnes à revenus très modestes voient leurs revenus encore réduits, d'où une hausse de la précarité.

— On reproche à notre marché du travail de manquer de flexibilité. Or, l'emploi à temps partiel constitue précisément un mode parmi d'autres de flexibilité de la gestion de la main d'œuvre. En particulier dans le secteur des services à forte intensité de main d'œuvre, il s'agit d'un outil privilégié pour augmenter la productivité, pour réduire les charges patronales, pour recourir aux heures supplémentaires sans avoir à les payer comme telles ... En réduisant l'attractivité financière de l'emploi à temps partiel pour les catégories de travailleurs les plus démunis, nous perdons un mode de flexibilité de notre marché du travail.

Selon les simulations effectuées par la CSC:

2) Deuxième critique: la réforme de l'AGR serait-elle une manière déguisée de réduire le budget ?

Il est suspect que la réforme de l'AGR ait été accompagnée d'une économie budgétaire. L'économie budgétaire avait d'abord été chiffrée par le ministre qui a le Budget dans ses compétences à 10 millions pour 2005 avant qu'il ne se ravise en disant que l'économie ne serait finalement plus que de 3 millions d'euros.

Le ministre avait également indiqué que la réforme entraînerait une économie de plus de 17 millions d'euros en 2006. Or, le budget 2006 consacre effectivement une réduction de 2 % par rapport au montant alloué l'année dernière pour l'AGR.

Si le but était réellement d'alléger le budget de l'État, non seulement le gouvernement aurait dû l'expliciter ouvertement, mais aussi et surtout, il aurait dû prendre en considération que les gens qui travaillent à temps partiel et qui bénéficient de l'AGR sont des personnes vivant dans la précarité. Ce n'est certainement pas sur cette catégorie de personnes qu'il faut faire des économies budgétaires, surtout que le résultat risque avant tout d'augmenter le problème des pièges à l'emploi.

Budget (en milliers d'euros) Variation budget de l'année précédente Nombre de personnes percevant complément de chômage
2003 183 784 - 42,137
2004 192 720 5 % 44 096
2005 213 323 11 % 47 924
2006 208 571 -2 % N.a.

3) Troisième critique: le calcul de l'AGR est extrêmement complexe

Le mode de calcul en vigueur depuis le 1er juillet 2005 est particulièrement complexe. Il implique une charge importante de travail administratif supplémentaire. Ainsi, nous avons présenté ci-dessus la version simplifiée du calcul de l'AGR. Si nous voulions être complet, nous devrions préciser que le calcul de l'AGR est en réalité subdivisé en 2 parties (ci-dessous dénommées les parties A et B). À titre indicatif, ces deux parties prennent en considération tous les paramètres suivants (7) :

PARTIE A: Le montant théorique de l'allocation de chômage (F2), éventuellement majoré de l'augmentation ALE (F11), est:

— proportionné en fonction de la période indemnisable du mois concerné (F1);

— augmenté d'un supplément horaire (F4) pour les heures qui dépassent un tiers de l'horaire à temps plein (55);

— diminué d'un salaire net fictif (YNETBIS). Ce montant est obtenu en déduisant du salaire brut la cotisation ONSS théorique, en l'augmentant du bonus de travail ONSS, et en déduisant le précompte (voir plus loin).

Partie A: [F1 x (F2 + F11)] + {F4 x [F8 — (55 x F1/26)]} — YNETBIS × 100/89,91

Explication complémentaire:

— l'augmentation ALE (F11) n'est valable que jusqu'au 30.6.2006;

— si [F8 — (55 x F1/26)] est négatif, le chiffre 0 est introduit;

— le résultat est ramené à 0 euros si le résultat x 0,8991 est inférieur à 7,64 euros;

— un précompte est retenu sur le résultat final (voir plus loin).

Un montant maximum ne pouvant être dépassé est calculé dans la PARTIE B.

Ce montant maximum est obtenu en déduisant le salaire net fictif à temps partiel (YNETBIS) du salaire net temps plein théorique obtenu sur base du salaire horaire moyen (F6) du mois concerné.

Pour les ouvriers, la cotisation ONSS est également calculée sur le salaire à 100 % au lieu de 108 %. Ceci est dû au fait que pour le mois de vacances on compte un salaire fictif (sur lequel sont calculées des cotisations ONSS fictives). De cette façon, l'ouvrier reçoit pendant les vacances environ la même allocation de garantie de revenu que pendant sa période de travail.

PARTIE B: [F6 x S × 4,3333 x F1/26 x 0,8693)] + PROP-BONUSFT — précompte — YNETBIS

Explication complémentaire:

— le résultat est ramené à 0 euro si ce résultat x 0,8991 est inférieur à 7,64 euros;

— un précompte est retenu sur le résultat final (voir plus loin).

La complexité du calcul de l'AGR est donc grande et il n'est pas toujours aisé d'expliquer aux travailleurs combien ils percevront en fin de mois avec ce nouveau système. Par ailleurs, comme déjà mentionné, ce n'est plus l'ONEm qui s'occupe de calculer l'AGR mais bien les organismes de paiement, ce qui présente le problème additionnel que les organismes ont parfois certaines difficultés liées à l'interprétation des règles de calculs.

Notre proposition

L'idée sur laquelle s'est greffée la réforme imaginée en 2003 était correcte, à savoir qu'il n'était pas normal qu'une personne travaillant un 1/3 temps, un 1/2 temps ou un 3/5 temps reçoive le même revenu. Une réforme était dès lors souhaitable pour encourager les personnes à travailler plus.

Néanmoins, la méthode choisie est mauvaise: elle est source de dysfonctionnements importants et pose le problème réel des pièges à l'emploi. Comme nous l'avons montré ci-dessus, la réforme choisie va, dans certaines situations, à l'inverse des objectifs escomptés: les travailleurs sont incités à ne plus accepter un temps partiel mais bien à préférer rester au chômage à temps plein, ce qui leur garantit une allocation mensuelle nette presque égale, voire supérieure, à celle qu'ils percevraient s'ils étaient engagés à temps partiel.

Nous proposons de remédier au plus tôt à ce problème, sans attendre que davantage de personnes se retrouvent dans la précarité et subissent les revers de ce système défaillant.

Une possibilité serait de maintenir le nouveau régime de l'AGR dans son principe mais de modifier certaines variables afin que les travailleurs qui prestent un horaire à tiers-temps ou à mi-temps, les travailleurs isolés ou les cohabitants sans charge de famille perçoivent un complément plus important que le complément prévu actuellement. Mais cette solution serait un entre-deux imparfait. Elle maintiendrait notamment un système extrêmement complexe de calcul de l'AGR. Elle ne répondrait pas non plus aux inégalités qui existent entre les différents calculs opérés par les organismes de paiement.

C'est pourquoi nous proposons un système qui nous apparaît plus équitable et plus rationnel, à savoir que les travailleurs à temps partiel avec maintien de droits bénéficient d'une allocation de garantie de revenu au prorata des jours de chômage. Le principe de ce système serait donc similaire au système en vigueur en 1993. Le calcul de l'AGR proposé se résume par la formule suivante:

AGR = allocation journalière de chômage x nombre de journées de chômage

Le revenu mensuel du travailleur à temps partiel serait donc la somme de son salaire perçu pour les journées de travail effectuées et des journées de chômage. Difficile de faire plus simple ...

Il y aurait bien évidemment un plafond, à savoir que la somme de l'AGR et du revenu net devraient être inférieure à 87,5 % du salaire minimum interprofessionnel (brut).

Par ailleurs le travailleur devrait travailler moins qu'un 4/5 temps pour bénéficier de l'AGR (règle déjà d'application).

Il s'agit donc du même système de calcul du complément chômage que celui d'application avant 1993, mais sans les abus observés à cette époque étant donné que nous maintiendrions le dispositif de « conditions », à savoir principalement que les travailleurs à temps partiel doivent réellement être des travailleurs à temps partiel involontaires et doivent dès lors être entièrement disponibles pour un temps plein.

Nous supprimerions néanmoins l'une des conditions instaurées en 1993 concernant la durée minimale d'heures de travail pour bénéficier du statut de travailleur à temps partiel avec maintien des droits. Si, à l'époque, cette condition s'expliquait par le mode de calcul en vigueur, aujourd'hui, cette condition n'apparaît plus souhaitable. Elle introduit une discrimination entre les travailleurs avec maintien des droits prestant plus d'1/3 temps et les travailleurs à temps partiels involontaires n'arrivant pas à décrocher un emploi de plus d'1/3 temps. Maintenir cette condition consisterait à éliminer toute motivation à accepter un travail disponible de moins d'1/3 temps car ce dernier ne procurerait aucun revenu financier additionnel, voire même il impliquerait une perte de revenu.

Enfin, nous voulons éviter la possibilité d'ententes tacites entre employeurs et employés qui verraient le travailleur se déclarer demandeur d'un temps plein pour bénéficier de l'AGR alors qu'il ne serait en réalité pas réellement disponible pour prester un temps plein dans l'entreprise. Nous proposons dès lors d'instaurer un mécanisme de sanction à l'égard d'employeurs qui seraient complices d'un tel comportement en n'offrant pas un temps plein disponible à ce travailleur aussitôt qu'une nouvelle vacance de poste s'ouvrirait dans l'entreprise (8) mais en embauchant un nouveau travailleur.

Nous laissons au Roi le choix des modalités de contrôle et de sanctions. Celles-ci pourraient par exemple s'inspirer des amendes applicables aux employeurs utilisant des travailleurs au noir.

Coût budgétaire de la mesure proposée

Sur l'année 2005:

— en moyenne 47 924 travailleurs à temps partiel ont bénéficié d'une allocation de garantie de revenu;

— l'allocation moyenne de garantie de revenu des travailleurs à temps partiel, était de 370,94 euros;

— Le budget consacré à l'AGR était de 213 323 400 euros.

La réforme proposée augmenterait les revenus de travailleurs à temps partiel d'environ 75 €.

Le coût budgétaire serait donc le suivant:

— En ce qui concerne les travailleurs à temps partiel bénéficiant actuellement de l'AGR, en supposant le nombre de travailleurs à temps partiel avec maintien des droits constants: le coût de la réforme serait approximativement de 43,13 millions d'euros annuellement;

— En ce qui concerne les chômeurs qui sortiraient du chômage pour travailler à temps partiel (étant donné la profitabilité plus grande de travailler), le coût est difficile à estimer mais il est certain qu'il serait largement compensé par un effet retour (c'est-à-dire le fait que ces personnes ne bénéficient plus des allocations de chômage complètes).

Le coût budgétaire net serait donc de moins de 43,13 millions d'euros. Plus l'AGR répond aux pièges à l'emploi, moins elle pèse sur le budget fédéral.

Simulation (revenu bruts)

Duur van de werkloosheid tijdens de maand. — Temps de chômage sur le mois Werktijdregeling (aantal uren per week/38). — Horaire d'heures travaillées par mois Aantal gepresteerde uren per maand. — Nombre d'heures travaillées par mois Bruto-maandloon van de werknemer. — Salaire mensuel brut du travailleur Voorgestelde IGU. — AGR proposé Totaal inkomen van de werknemer volgens de voorgestelde IGU. — Revenu total du travailleur selon AGR proposé Aantla uren dat n aanmerking komt voor de toeslag. — Nombre d'heures qui comptent pour le complément Huidige IGU. — AGR actuel Inkomen volgens de huidige IGU. — Revenu selon AGR actuel IGU volgens de oude regeling. — AGR ancien régime Inkomen volgens de oude IGU-regeling. — Revenu selon ancien régime AGR Verschil tussen de voorgestelde en de huidige IGU. — Différence entre AGR proposé et AGR actuel
66 % 13 56 422 566 988 0 438 860 592 1 014 128
63 % 14 61 455 543 998 6 420 874 560 1 014 123
61 % 15 65 459 521 979 10 427 885 555 1 014 94
58 % 16 69 489 498 987 14 407 896 525 1 014 91
55 % 17 74 520 475 995 19 387 908 494 1 014 88
53 % 18 78 551 453 1 003 23 368 919 464 1 014 85
50 % 19 82 581 430 1 011 27 348 930 433 1 014 82
47 % 20 87 612 407 1 019 32 329 941 402 1 014 79
45 % 21 91 642 385 1 027 36 309 952 372 1 014 75
42 % 22 95 673 362 1 035 40 290 963 341 1 014 72
39 % 23 100 704 340 1 043 45 270 974 311 1 014 69
37 % 24 104 734 317 1 051 49 251 985 280 1 014 66
34 % 25 108 765 294 1 059 53 231 996 249 1 014 63
32 % 26 113 795 272 1 067 58 212 1 007 219 1 014 60
29 % 27 117 826 249 1 075 62 192 1 018 188 1 014 57
26 % 28 121 857 226 1 083 66 172 1 029 158 1 014 54
24 % 29 126 887 204 1 091 71 153 1 040 127 1 014 51
21 % (4/5 tps) 30 130 918 181 1 098 75 133 1 051 96 1 014 47
Maandelijkse werkloosheidsvergoeding. — Allocation de chômage mensuelle Voltijds werkrooster. — Horaire temps plein Uurloon GMML. — Salaire horaire au RMMM Voltijds GMML. — RMMM temps plein
860,08 38,00 7,49 1 234

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 2

Cet article tend:

1. à instaurer un mode de calcul de l'AGR pour le travailleur à temps partiel involontaire tel que l'allocation de garantie de revenu soit équivalente à une fraction de l'allocation de chômage complète correspondant au temps de travail non presté par rapport à un temps plein;

2. à prévoir un plafond à l'AGR, à savoir que la somme de l'AGR et du revenu net doit être inférieure à 87,5 % du revenu minimum mensuel moyen garanti;

3. au cas où le plafond de 87,5 % du revenu minimum mensuel moyen garanti visé au 2. est dépassé, à prévoir que le montant de l'allocation de garantie de revenu est réduit à concurrence dudit dépassement.

Article 3

Cet article vise à réintroduire les travailleurs prestant moins d'1/3 temps comme bénéficiaires potentiels de l'AGR.

Article 4

Cet article vise à permettre au Roi d'instaurer un mécanisme de sanction et les modalités de contrôle à l'égard des employeurs qui n'offriraient pas un temps plein disponible à des travailleurs à temps partiel involontaire travaillant dans leur entreprise.

Cet article entend ainsi éviter les ententes tacites entre employeurs et employés où le travailleur se déclarerait demandeur d'un temps plein pour bénéficier de l'AGR mais ne serait en réalité pas réellement disponible pour prester un temps plein dans l'entreprise.

Anne DELVAUX
Marc ELSEN
Georges DALLEMAGNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 131bis de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage sont apportées les modifications suivantes:

1. Le § 2 est remplacé par la disposition suivante:

« § 2. Pour l'application du présent paragraphe, il faut entendre par:

1º S: La durée hebdomadaire moyenne contractuelle de travail du travailleur, augmentée des heures de repos compensatoire rémunérées suite à un régime de réduction du temps de travail;

2º Q: La durée hebdomadaire moyenne contractuelle de travail de la personne de référence, augmentée des heures de repos compensatoires rémunérées suite à un régime de réduction du temps de travail;

3º R: L'allocation journalière au sens de la section 2 du chapitre IV;

Le montant net de l'allocation de garantie de revenu est obtenu par l'application de la formule:

[1 — (S/Q)] * (26*R)

Le Roi peut modifier les modalités de calcul de l'allocation de garantie de revenu prévues aux alinéas 1 et 2 »;

2. Le § 2bis est remplacé par la disposition suivante:

« La somme du montant net de l'allocation de garantie de revenu et de la rémunération nette gagnée pour ce mois par le travailleur à temps partiel avec maintien des droits ne peut cependant jamais être supérieure à 87,5 % du revenu minimum mensuel moyen garanti.

Au cas où cette somme dépasserait les 87,5 % du revenu minimum mensuel moyen garanti, le montant de l'allocation de garantie de revenu serait réduit à concurrence dudit dépassement.

Le Roi peut modifier les conditions prévues aux alinéas 1 et 2. »;

3. Les § 2ter et § 3bis sont supprimés.

Art. 3

À l'article 29 du même arrêté royal, les mots « et dont la durée hebdomadaire répond aux dispositions de l'article 11bis, alinéas 4 et suivants de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail » sont supprimés.

Art. 4

Le Roi fixe par arrêté délibéré en Conseil des ministres les modalités de contrôle et de sanction s'appliquant aux employeurs qui n'attribueraient pas les postes vacants au sein de l'entreprise aux travailleurs à temps partiel avec maintien des droits travaillant déjà dans l'entreprise et faisant valoir une qualification identique.

29 octobre 2007.

Anne DELVAUX
Marc ELSEN
Georges DALLEMAGNE.

Annexe

Évolution du statut de temps partiel involontaire/temps partiel avec maintien des droits selon le sexe 1982-1998

Proportion d'hommes et de femmes bénéficiant de l'AGR

Mars 2006 Proportion
Hommes 10 089 22 %
Femmes 35 562 78 %
Total 45 651 100 %

NB: Les proportions sont identiques pour l'année 2005.

54 % des bénéficiaires d'une AGR sont des cohabitants ayant charge de famille. Les 46 % restant sont donc des isolés et des cohabitants sans charge de famille.


(1) En 1992, cette règle est partiellement modifiée: une allocation complémentaire n'est octroyée que si le travailleur à temps partiel ne gagne pas plus de 87,5 % du salaire mensuel de référence contre 100 % auparavant.

(2) Les montants cités ont été actualisés en vue de permettre la comparaison entre les différents régimes présentés. L'allocation de garantie de revenu équivalait à la différence entre l'allocation mensuelle théorique que l'onpouvait obtenir en cas de chômage complet, augmentée d'un complément dépendant de la situation familiale et du salaire net obtenu par le travail à temps partiel. Par ailleurs, l'allocation de garantie de revenu était plafonnée à 2/3 de l'allocation mensuelle à laquelle le travailleur aurait eu droit comme chômeur complet.

(3) Les travailleurs assujettis au régime transitoire bénéficient de l'allocation de garantie de revenu calculée selon l'ancienne méthode. En ce qui concerne les mesures de transition, la loi dit: « Les travailleurs qui introduisent une demande d'AGR après l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, et qui ont déjà bénéficié d'une telle allocation pour au moins un mois calendrier entre le 1er juillet 2004 et le 13 juin 2005, peuvent également bénéficier du régime transitoire pour autant qu'il n'y ait pas au moins 4 mois d'interruption entre deux occupations à temps partiel et que la nouvelle occupation soit d'au moins un tiers-temps ».

(4) Nous présentons une version simplifiée de l'AGR (voir ci-dessous pour une version complète).

(5) La Libre Belgique, 22 octobre 2005.

(6) NB: Dans certaines fonctions, des dérogations sont autorisées pour permettre aux travailleurs de bénéficier de l'AGR même si elles travaillent moins d'un 1/3 temps.

(7) L'explication du calcul est tirée du site de l'ONEm.

(8) Au même niveau de qualification du travailleur bien entendu.