4-484/2

4-484/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

20 DÉCEMBRE 2007


Projet de loi portant des dispositions diverses (II)


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

MME CROMBÉ-BERTON


I. INTRODUCTION

Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, a été déposé initialement à la Chambre des représentants en tant que projet de loi du gouvernement (doc. Chambre, nº 52-0518/1).

Il a été adopté à la Chambre des représentants le 19 décembre 2007 par 101 voix contre 17 et 17 abstentions et transmis au Sénat le même jour.

La commission de la Justice a examiné le présent projet de loi lors de ses réunions du 19 décembre 2007 (en application de l'article 27.1 du règlement du Sénat) et du 20 décembre 2007, en présence de la ministre de la Justice.

La commission de la Justice était également saisie du projet de loi portant des dispositions diverses I, soumis à la procédure bicamérale facultative. Pour la discussion de ce projet, il est renvoyé au document Sénat nº 4-483/5.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE

La ministre souligne que les dispositions qui concernent le département de la Justice reprises dans les projets de loi portant dispositions diverses présentent toutes un double caractère d'urgence et de nécessité pour la continuité du service public. Il s'agit pour l'essentiel soit de confirmer des arrêtés royaux de pouvoirs spéciaux qui produisent d'ores et déjà leurs effets, soit de prendre des mesures de transition indispensables de manière à ne pas placer les justiciables, les acteurs du monde judiciaires et le prochain gouvernement dans des situations problématiques en raison de la prolongation de la période d'affaires courantes.

Le projet de loi à l'examen, fondé sur l'article 77 de la Constitution, contient deux chapitres.

Le premier concerne la modification d'une part, de l'article 109 de la loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine et d'autre part, de l'article 51 de la loi du 17 mai 2006 instaurant des tribunaux de l'application des peines.

L'article 109 fixe l'entrée en vigueur de chacun des articles de la loi à la date fixée par le Roi et au plus tard le premier jour du 24e mois qui suit celui au cours duquel la loi a été publiée au Moniteur belge, soit le 1er juillet 2008. Les compétences attribuées aux juges de l'application des peines et relatives aux peines de moins de trois ans de prison devaient donc entrer en vigueur à cette date.

Toutefois, avant de faire entrer en vigueur ces nouvelles compétences pour les peines de moins de trois ans, il est indispensable de procéder à une évaluation du fonctionnement actuel des tribunaux de l'application des peines. Une mission a d'ailleurs été confiée à ce sujet à l'Institut national de criminologie et de criminalistique.

Dans l'attente des résultats de cette évaluation qui ne pourra intervenir qu'après une période significative minimale de fonctionnement (un an par exemple), il paraît raisonnable de reporter la date d'entrée en vigueur des nouvelles compétences attribuées aux juges de l'application des peines par la loi.

De même, dans l'actuelle période d'affaires courantes, il est impossible de prendre toutes les mesures adéquates afin de permettre aux juges de l'application des peines de pouvoir effectuer leur mission essentielle pour la sécurité publique dans les meilleures conditions possibles.

Le projet de loi à l'examen propose donc de postposer à la date ultime du 1er septembre 2009 l'entrée en vigueur des articles de la loi qui concernent les compétences attribuées au juge de l'application des peines et relatives aux peines de moins de trois ans.

L'article 51 fixe quant à lui l'entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2006 instaurant des tribunaux de l'application des peines. À l'exception de l'article 11 qui concerne le juge de l'application des peines, qui entre en vigueur au plus tard le 1er décembre 2007, l'ensemble des dispositions de cette loi est entré en vigueur le 1er février 2007.

Cet article est modifié de manière à aligner l'entrée en vigueur de l'article 11 de la loi du 17 mai 2006 instaurant des tribunaux de l'application des peines à celle de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine.

Il est également important de souligner que les autorités judiciaires ont été consultées, en l'espèce les premiers présidents de cour d'appel et les procureurs généraux, et que ces dernières ont marqué leur accord total sur le projet.

Le Conseil d'État n'a quant à lui pas émis d'observations au sujet de ces dispositions.

La Chambre a adopté les articles 1 à 4 du projet de loi à l'unanimité. Un amendement a toutefois été déposé visant à modifier l'équilibre actuel de la compétence des différents tribunaux de l'application des peines. Or, il est important de rappeler que cet équilibre fixant la répartition des compétences entre les tribunaux de l'application des peines a été déterminé en accord avec l'ensemble des présidents actuels des tribunaux de l'application des peines. Il est possible qu'il soit nécessaire de revoir certains éléments de cette répartition mais ce travail ne peut se faire qu'après l'évaluation globale de la charge de travail de tous les tribunaux de l'application des peines, en concertation avec les autorités judiciaires. Cet amendement a donc été rejeté.

Le Chapitre 2 du projet de loi vise à éviter que le fonctionnement des cours d'appel puisse connaître des problèmes. Le carde temporaire de 14 conseillers risque de disparaître à partir du 17 décembre 2007 si des mesures ne sont pas prises. La situation demande une réponse urgente.

Par la loi du 29 novembre 2001, qui prévoyait un renforcement du cadre des conseillers près les cours d'appel, le législateur a voulu apporter une solution immédiate à l'augmentation de l'arriéré judiciaire dans ces cours.

Le législateur prévoyait un renforcement du cadre avec 14 conseillers près des cours d'appel. Mais ce cadre est temporaire et ne peut devenir définitif que si cela semble nécessaire sur la base d'une mesure de la charge de travail au moyen d'un système d'enregistrement uniforme.

Entre-temps, le renforcement du cadre des cours d'appel porte ses fruits. On a constaté ces dernières années une diminution significative des temps d'attente. Il y a donc du progrès. Mais le délai idéal de six mois n'est pas encore atteint dans les cinq cours du pays. On ne peut pas diminuer nos efforts.

Une première étape dans le développement d'une mesure de la charge de travail a été franchie. Sur demande du Service public fédéral de la Justice, les universités de Leuven et de Liège ont réalisé une étude de la faisabilité d'un outil de mesure de la charge de travail destiné au siège. Les résultats démontrent qu'une mesure de la charge de travail est réalisable avec une bonne organisation. Il faut à présent, sur la base de cette étude, poursuivre le développement d'un instrument de mesure objective de la charge de travail.

En attendant cette mesure de la charge de travail, il est essentiel que les cours puissent continuer à disposer du renforcement de leur cadre. A défaut, cinq places risquent de disparaître à court terme. C'est pourquoi il est indiqué de prolonger les cadres temporaires du personnel d'un an.

III. DISCUSSION

En ce qui concerne le chapitre premier, à savoir les dispositions modifiant la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté, ainsi que la loi du 17 mai 2006 instaurant des tribunaux de l'application des peines, M. Vandenberghe renvoie aux observations formulées à la Chambre et au Sénat lors des discussions relatives à l'introduction des dispositions légales précitées. En effet, les problèmes qu'entraîneraient ces dispositions en termes de charge de travail et de formation du personnel étaient déjà connus à l'époque, mais on n'a pas voulu en tenir compte, avec pour conséquence qu'il faut maintenant reporter leur entrée en vigueur.

Les dispositions relatives à la responsabilité médicale objective, par exemple, relèvent du même cas de figure. Lors de l'introduction de ces dispositions, qui ont été adoptées à la hâte par le Parlement, tout le monde savait pertinemment que cette loi ne pouvait pas être opérationnelle, mais qu'elle s'inscrivait uniquement dans la politique de communication du gouvernement visant à proposer une solution aux grands problèmes.

L'intervenant demande également l'avis de la ministre à propos des critiques et des inquiétudes répétées concernant le fonctionnement des tribunaux de l'application des peines et la possibilité d'une meilleure implantation géographique de ces tribunaux en Flandre (Gand, Anvers et Bruxelles).

En ce qui concerne le chapitre II relatif à la modification de la loi du 29 novembre 2001 fixant un cadre temporaire de conseillers en vue de résorber l'arriéré judiciaire dans les cours d'appel, l'intervenant est heureux de constater que l'arriéré diminue dans plusieurs cours d'appel, notamment à Anvers. Mais d'un autre côté, les délais de fixation restent problématiques dans d'autres cours, notamment à Bruxelles et à Gand. L'intervenant souligne que l'arriéré ne pourra jamais être résorbé par le biais de lois-programmes. En effet, la réforme de la Justice nécessite de grandes ambitions, comme une augmentation des moyens financiers, une réforme du Code judiciaire et un nouveau Code de procédure pénale. Ainsi, l'accumulation d'articles bis, ter et quater dans le Code judiciaire nuit à la sécurité juridique, et l'élargissement de la compétence du juge des référés provoque une inflation du nombre d'affaires considérées comme relevant de la procédure d'urgence. Il convient également de rédiger un nouveau Code de procédure pénale, qui ne soit pas uniquement le reflet du point de vue des procureurs généraux.

Réponses de la ministre

En ce qui concerne le fonctionnement des tribunaux de l'application des peines, la ministre souligne que la situation varie d'une juridiction à l'autre. Alors qu'aucun arriéré judiciaire n'existe devant une série de tribunaux de l'application des peines, certains autres en connaissent. La même constatation vaut pour les problèmes de sécurité.

Face à cette situation, la ministre a demandé une évaluation des tribunaux de l'application des peines. Une mission a été confiée à l'Institut national de criminologie et de criminalistique afin d'avoir une vue complète de la situation sur le terrain.

Le prochain ministre de la Justice pourra sur cette base procéder à l'évaluation du fonctionnement des tribunaux de l'application des peines et prendre les mesures nécessaires. Quoi qu'il en soit, la ministre est convaincue que la mise en place des tribunaux de l'application des peines est une réussite car elle a permis d'objectiver le devenir des personnes qui sont en passe de quitter un établissement pénitentiaire.

En ce qui concerne l'arriéré judiciaire, la ministre renvoie au colloque qui s'est tenu récemment à la K.U. Leuven. L'arriéré judiciaire y a été étudié en relation avec le processus de mesure de la charge de travail. Il serait intéressant que la commission puisse disposer des actes du colloque.

IV. VOTES

Les articles 1er et 5 à 7 sont adoptés à l'unanimité des 10 membres présents.

Les articles 2 à 4 sont adoptés par 8 voix et 2 abstentions.

L'ensemble du projet de loi est adopté par 8 voix et 2 abstentions.


Confiance a été faite à la rapporteuse pour la présentation d'un rapport oral en séance plénière.

La rapporteuse, Le président,
Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON. Marc VERWILGHEN.

Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (doc. Chambre nº 52-0518/4).