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22 NOVEMBRE 2007
La loi fédérale sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire est entrée en vigueur en 2003. Le sort de l'énergie nucléaire semblait donc en principe scellé, y compris en Flandre.
Aujourd'hui, il y a lieu de rouvrir le débat au vu des considérations suivantes:
— Il ne faut pas sous-estimer l'importance économique du secteur de l'énergie nucléaire, ni pour la Belgique fédérale, ni, certainement, pour l'entité fédérée de Flandre. À l'échelle fédérale, deux grands sites sont en exploitation, disposant au total de sept réacteurs. Ensemble, ils représentent une production globale de 44 milliards de kilowattheures, ce qui correspond à 55,1 % de la production d'électricité totale dans notre pays (à titre de comparaison, l'énergie hydraulique et l'énergie éolienne ne couvrent que 2,1 % de nos besoins en électricité, le mazout en couvre 2,3 %, le charbon 13,9 %, et le gaz 26,6 %).
— Après l'entrée en vigueur de la loi sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire, le Protocole de Kyoto est lui aussi devenu applicable. Il prévoit que les émissions totales de gaz à effet de serre, en particulier de CO2, doivent diminuer radicalement (il faudrait avoir réalisé une diminution de 7,5 % d'ici 2010). Pour le secteur de l'électricité, cela signifie concrètement que la part de production à partir de combustibles fossiles devra baisser, ce qui n'est possible que si la proportion des autres matières premières utilisées pour cette même production augmente considérablement. Et c'est là que l'énergie nucléaire revient à l'ordre du jour, étant donné qu'elle ne génère aucun gaz à effet de serre. C'est à l'énergie nucléaire que notre pays doit d'avoir l'un des taux d'émission de CO2 par kilowattheure les plus bas d'Europe. Grâce à la part prise par l'énergie nucléaire, nos producteurs d'énergie rejettent aujourd'hui moins de 270 g de CO2 par kilowattheure, alors que la moyenne européenne se situe aux alentours des 400 g. La sortie du nucléaire augmenterait la totalité des émissions de CO2 dans notre pays de 20 % !
— Nos industriels demandent en outre que le prix de l'électricité reste compétitif, c'est-à-dire peu élevé et stable. Or, justement, le kilowattheure nucléaire a un coût de production stable et compétitif (à trois eurocents par kilowattheure, il représente l'alternative de production la moins chère). Ce coût couvre d'ailleurs aussi les frais de démantèlement et ceux de la gestion des déchets.
De plus, le prix du combustible nucléaire est stable, contrairement à celui du gaz naturel, qui fluctue. Il est d'ores et déjà acquis qu'un abandon important du nucléaire entamerait gravement la compétitivité de notre économie.
— Les crises géopolitiques récentes ont montré une fois de plus que le prix des combustibles fossiles classiques ne cesserait de croître. Qui plus est, les régions qui sont les plus importants fournisseurs de ces combustibles sont souvent géopolitiquement les plus instables. Il est dès lors contre-indiqué de dépendre de ces pays pour notre approvisionnement en énergie. Enfin, il semble que les réserves stratégiques de pétrole devraient être épuisées dans 50 ans.
— Au fur et à mesure que le temps passe, il apparaît clairement qu'il n'est pas réaliste de tenter de répondre à nos besoins en électricité sans recourir à l'énergie nucléaire. Tout d'abord, le potentiel théorique des sources énergétiques renouvelables est limité. Ensuite, si nous voulions faire face au solde à couvrir en recourant au gaz ou au charbon, nous ne ferions qu'augmenter les émissions de gaz à effet de serre et nous accroîtrions encore notre dépendance énergétique. Importer de l'électricité n'est pas non plus une solution, puisqu'une grande partie de l'électricité importée est de toute façon produite à partir de ... l'énergie nucléaire.
— Le grand argument des adversaires de l'énergie nucléaire, lors de la discussion de la loi fédérale sur la sortie du nucléaire, était que la production d'électricité dans les centrales nucléaires ne serait pas « sûre ». Les producteurs d'énergie nucléaire de notre pays (et, d'ailleurs, de toute l'Europe) sont pourtant particulièrement conscients de l'exigence de sécurité. La sécurité reste la priorité pour les producteurs. En effet, une exploitation dûment sécurisée des centrales nucléaires garantit non seulement la protection de la population, du personnel et de l'environnement, mais aussi le bon fonctionnement à long terme des installations. La sécurité des centrales nucléaires flamandes est assurée par Electrabel et par les pouvoirs publics [Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) et Association Vinçotte nucléaire (AVN)], qui veillent scrupuleusement à ce que toutes les normes fédérales et internationales soient respectées. Les centrales nucléaires flamandes totalisent déjà plus de 25 années d'activité, sans avoir jamais présenté un danger quelconque pour la population et les travailleurs (notons, à titre de comparaison, que plusieurs milliers de mineurs meurent tous les ans dans le monde en extrayant du charbon).
— Le problème des déchets nucléaires peut lui aussi être maîtrisé. Il existe des solutions techniques adéquates permettant de les gérer. L'ensemble des installations nucléaires de notre pays produisent quelque 500 g de déchets radioactifs par an et par habitant, dont 15 g hautement radioactifs (soit le quart du contenu d'un stylo à bille). Le financement du retraitement de ces déchets est déjà entièrement pris en charge. Du reste, la sortie du nucléaire ne nous exonérerait nullement de l'obligation de continuer de toute manière à gérer ces déchets nucléaires.
Il faut encore ajouter à ce qui précède les réflexions suivantes:
— Nos besoins en électricité ne feront qu'augmenter dans l'avenir immédiat. Tous les projets d'économie lancés jusqu'à présent, par exemple en matière d'isolation et de lampes fluocompactes, ne sont qu'une goutte d'eau dans la mer. Avec le temps, la circulation routière utilisera pour une grande part l'électricité comme source d'énergie, ainsi qu'en attestent en particulier les projets existants de production de véhicules hybrides. Les batteries nécessaires seront alimentées en partie à l'électricité et en partie par la conversion d'énergie cinétique (freinage par générateur).
— Les éoliennes ne donnent pas encore un résultat satisfaisant.
— En sortant du nucléaire, non seulement nous supprimerions de nombreux emplois dans notre pays, mais nous perdrions aussi le savoir qui va de pair. L'avenir des nombreux spécialistes qualifiés dont nous disposons actuellement s'en trouverait menacé.
Freddy VAN GAEVER. Anke VAN DERMEERSCH. |
Le Sénat,
demande au gouvernement fédéral:
1. d'abolir la loi sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire;
2. d'encourager la recherche pour des ressources énergétiques plus écologiques qui soient compétitives, tout en offrant une solution de rechange réaliste;
3. en attendant le développement effectif de ces solutions de rechange, par mesure de précaution, d'étudier également la possibilité voire la nécessité de construire des centrales nucléaires supplémentaires;
4. de régionaliser entièrement la politique en matière d'énergie nucléaire.
12 novembre 2007.
Freddy VAN GAEVER. Anke VAN DERMEERSCH. |