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12 NOVEMBRE 2007
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 6 mars 2007 (doc. Sénat, nº 3-2108/1 - 2006/2007).
Le 16 janvier 2007, le rapport de la Fondation Roi Baudouin relatif à la politique belge en matière de traite des êtres humains a été présenté au Sénat. Les auteurs de cette étude dirigée par le professeur G. Vermeulen ont interviewé les divers acteurs de terrain et analysé les principaux documents politiques à la lumière des recherches scientifiques existantes et de la littérature spécialisée.
La nouvelle loi du 10 août 2005 relative à la traite des êtres humains ayant déjà été reprise dans le champ de l'étude, les principales constatations de cette dernière sont bien sûr particulièrement intéressantes pour cette assemblée législative.
Wouter BEKE. Els SCHELFHOUT. Nahima LANJRI. Dirk CLAES. Sabine de BETHUNE. |
Le Sénat,
A. Considérant que la décision-cadre de l'UE relative à la lutte contre la traite des êtres humains prône une définition de la traite des êtres humains qui soit commune à tous les États membres et qu'il a fallu des années de concertation avant d'arriver à une définition à laquelle chacun puisse souscrire.
B. Considérant que la présente résolution est basée sur l'Action commune du 24 février 1997 contre la traite d'êtres humains et l'exploitation sexuelle des enfants, laquelle a été adoptée à l'initiative de la Belgique.
C. Considérant que la loi du 10 août 2005 visait à aligner la législation belge relative à la traite des êtres humains sur les normes internationales en vigueur.
D. Constatant que dans la définition européenne, comme dans toutes les définitions internationales, la contrainte et l'absence de liberté sont des caractéristiques essentielles de la traite des êtres humains et, partant, des éléments constitutifs de l'infraction de traite des êtres humains.
E. Constatant que, par dérogation à ces définitions largement répandues et universellement admises, la loi du 10 août 2005 ne subordonne pas la naissance de l'infraction de traite des êtres humains à la présence d'un élément de contrainte ou d'absence de liberté.
F. Constatant qu'en conséquence, nombre de pratiques certes illicites, mais ne méritant pas la qualification de traite des êtres humains, tombent sous le coup de cette incrimination.
G. Constatant qu'il en résulte que l'incrimination de traite des êtres humains est détournée de son objectif initial, c'est-à-dire la protection de la dignité humaine, et qu'un nombre plus élevé de personnes vont tenter de bénéficier du statut spécial de victime, le vidant ainsi à terme de son sens.
H. Constatant que dès lors que le critère de contrainte n'a pas été retenu comme élément constitutif de l'infraction et que le ministère public ne doit donc plus prouver la contrainte, même les vraies victimes seront de moins en moins en position de faire des « déclarations utiles à l'enquête » et donc aussi de réclamer la protection liée au statut spécial de victime.
I. Constatant que cette définition rend plus floue en pratique la distinction juridique entre la traite des êtres humains et le trafic des êtres humains et que ce sont par conséquent surtout les cas de trafic d'êtres humains qui feront l'objet de poursuites parce qu'ils sont plus faciles à prouver et que le degré de la peine est identique. De cette manière, les vraies victimes de la traite des êtres humains seront de plus en plus oubliées, ce qui réduit d'autant leurs possibilités d'avoir recours au statut spécial de victime.
J. Constatant que l'article 11, § 1er, 1º de la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite et du trafic des êtres humains, définit la traite des êtres humains comme étant les infractions visées aux articles 379, 380, 433quinquies à 433octies du Code pénal, alors que l'article 433quinquies du Code pénal renvoie à son tour à l'article 379 ainsi qu'à des éléments de l'article 380, de sorte que l'on obtient des incriminations du genre « traite des êtres humains à des fins de traite des êtres humains », ce qui ne fait qu'ajouter à la confusion entourant la question de savoir quels délits doivent être considérés comme relevant de la traite des êtres humains.
Demande au gouvernement:
1. D'adopter, pour notre pays également, une définition de la traite des êtres humains qui soit fondée sur les éléments considérés au niveau international comme les éléments constitutifs essentiels de ce type d'infraction.
2. D'exprimer ainsi clairement dans la législation la différence entre la traite et le trafic d'êtres humains.
3. De lever toute ambiguïté quant à la double incrimination, en procédant à une coordination des dispositions concernées.
4. De faire rapport au Sénat sur la façon dont il a été donné suite à la présente recommandation ainsi qu'à l'autre recommandation, contenues toutes deux dans le rapport, ou sur la raison pour laquelle il n'estime pas utile d'y donner suite.
3 août 2007.
Wouter BEKE. Els SCHELFHOUT. Nahima LANJRI. Dirk CLAES. Sabine de BETHUNE. |