4-254/1

4-254/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

11 OCTOBRE 2007


Proposition de loi instaurant une taxe sur l'aviation civile et modifiant la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires

(Déposée par Mme Isabelle Durant et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 27 avril 2006 (doc. Sénat, nº 3-1702/1 — 2005/2006).

Alors que la mondialisation permet la création de nouvelles richesses dans des proportions sans précédent, le creusement des inégalités entre les populations des pays développés et de certains pays en développement est de plus en plus inacceptable.

Une réaction volontariste de l'ensemble de la communauté internationale est donc indispensable, afin d'offrir aux populations les plus fragiles une véritable alternative à la résignation et au désespoir.

C'est pourquoi, le 14 septembre 2005, septante-neuf pays réunis à New York, à l'occasion du Sommet des Nations unies sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, ont souscrit à une déclaration sur les sources innovantes de financement, co-parrainée par un groupe de six pays (Algérie, Allemagne, Brésil, Chili, Espagne et France).

Soulignant l'utilité de ces nouveaux mécanismes, cette déclaration propose de réfléchir ensemble à la mise en œuvre de contributions internationales de solidarité, notamment une contribution prélevée sur les billets d'avion, destinées à mobiliser des ressources significatives au service des grandes causes du développement. En effet, le transport aérien de passagers est un des principaux moteurs de la mondialisation et connaît une activité en croissance rapide. En outre, les passagers des compagnies aériennes appartiennent rarement aux catégories les plus pauvres de la population.

Les pays en développement attendent beaucoup de cette initiative: sur quarante-sept pays africains, vingt-sept ont soutenu la déclaration du 14 septembre 2005, et cinq autres lui ont réservé un accueil de principe favorable.

La Commission européenne a souligné dans son document de travail du 1er septembre 2005 tous les avantages de ce mécanisme, et notamment la simplicité de sa mise en œuvre.

Juridiquement, la mise en place de cette contribution ne pose pas de problème. En effet, le transport aérien international est encadré par la Convention de Chicago et par des accords et traités bilatéraux et aucun d'entre eux interdit la création d'une contribution forfaitaire sur les billets d'avion. Ces contributions sont également autorisées par les règles européennes et les accords de l'OMC tant qu'elles ne sont pas appliquées de manière discriminatoire.

Suivant l'exemple et conformément à ces engagements, la France décida d'instaurer dès 2006 une contribution de solidarité sur les billets d'avion. Une partie des recettes de cette contribution de solidarité devrait être affectée à la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et la malaria, et devrait plus particulièrement favoriser l'accès aux traitements. La Belgique s'étant, elle aussi, engagée, en participant à la déclaration sur les sources innovantes de financement, il est important que cet engagement ne se limite pas à la proclamation de bonnes intentions.

La présente proposition vise donc à mettre en place un système similaire au système français de taxe sur les billets d'avions. À l'issue de la Conférence ministérielle réunie à Paris, du 28 février au 1er mars 2006, la France annonce que douze pays sont prêts à participer à cet ambitieux projet de fiscalité trans-étatique. La Belgique pourrait, via cette proposition, les rejoindre.

La totalité des recettes de cette taxe est versée à la direction générale en charge de la Coopération au développement et devra être affectée à la coopération au développement et, plus précisément, à l'amélioration des soins de santé dans les pays en développement.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Il est créé un fonds dont l'objet est de contribuer au financement des pays en développement et de tendre à réaliser les « Objectifs du Millénaire pour le développement », notamment dans le domaine de la santé.

Articles 3 à 8

Ces dispositions sont inspirées de la législation française.

Article 9

Un nouveau fonds budgétaire dénommé « Fonds de solidarité pour le développement » est créé dans la rubrique Affaires étrangères, commerce extérieur et coopération au développement. Ce fonds sera alimenté par les recettes issues de la taxe sur les billets d'avions, instaurée par le chapitre II de la présente loi. Ces recettes devront contribuer au financement des pays en développement, pour la réalisation des « Objectifs du Millénaire pour le développement », notamment dans le domaine de la santé.

Isabelle DURANT
Vera DUA
Josy DUBIÉ
Freya PIRYNS.

PROPOSITION DE LOI


CHAPITRE PREMIER

Disposition générale

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

CHAPITRE II

Instauration d'une taxe sur l'aviation civile

Art. 2

§ 1er. Une taxe de l'aviation civile est due par les entreprises de transport aérien public au profit du fonds budgétaire visé à l'article 9 de la présente loi.

La taxe est assise sur le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués en Belgique, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le transporteur, à l'exception:

a) des membres du personnel dont la présence à bord est directement liée au vol considéré, notamment les membres de l'équipage assurant le vol, les agents de sûreté ou de police, les accompagnateurs de fret;

b) des enfants de moins de deux ans;

c) des passagers en transit direct, du fret ou du courrier effectuant un arrêt momentané sur l'aéroport et repartant par le même aéronef avec un numéro de vol au départ identique au numéro de vol de l'aéronef à bord duquel ils sont arrivés;

d) des passagers, du fret et du courrier reprenant leur vol après un atterrissage forcé en raison d'incidents techniques, de conditions atmosphériques défavorables ou de tout autre cas de force majeure.

La taxe est exigible pour chaque vol commercial.

§ 2. Pour la perception de la taxe, ne sont pas considérés comme des vols commerciaux de transport aérien public:

a) les évacuations sanitaires d'urgence;

b) les vols locaux au sens du point 2º) de l'article 1er du règlement (CEE) nº 2407/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens.

Art. 3

Le tarif de la taxe est le suivant:

— pour les passagers embarqués en classe économique à destination de la Belgique, d'un autre État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen: 1 euro par passager en classe économique et 4 euros par passager en classe affaires ou équivalente;

— pour les passagers embarqués vers d'autres destinations: 10 euros par passager en classe économique et 40 euros par passager en classe affaire ou équivalente.

Art. 4

§ 1er. Les entreprises de transport aérien déclarent chaque mois, sur un imprimé fourni par l'administration de l'aviation civile, le nombre de passagers et la masse de fret et de courrier embarqués le mois précédent pour les vols effectués au départ de la Belgique.

Cette déclaration, accompagnée du paiement de la taxe due, est adressée à la direction générale Coopération au développement.

La déclaration est contrôlée par les services de la direction générale de l'Aviation civile. À cette fin, les agents assermentés peuvent examiner sur place les documents utiles.

Préalablement, un avis de passage est adressé à l'entreprise afin qu'elle puisse se faire assister d'un conseil.

Les insuffisances constatées et les sanctions y afférentes sont notifiées à l'entreprise qui dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations.

Après examen des observations éventuelles, le directeur de l'administration de l'Aviation civile émet, s'il y a lieu, un titre exécutoire comprenant les droits supplémentaires maintenus, assortis de l'intérêt de retard prévu à l'article 5, § 1er, et, le cas échéant, des majorations prévues par l'article 5, § 3.

§ 2. À défaut de déclaration dans les délais, il est procédé à la taxation d'office sur la base des capacités d'emport offertes par les types d'aéronefs utilisés pour l'ensemble des vols du mois, au départ de chaque aérodrome et exprimées comme suit:

a) nombre total de sièges offerts pour les avions passagers;

b) nombre total de sièges offerts au titre du trafic passagers et charge maximale offerte pour le trafic de fret et de courrier pour les avions emportant à la fois des passagers, du fret ou du courrier;

c) charge marchande totale pour les avions cargos.

L'entreprise peut toutefois, dans les trente jours de la notification du titre exécutoire, déposer une déclaration qui se substitue à ce titre, s'agissant des droits, sous réserve d'un contrôle ultérieur dans les conditions prévues au § 1er.

Les droits sont assortis de l'intérêt de retard prévu par l'article 5, § 1er, et de la majoration prévue par l'article 5, § 2, de la présente loi.

§ 3. Le droit de rectification de la taxe se prescrit après trois ans.

Cette prescription est suspendue et interrompue dans les conditions de droit commun et notamment par le dépôt d'une déclaration dans les conditions visées au § 2.

Art. 5

§ 1. Le taux de l'intérêt de retard prévu à l'article 4 de la présente loi est de 0,40 % par mois.

Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé.

L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement.

Lorsqu'il est fait application du § 2 ou § 3, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou du mois au cours duquel la déclaration ou l'acte a été déposé.

§ 2. Le défaut de production, dans les délais prescrits, de la déclaration visée à l'article 4 de la présente loi, entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de:

1º 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai;

2º 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai.

§ 3. Les inexactitudes ou les omissions relevées dans la déclaration visée à l'article 4 de la présente loi entraînent l'application d'une majoration de:

1º 40 % en cas de manquement délibéré;

2º 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation.

Art. 6

Sous réserve des dispositions qui précèdent, le Roi détermine le fonctionnaire chargé du recouvrement de la taxe.

Le contentieux est suivi par la direction générale de l'Aviation civile.

Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme en matière d'impôt sur le revenu.

Art. 7

Le produit intégral de la taxe est versé mensuellement au fonds créé en vertu l'article 9 de la présente loi.

Art. 8

Les dispositions de l'article 3 font l'objet d'une évaluation par le ministre en charge de la Coopération au développement, à l'issue d'une période de vingt-quatre mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Les montants prévus à l'article 3 de la présente loi peuvent être révisés annuellement par le Roi afin de tenir compte de l'inflation.

CHAPITRE III

Création d'un fonds budgétaire

Art. 9

Au tableau annexé à la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires 1, la rubrique 14 — Affaires étrangère, commerce extérieur et coopération au développement, est complétée comme suit:

1º la première colonne, « Dénomination du fonds budgétaire organique », est complétée par la rubrique:

« 14-3 Fonds de solidarité pour le développement »

2º la deuxième colonne, « Nature des recettes affectées », est complétée par la rubrique 14-3, rédigée comme suit:

« Recettes provenant de la taxe instaurée par le chapitre II de la loi du (...) »

3º la troisième colonne, « Nature des dépenses autorisées », est complétée par la rubrique 14-3, rédigée comme suit:

« Dépenses contribuant au financement des pays en développement et tendant à réaliser les « Objectifs du Millénaire pour le développement » notamment dans le domaine de la santé. »

Ce fonds constitue un fonds budgétaire au sens de l'article 45 des lois sur la comptabilité de l'État, coordonnées le 17 juillet 1991.

12 juillet 2007.

Isabelle DURANT
Vera DUA
Josy DUBIÉ
Freya PIRYNS.