4-220/1

4-220/1

Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

1er OCTOBRE 2007


Proposition de loi visant à instaurer une contribution de solidarité sur les billets d'avion et à créer un fonds de développement en vue de financer les investissements en matière de soins de santé dans le tiers-monde

(Déposée par Mme Sabine de Bethune et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 17 mai 2007 (doc. Sénat, nº 3-1721/1 - 2005/2007).

1. Comment l'idée s'est développée

Le principe de recourir à des moyens innovants pour financer la coopération au développement est déjà admis depuis longtemps dans les forums internationaux et est soutenu par une grande partie de la communauté internationale. La taxe Tobin en est un exemple connu, même si elle paraît difficilement réalisable à brève échéance.

Le 14 septembre 2005, 79 pays ont signé une déclaration sur les sources innovantes de financement du développement, lancée en marge du sommet mondial des Nations unies sur les objectifs du millénaire, qui s'est déroulé du 14 au 16 septembre 2005. Cette déclaration trouve son origine dans le sommet qui s'est tenu à New York le 20 septembre 2004 à l'initiative du président brésilien, M. Lula da Silva et au cours duquel on a pris des décisions concernant la manière de poursuivre l'action contre la faim et la pauvreté et d'augmenter les financements en faveur du développement.

Le groupe qui a pris l'initiative de cette déclaration se composait du Brésil, de la France, de l'Algérie, de l'Allemagne, de l'Espagne et du Chili. D'autres pays européens comme le Royaume-Uni, l'Estonie, l'Autriche, la Suède et le Luxembourg, entre autres, ont également signé la déclaration du 14 septembre 2005. Une des pistes retenues est celle de la perception d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion.

L'UE en tant que telle n'a pas déposé de proposition de taxe de solidarité au cours du sommet mondial, même pas d'une taxe qui prendrait la forme d'une taxe volontaire d'un ou de deux euros sur les billets d'avion.

En mai 2005, les ministres des Finances avaient pourtant demandé que pareille proposition soit élaborée, mais une majorité des commissaires s'étaient opposés au document proposé, alors que d'autres étaient favorables à une mesure fiscale (1) .

Depuis, les esprits n'ont toutefois pas cessé de mûrir. Dans un document de travail du 1er septembre 2005, la Commission a mis l'accent sur les avantages que présente le système du prélèvement d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion et a souligné qu'il était assez facile de l'instaurer et de la prélever (2) . Ce document ne traduit toutefois pas une prise de position de la Commission, mais constitue plutôt un fil directeur pour les pays individuels qui envisageraient d'instaurer pareille contribution. Il est cependant clairement indiqué dans le document qu'il serait préférable de coordonner une éventuelle action au niveau européen, mais qu'un consensus fait défaut (3) .

2. Premières applications

— En France, la loi nº 2005-1720 du 30 décembre 2005 (4) a instauré, à partir du 1er juillet 2006, une majoration sur la taxe d'aéroport due lors de tout achat d'un billet d'avion. Elle représente un montant compris entre 1 et 4 euros pour les vols dits « economy », et entre 10 et 40 euros pour les vols en « business-class », à préciser par décret ministériel. En même temps, les taxes seront moins élevées pour les vols nationaux et européens, et plus élevées pour les vols extraeuropéens. Les vols en correspondance ne sont pas assujettis à la taxe.

Les recettes annuelles sont estimées à 200 millions d'euros. Les fonds en question seront gérés par l'Agence française de développement et seront utilisés en partie pour lutter contre les pandémies qui sévissent dans le tiers monde, par exemple celle provoquée par le virus du sida.

— Le Royaume-Uni affectera une partie de la contribution qu'il prélève déjà sur les billets d'avion aux programmes de développement en matière de santé, notamment à l'achat de médicaments destinés à lutter contre le sida.

— À l'occasion d'une conférence qui s'est tenue pendant deux jours à Paris, les 28 février et 1er mars 2006, et qui a réuni les délégués d'une centaine de pays, douze pays ont déjà consenti à prélever une contribution sur les billets d'avion. Les recettes iront à la lutte contre le sida, la malaria et la tuberculose. Au Chili, la contribution est déjà applicable. En plus de la France, du Chili, du Royaume-Uni et du Brésil, huit autres pays ont également pris un engagement: il s'agit de Chypre, du Congo-Brazzaville, de la Côte d'Ivoire, de la Jordanie, du Luxembourg, de Madagascar, de l'île Maurice et du Nicaragua.

3. Un moyen simple, économiquement neutre et proportionnel de récolter des fonds

a) Simplicité

Le prélèvement d'une contribution, correspondant à un montant fixe, sur les billets d'avion est un moyen simple et bon marché d'alimenter un fonds d'aide au tiers-monde. Il suffit, d'une part, de prélever une contribution sur l'achat de billets d'avion par le biais d'une modification du Code des droits et taxes divers, et, d'autre part, de veiller à ce que cette contribution soit versée sur un fonds budgétaire à créer, intitulé « Fonds de contribution pour la solidarité en matière de coopération au développement », par le biais d'un ajout à la loi sur les fonds budgétaires. Comme la contribution est prélevée automatiquement au moment de la vente, il suffit que les compagnies aériennes versent chaque mois au fonds le montant total prélevé. Une telle opération ne coûte pas cher.

b) Neutralité économique

La mesure en question n'aura pas ou pas beaucoup d'impact négatif sur le transport aérien de passagers. Il ne faut pas oublier que le transport aérien est un des principaux secteurs à récolter les fruits de la mondialisation. Après avoir subi un très net ralentissement d'activité qui fut heureusement de courte durée après les attentats du 11 septembre 2001, le secteur du transport aérien connaît à nouveau une croissance annuelle d'environ 5 %.

La mesure envisagée n'aura pas non plus d'influence sur la compétitivité des compagnies, étant donné que la contribution est basée sur la territorialité et pas sur la nationalité, ni des compagnies, ni des passagers.

De plus, les aéroports belges ne doivent pas craindre que les délocalisations d'escales leur feront perdre des recettes, puisque la contribution ne sera pas prélevée en cas de vols avec correspondance.

Du reste, le secteur touristique ne subira pas non plus d'effets négatifs, puisque la contribution prévue est très limitée par rapport au coût total du billet.

c) Proportionnalité

Chaque fois qu'ils concluent un contrat, que ce soit à des fins de tourisme ou à des fins professionnelles, les passagers aériens et les compagnies aériennes profitent des aspects positifs de la mondialisation. Il n'est donc pas du tout déraisonnable de leur demander une contribution très limitée pour améliorer la situation de ceux qui ne bénéficient pas des mêmes avantages. La petite charge administrative que le prélèvement et le transfert de la contribution représentent pour les compagnies aériennes se justifie certainement au regard de la plus-value que la mondialisation du transport de passagers génère pour elles.

Il s'agit également d'un système souple qui permet de différencier l'aide en fonction des besoins des pays receveurs et qui peut être adapté en fonction de la prospérité du pays qui prélève la contribution. Le Chili, par exemple, ne prélèvera sur les vols internationaux qu'une contribution de 4 euros, qui sera affectée pour moitié à la promotion du tourisme et pour moitié à la coopération au développement.

Sabine de BETHUNE.
Wouter BEKE.
Elke TINDEMANS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Le titre II du Code des droits et taxes divers, abrogé par l'arrêté royal nº 5 du 22 août 1934 et renuméroté par la loi du 19 decembre 2006, est rétabli dans la rédaction suivante:

« Titre II. — Contribution sur l'achat de titres de transport dans le cadre du transport aérien de passagers

Art. 151. — L'achat de tout titre de transport dans le cadre du transport aérien de passagers est soumis à une contribution au profit du Fonds de contribution pour la solidarité en matière de coopération au développement, visé au tableau annexé à la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires.

Le Roi détermine le montant de la contribution, qui ne peut être inférieur à 1 euro, ni supérieur à 4 euros par titre de transport, à moins que celui-ci ne donne droit à des services et biens, sans supplément de prix à bord, auxquels l'ensemble des passagers ne peut accéder. Dans ce dernier cas, le Roi fixe la contribution à un montant variant entre 10 et 40 euros par titre de transport.

La contribution prélevée sur les vols dont la destination est située en dehors de l'Espace économique européen (UE + Islande, Lichtenstein et Norvège) s'élève au double de la contribution prélevée sur les vols intérieurs ou sur les vols vers une destination située dans l'EEE, sans toutefois qu'elle puisse dépasser les limites fixées à l'alinéa précédent.

La contribution n'est pas prélevée sur l'achat de titres de transport pour des vols de transfert. Sont considérés comme vols de transfert, les vols qui répondent aux critères suivants:

a) l'arrivée a eu lieu par voie aérienne sur l'aéroport où se fera la correspondance ou sur un aéroport faisant partie du même système aéroportuaire au sens du règlement (CEE) nº 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires;

b) le délai maximum entre les heures programmées respectives de l'arrivée et du départ n'excède pas vingt-quatre heures;

c) l'aéroport de destination finale est distinct de celui de provenance initiale et ne fait pas partie du même système aéroportuaire.

La contribution doit être versée au vendeur au moment du paiement du titre de transport.

Les contributions prélevées sont versées tous les mois au Fonds de contribution pour la solidarité en matière de coopération au développement, selon les modalités fixées par le Roi. »

Art. 3

Dans le tableau annexé à la loi organique du 27 décembre 1990 créant des fonds budgétaires, modifié en dernier lieu par la loi du 27 décembre 2005, il est inséré, sous le numéro 32-13, un nouveau fonds budgétaire organique, libellé comme suit:

« Dénomination du fonds budgétaire organique

32-13 Fonds de contribution à la coopération au développement.

Nature des recettes affectées

Contribution sur l'achat de titres de transport dans le cadre du transport aérien de passagers.

(Art. 151 du Code des taxes assimilées au timbre).

Nature des dépenses autorisées

Dépenses fédérales supplémentaires consacrées à l'aide à la coopération au développement, en particulier en matière de santé. »

Art. 4

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2008.

12 juillet 2007.

Sabine de BETHUNE.
Wouter BEKE.
Elke TINDEMANS.

(1) Voir De Standaard, 1er juin 2005.

(2) A possible contribution based on airline tickets as a new source of financing development: technical reflections in the run up to the UN High Level Event, SEC, 2005, 1067.

(3) Id., p. 9-10.

(4) Journal Officiel, 31 décembre 2005.