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19 SEPTEMBRE 2007
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 28 avril 2005 (doc. Sénat, nº 3-1157/1 — 2004/2005).
L'éthique politique doit reprendre ses droits. Telle est notre conviction profonde depuis de nombreuses années qui se trouve particulièrement renforcée à la lumière de l'affaire qui a secoué durant la précédente législature la présidence de notre Haute Assemblée. Aussi charitable qu'en était la motivation, l'envoi d'un courrier à un magistrat de l'ordre judiciaire visant à influer sur le cours de la justice ne peut en aucun cas être accepté de la part d'un mandataire politique. Une telle intervention apparaît totalement contraire au principe de la séparation des pouvoirs, principe fondateur de notre État de droit. On ne peut à la fois prêter le serment de respecter la Constitution et en bafouer impunément les principes.
Cela fait plus de 25 ans qu'ÉCOLO fait de l'éthique politique un de ses principaux chevaux de bataille. Cette affaire et la réaction indulgente de plusieurs responsables politiques rappellent tristement qu'en cette matière, beaucoup reste encore à faire. Les déclarations atterrantes de certains mandataires locaux selon lesquels « Si on ne peut plus rien faire, élisez des majorettes » ou que « le foin que l'on fait autour de cette affaire fait penser au stupide arrêt spaghetti » démontrent à suffisance combien certaines rénovations ne sont que de façade.
Plus largement, ÉCOLO estime qu'il faut mettre fin au paradoxe selon lequel l'interventionnisme politique sur le pouvoir judiciaire n'est pas sanctionné par la législation belge. La démocratie doit se prémunir efficacement contre toute pression d'un des trois pouvoirs sur l'autre, sous peine de verser dans des pratiques dignes des régimes totalitaires. Ce vide de notre législation est d'autant plus paradoxal que le Code pénal, adopté par des parlementaires, ne se prive pas de stigmatiser les immixtions du pouvoir judiciaire dans l'exercice du pouvoir législatif (article 237). L'inverse n'est en revanche pas prohibé.
En conséquence de quoi, s'inspirant notamment du « Contempt of Court » britannique, ainsi que des traités internationaux pourtant ratifiés par la Belgique, les auteurs de la présente proposition de loi entendent ériger en infraction pénale les empiètements des autorités politiques sur l'exercice du pouvoir judiciaire.
Par parallélisme avec le texte existant de l'article 237 du Code pénal, il est proposé d'insérer un nouvel article 238bis interdisant à tout mandataire élu, quelle que soit l'assemblée délibérative dont il est membre, d'empiéter sur le pouvoir judiciaire, que ce soit en intervenant sur le cours d'une affaire mise à l'instruction ou renvoyée devant les cours et tribunaux, que ce soit en tentant d'influer sur le jugement d'une affaire mise en délibéré, ou que ce soit en s'opposant d'une manière quelconque à l'exécution d'une décision coulée en force de chose jugée.
De même, l'article 239 existant est modifié afin, d'une part, d'étendre l'interdiction de ce type de comportement aux autorités administratives (telles que les bourgmestres ou les gouverneurs de province) et, d'autre part, d'inclure dans ces autorités administratives les ministres et secrétaires d'État des gouvernements fédéral, régionaux et communautaires, ainsi que les membres belges de la Commission européenne. Le libellé de ces modifications n'interdit cependant pas le droit d'injonction positive des autorités gouvernementales sur le ministère public et les officiers de police judiciaire. Le contenu de cette disposition est pour le reste inchangé.
Cet article 239 modifié ne vise toutefois pas les autorités administratives que les assemblées élues désignent en leur sein (comme les échevins ou les députés permanents). La présente proposition de loi leur est néanmoins applicable par le biais de l'article 238bis qu'il est proposé d'insérer comme indiqué plus haut, du fait de leur qualité de membres de ces assemblées délibératives.
À l'instar des magistrats qui se rendraient coupables d'empiètement sur le pouvoir législatif, les sanctions prévues en cas d'immixtion dans l'exercice du pouvoir judiciaire sont la peine d'emprisonnement d'un mois à deux ans et l'amende de 50 à 500 euros. Les auteurs d'une telle infraction pénale pourront en outre se voir interdire, pendant une période de 5 à 10 ans, le droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics (comme le mayorat d'une commune), le droit d'éligibilité (pour quelque élection que ce soit) et le droit de porter une décoration ou un titre de noblesse (article 31, 1º à 3º, du Code pénal).
Même si la présente proposition de loi ne suffit certainement pas à couvrir l'ensemble des domaines dans lesquels davantage d'éthique politique doit être insufflée, ses auteurs sont néanmoins convaincus qu'elle peut y contribuer grandement.
Isabelle DURANT Marcel CHERON José DARAS Josy DUBIÉ Carine RUSSO. |
Article premier
La présente loi règle une manière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans le livre II, titre IV, du Code pénal, l'intitulé du chapitre II est remplacé par l'intitulé suivant:
« De l'empiètement des autorités législatives, administratives ou judiciaires »
Art. 3
Un article 238bis, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code:
« Art. 238bis. — Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de cinquante euros à cinq cents euros, les membres et membres suppléants de la Chambre des représentants, du Sénat, des parlements régionaux et de Communauté, des conseils provinciaux, des conseils communaux, des conseils de district et des conseils de l'aide sociale, ainsi que les membres et membres suppléants du Parlement européen élus en Belgique, qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir judiciaire, soit en intervenant sur le cours d'une affaire mise à l'instruction ou renvoyée devant les cours et tribunaux, soit en tentant d'influer sur le jugement d'une affaire mise en délibéré, soit en s'opposant d'une manière quelconque à l'exécution d'une décision coulée en force de chose jugée.
Ils pourront, de plus, être condamnés à l'interdiction, pendant cinq ans à dix ans, des droits mentionnés aux trois premiers numéros de l'article 31. ».
Art. 4
L'article 239 du même Code, modifié par la loi du 20 juin 2000, est remplacé par la disposition suivante:
« Art. 239. — Seront punis d'un emprisonnement d'un mois à deux ans, d'une amende de cinquante euros à cinq cents euros, et pourront être condamnés à l'interdiction, pendant cinq ans à dix ans, des droits mentionnés aux trois premiers numéros de l'article 31:
1º les gouverneurs, commissaires d'arrondissement, bourgmestres et membres des corps administratifs qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif, comme il est prévu à l'article 237, alinéa 2;
2º les ministres, secrétaires d'État, membres des gouvernements régionaux ou de Communauté, secrétaires d'État régionaux, membres belges de la Commission européenne, gouverneurs, commissaires d'arrondissement, bourgmestres et membres des corps administratifs qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir judiciaire, comme il est prévu l'article 238bis ou qui se seront ingérés de prendre des arrêtés tendant à intimer des ordres ou défenses quelconques à des cours ou tribunaux. ».
Art. 5
La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge.
12 juillet 2007.
Isabelle DURANT Marcel CHERON José DARAS Josy DUBIÉ Carine RUSSO. |