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10 AOÛT 2007
La présente proposition de loi reprend le texte du DOC 51-0611/001.
Il y a quelques années, des événements graves démontrant l'emprise des sectes sur les personnes avaient amené le Parlement à créer une commission d'enquête. Après un travail fouillé, celle-ci avait présenté ses conclusions dans un volumineux rapport rédigés par les députés Duquesne et Willems. Ce rapport préconisait plusieurs mesures, tant au plan fédéral qu'au niveau communautaire.
Au plan fédéral, il était proposé de compléter notre arsenal juridique par une disposition générale visant à protéger l'exercice par les citoyens de leurs droits constitutionnels fondamentaux. Une proposition de loi a été déposée par Monsieur Antoine Duquesne à la Chambre des représentants (1) . Elle est depuis restée lettre morte. Sa pertinence mérite que cette proposition soit redéposée car les justifications données par l'auteur sont toujours d'actualité.
On reprend ci-après les développements de la proposition de 1997.
« Tout individu est libre de disposer de sa personne comme il l'entend. Sa vie et sa dignité d'être humain s'imposent par contre au respect de tous ceux avec qui il entre en relation.
Les libertés fondamentales garanties par la Constitution sont intangibles et doivent être intégralement respectées. Aussi, l'abus qui en est fait par certaines personnes ou associations doit-il être vigoureusement combattu.
Etabli sur base d'une enquête importante, objective et menée sans a priori, le rapport de la Commission d'enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge, montre que certains mouvements sectaires transgressent ces principes essentiels et traitent leurs adeptes d'une façon inhumaine ou dégradante en les soumettant à un régime les empêchant de mener une vie conforme à la dignité humaine.
Ainsi, par les mécanismes qu'elles développent, ces sectes bafouent quotidiennement les droits de l'Homme, des atteintes physiques (mauvais traitements, coups et blessures, séquestration, agression sexuelle, non assistance à personne en danger ou pratique illégale de la médecine) aux atteintes psychiques à la personne humaine (déstabilisation mentale, manipulation, aliénation) en passant par le non-respect de la vie privée et familiale de l'individu, de son domicile et de sa correspondance ou le refus de prendre en considération les principes selon lesquels nul ne peut être tenu en esclavage ou en servitude, ainsi que le droit de toute personne à la liberté et à la sûreté ou, plus fondamentalement encore, à la vie. Elles malmènent également les libertés fondamentales de l'individu et notamment les libertés de pensée, de conscience, d'expression, d'opinion ou celle de recevoir et communiquer des informations ou des idées.
Si notre arsenal législatif permet de sanctionner les délits en matière de famille — l'abandon, la nonprésentation, le rapt d'enfants — ainsi que l'abus de confiance, l'exercice illégal de l'art de guérir, l'association de malfaiteurs, la calomnie, les coups et blessures, volontaires ou non, le recel, les faux et usages de faux, l'attentat à la pudeur, le viol, la prostitution, l'outrage public aux bonnes moeurs, la non-assistance à personne en danger, les délits en matière de stupéfiants ou le non-respect de la législation sociale, il s'avère encore insuffisant.
La présente proposition vise à l'enrichir par l'introduction, dans le Code pénal, d'une disposition visant à protéger la liberté de décision et d'action de chacun à l'encontre de l'individu ou de l'association qui, par des moyens de pression, veut au contraire lui opposer des actes ou des omissions ainsi qu'à réprimer les faits de violence ou les manoeuvres de contrainte psychologique portant atteinte aux droits fondamentaux visés au titre II de notre Constitution coordonnée et à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
La nouvelle infraction portera également sur les droits civils et politiques et permettra, le cas échéant, de poursuivre les faits commis par une association de malfaiteurs. Une condamnation pénale sur base du nouvel article proposé serait, dès lors, constitutive d'un dol pouvant entraîner la nullité des actes posés dans les circonstances précitées.
Reposant sur des notions ayant un sens précis en droit, ce texte formulé de façon générale a pour mérite de ne pas viser spécifiquement les sectes. Il ne prévoit de répression que lorsque les comportements réputés nuisibles mettent en cause l'exercice des libertés fondamentales garanties par la Constitution.
La liberté est trop belle pour la laisser pervertir par ceux qui s'en servent comme paravent pour dissimuler leur turpitude et pour se livrer à une nouvelle exploitation de l'Homme quand ce n'est pas pour s'attaquer aux fondements même de notre société démocratique. Il nous revient de la protéger. ».
En ces temps où les repères se perdent et les valeurs sont remises en question, les sectes risquent de trouver un terrain propice pour leurs actions qui mettent en danger l'autonomie et la liberté individuelles.
Philippe MONFILS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution
Art. 2
Dans le livre II, titre II, du Code pénal, sous un chapitre IIbis (nouveau), intitulé « des atteintes portées aux droits garantis par la Constitution et par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », il est inséré un article 146bis, rédigé comme suit:
« Art. 146bis. — Nonobstant l'application des articles 322 à 326, sera puni d'un emprisonnement de deux ans à cinq ans et d'une amende de cent euros à deux mille euros ou d'une de ces deux peines seulement, ainsi qu'à l'interdiction pour un terme de cinq ans à dix ans des droits visés à l'article 31, quiconque aura, en tant qu'auteur, coauteur ou complice, par voie de fait, violence, menaces ou manœuvres de contrainte psychologique contre un individu, soit en lui faisant craindre d'exposer à un dommage, sa personne, sa famille, ses biens ou son emploi, soit en abusant de sa crédulité pour le persuader de l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir imaginaire ou de la survenance d'événements chimériques, porté atteinte aux droits fondamentaux visés au titre II de la Constitution et à ceux garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ».
12 juillet 2007.
Philippe MONFILS. |
(1) Proposition de loi insérant un article 146bis dans le Code pénal, visant à protéger l'exercice des droits garantis par la Constitution et par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Chambre des représentants, DOC 49 1191/001.