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12 JUILLET 2007
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 7 février 2006 (doc. Sénat, nº 3-1561/1 — 2005/2006).
Même si le nombre de propriétaires est proportionnellement élevé en Belgique, les personnes qui louent l'immeuble leur servant de logement principal sont encore nombreuses. Le législateur a voulu protéger ces locataires, notamment au travers de la loi du 20 février 1991, qui forme le livre III, titre VIII, chapitre V, section 2, du Code civil. La présente proposition de loi vise à compléter cette protection en ce qui concerne l'assurance de la responsabilité de ces locataires.
En vertu des articles 1732 et 1733 du Code civil, le locataire est responsable vis-à-vis du bailleur des dégradations, des pertes et de l'incendie concernant le bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces événements ont eu lieu sans sa faute. De son côté, le preneur doit, aux termes de l'article 2 de la loi du 20 février 1991 précitée, mettre à la disposition du locataire un bien répondant « aux exigences élémentaires de sécurité, de salubrité et d'habitabilité » et ce, pour la durée convenue du bail.
Chacune des parties a intérêt à faire couvrir par une assurance les conséquences financières d'un sinistre tel qu'un incendie ou un dégât des eaux. Le locataire fera assurer sa responsabilité par un contrat dit « RC locative », tandis que le bailleur souscrira une assurance de choses.
Ces deux assurances ne font, en principe, pas double emploi. Dans le cas d'un sinistre, par exemple un incendie, les choses se passent concrètement de la manière suivante: dans un premier temps, l'assureur du bailleur indemnise celui-ci des dommages subis. Cette assurance est en effet la plus facile à mettre en œuvre, car il suffit de prouver le sinistre et ses conséquences. Dans un second temps, si le locataire ne parvient pas à prouver que le sinistre n'est pas dû à sa faute, l'assureur du bailleur exerce un recours contre ce locataire et son assureur éventuel. La mise en œuvre de cette assurance est généralement plus longue, puisqu'il faut prouver les trois éléments classiques, à savoir, la faute, le dommage et le lien de causalité.
Compte tenu des présomptions des articles 1732 et 1733 du Code civil, l'assurance de la responsabilité du locataire revêt, pour ce dernier, une importance fondamentale. Mais cette assurance est aussi importante pour le bailleur. D'une part, elle lui permet d'être indemnisé dans le cas — assez rare il est vrai — où il ne serait pas assuré. D'autre part, les probabilités de recours de son assureur ont un effet positif sur la prime qu'il paie.
Les assurances contre l'incendie sont souvent rendues obligatoires de manière contractuelle. Ainsi, le créancier hypothécaire obligera l'emprunteur à faire assurer le bien hypothéqué. Très souvent aussi, le locataire a l'obligation de faire couvrir sa responsabilité par une clause du contrat de bail. Malheureusement, le bailleur vérifie très peu souvent si cette obligation est remplie une fois le contrat de bail signé. Si une telle vérification pouvait suffire à une époque, pas encore très lointaine, où la durée normale des contrats d'assurance était de dix ans et celle des baux, de neuf ans, cela est devenu tout à fait insuffisant dès le moment où les contrats d'assurance sont devenus résiliables annuellement.
Nous ne proposons pas de rendre l'assurance du locataire ni celle du bailleur obligatoires par voie légale. En réalité, une telle obligation poserait des problèmes techniques difficilement surmontables.
Dans la plupart des assurances obligatoires, le preneur (i.e. la personne soumise à l'obligation et qui paie les primes) n'est pas le bénéficiaire de l'indemnité que l'obligation d'assurance a précisément pour objectif de protéger. Tel est le cas des assurances de responsabilité telle que la RC automobile. Ce n'est pas le cas de l'assurance que prend un propriétaire pour couvrir son propre immeuble contre l'incendie. Si l'on veut en quelque sorte protéger le propriétaire contre lui-même, on n'aperçoit pas quel pourrait en être l'incitant autre que le fait que le propriétaire n'est pas indemnisé en cas de sinistre. Il n'y aurait donc aucune sanction efficace à la non-assurance. Par contre, la détection de cette dernière serait assez malaisée et risquerait de coûter cher pour des résultats fort incertains.
L'assurance du locataire est certes une assurance de responsabilité mais, comme exposé ci-dessus et à la différence de la RC automobile, par exemple, elle vise plus à protéger le locataire lui-même que le bailleur, lequel sera dans la plupart des cas, indemnisé par son propre assureur. En outre, si une telle couverture était obligatoire, il faudrait encore organiser la détection de la non-assurance et mettre en place des mécanismes (par exemple un fonds de garantie) pour pallier le défaut d'assurance, ce qui risque aussi de coûter cher pour des résultats tout aussi incertains.
Dans la présente proposition, nous avons donné la préférence à une approche souple, qui tient compte de la pratique, qui maintient l'équilibre entre les intérêts des parties concernées et qui ne modifie pas profondément les règles de la responsabilité. Cette proposition s'inspire des clauses dites « d'abandon de recours » qui sont de plus souvent prévues dans les assurances couvrant des immeubles à appartements. Dans ces contrats, l'assureur de l'immeuble renonce à exercer le recours décrit plus haut contre le ou les locataires éventuellement responsables du sinistre. Le locataire est donc à l'abri de ce recours même s'il n'est pas personnellement assuré, tandis que le bailleur y gagne un règlement définitif plus rapide et moins coûteux.
Article 2
Cet article propose d'insérer dans la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre un nouvel article 61bis consacré à l'assurance de la responsabilité du locataire.
Le premier alinéa détermine le champ d'application et le mécanisme de la garantie. Celle-ci ne concerne que les immeubles faisant l'objet d'un bail en vue du logement principal du locataire comme l'indique la référence au livre III, titre VIII, chapitre V, section 2 du Code civil.
Le mécanisme réside en ce que le contrat d'assurance de chose du bailleur, c'est-à-dire le contrat qui couvre les périls énoncés à l'article 61 (incendie, foudre, explosion, implosion ...) devra également couvrir la responsabilité du locataire. Celle-ci est d'abord celle découlant des articles 1732 et 1733 du Code civil, c'est-à-dire la responsabilité contractuelle du locataire vis-à-vis du bailleur. Pour être complet et par souci de simplification, on y a ajouté les responsabilités découlant des articles 544 (troubles de voisinages) et 1382 à 1386 (responsabilités quasi-délictuelles).
On permet toutefois la convention contraire, c'est-à-dire, le maintien de la situation actuelle dans laquelle le locataire couvre sa responsabilité par une assurance souscrite à son nom. Il se pourrait en effet que le locataire préfère cette solution par exemple parce que la garantie est déjà intégrée au contrat couvrant ses meubles.
Comme, dans la pratique, les clauses d'abandon de recours ne sont pas toujours gratuites et comme le mécanisme décrit permet au locataire de faire l'économie d'une assurance souscrite en son nom propre, il a paru normal de permettre au bailleur de mettre le coût de cette couverture à charge du locataire, c'est-à-dire de l'ajouter aux charges locatives.
Le deuxième alinéa détermine le contenu de la garantie « R.C locative » qui fera partie du contrat du bailleur. On fait ici référence à l'arrêté royal du 24 décembre 1992 réglementant l'assurance contre l'incendie et d'autres périls, en ce qui concerne les risques simples, lequel est pris sur la base de l'article 67, § 2, de la loi sur le contrat d'assurance terrestre. Il s'agit, outre les couvertures déjà citées ci-dessus, des garanties telles que le dégât des eaux, les risques électriques, etc ...
On donne aussi au Roi la possibilité de réglementer les conditions minimales de garantie, par exemple via une modification à l'arrêté royal précité. Le Roi peut également réglementer la convention contraire par laquelle le bailleur et le locataire conviennent que ce dernier fera lui-même couvrir sa responsabilité. L'objectif est d'éviter que cette convention ne devienne une clause de style dans les contrats de bail qui réduirait à néant la portée de la présente proposition. On pourrait, par exemple, imposer que cette convention fasse l'objet d'une clause distincte du contrat de bail et qu'elle soit accompagnée d'une mention avertissant le locataire et le bailleur de ses conséquences.
Le troisième alinéa constitue en quelque sorte la sanction du non-respect des deux alinéas précédents. On est parti de la constatation qu'un certain nombre de contrats de bail imposent au locataire de faire couvrir sa responsabilité et que ce serait normalement au bailleur de vérifier s'il est satisfait à cette obligation. L'intention est de rendre les bailleurs attentifs à ce propos.
L'alinéa vise trois cas. Dans le premier, le bailleur n'a pas fait pas assurer son bien. Dans le deuxième, le bailleur a fait assurer son bien, mais son contrat d'assurance ne comporte pas de couverture de la RC locative. Dans le troisième, le bailleur a fait assurer son bien et son contrat comporte une couverture RC locative mais le contenu de celle-ci ne répond pas aux conditions légales ou réglementaires (par exemple, elle ne comprend pas de garantie contre les dégâts des eaux).
Dans ces trois cas et à condition bien sûr que le locataire n'ait pas fait couvrir lui-même sa responsabilité, le bailleur et son assureur ne peuvent exercer de recours contre le locataire qu'en cas de dol de ce dernier.
Incidemment, cette disposition implique que, comme la couverture de la RC locative devient la règle dans les contrats d'assurance des biens donnés en location, le bailleur a tout intérêt à conserver la preuve de la convention contraire permise par le premier alinéa du présent article.
Article 3
Cet article règle l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. La loi elle-même entre en vigueur après un délai relativement court, mais suffisant pour permettre aux assureurs d'adapter leurs conditions générales et leurs tarifs.
L'article distingue ensuite, d'une part, l'application de la loi aux nouveaux contrats et, d'autre part, son application aux contrats en cours lors de son entrée en vigueur.
La loi est immédiatement applicable aux contrats souscrits après son entrée vigueur. Pour les contrats en vigueur à ce moment, la présente disposition fait référence à l'article 148 de la loi sur le contrat d'assurance terrestre. Celui-ci prévoit que les nouvelles dispositions légales s'appliquent aux contrats en cours uniquement à partir de leur modification ou de leur renouvellement, c'est-à-dire, dans le cas présent, après un délai maximum d'un an (moins un jour).
Olga ZRIHEN Sfia BOUARFA Joëlle KAPOMPOLÉ. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Il est inséré dans la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre sous l'intitulé « Assurance de la responsabilité locative » un article 61bis, rédigé comme suit:
« Art. 61bis. — Sauf convention contraire entre le bailleur et le locataire, l'assurance du bailleur qui couvre un bien immobilier visé au livre III, titre VIII, chapitre V, section 2 du Code civil, contre les périls énumérés à l'article 61, couvre également la responsabilité que le locataire de ce même bien encourt sur la base des articles 544, 1382 à 1386, 1732 et 1733 du même Code. Le bailleur peut répercuter le coût de cette couverture dans les frais mis à charge du locataire.
La garantie couvre l'immeuble donné en location contre les risques simples définis en application de l'article 67, § 2. Le Roi peut déterminer les conditions minimales de la garantie, ainsi que les conditions relatives à la convention contraire visée à l'alinéa 1er.
Si le bailleur n'a pas fait couvrir les biens donnés en location contre les périls visés à l'article 61 ou si son contrat d'assurance ne comprend pas la garantie visée à l'alinéa 1er ou si cette garantie ne répond pas aux conditions visées par ou en vertu de l'alinéa 2 et en l'absence de la convention contraire visée à l'alinéa 1er, le locataire ne répond que de son dol. ».
Art. 3
La présente loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.
Elle s'applique aux contrats en cours dans les conditions visées à l'article 148 de la loi du 25 juin 1992 précitée.
12 juillet 2007.
Olga ZRIHEN Sfia BOUARFA Joëlle KAPOMPOLÉ. |