3-1785/3

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

28 MARS 2007


Huitième Conférence interparlementaire européenne de l'Espace

Colloque sur l'espace, la défense et la sécurité européenne Kourou (Guyane française), 19-22 septembre 2006


RAPPORT

FAIT AU NOM DU GROUPE DE TRAVAIL « ESPACE » (FINANCES ET AFFAIRES ÉCONOMIQUES) PAR

M. ROELANTS DU VIVIER


I. INTRODUCTION

L'initiative de la Conférence interparlementaire européenne de l'espace (CIEE) s'inscrit dans le cadre d'une association européenne de coopération dans laquelle sont représentés les organes parlementaires chargés de la problématique de l'espace de Belgique, d'Allemagne, de France, d'Italie, d'Espagne et du Royaume-Uni. La CIEE, qui a été créée en 1999, se réunit à intervalles réguliers et au moins une fois par an pour discuter de la politique spatiale européenne.

Le Sénat de Belgique a assumé une première fois la présidence de la CIEE en 2001 et il l'a assumée à nouveau en 2006, au travers de son groupe de travail « Espace ». Dans le cadre de cette présidence belge, trois événements ont été organisés:

— le 26 avril 2006: Colloque sur le droit de l'espace, Sénat de Belgique, Bruxelles,

— du 12 au 14 juin 2006: 8e Conférence interparlementaire européenne de l'espace, Sénat de Belgique, Bruxelles,

— du 19 au 22 septembre 2006: colloque Espace, sécurité et défense, Port spatial de l'Europe, Kourou (Guyane française).

Les délégations parlementaires des États membres de l'Union européenne et de l'ESA y ont été invitées, de même que des délégations de pays non européens actifs dans le domaine de l'espace, comme les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon, l'Inde, Israël et le Brésil.

Le présent rapport donne un aperçu succinct des travaux qui se sont déroulés au cours du colloque sur l'espace, la défense et la sécurité européenne, organisé conjointement avec l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) en septembre 2006 à Kourou. Le programme a été joint en annexe.

II. SESSION DU MERCREDI 20 SEPTEMBRE 2006 — OUVERTURE DU COLLOQUE

1. Discours d'ouverture de M. Jean-Pierre Masseret, Président de l'Assemblée de l'UEO

Pour l'Assemblée de l'UEO, dite Assemblée interparlementaire européenne de sécurité et de défense, l'espace est un contributeur essentiel à la stratégie de défense. L'espace est devenu un attribut de la puissance, un outil qu'il faut mettre au service des intérêts vitaux de l'Europe, d'une « Europe puissance ». Quand l'expression d'« Europe puissance » est utilisée, il ne s'agit en aucun cas d'une vision hégémonique, impérialiste, mais d'une vision qui n'ignore pas le lien transatlantique.

Il s'agit de permettre à l'espace européen, à partir d'un projet politique, d'être et de rester un acteur respecté et respectable de l'organisation du monde au service du progrès et de la sécurité, notamment si un jour le « Grand frère américain » lâche la main du « Petit frère européen ». C'est bien cela dont il s'agit, et quand on parle de sécurité et de défense, c'est de la vie quotidienne des concitoyens européens dans 25, 30 ou 50 ans.

Sans projet politique et sans les instruments d'un projet politique de défense et de sécurité, l'Europe sera seulement un partenaire économique et financier mais en aucun cas un acteur politique. Cela aura inévitablement des conséquences, y compris sur les activités économiques, culturelles, démocratiques et sociales de l'espace européen.

L'Europe dispose d'acquis qui font d'elle une puissance spatiale. La présence à ce colloque des industriels et des institutionnels de l'espace en est l'illustration et les parlementaires sont attentifs à leurs observations. Cet acquis est le fruit de visionnaires politiques, de visionnaires industriels qui, à un moment donné de l'histoire, ont pris les bonnes décisions.

Malheureusement, rien n'est jamais définitivement acquis. Tout peut être remis en question si les efforts nécessaires ne sont pas faits. Ils sont nécessaires parce que l'ensemble des moyens spatiaux constitue le cœur des systèmes de forces qui jouent un rôle éminent dans les différentes crises et permettra à l'Europe de la défense et de la sécurité de disposer d'une réelle autonomie de décision et d'action.

Si l'on prend l'anticipation et l'évaluation des crises, et si l'on ajoute la gestion des crises puis la sortie des crises et qu'au regard de ces situations, l'on met en parallèle les moyens dont on peut disposer à partir du spatial, qu'observons-nous ? S'agissant de la reconnaissance optique et radar, des télécoms, de la navigation, du positionnement, de la surveillance de l'espace, de l'observation météo ou océanographique, des systèmes de surveillance balistique, on s'apercevra que tous ces éléments vont intervenir aussi bien sur l'anticipation et l'évaluation des menaces que sur la gestion des crises et la sortie de crise avec plus ou moins d'intensité pour l'un ou l'autre de ces éléments. Par conséquent, si l'Europe veut être cet acteur autonome et capable, il faut qu'elle ait la capacité d'utiliser ces différents éléments.

Dans ce domaine, on peut se reposer sur une volonté politique de l'Europe, née à Helsinki, qui est le point de départ de cette capacité à partir de laquelle on peut agir de façon autonome et responsable.

S'agissant de l'espace, l'Europe dispose des travaux du groupe Espace, du Plan d'action sur les capacités, du Livre blanc de l'Agence spatiale, du rapport STAR 21, de l'instrument institutionnel de l'Agence européenne de défense — même si cette dernière est à ses débuts et a besoin d'avoir davantage de moyens et d'être « boostée » par une vraie volonté politique partagée avec des moyens financiers et des moyens humains. Il y a aussi le Centre spatial au service de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), le programme européen de recherche et de sécurité dans le cadre du Septième Programme-cadre de recherche et de développement (PCRD) européen.

Deux milliards 800 millions d'euros seront consacrés à des programmes de sécurité intérieure et spatiale, répartis pour moitié, soit 1,4 milliard d'euros d'un côté et de l'autre. Encore faut-il que les responsables européens et les parlementaires européens aient le souci de l'utilisation de cet argent car le règlement européen dit souvent: « je mets 50 % de fonds européens si vous mettez 50 % de fonds complémentaires », mais il y a des moments ou des situations où le 50/50 n'a pas de sens. Dans le domaine spatial, il n'est pas sûr que les industriels européens aient la capacité de mettre aujourd'hui les 50 % complémentaires. Si l'on ne veut pas voter des crédits qui ne seront pas utilisés, il faudra adapter les règlements pour permettre aux industriels de mettre ce qu'ils peuvent apporter et que l'Europe mette le complément: c'est une question vitale et non une question administrative de gestion des finances européennes.

Quels sont les maîtres mots qui doivent permettre de maintenir et d'amplifier les acquis d'aujourd'hui ? La volonté politique évidemment, car sans volonté politique, il ne se passera rien. Les dirigeants doivent avoir clairement conscience de leurs responsabilités et doivent être plus européens que ne le sont les citoyens, qui sont en principe beaucoup plus allants que les dirigeants de l'exécutif: ceux-ci parlent beaucoup de l'Europe mais ont surtout peur de perdre une partie de leurs pouvoirs.

Il faut donc que les parlementaires agissent en soutenant ce projet politique européen avec suffisamment de force pour que la volonté politique ne soit pas absente et que les moyens humains et financiers soient dégagés en conséquence. C'est possible dans le domaine spatial parce qu'on touche de plus en plus au côté dual. Il y a des aspects civils, il y a des aspects militaires. Il ne faut surtout pas que les questions de défense et de sécurité soient une variable d'ajustement des budgets de défense au plan national ou au plan européen. Ce serait une grave erreur politique qui engagerait négativement l'avenir de chacune et de chacun dans la vie quotidienne.

Il faut ensuite la crédibilité des moyens. On a parlé d'autonomie. S'il y a volonté d'autonomie, il faut crédibiliser les moyens. Ces moyens sont à l'intersection entre l'objectif politique, les besoins exprimés par les armées (car ce sont les militaires qui sont sur le terrain et ont la capacité d'apprécier et d'agir et ce sont eux qui déterminent finalement ce dont ils ont besoin) et les propositions des industriels, qui maîtrisent les évolutions technologiques et scientifiques et produisent des instruments qui sont proposés en réponse à des demandes ou à des objectifs politiques.

Il faut donc la volonté politique, la dualité, la crédibilité, et aussi la suffisance qui est l'opposé du gaspillage et du renoncement. Ce dernier élément doit déboucher sur les recherches de coopération et éviter les morcellements nationaux. Ceci n'est pas toujours évident parce que chaque État a ses industries, ses emplois et ses aménagements du territoire et que chacun veut bien participer à condition que les retombées lui soient profitables et ne pénalisent pas ses activités actuelles.

Coopération signifie partage financier et capacitaire. Il faut donc définir des besoins communs et avoir le courage de dégager des besoins communs, des capacités communes et des efforts communs.

Les moyens d'observation font l'objet d'un foisonnement de programmes nationaux avec de réelles perspectives de collaboration: Hélios II, Pléiades, Sar Lupe, Cosmos Skymed, Tacsar, etc. Chacun œuvre de son côté alors qu'il vaudrait mieux travailler en coopération. S'agissant des satellites de communications tels que Skynet 5, Syracuse 3, Sicral, Spainsat, GMilSatcom, sans parler des instruments de l'OTAN, il faut là aussi chercher des plans de convergence. Le miracle est Galileo qui est un programme qui marche et qui est l'exemple de ce qui peut être fait et devra être fait demain.

Dans le domaine des lanceurs, on a vu le programme européen qui garantit l'accès à l'espace et le programme de préparation des futurs lanceurs. Il reste sûrement une foule de questions en suspens sur le futur. Quelles sont les préoccupations des industriels ? Quelles sont les préoccupations des institutionnels de l'Europe de l'espace ? Quels sont les besoins des militaires ?

On en est arrivé au point que, si des décisions ne sont pas prises au plan européen, l'Europe connaîtra des retards pénalisants pour le rôle qu'elle doit jouer. En tout cas, le souci est que cette Europe existe et ne soit pas simplement un élément du commerce international, mais un acteur de l'organisation du monde. Pour cela, il faut un certain nombre d'objectifs. Au-delà des objectifs, il faut un certain nombre de moyens et l'espace en fait partie.

2. Discours d'ouverture de M. François Roelants du Vivier, Président de la 8e Conférence interparlementaire européenne de l'Espace (CIEE)

M. Roelants du Vivier dit son plaisir de participer à ce colloque à Kourou, au Centre spatial guyanais, porte européenne de l'espace et vitrine par excellence de la politique spatiale européenne.

Il rappelle que la Conférence interparlementaire européenne de l'espace (CIEE) a déjà organisé, sous la présidence belge, deux autres événements. En avril 2006, un colloque sur le droit spatial a eu lieu au Sénat belge. Il a été suivi par la Huitième conférence interparlementaire européenne de l'espace, qui s'est tenue du 12 au 14 juin 2006, également à Bruxelles, où plus de 120 personnes ont participé aux débats. Il faut souligner le nombre croissant de parlements intéressés par les activités de la CIEE, montrant que la Conférence interparlementaire est en quelque sorte arrivée à maturité.

M. Roelants du Vivier salue la présence d'une délégation du Parlement européen, qu'il est important d'impliquer dans les activités spatiales afin d'en assurer le contrôle parlementaire.

Il souhaite aussi la bienvenue à la délégation polonaise, dont la présence atteste une fois de plus l'importance que revêt l'espace pour les nouveaux membres de l'Union européenne, et espère que le Parlement polonais se décidera bientôt à faire les démarches nécessaires pour devenir membre permanent de la CIEE.

Il se réjouit de la présence d'une importante délégation tchèque, qui confirme la détermination du parlement tchèque à devenir un membre permanent actif de la CIEE aux côtés de la France, de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Italie, de l'Espagne et de la Belgique.

Il rappelle enfin que ce colloque n'aurait pas pu avoir lieu sans le soutien de l'Assemblée de l'UEO qui a compris que ce sujet valait un débat approfondi entre parlementaires. Il remercie le Président Masseret pour son soutien qui témoigne des relations chaleureuses qui existent entre l'Assemblée de l'UEO et la CIEE.

L'idée d'organiser un colloque sur l'espace, la défense et la sécurité s'explique par diverses raisons. En premier lieu, il y a un véritable intérêt pour cette matière. La politique spatiale européenne est en plein développement, et les aspects de sécurité et de défense viendront inévitablement à l'ordre du jour. Comme parlementaire, il faut entamer ce débat dès à présent pour être prêt quand il s'agira de prendre des décisions.

Par ailleurs, les auditions organisées au parlement belge avec le ministre de la défense et les responsables de la Commission européenne ont mis en lumière le rôle fondamental que les assemblées parlementaires, nationales, européennes et internationales, ont à jouer dans ce débat. Ce sujet, qui est hautement intergouvernemental, est dominé par les initiatives gouvernementales. Mais derrière chaque gouvernement, il y a un parlement. C'est donc aux parlementaires de convaincre le gouvernement de la direction à suivre. Pour cela, il faut avant tout être informé, ce qui est la raison principale de la présence de nombreux parlementaires en Guyane, qui est l'ultime illustration de ce que l'Europe peut faire dans le domaine spatial.

M. Roelants du Vivier rappelle certaines conclusions tirées à la fin de la CIEE tenue en juin dernier, conclusions approuvées par les délégations française, espagnole, italienne, allemande, britannique, belge et tchèque:

1. Les membres de la CIEE invitent la Commission européenne et l'ESA à coopérer avec l'Agence européenne de défense afin d'élaborer une position européenne commune sur les questions de sécurité et de défense liées aux programmes spatiaux européens, notamment Galileo et le GMES;

2. Les membres de la CIEE confirment que Galileo représente le résultat le plus notable de la politique spatiale européenne et soulignent à quel point il importe de tenir un débat ouvert et constructif sur l'utilisation possible du programme Galileo aux fins de sécurité et de défense. La CIEE organisera, à titre de contribution à ce débat, un colloque sur l'espace, la défense et la sécurité en septembre 2006;

3. Les membres de la CIEE estiment nécessaire de tenir un débat ouvert et objectif sur l'utilisation possible du programme GMES pour la sécurité et la défense.

3. Intervention de M. Edward O'Hara, Président de la Commission technique et aérospatiale de l'Assemblée de l'UEO

M. O'Hara explique que le présent colloque a pour origine une proposition de la Commission technique et aérospatiale de l'Assemblée qui a été adoptée immédiatement avec enthousiasme par la présidence belge de la CIEE et qui a été soutenue par l'ESA, Arianespace et le CNES. Cette conférence organisée conjointement suscitera un débat animé d'où émergeront une myriade de propositions concrètes qui aideront les décideurs politiques européens à prendre des mesures pragmatiques et audacieuses afin de donner à la composante spatiale la place qui lui revient dans la politique européenne de sécurité et de défense.

Les deux présidents se sont concentrés sur l'éventail des moyens spatiaux que constituent les satellites européens et leur importance pour la vie quotidienne des citoyens. Le Président Masseret a précisé le contexte dans lequel il convient de placer les thèmes essentiels liés à la sécurité et la défense par rapport à l'Assemblée de l'UEO.

Il faut aussi situer ces questions dans la perspective de la Commission technique et aérospatiale de l'Assemblée de l'UEO en se référant à un thème examiné dans un rapport présenté en juin 2006, le déploiement d'armes dans l'espace. L'attention y est attirée sur le fait que l'UE ne peut rester indifférente aux risques d'une arsenalisation de l'espace, notamment par les États-Unis, et qu'elle doit prendre des mesures pour anticiper le déploiement par ce pays d'armes dans l'espace. L'UE ferait un grand pas dans ce sens si elle augmentait ses propres capacités de contrôle de l'espace et si elle améliorait la viabilité de ses satellites.

Renforcer ses capacités de contrôle de l'espace ne signifierait pas nécessairement que l'UE déploie ses propres armes. Mais son dispositif de surveillance spatiale et de connaissance de la situation, quelque peu limité, aurait sérieusement besoin d'être amélioré. Les efforts significatifs faits dans ce sens par les membres de l'UE et l'ESA doivent être coordonnés et accélérés, l'objectif étant de créer un réseau européen intégré de surveillance spatiale qui fournirait des informations constantes, en temps quasi réel, sur la position de tous les satellites y compris ceux des États-Unis et d'autres pays. Un tel système aurait un objectif dual. Il pourrait, à des fins civiles, suivre la trajectoire des satellites et contribuer à éviter les collisions dans l'espace. A des fins militaires, il pourrait vérifier le bon fonctionnement des moyens de l'UE, identifier les satellites hostiles en phase d'approche et suivre le déploiement des armes dans l'espace. Ce n'est que dans le futur, et en dernier recours, qu'il pourrait aussi fournir les coordonnées pour le guidage vers l'objectif des armes antisatellites basées au sol (ASAT).

Ce rapport a fourni une contribution utile au débat européen dans un domaine où l'Europe doit prendre des mesures spécifiques si elle veut relever les défis des années à venir.

4. Intervention de M. Jean-Yves Le Gall, CEO Arianespace

Arianespace est l'exemple d'un partenariat réussi entre les gouvernements et les industriels. Elle compte 23 actionnaires de dix pays européens (en particulier le CNES et EADS). Elle est liée à l'ESA par une convention et par le contrat EGAS (accès européen garanti à l'espace) qui lui permettent de mettre en œuvre les lanceurs Ariane (et bientôt Soyouz et Vega). En 25 ans, Arianespace a signé 275 contrats de lancement. Elle a effectué 171 tirs depuis la Guyane et mis 235 satellites en orbite. Peu de gens savent que plus de 60 % des satellites de télécommunications actuellement en orbite ont été lancés par Arianespace. Elle a actuellement dans ses carnets de commandes 38 satellites, représentant plus de trois ans d'activités et environ 20 tirs d'Ariane 5. Le lanceur Ariane 5 fonctionne de façon remarquable. Il a déjà assuré cinq lancements (de six satellites) depuis le début de 2006 et d'autres sont prévus d'ici la fin de l'année. L'objectif est d'effectuer six ou sept lancements en 2007 et huit en 2008-2009.

Pour l'avenir, l'Europe développe de nouveaux systèmes tels que Soyouz, qui a 1713 lancements réussis à son actif. Arianespace a effectué 15 lancements réussis de Soyouz depuis Baïkonour par le truchement de sa filiale Starsem. Mais à partir de 2008, Soyouz sera lancé du pas de tir actuellement en construction à Kourou. En outre, le petit lanceur Vega, en cours de développement, est destiné à lancer des satellites institutionnels (de plus en plus petits grâce à la miniaturisation). Il sera aussi opérationnel à partir de 2008. Cela signifie que vers 2010, Arianespace exploitera trois lanceurs différents depuis le Centre spatial guyanais, qui deviendra ainsi le meilleur site de lancement au monde. L'objectif d'Arianespace est d'effectuer dix lancements en 2010 (deux fois plus qu'en 2005), à l'aide de trois lanceurs différents. C'est une bonne nouvelle pour l'industrie. En 2005, avec un chiffre d'affaires de deux milliards d'euros, Arianespace a affiché des résultats équilibrés pour la troisième année consécutive et ceux-ci ont vocation à progresser à mesure que le nombre de lancements augmentera.

En Europe, le marché est divisé entre le segment commercial (80 %) et le segment gouvernemental (20 %), alors que chez les compétiteurs russes et américains, les activités sont dans leur grande majorité financées par l'État. La tendance générale est au développement du marché militaire des télécommunications du fait de l'accroissement du nombre des projets militaires en Europe. Arianespace a lancé récemment les satellites militaires Syracuse 3a et 3b pour le gouvernement français et signé un contrat avec le ministère de la défense allemand pour le lancement de son satellite BW MilSatcom. Paradigm 5a deviendra début 2007 le premier satellite militaire de nouvelle génération du Royaume-Uni.

La masse moyenne des satellites commerciaux est en augmentation, dépassant parfois 6 tonnes. C'est le cas, par exemple, du satellite Spaceway 2 pour DIRECTV ou de l'IPStar thaïlandais, tous deux lancés par Arianespace. Mais les petits satellites (moins de 3 tonnes) continuent d'exister sur le marché commercial, tandis que sur le marché institutionnel, la tendance est aux satellites de taille moyenne ou petite. Au cours des cinq prochaines années, il y aura une demande mondiale de lancement de quelque 20 à 25 satellites de télécommunications géostationnaires et de 3 à 5 satellites non géostationnaires. Arianespace entend se tailler la part du lion sur ce marché.

Arianespace doit affronter la concurrence des lanceurs russes vendus par des co-entreprises russo-américaines. Zenit, par exemple, est commercialisé par SeaLaunch et LandLaunch, et Proton par ILS. Certaines de ces entreprises se livrent à une guerre des prix agressive, mais elles ont nourri des ambitions excessives et ne parviennent plus à tenir leurs manifestes de lancement. De nombreux clients sont venus frapper à la porte d'Arianespace qui étudie avec le CNES et ses partenaires industriels comment répondre à cette demande, mais un certain nombre de leurs satellites ne pourront pas être lancés à temps. Le futur lanceur Vega doit lui aussi faire face à la concurrence, pour l'instant peu importante. Les concurrents ont fait les mauvais choix stratégiques en privilégiant les prix au détriment de la qualité, une voie qu'Arianespace n'a jamais suivie.

Arianespace a mis sur orbite plus de satellites que tous ses concurrents réunis l'année dernière. Grâce aux satellites scientifiques qu'elle a lancés soit avec Ariane soit avec Soyouz, l'Europe excelle dans le domaine de la science spatiale. Arianespace a fait d'énormes efforts pour réduire les coûts tout en préservant la qualité. Elle a pour objectifs une disponibilité permanente, le respect scrupuleux des calendriers de lancement, une flexibilité accrue et la consolidation de sa position sur le marché du lancement. Ses opérations intégrées pour ses trois systèmes de lancement vont encore améliorer ses performances économiques.

Les décisions qui seront prises lors de la Conférence ministérielle en 2008 serviront à préparer l'avenir. Il est en effet important de faire des projections sur 20 ans pour que l'Europe puisse maintenir sa position. Il convient d'être très attentif à cinq points particuliers, compte tenu notamment de l'entrée en lice de nouveaux concurrents comme la Chine:

— continuer à offrir un service de lancement robuste et flexible, construit autour d'Ariane 5;

— réussir l'introduction sur le marché de Soyouz et de Vega;

— continuer à recevoir le soutien des pouvoirs publics européens, qui doivent prendre les bonnes décisions;

— s'assurer que les satellites institutionnels européens seront lancés par les lanceurs européens et non par des concurrents;

— continuer à développer de nouveaux systèmes et perfectionner ceux qui existent déjà.

III. SESSION DU MERCREDI 20 SEPTEMBRE 2006 — LES DIFFÉRENTS ASPECTS D'UNE POLITIQUE SPATIALE EUROPÉENNE

Président: M. François Roelants du Vivier, Président de la 8e CIEE

1. Intervention de M. Jean-Jacques Dordain, Directeur général de l'Agence spatiale européenne (ESA)

L'historique des activités spatiales européennes peut se répartir en trois périodes. Pendant la première, de 1964 à 1973, l'accent était mis sur le développement des lanceurs au sein de l'Organisation européenne pour la mise au point et la construction des lanceurs (ELDO) et des agences spatiales nationales, et sur les programmes scientifiques, en coopération avec la NASA, dont était chargé le Conseil européen de recherches spatiales (ESRO). Au cours de la deuxième période (1975-2003), les gouvernements ont commencé à prendre conscience du potentiel commercial de tous ces programmes, et les applications spatiales, basées sur l'utilisation des satellites de télécommunications, météorologie et navigation, ont peu à peu pris le pas sur la recherche. Mais si l'Europe voulait mettre ses propres satellites sur orbite, il lui fallait un lanceur fiable, ce qui expliqua la décision de développer la famille des lanceurs Ariane. On a constaté à partir de 2003 un revirement car l'Union européenne a décidé de s'impliquer dans les activités spatiales et a commencé aussi à s'intéresser à la dimension sécurité et défense de l'espace qui, jusque là, était la chasse gardée des nations.

L'Agence spatiale européenne, qui a repris à son compte les activités de l'ELDO et de l'ESRO, a été créée en mai 1975 par une convention signée par dix gouvernements. Les activités de l'ESA portent sur la recherche et technologie spatiale, le développement des lanceurs et les applications spatiales à des fins scientifiques et pour les systèmes opérationnels en orbite. 80 % de ses programmes sont mis en place sur une base optionnelle et l'industrie spatiale européenne est un grand succès sur le marché commercial mondial.

Après 30 ans d'investissements, les applications spatiales concernent de plus en plus la vie quotidienne des citoyens européens. D'autres pays rejoignent l'ESA. Aujourd'hui, l'Agence compte 17 membres. Le succès rencontré par l'Europe avec le lanceur Ariane et d'autres programmes majeurs est la preuve tangible de ce qui peut être réalisé lorsque les pays ont la volonté politique de mettre leurs ressources en commun. L'Europe est un partenaire fiable sur le plan de la coopération spatiale internationale, comme le montre sa contribution à la Station spatiale internationale. Grâce à l'efficacité de son industrie spatiale, elle est à même d'offrir des services commerciaux compétitifs.

Les premiers liens entre l'ESA et l'UE ont été noués en 1998 et en 2000, les Conseils des deux organisations ont adopté une résolution commune sur une Stratégie européenne pour l'espace. Mais le véritable jalon a été posé en 2004 avec l'entrée en vigueur de l'Accord-cadre entre l'ESA et la Communauté européenne selon lequel un Conseil Espace, c'est-à-dire une réunion conjointe et concomitante du Conseil ministériel de l'ESA et du Conseil de l'UE, a été créé. Depuis lors, l'ESA participe aux discussions, au niveau de l'UE, sur tous les aspects d'une politique spatiale européenne, y compris la dimension spatiale de la politique européenne de sécurité et de défense, et elle a établi des contacts avec l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement et l'Agence européenne de défense.

L'Agence travaille sur le développement des applications et services spatiaux visant l'utilisateur, dans le cadre d'initiatives prises par la Commission européenne. L'une des priorités est la démonstration opérationnelle d'un système des systèmes qui comprend la mise en place d'un système des systèmes mondiaux d'observation de la terre (GEOSS) intégrant des systèmes spatiaux d'observation terrestre, de télécommunications, navigation et renseignement et les composants de leurs systèmes terrestres. Tous les applications et services qui en résulteront procureront des avantages aux citoyens européens. Mais cette nouvelle initiative ne sera couronnée de succès que si l'industrie spatiale européenne reste forte et compétitive sur le plan mondial, ce qui dépend de la volonté politique des gouvernements d'aller de l'avant en se fondant sur une politique spatiale soigneusement élaborée.

Aucun de ces programmes ne pourra être mis en œuvre si l'Europe n'a pas une garantie d'accès à l'espace. Aux États-Unis, l'industrie des lanceurs obtient automatiquement toutes les commandes du gouvernement pour le lancement de satellites militaires et pourrait donc survivre sans le secteur commercial. Tel n'est pas le cas en Europe, où l'industrie des lanceurs dépend pour une large part du marché commercial.

L'espace constituera une composante stratégique pour l'avenir si l'Europe veut être une puissance qui compte à l'échelle planétaire, c'est-à-dire qui ait une influence stratégique accrue, et une société dynamique s'appuyant sur la connaissance. Il importe de développer de nouvelles technologies et de démontrer qu'elles sont un facteur de compétitivité et un outil de la politique industrielle. C'est pourquoi il est impératif d'exploiter l'indéniable synergie existant entres les services spatiaux civils et de défense car c'est le seul moyen de satisfaire aux besoins convergents des deux secteurs et de venir à bout des contraintes en matière d'opérabilité dans les situations de gestion de crise. La technologie utilisée est la même pour les applications civiles ou de défense. D'autres puissances spatiales ayant déjà emprunté ce chemin, l'Europe n'a pas d'autre choix que de faire de même.

L'ESA est prête à aller de l'avant. La gouvernance spatiale européenne va changer et dans les années qui viennent, l'ESA et l'UE vont intensifier leurs relations. Certains pays d'Europe de l'Est nouvellement membres de l'UE se sont dits intéressés par une adhésion à l'ESA. La Hongrie est déjà officiellement candidate et la République tchèque a présenté une demande d'adhésion. Les réflexions se poursuivent sur la manière d'adapter la politique industrielle de l'Agence, son processus décisionnel, son système financier et les modalités de son financement afin d'améliorer son efficacité et d'inciter les États membres à investir davantage dans le spatial et à coopérer dans le cadre de l'ESA. C'est pourquoi la coordination sera renforcée entre l'ESA et les ressources et programmes nationaux.

Une feuille de route a été établie: lors du quatrième Conseil Espace qui se tiendra le 22 mai 2007, les Conseils de l'ESA et de l'UE entérineront une politique spatiale européenne et à l'automne 2008, le Conseil de l'ESA se réunira au niveau des ministres, qui prendront des décisions capitales sur l'évolution de l'Agence et les nouveaux programmes à mener sur la base de cette politique.

L'avenir de la politique spatiale européenne dépendra de la manière dont on parviendra à tirer les bénéfices des expériences et des succès passés, à écouter les utilisateurs, à consolider les capacités techniques et industrielles, préserver la flexibilité des programmes, à renforcer la coordination et à gérer l'évolution de l'ESA tout en adoptant une démarche progressive pour minimiser les risques. Il faudra pouvoir compter sur l'engagement de toutes les parties concernées, et notamment des États membres de l'ESA.

2. Intervention de M. Yannick d'Escatha, Président du Centre national d'Études Spatiales (CNES — France)

L'espace est devenu un élément clé de la mise en œuvre des grandes politiques européennes, concernant par exemple l'environnement ou les transports. La dimension de sécurité et de défense constitue un des cinq segments stratégiques d'une politique spatiale européenne accomplie, les quatre autres étant: l'accès à l'espace, les applications grand public, le développement durable et les sciences spatiales.

L'Europe doit non seulement se doter des moyens nécessaires pour assurer la sécurité de son territoire et de ses citoyens, mais elle doit aussi faire face à d'autres enjeux tels que la lutte contre le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, la protection des citoyens à l'intérieur, mais aussi à l'extérieur des frontières de l'UE. On distingue trois aspects de la sécurité pour lesquels l'espace peut apporter des contributions importantes.

Tout d'abord, il y a la sécurité sous la responsabilité des États, souvent en coopération renforcée.

Il s'agit d'assurer la sécurité des approvisionnements, la protection des personnes, des sites stratégiques, la surveillance des flux migratoires, des frontières, etc. Dans ce domaine de la sécurité, les systèmes utilisés ou à mettre en place sont le plus souvent duaux.

La sécurité maritime, par exemple, est un domaine prioritaire pour l'Europe: plus de 90 % de ses approvisionnements transitent par la mer et l'immigration par la mer est en constante augmentation. La marine française a donc proposé à ses partenaires européens le concept de sauvegarde maritime qui recouvre à la fois la surveillance, la détection et l'intervention. Il s'agit de structurer l'ensemble des systèmes correspondants — terrestres, maritimes, aériens et satellitaires — pour construire un système de systèmes. L'espace est déterminant pour la sauvegarde maritime car il apporte des solutions pour la localisation, la collecte de données, les télécommunications sécurisées et l'observation tout temps mais aussi, pour l'avenir, l'écoute et l'imagerie hyperspectrale.

L'Agence européenne de défense pourrait, en coordination avec l'Agence de sécurité maritime et les partenaires civils concernés, coordonner les efforts européens pour mettre en place un tel système de systèmes. Les agences spatiales nationales doivent aussi contribuer au développement des capacités duales et à la recherche pour que ces systèmes puissent répondre aux besoins de l'UE.

En effet, un effort important reste nécessaire pour satisfaire aux besoins d'observation pour la sécurité maritime. Il faut améliorer la complémentarité optique/radar et le recours aux capacités de détection procurées par les constellations de micro-satellites. Des travaux de recherche devront en outre être menés à plus long terme pour mettre en place une capacité spatiale opérationnelle d'écoute et d'observation hyperspectrale.

La sécurité des transports est également une des priorités européennes. Les moyens spatiaux, en particulier les moyens de radiocommunications sécurisés, sont déjà utilisés pour la sécurité des différents modes de transport. L'effort doit porter sur le développement des applications, notamment grâce aux services offerts par Galileo.

La surveillance au départ de l'Espace des éventuels sites sensibles prendra, elle, plus de temps car elle exige des capacités d'observation permanente et de résolution inférieure à un mètre, qui n'en sont qu'au stade de la recherche.

Deuxièmement, dans le domaine de la sécurité civile, il faut prévoir, prévenir et gérer les catastrophes naturelles, industrielles ou dues à une action terroriste, qui se produisent à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Europe. Sur le plan des institutions européennes, il a été proposé de créer un Conseil de sécurité civile européen et une force européenne de protection civile.

En ce qui concerne les capacités de radiocommunications et d'observation, l'objectif est une mise en commun des besoins, actuellement dispersés au niveau européen. Ceci permettrait l'émergence d'opérateurs spécialisés dans le domaine de la sécurité et le développement d'un réseau de PME européennes qui fourniraient aux utilisateurs des produits à valeur ajoutée (par exemple détection des feux de forêt, inondations).

Le Conseil de sécurité civile européen pourrait ainsi définir, pour le compte de l'UE, les besoins en matière de services opérationnels spatiaux et, sur place, la nécessité d'intervenir conformément à la Charte internationale pour l'espace et les risques majeurs. Il pourrait aussi préciser les spécifications des services optimisés correspondants dans le cadre de Global Monitoring for Environment and Security (GMES). La priorité de ce programme est donc dans l'immédiat le développement de services opérationnels utilisant les infrastructures spatiales et existantes sur place, puis le renouvellement de ces infrastructures pour assurer la continuité des services opérationnels exigée par les utilisateurs. Pour mieux répartir les rôles et les responsabilités, l'UE pourrait orienter en priorité ses interventions vers la satisfaction de ces services, et l'ESA et les agences nationales pourraient continuer à prendre en charge la préparation des nouvelles générations des systèmes spatiaux.

Finalement, il y a la sécurité au sein des organisations humanitaires (Nations unies, ONG)

Celle-ci recouvre la prévention et la surveillance sanitaire à grande échelle (grandes pandémies par exemple), et la gestion du regroupement de réfugiés. Les acteurs sont les Nations unies, les ONG et les États concernés. L'Europe peut jouer un rôle majeur en mettant à leur disposition une infrastructure de services GMES adaptée à ces besoins et en facilitant l'accès aux données qui correspondent à des cycles d'acquisition de mesures de l'ordre de trois à quatre jours. Le spatial peut jouer un rôle déterminant avec les capacités actuelles. La priorité pour l'UE doit donc consister à développer les services GMES répondant à ces besoins et à les mettre à la disposition de la communauté internationale.

En conclusion, il faut souligner que l'UE doit avoir pour rôle, dans le domaine de l'espace et de la sécurité, de contribuer à l'identification et à la mise en commun des besoins des utilisateurs finals au niveau européen en matière de sûreté, de sécurité civile et de défense, en mettant l'accent sur la coordination des efforts avec les États membres et avec l'ESA et, sur le plan international, sur l'organisation de synergies en matière de protection civile et de défense.

Les recherches communautaires sur la sécurité menées dans le cadre du PERS (Plan européen de recherche sur la sécurité) du Septième Programme cadre, qui ont une orientation exclusivement civile, se concentrent, en application du principe de subsidiarité, sur les activités complémentaires des recherches menées au niveau national. Dans les domaines de technologie duale, une coordination étroite avec les activités de l'Agence européenne de défense est bien sûr nécessaire pour garantir la complémentarité des efforts.

Il est évident que la réalisation du système européen de radionavigation par satellites, Galileo, est nécessaire à la souveraineté et à l'autonomie d'action de l'Europe, et à sa sécurité et à celle de ses membres.

La sécurité et sa dimension politique sont bien sûr intrinsèquement présentes dans Galileo. Il faut distinguer, dans la mesure du possible, ce qui relève des structures civiles et ce qui relève de la défense en évitant tout gaspillage et tout en étant conscient du fait que la frontière entre civil et militaire est floue. Des systèmes civils pourraient donc être l'objet d'un usage dual et intervenir, sous l'autorité du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, dans la construction d'une capacité de sécurité et de défense européenne.

Des mécanismes de coordination avec la politique spatiale européenne seraient alors nécessaires, d'une part pour tirer parti de la dualité intrinsèque du secteur spatial, d'autre part pour utiliser au mieux l'expertise spatiale européenne développée tant à l'ESA que dans les agences nationales ou les organismes publics européens comme Eumetsat.

3. Intervention de M. Janusz Onyskiewicz, Vice-Président du Parlement européen

Les avantages résultant d'un programme spatial européen pour la planète, pour l'éducation des populations, pour le développement industriel et économique et pour notre propre sécurité constituent les points forts du débat sur la politique spatiale européenne (PSE).

Les retombées utiles des relations entre la PSE commune et la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) valent d'être examinées de près.

Pour quelle raison une PSE commune sert-elle les objectifs de la PESD qui veut protéger les citoyens des risques ? Une politique spatiale européenne commune est vitale en raison du lien étroit entre la gestion civile et militaire de crise et du caractère dual des technologies.

Par exemple, de hauts responsables nationaux et de l'UE, tant militaires que civils, s'emploient à prévenir la prolifération des armes de destruction massive et les attaques terroristes. Des officiers de police européens contrôlent les frontières extérieures de l'UE tandis que des soldats et des responsables civils, comme le personnel d'assistance humanitaire, interviennent en cas de catastrophes naturelles et de situations post-conflictuelles dans les Balkans, en Afrique centrale et au Moyen-Orient.

Tous ces protagonistes doivent être dotés de technologies par satellite qui permettent d'améliorer le renseignement, la navigation, la communication et l'alerte précoce.

Une PSE commune facilitera la mobilité et l'interaction entre différentes équipes internationales regroupant différents services, et le règlement des problèmes d'interopérabilité. Elle contribuera à surveiller les frontières et les eaux territoriales et à fournir des informations pendant toutes les phases des opérations de PESD.

Les relations entre la PSE et la PESD existent déjà grâce à des développements qu'on peut regrouper dans quatre rubriques: renseignement/observation, communication, navigation et alerte précoce.

Divers obstacles empêchent malheureusement la synergie entre la PSE et la PESD.

Malgré d'indéniables succès (réalisations de l'ESA, Galileo, GMES), le développement des capacités civiles et militaires dans certains pays européens, il n'existe pas encore de PSE cohérente, d'où des retards dans l'exploitation de la technologie pour la gestion de crise civile et militaire.

L'insuffisance des ressources financières pour le Programme spatial européen est patente, bien que 1,4 milliard d'euros soit prévu dans le 7e Programme cadre de l'UE, ce qui correspond à une augmentation de 235 millions par rapport au 6e Programme cadre, mais comme 1,2 milliard sera affecté au GMES, il ne reste que 200 millions pour les lanceurs, l'exploration, les développements technologiques, les projets scientifiques et la coopération internationale.

Jusqu'où l'Europe veut-elle faire la révolution dans les affaires militaires induite par la technologie spatiale ? Désormais, des commandements américains dans des états-majors éloignés peuvent utiliser des informations provenant de l'espace pour localiser, en temps réel, leurs forces armées et celles de leurs adversaires, et guider avec précision leurs munitions sur leurs cibles. Cette numérisation du champ de bataille a conduit les officiers militaires américains à réfléchir en termes de réseaux de communication entre forces armées aériennes, navales et terrestres plutôt que de plates-formes traditionnelles telles qu'avions, navires et de chars. Il s'agit du concept de guerre réseau-centrée, et les Européens doivent savoir s'ils l'adoptent avec toutes les conséquences sur les plans de la doctrine militaire, des dépenses militaires et de la délégation, au niveau de l'UE, de la prise de décision sur les affaires militaires.

Les programmes spatiaux doivent être soumis à une autorité civile et au contrôle parlementaire. Le Conseil spatial européen est censé exercer l'autorité civile selon des modalités encore confuses, et sur le plan démocratique, ses décisions doivent être débattues et soutenues par le Parlement européen et les parlements nationaux.

L'environnement physique et spatial manque de protection contre les risques comme les débris, l'encombrement et le cyberterrorisme: il faut des capacités d'alerte en cas de dangers spatiaux.

La Commission européenne, le Conseil, l'Agence européenne de défense et les États membres doivent se préoccuper de ces difficultés et instaurer un dialogue inter-piliers pour renforcer la cohérence globale entre tous les protagonistes dans ce domaine. Le Parlement européen apportera sa contribution et tient à souligner les efforts uniques des institutions de l'UE pour prévenir le déploiement d'armes dans l'espace.

L'UE doit interdire les opérations dans l'espace qui menacent les régimes internationaux de non-prolifération et la sécurité terrestre, comme le stationnement d'armes nucléaires ou les essais à haute altitude, par le biais d'une politique spatiale européenne commune qui, agrégée à la PESD, sera pleinement compatible avec les normes et valeurs communes à ses membres de promotion de la paix, de la sécurité et du développement économique et social.

4. Intervention de M. Hans Bracquené, Chef de l'Unité « Politique scientifique » du Cabinet de M. Marc Verwilghen, ministre belge de l'économie, de l'énergie, du commerce extérieur et de la politique scientifique

Le secteur spatial est parvenu à maturité. Personne ne remet en cause sa place dans une stratégie politique globale de défense ou dans une politique de sécurité. Aucune décision ne peut être prise au niveau stratégique et tactique sans recourir à la technologie spatiale. Les décideurs politiques devraient mettre ces outils à la disposition des personnels militaires.

L'Europe souhaite renforcer sa propre politique indépendante de sécurité en s'appuyant sur une force armée plus puissante. Mais ne pas la compléter à l'échelle du continent par une force spatiale correspondante serait un non-sens.

La position du gouvernement belge est claire, il est évident qu'il faut faire des investissements fondés sur l'analyse des besoins opérationnels des forces militaires et de sécurité.

L'ESA et l'UE se sont penchées sur les obstacles institutionnels à surmonter pour permettre des décisions sur un plan vraiment européen. Les deux institutions devront formuler une politique intégrée pour le développement, l'exploitation et l'utilisation des infrastructures spatiales. Qui définit la menace ? Qui définit les besoins opérationnels au niveau européen ? Qui effectue les choix technologiques ? Qui aura la responsabilité de la mise en œuvre globale ? Jusqu'à présent, il a fallu trouver des solutions ad hoc, et malheureusement, des institutions ad hoc ont été créées.

D'un point de vue économique, l'autosuffisance de l'Europe est une notion dépassée, mais une Europe ayant sa propre politique indépendante supranationale de sécurité a besoin de structures supranationales plus efficaces. Il est intéressant à ce stade de rappeler un peu l'histoire de l'Europe spatiale. Des initiatives nationales ont été à l'origine des grandes réussites spatiales européennes, mais l'ouverture à la coopération supranationale a été la clé du succès. La flexibilité des procédures de l'ESA a permis aux États membres de pouvoir décider de participer ou non à la plupart des programmes de l'Agence et de choisir à quel niveau. Les règles de l'UE n'autorisent pas cette souplesse. Le Programme-cadre de recherche et de développement technologique de l'UE comporte une clause de flexibilité, mais elle est beaucoup trop rigide. Une plus grande flexibilité donnerait un coup de pouce à la PESD.

La Belgique compte comme toujours soutenir les efforts dans ce sens, avec l'argent des contribuables, en dépit des difficultés inhérentes à l'exercice.

Il faut organiser une réflexion sur la création d'une instance globale chargée de définir la politique stratégique et pouvant traiter toutes les questions évoquées. De nombreuses initiatives ont été lancées, alors qu'il faudrait les rationaliser autour d'un modèle. Il faut aussi s'entendre sur les conditions applicables. Quel type d'armes peut-on déployer dans l'espace, ou doit-il être réservé au soutien au personnel au sol ? Avec qui partager l'information ? Où commence la nécessité d'une force spatiale européenne indépendante ?

Les parlements et les gouvernements européens doivent donner à ces questions des réponses qui ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde.

Pour quelle raison tout le monde s'accorde sur la nécessité d'une défense européenne, même d'une industrie aéronautique européenne, mais est plus réticent à s'exprimer à propos d'une défense européenne propre et d'une branche sécuritaire dans l'industrie spatiale ?

On peut considérer les choses de deux façons. D'abord, les militaires doivent rester dans leur domaine de compétence, la police également. Sous l'égide des parlements nationaux et des assemblées supranationales, ils doivent définir leurs vrais besoins qui doivent être prioritaires.

Deuxièmement, les technologies spatiales existantes peuvent parfois apporter des solutions à des problèmes opérationnels complexes. Les systèmes de télécommunications existants — GMES, Galileo, Ariane et ses produits dérivés — jouent aussi un rôle en matière de défense et de sécurité.

L'utilisation de l'espace pour renforcer les capacités militaires et la sécurité d'un pays n'impliquent pas automatiquement le développement de nouveaux systèmes dédiés. Il faut envisager les applications duales auxquelles peut contribuer l'industrie.

La notion de retour industriel dans des programmes militaires et de sécurité bien définis ne doit pas faire surgir l'épouvantail de l'émergence d'un complexe militaro-industriel. Les décideurs politiques en matière de sécurité et l'industrie peuvent devenir des partenaires indépendants au niveau européen. La Belgique, le plus grand des petits pays investisseurs dans l'espace en Europe, est convaincue de la nécessité de veiller à l'indépendance du secteur spatial et continuera d'apporter son concours aux efforts paneuropéens de l'ESA et de l'UE en s'attachant à rationaliser son apport dans le cadre d'un élan européen.

5. Intervention du Contre-Amiral Guy Poulain, Général adjoint Espace, État-major des armées de la République française

La France, tout en nourrissant l'ambition d'être une puissance spatiale, est déterminée à accompagner le processus européen en matière de politique spatiale. On peut se référer au rapport d'un groupe de réflexion composé de représentants de l'État-major des armées, de la direction générale de l'armement et de la direction des affaires stratégiques. Ce rapport a été approuvé par les autorités militaires et attend maintenant le feu vert politique.

Tout d'abord, il faut rappeler les objectifs opérationnels de la défense spatiale. Les forces françaises dans le monde représentent en moyenne 30 000 militaires déployés quasiment en permanence, dont actuellement 10 000 dans des opérations nationales ou internationales, et d'autres dans des missions de gestion des catastrophes naturelles et de répression des trafics illicites. Dans ce contexte, l'espace est un outil indispensable pour recueillir l'information opérationnelle nécessaire au dialogue entre autorités civiles et militaires et aussi pour conduire les forces.

Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense de la France, a confirmé récemment sa détermination de développer l'espace de défense: « L'espace est un enjeu majeur du XXIe siècle. (...) Notre pays, qui conduit actuellement une politique ambitieuse de modernisation de ses applications spatiales, doit continuer à entraîner ses partenaires européens sur cette voie ».

Après avoir mis sur orbite une nouvelle génération de satellites d'observation et de télécommunications, la France poursuit les efforts entrepris au niveau de la recherche technologique et prépare un certain nombre de programmes, dont certains en coopération. En outre, ont été déposés en 2006 quatre objectifs d'état-major qui sont en fait des prévisions de commandes d'équipements pour l'avenir. Le premier concerne l'observation spatiale avec la nouvelle génération de satellites. Le deuxième projet concerne les équipements de radionavigation par satellite dont il est prévu de doubler le nombre. Le troisième vise à compléter les deux satellites Syracuse 3a et 3b. Enfin, le quatrième concerne les capacités en orbite d'écoute.

L'espace de défense européen se caractérise par la somme des initiatives nationales et sa construction est encore semée d'embûches, en particulier dans le choix des différents domaines stratégiques à financer. Mais depuis la parution du Livre blanc sur la défense en 2003, la diffusion de la PESD, le développement du Centre satellitaire de Torrejón, la prise en compte de deux projets européens majeurs, Galileo et GMES, et le rôle croissant de l'Agence européenne de défense, une nouvelle dynamique se développe.

La coopération en matière d'observation spatiale est effective à travers des partenariats qui lient en particulier la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et la Grèce, mais les démarches demeurent majoritairement nationales. Le développement par certains pays européens de capacités propres en matière de radar et de capacités mixtes dans le domaine des télécommunications devrait favoriser les coopérations entre pays.

En ce qui concerne par exemple les télécommunications par satellite, 2006 a vu la prise d'initiatives nationales assez hétérogènes au niveau des satellites, des stations sol et de leur interfaçage avec les différents systèmes d'information. Il manque une vision globale dans l'architecture des systèmes d'information et de commandement. L'Europe possède certes une réelle capacité en matière de télécommunications militaires par satellite sécurisées, interopérables interarmées et interalliées, mais les 25 membres de l'UE n'ont pas une capacité opérationnelle commune en matière de télécommunications par satellite à des fins de sécurité et de défense. L'initiative de l'OTAN pour un service de télécommunications par satellite à travers des satellites nationaux existants, est peut-être l'exemple à suivre.

Dans le domaine de l'observation spatiale, en 2006 l'autonomie de décision de l'Europe se limite aux programmes Helios et Spot. Bientôt, l'optique sera complétée par le radar pour une capacité tout temps. En 2010, il existera un service européen d'observation conséquent permettant d'avoir régulièrement des données fiables pour la gestion des crises au niveau mondial. L'espace de défense doit permettre de détecter et d'identifier les facteurs crisogènes, de les surveiller, de les neutraliser et de contrôler la situation après l'action. Dans un contexte contraint, l'effort d'adaptation de l'espace militaire aux crises modernes ne sera possible qu'en déchargeant une partie des missions traditionnelles sur d'autres vecteurs tels que les drones et en utilisant les produits issus de la communauté civile. Les projets Galileo et GMES sont deux initiatives européennes civiles d'une importance extrême.

La localisation précise des acteurs et des cibles sera de plus en plus nécessaire. C'est pourquoi la défense française recherche un signal permanent et robuste pour la radionavigation par satellite, en complément d'autres moyens de navigation. Elle veut s'assurer le meilleur signal par l'emploi conjoint du GPS et de Galileo.

La connaissance de l'environnement du champ d'action demeurant essentielle, les objectifs, le financement et le calendrier de l'initiative GMES doivent être rapidement précisés. De plus, la prévention et la gestion des crises modernes ne sauraient se passer des moyens d'écoute.

Il peut être utile de suggérer quelques orientations. D'une part, tous les pays européens comprennent l'importance de l'enjeu stratégique de l'espace et son utilité. D'autre part, si la puissance spatiale était autrefois réservée à quelques grands pays, force est de constater qu'en 2010, une trentaine d'États disposeront de capacités de télécommunications par satellite et d'observation spatiale. L'Europe ne peut donc se permettre d'être absente de ce domaine tant l'enjeu stratégique est fort, mais aussi parce qu'elle en a les compétences.

La réalité budgétaire implique néanmoins des choix. Peut-être faudrait-il consacrer l'essentiel de l'effort financier en matière spatiale à la conduite des forces en répondant efficacement aux quatre fonctions opérationnelles fondamentales qu'offre le spatial: voir, écouter, communiquer et localiser. Il conviendra de suivre attentivement les projets civils ou duaux en s'appuyant sur les données d'environnement. Le suivi des activités spatiales et l'alerte avancée demeurent deux domaines plus complexes, qui nécessitent une approche au niveau européen. Aucun pays européen ne peut se doter à lui seul d'une panoplie complète car le calendrier est impitoyable et les flux financiers limités. Les initiatives nationales couvrent les besoins essentiels à la souveraineté mais obèrent les besoins opérationnels supplémentaires jusqu'en 2015. La nouvelle initiative européenne ne pourra pas apparaître avant cette date, lors du renouvellement de génération, mais c'est maintenant qu'il faut la préparer.

Toutefois, cette préparation ne pourra se faire que si certaines barrières culturelles tombent. L'espace est une des clés de la maîtrise de l'information dans une guerre où l'information fiable doit parvenir aux décideurs en temps réel, et les ordres essentiels aux forces d'opérations. Quatre recommandations pour la construction de cet espace de défense européen doivent être soulignées: la convergence des développements pour des besoins quasi identiques, la méthode d'acquisition commune, le partage de l'information brute, et le renouvellement étalé des générations afin de bénéficier des progrès technologiques sans à-coups industriels.

En conclusion, la construction européenne d'un espace de défense ne pourra se faire que dans une Europe où règne la confiance. L'espace doit être défini avant tout par rapport aux besoins des forces qui évolueront de plus en plus dans le cadre d'opérations interarmées et interalliées infocentrées.

L'effort financier doit être partagé afin de couvrir l'ensemble des besoins spatiaux tout en évitant les redondances dans quelques domaines classés prioritaires.

Mais l'espace ne pouvant satisfaire tous les besoins opérationnels, il vaut mieux déterminer au plus vite sa part réelle, en complément d'autres vecteurs ou sources d'information au niveau européen.

6. Intervention du Capitaine de corvette Guillaume Dandrieux, Responsable des questions spatiale à l'État-major de l'Union européenne

Il est utile de dresser un panorama des différentes interactions entre la PESD et le domaine spatial, aussi bien en matière de développement des capacités que de politique spatiale européenne.

Tout d'abord, il faut mentionner le processus de développement des capacités militaires actuellement conduit au sein de l'UE, et qui a été initié dans le cadre de l'Objectif global à l'horizon 2010.

Celui-ci visait dans un premier temps à réaliser un catalogue des besoins liés à cet objectif. Ce catalogue a été élaboré à partir de cinq scénarios illustratifs représentant les différentes opérations envisagées par la Stratégie de sécurité de l'UE. Les capacités offertes par les systèmes satellitaires recouvrent un certain nombre des capacités requises dans le catalogue des besoins. Elles touchent les domaines suivants: observation, tant optique que radar, communications, analyse des signaux numériques et électroniques et alerte avancée.

Dans un deuxième temps, il s'agissait de lister l'ensemble des capacités mises à disposition par les États membres et de les référencer dans un catalogue de forces. Enfin, la phase actuelle a pour objectif d'identifier les lacunes existantes en confrontant les besoins et les forces disponibles. L'approche qualitative mise en place permettra d'identifier les lacunes en termes capacitaires et non plus uniquement d'unités militaires, et de mesurer leurs implications au niveau des risques opérationnels. Cette analyse débouchera sur un Catalogue de progrès, qui ainsi hiérarchisera les lacunes capacitaires européennes en fonction de leurs impacts opérationnels.

Un processus similaire, mais moins concentré sur les aspects qualitatifs, avait été développé sur la base de l'Objectif global conclu en 2003. Il avait déjà permis de souligner des lacunes capacitaires dans le domaine spatial. Un groupe de travail spécifique avait alors été créé dans le cadre du Plan d'action capacitaire européen afin d'envisager et de proposer des solutions. Malheureusement, ces travaux n'ont pu déboucher sur des résultats concrets.

Le processus actuel paraît plus prometteur pour une simple raison: avec la création de l'Agence européenne de défense, l'Europe s'est clairement dotée de l'outil approprié pour assurer une coopération efficace entre États membres dans le comblement des lacunes capacitaires. L'Agence offre surtout un cadre bien adapté au développement de capacités dont le champ d'action dépasse parfois les seuls aspects militaires, comme c'est souvent le cas pour les systèmes spatiaux.

Replaçant ce processus dans le contexte général de la PESD, l'UE s'est fixé des objectifs stratégiques pour assurer sa sécurité et promouvoir ses valeurs. Pour cela, elle a besoin de développer ses capacités tant militaires que civiles.

C'est dans cette perspective que le Conseil de l'UE a reconnu, en novembre 2004, la valeur ajoutée que représentaient les systèmes spatiaux pour la PESC en général, et pour la PESD en particulier. Dans le document qui marque cette prise de conscience, consacré à une politique spatiale européenne et notamment à la PESD et l'espace, le Conseil fixe trois objectifs qui sont:

— l'identification de l'ensemble des besoins spatiaux civilo-militaires en matière de PESD,

— leur prise en compte dans une politique spatiale globale et dans le Programme spatial européen correspondant,

— une meilleure collaboration intra-européenne et une meilleure exploitation des technologies duales ou à usages multiples.

À la suite de cela, le Comité politique et de sécurité s'est doté en juin 2005 d'une feuille de route pour remplir ces objectifs. En voici quelques aspects importants:

— les besoins PESD en capacités spatiales ont été définis au sein du Conseil. Ils seront dès lors intégrés par la Commission dans le développement de la politique spatiale globale et du Programme spatial européen;

— à cette occasion, l'État-major a affiné la définition des besoins militaires en matière spatiale pour aller au-delà des notions de systèmes, tels qu'ils apparaissent dans le Catalogue des besoins. Ainsi, dans un document connexe, l'État-major définit les besoins militaires en privilégiant une approche orientée sur les données et services requis

— autre aspect important, l'analyse des besoins spatiaux en matière de PESD a permis de reconnaître la convergence entre les besoins civils et militaires. Il paraît également nécessaire de souligner, dans cette feuille de route, la volonté de l'Union européenne d'assurer une cohérence globale dans l'expression de ses besoins en moyens spatiaux et la volonté d'y répondre en privilégiant les systèmes à usages multiples. Cela se traduit entre autres par un dialogue inter-piliers, c'est-à-dire entre le Conseil et la Commission, qui sera dorénavant régulier.

La Commission et l'ESA ont reçu mandat du Conseil « espace » de préparer une Politique spatiale pour l'UE et un Programme spatial associé. La politique spatiale introduira des objectifs stratégiques tout en établissant des priorités parmi lesquelles les aspects sécuritaires devraient pleinement trouver leur place, notamment dans le domaine des applications. Le Programme détaillera quant à lui les aspects économiques et financiers. Officiellement, rien ne semble encore décidé sur la procédure et les modalités d'adoption de la Politique spatiale. L'objectif avoué reste cependant de la voir adopter durant la présidence allemande, c'est-à-dire au premier semestre 2007.

Le programme Galileo fait l'objet d'un état des lieux complet dans une communication récente de la Commission. Une politique d'accès au service gouvernemental est en cours d'élaboration, sur la base des travaux menés au sein du Conseil pour la sécurité de Galileo. L'objectif final reste que ce service puisse être utilisé dès la fin 2010.

— GMES a pour objectif de répondre à un large éventail de besoins qui couvrent les principales politiques européennes en matière d'environnement et de sécurité, dont la PESD fait évidemment partie intégrante. Cela signifie que les besoins de la PESD sont et seront pris en compte dans les développements actuels et futurs du GMES. Cela signifie encore que la cohérence et les aspects à usages multiples commencent à être mis en œuvre dans GMES.

7. Intervention de M. Tomaz Lovrencic, Directeur adjoint du Centre satellitaire de l'Union européenne

Les orateurs précédents ont beaucoup parlé du renforcement des institutions. Le Centre satellitaire est une des rares institutions dans le domaine de la PESD et de l'espace dont la mission est d'analyser les images satellitaires. Il a été créé il y a dix ans en tant qu'agence de l'UEO avant d'être transféré à l'UE en 2002, date à laquelle il est devenu une des trois « agences décentralisées » relevant du Conseil. Le fait qu'il dépende du Conseil et non de la Commission est important car un pays membre peut s'opposer à une de ses activités même si les 24 autres l'approuvent et les conséquences qui en résultent pour le fonctionnement de la PESD en général sont déterminantes. Cette question est actuellement en discussion. Le fait de relever du Conseil implique également un budget réduit — 10,3 millions d'euros seulement et moins de 100 agents — et tous les ans, il faut livrer bataille avec tous les États membres sur ce point, ce qui a des répercussions directes sur les activités du Centre.

En tant qu'organe de l'UE, il offre l'avantage de fournir une analyse autonome et neutre des images satellite. Cette approche de l'UE est très appréciée par les utilisateurs. Il ne rivalise pas avec les institutions nationales mais leur est complémentaire. Il a pu privilégier les critères de l'UE plutôt que ceux des pays, ce qui s'est révélé particulièrement important en 2004-2005 lors du développement de la PESD. Il attache une grande importance au principe du partage des informations pour la prise de décision commune, principe hérité de l'UEO qui offre un avantage méthodologique par rapport aux 25 approches individuelles.

Cette expérience positive a servi à d'autres programmes également. Le Centre satellitaire se concentre sur les questions traitées par la Stratégie européenne de sécurité de 2003. Récemment, le nombre de tâches demandées non seulement par les États membres mais aussi par les institutions internationales a augmenté. Le Centre apporte donc une contribution essentielle à une composante de la politique étrangère de l'UE, à savoir un multilatéralisme efficace, et son rôle dans les missions humanitaires est loin d'être négligeable.

Le cycle du renseignement fonctionne plutôt bien au sein de l'UE. Si l'on compare avec les systèmes nationaux, il est clair que des améliorations peuvent encore être apportées. La lenteur du processus décisionnel, problème général à l'UE, affecte aussi le Centre satellitaire. Mais l'expérience récente a été dans l'ensemble positive. Le Centre est associé à un grand nombre de projets communs avec d'autres institutions, tels que le programme GMES. Un petit projet sur les mouvements migratoires illicites a été lancé en coopération avec Frontex, le but étant de démontrer ce qu'on peut faire avec les capacités existantes et comment les développer à l'avenir.

Il y a des limites dans le domaine de la sécurité des réseaux d'information, qui font obstacle à certains projets. Les opérations communes de l'UE ont un énorme potentiel de croissance et le Centre satellitaire apporte la preuve qu'il est possible de parvenir à un consensus entre un grand nombre d'États membres. Les besoins des utilisateurs augmentent. Il y a là une formidable opportunité à saisir: les institutions existantes de l'UE pourraient servir à satisfaire ces besoins et leur expérience pourrait être mise à profit pour améliorer la sécurité et la défense de l'Union européenne.

8. Échange de vues

M. Walter (Royaume-Uni, Président de la Commission de défense de l'Assemblée de l'UEO) observe que même si les présentations insistent sur le fait que la politique spatiale européenne est sous l'influence de la demande et de l'économie de marché, il s'interroge sur le volet purement scientifique et sur la recherche qui devraient être soutenus par les gouvernements. L'Europe a-t-elle une conception claire d'une recherche non commerciale et de ses moteurs ? La visite du site du lanceur Vega a laissé l'impression qu'il n'existe pas encore de vraie demande parce que le programme n'existe pas encore.

M. Onyszkiewicz (Pologne, Vice-Président du Parlement européen) fait remarquer que l'UE coopère avec la Russie dans quatre domaines dont ceux de la science et de la technologie. Cette coopération fonctionne-elle bien ? Soyouz et l'utilisation du pas de tir de Baïkonour sont davantage des entreprises commerciales, mais de nouveaux projets de coopération purement scientifiques sont-ils envisagés ? Deuxièmement, qu'en est-il de l'Ukraine, qui dispose d'un certain potentiel dans le secteur spatial ?

M. Dordain (Directeur général de l'ESA) note qu'il a en effet surtout mis l'accent sur les applications voulues par les usagers, ce qui est l'élément nouveau de la politique spatiale. Pour la partie scientifique, les mécanismes appropriées sont déjà en place: les activités scientifiques sont financées par les gouvernements tandis que les scientifiques défendent leurs projets. Tous les trois ans, les États membres fixent un plafond quinquennal de ressources pour garantir la stabilité des programmes scientifiques, tandis que les communautés scientifiques définissent les missions de l'ESA à l'intérieur du cadre financier. Le programme scientifique est une grande réussite: avec un budget représentant un cinquième de celui des autres agences spatiales comme la NASA, il a réalisé un certain nombre de premières et fait progresser la connaissance scientifique. La coopération entre l'ESA et ses États membres fonctionne particulièrement bien dans le programme scientifique: l'ESA fournit la plate-forme et la mission, les programmes nationaux fournissent les instruments. Ceci a permis à l'Europe d'être présente partout dans l'espace. Bien sûr, on peut toujours multiplier les fonds, mais les mécanismes fonctionnent bien.

En matière d'applications réclamées par les usagers, il faut faire des progrès. Le programme Vega est nécessaire pour compléter la gamme des lanceurs dont l'ESA a besoin pour ses missions. Les lanceurs Soyouz et Vega conviennent mieux pour de petits satellites, par exemple pour des missions d'observation de la terre.

Les installations de lancement de Soyouz en Guyane française sont la partie la plus visible de la coopération avec la Russie et vont dans l'intérêt mutuel des deux protagonistes, c'est à dire l'accès aux orbites géostationnaires pour la Russie et la possibilité d'utiliser Soyouz pour le lancement de petits satellites à partir de Kourou. Mais l'Europe est aussi partenaire avec la Russie sur la station spatiale internationale, la Russie fournissant des lanceurs quand la navette est clouée au sol. Dans le domaine scientifique, le programme Intégral offre un exemple majeur de coopération. L'observation de la terre, la navigation par satellite et les futurs lanceurs font aussi l'objet de coopération. Un dialogue est amorcé avec l'Ukraine qui a indiqué son intérêt à devenir un jour membre de l'ESA, mais aucun accord concret n'a été conclu.

M. Kristovskis (Lettonie, Vice-Président de la sous-commission « Sécurité et défense » du Parlement européen) observe que les membres de la Sous-commission sécurité et défense du Parlement européen apportent leur soutien à Galileo et au GMES. Galileo permettrait une transmission illimitée d'informations. Mais qui est le plus intéressé par ces données: l'État-major de l'UE, les états-majors nationaux ? Et qui, au sein de l'UE, se chargera de la coordination: le Centre satellitaire, ou peut-être l'Agence européenne de défense ?

M. Evans (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) se montre enthousiaste devant les réalisations de l'ESA. Celle-ci se différencie sensiblement de la NASA: veut-elle des projets à 25 ? Des pays non membres de l'UE comme la Norvège et la Suisse participent à des projets de l'ESA. Étant donné que l'Europe dépasse les limites de l'UE, comment faire en sorte que le maximum de pays européens contribuent à la politique spatiale européenne, ce qui est probablement nécessaire à l'augmentation des fonds disponibles ?

M. O'Hara (Royaume-Uni, Président de la Commission technique et aérospatiale de l'Assemblée de l'UEO) souligne que les États-Unis n'ont guère été évoqués jusqu'ici. Les États-Unis occupent pourtant une place centrale, pour des raisons stratégiques (défense antimissile et débat sur l'utilisation d'armes dans l'espace) mais aussi pour des raisons technologiques: la présence de composants technologiques américains dans les technologies spatiales satellitaires et les réserves des États-Unis sur les transferts de technologie. M. Dordain a mis en avant les retombées de la coopération avec la Russie et le potentiel d'une coopération avec l'Ukraine. Mais qu'en est-il de la Chine et de l'Inde, qui progressent à grandes enjambées dans le domaine de l'espace ? Coopérer avec eux serait précieux, surtout au vu de leur potentiel commercial. Pour ce qui est de la Chine, comment traiter les problèmes du transfert de technologie qui se poseraient immanquablement dans les relations avec les États-Unis ?

M. Pflüger (Allemagne, membre du Parlement européen) interroge le Directeur du Centre satellitaire sur l'accès à leurs informations. Le Parlement européen a besoin de certaines informations mais ne dispose d'aucune voie d'accès officielle parce que le Centre est un organe du Conseil.

M. Dordain (Directeur général de l'ESA) confirme les différences entre l'ESA et la NASA, mais précise qu'une coopération intense existait déjà du temps d'ESRO. En termes budgétaires, l'ESA est cinq fois moins dotée que la NASA, mais couvre une gamme d'activités plus large.

L'ESA devrait renforcer ses relations avec l'UE, mais l'Europe n'a pas intérêt à en faire un organe de l'UE. L'ESA est ouverte aux candidatures de tous les pays intéressés. Le budget spatial pour la période allant jusqu'à 2013 s'élève à 250 millions d'euros, ce qui est inférieur au total des contributions des États membres à l'ESA (en gros trois milliards d'euros par an et par État membre). Il faudra beaucoup de temps pour que l'UE s'aligne sur les dépenses des États membres dans ce domaine. La flexibilité actuelle, qui résulte de la palette des différents programmes nationaux, de l'ESA et communautaires, ainsi que des différents types de ressources, constitue un atout et non pas un handicap.

Dans le cadre de sa coopération avec la NASA, l'ESA s'est heurtée à de nombreux problèmes de transfert de technologie qu'il a fallu régler. Cependant, il en a été de même en matière de coopération avec la Russie et d'autres pays. L'ESA a conclu un accord-cadre avec la Chine et les deux parties coopèrent à des programmes scientifiques et d'observation de la terre. De plus, la Chine participe aussi à Galileo. Enfin, l'ESA coopère avec l'Inde et le Japon, surtout à des programmes scientifiques.

Le Contre-Amiral Poulain (Général adjoint Espace, État-major des armées, France) explique pourquoi les forces armées françaises ont besoin d'utiliser les capacités spatiales de l'Europe. En cas d'urgence, la fourniture en haut débit d'un gros volume d'informations de haute qualité est déterminante, notamment pour l'évaluation de la situation.

M. Lovrencic (Directeur adjoint du Centre satellitaire de l'UE) précise que les règles d'accès aux images du Centre satellitaire sont claires: les États membres de l'UE, la Commission européenne, les organisations internationales et les parties tierces sont concernés. Si le Parlement européen veut acquérir des images, il doit soumettre une demande au Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune qui décidera de la suite à lui donner.

M. Bracquené (Chef de l'Unité « Politique scientifique » au ministère de l'économie, de l'énergie, du commerce extérieur et de la politique scientifique, Belgique) répond à M. O'Hara qu'en raison du retard pris par la PESD, il n'y a pas de réponse collective européenne au problème qu'il a soulevé. Pour l'instant, il n'y a que des réactions nationales.

M. Czarnecki (Pologne, Membre du Parlement européen) pose une question sur les relations de l'Europe avec le Canada et les États-Unis dans le domaine des activités spatiales.

M. Gubert (Italie, Assemblée de l'UEO) demande ce qu'il en est de la participation du Royaume-Uni à l'ESA.

M. Dordain (Directeur général de l'ESA) explique que le Canada et les États-Unis divergent complètement en termes de budgets spatiaux. Le Canada est impliqué dans plusieurs programmes de l'ESA, mais la coopération entre l'Agence et les États-Unis se déroule à une tout autre échelle.

Pour ce qui est de la participation du Royaume-Uni aux activités de l'ESA, c'est un membre comme les autres et un contributeur important de l'ESA. Il n'a pas voulu prendre part aux programmes de développement des lanceurs ou à la station spatiale internationale, préférant se concentrer sur les programmes scientifiques ou autres comme Galileo où son savoir-faire fait merveille.

IV. SESSION DU JEUDI 21 SEPTEMBRE 2006 — LES CAPACITÉS TECHNOLOGIQUES ET INDUSTRIELLES

Président: M. Alain Gaubert, Secrétaire général d'Eurospace

1. Introduction par M. Alain Gaubert, Secrétaire général d'Eurospace

L'industrie spatiale est le dépositaire ultime du savoir-faire de l'Europe. L'espace ne fonctionne pas comme un arsenal, mais dans une économie de marché. Eurospace, créée en 1961, est une association réunissant les industries spatiales européennes, dont la Présidente est Mme Pascale Sourisse (CEO d'Alcatel Alenia Space). Eurospace fait partie intégrante du consortium ASD (« Aerospace and Defense Industry »).

Il faut d'abord rappeler les déboires du secteur spatial: le chiffre d'affaires consolidé de l'industrie spatiale européenne a décru de 20 % depuis l'an 2000, l'emploi aussi. Les commandes émanent des programmes institutionnels (ESA, agences spatiales nationales) et des clients privés. Jusqu'en 2000, le nombre des commandes commerciales était supérieur à celui des institutionnels. Puis les opérateurs de satellites ont réduit leurs commandes, et même si l'industrie spatiale européenne est restée compétitive, elle a perdu du terrain. Le constat est le même pour le marché des lanceurs.

Il est certes impossible de comparer les ressources financières avec celles des États-Unis, mais l'Europe est néanmoins compétitive. Elle a su conserver ses parts de marché grâce à sa situation unique au monde: avoir deux marchés, qui forment vraiment deux piliers. Mais en cas de faux pas, il devient difficile de maintenir les compétences sans investir dans la recherche et l'innovation. La parité euro/dollar pose aussi un problème. L'industrie spatiale européenne a besoin du soutien de l'Europe et des parlementaires pour assurer son développement technologique.

2. Intervention de M. Alain Charmeau, Directeur général d'Astrium Space Transportation

EADS apprécie les rapports des parlementaires de l'Assemblée de l'UEO, notamment ceux de 2003 sur la défense antimissile à partir de l'espace, puis de 2005 sur le contrôle des armes de destruction massive grâce à la surveillance par satellite, et récemment sur l'arsenalisation de l'espace.

EADS est un intégrateur système et le maître d'œuvre du développement du lanceur Ariane pour le compte de l'ESA. Il livre à Arianespace les lanceurs intégrés avant l'achèvement final avec les charges utiles, et est aussi fournisseur de missiles balistiques pour les forces navales de dissuasion françaises. C'est également le maître d'œuvre dans le domaine des satellites de communication, de navigation et de recherche stratégique, de l'exploration interplanétaire, et des infrastructures orbitales. Il se félicite d'avoir livré au Kennedy Space Center le laboratoire Columbus qui devrait être embarqué en 2007 sur la navette et constitue une contribution majeure de l'Europe à la station spatiale internationale. Il développe pour l'ESA l'ATV, le cargo de ravitaillement automatique destiné à la station spatiale internationale qui devrait être lancée par Ariane 5 et permettra le maintien en vie de la station au-delà de 2010-2015.

Dans le domaine spatial, il existe une dualité entre les applications de défense et de sécurité et les applications civiles. Ceci est vrai pour les lanceurs, les technologies et les équipements. Les bureaux d'étude sont partagés entre les applications civiles et les missiles ou les intercepteurs de la défense antimissile. Il y a dualité également des programmes au niveau des satellites de communication, de navigation et d'observation. Dans le domaine des services, Arianespace a placé il y a deux mois deux satellites en orbite, un militaire et un commercial non européen. Finalement, il y a dualité des marchés, avec des clients institutionnels et commerciaux. Arianespace est devenue un partenariat public-privé régi par des obligations partagées, quant aux coûts de l'accès autonome à l'espace, entre opérateurs privés et gouvernements grâce à la régularité des lancements et au maintien de la cadence industrielle de production nécessaire à la fiabilité des lanceurs. Elle détient plus de 50 % de parts de marché. Les secteurs de la défense et de la sécurité en profitent, ainsi que la communauté scientifique car l'amélioration du niveau de sécurité dans le monde est aussi le fruit des activités civiles et commerciales.

La coopération internationale a caractérisé l'industrie spatiale dès le début, au niveau politique et industriel. L'ESA en tant qu'institution affiche un palmarès impressionnant de programmes réussis, mais des améliorations sont toujours nécessaires. Néanmoins, l'ESA est une référence.

Sur le plan industriel, avec la création d'EADS et le développement d'EADS Space, EADS est capable d'intégrer les compétences industrielles dans cinq pays (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Espagne et Pays-Bas) et coopère avec d'autres pays comme la Belgique, l'Italie, la Suède, la Suisse et le Canada. Pour EADS, les grands défis européens sont l'élargissement, la coopération avec les nouveaux pays européens et les futurs entrants, et le développement de la coopération européenne dans l'espace en matière de défense et de sécurité. L'industrie est prête, mais elle a besoin du soutien de l'Assemblée de l'UEO et de la CIEE.

L'Europe coopère avec les États-Unis pour les systèmes orbitaux, la station internationale orbitale, mais les ambitions politiques américaines freinent les possibilités au niveau des lanceurs. La défense antimissile est une opportunité de coopération transatlantique, et l'Europe doit jouer un rôle majeur dans ce domaine.

Avec la Russie, la coopération est ancienne: avec la société Starsem pour Soyouz, Eurockot pour les Soyouz qui seront lancés à partir de Kourou, et autres. La coopération avec la Russie est donc un succès. Celle-ci engage un programme de nouveaux lanceurs auquel il serait bon que l'Europe s'associe.

L'espace étant un domaine récent, l'immersion dans les services a été immédiate: imagerie, lancements, entraînement des astronautes, exploitation de la station internationale orbitale. EADS est leader en matière de services, l'un des plus récents et des plus prometteurs étant le programme britannique Paradigm. En matière de navigation, il existe déjà des applications et d'autres sont à découvrir. D'autres développements sont attendus au niveau des structures sol. Un dialogue doit s'engager au niveau de la défense européenne, notamment du point de vue du transfert de responsabilités entre armées, gouvernements et entités industrielles. En ce qui concerne l'observation de la terre, la surveillance de l'espace ou la sécurité générale, les idées ne manquent pas.

L'esprit pionnier existe toujours, le champ d'exploration spatiale est infini, mais la compétition est rude depuis 2000. En raison des difficultés rencontrées par le lanceur Ariane 5 et de la concurrence des dérivés des missiles balistiques russes, certaines industries ont mis un terme à leurs activités. Mais l'Europe a su réagir non seulement grâce au partenariat entre responsables publics et responsables industriels mais aussi au soutien parlementaire. EADS s'est restructurée en acceptant des risques industriels et financiers pour Ariane 5 avec une baisse de 30 % de ses coûts, mais sept lancements réussis en un an l'ont repositionnée: Arianespace is back, ce qui est excellent pour l'Europe ! Mais les autres conséquences sont une réduction de 30 % des effectifs depuis 2002 et une réduction supplémentaire de 15 % , tout en préservant les compétences. Et au niveau du budget, les crédits ont été réorientés depuis 2002 vers Ariane 5, ce qui a constitué une décision utile pour reconquérir le marché.

L'espace a besoin d'équipes par excellence, d'ingénieurs, de techniciens, de projets d'avenir, de nouveaux défis. Sans haute technologie, il y a des risques d'échec. En ce qui concerne le futur, les grandes puissances savent que l'espace est un domaine de leadership politique appelé à jouer un rôle accru en matière de défense et de sécurité. Même si elle a raté la marche du vol habité autonome, l'Europe existe à travers une industrie compétitive et garante de l'accès autonome à l'espace. Grâce à Kourou et Ariane 5, les gros lanceurs sont la pierre angulaire pour accéder à l'espace, comme le prouvent les quatre grandes puissances spatiales: la Chine avec les vols habités, les États-Unis avec le lanceur Orion, la Russie avec le lanceur Clipper et l'Inde.

Le développement des lanceurs s'est arrêté au bénéfice d'Ariane 5, d'où un risque de perte de compétence face auquel il faut réagir. Avec le CNES et l'ESA, deux voies sont explorées: l'amélioration d'Ariane 5 qui vole depuis plus de dix ans, et l'évolution vers de nouveaux modèles pour prendre sa suite.

3. Échange de vues

M. Evans (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) demande ce que la version Ariane 6, qui devrait voir le jour en 2008, apportera de plus.

M. Charmeau (Directeur général d'Astrium Space Transportation) n'a pas la réponse aujourd'hui, mais plusieurs programmes de recherche sont en cours, notamment sur les moteurs qui devront être plus performants et moins chers que le lanceur actuel. Le monde est concurrentiel. Dans le domaine de la propulsion, des structures, du guidage, du pilotage et de la navigation, il y a des axes de recherche explorés avec le CNES et avec l'ESA dans le cadre du programme préparatoire des lanceurs futurs dont les technologies devraient être au point vers 2015-2020.

Mme Brasseur (Luxembourg, Assemblée de l'UEO) souligne le rôle joué par les femmes. Comparé à d'autres, le secteur de l'industrie spatiale est assez féminisé.

M. Gaubert (Secrétaire général d'Eurospace) et M. Charmeau (Directeur général d'Astrium Space Transportation) confirment que le milieu spatial est très féminisé par rapport à d'autres.

M. Gubert (Italie, Assemblée de l'UEO) demande, à propos de la concurrence, comment l'Europe peut réduire sa dépendance par rapport aux États-Unis.

M. Charmeau (Directeur général d'Astrium Space Transportation) répond que l'Europe, grâce à ses efforts, est très peu dépendante de la technologie américaine et cherche à être totalement indépendante en matière de satellites. Le lanceur Ariane est entièrement européen.

M. Onyszkiewicz (Pologne, Vice-Président du Parlement européen) déclare qu'on parle souvent d'écarts technologiques entre l'Europe et les États-Unis et il se demande si c'est le cas dans le domaine spatial.

M. Charmeau (Directeur général d'Astrium Space Transportation) répond que c'est effectivement le cas pour les vols habités. L'échec du projet Hermès, pour des raisons politiques, économiques et technologiques, qui remonte à dix ans, est une occasion manquée, mais il n'y a pas de gap technologique en matière de lanceurs. L'Europe a moins de programmes (rapport de 1 à 15 par rapport aux budgets des États-Unis), mais elle a su se concentrer sur des applications comme Ariane 5, et les États membres de l'ESA ont compris la nécessité de parvenir à des compromis entre le développement national et les avancées technologiques au niveau européen.

4. Intervention de M. Jean-Paul Herteman, Directeur général Groupe Safran — Branche Propulsion

La situation de l'industrie spatiale dans le domaine de la propulsion est très éloignée de l'utilisation finale, moins visible, mais elle est essentielle pour l'accès à l'espace. Les lois de la physique font qu'il n'y a pas de marge ou de redondance, la charge utile d'Ariane représentant 1,5 % de la masse. C'est donc un travail sur le fil du rasoir.

Les conditions sont critiques, car extrêmes. Le moteur Vulcain doit fonctionner couvert de givre à la température du zéro absolu, mais aussi à 3 500 degrés en propulsion, ce qui correspond à la puissance d'une tranche de centrale nucléaire, tandis que les quatre accélérateurs à poudre du second étage produisent autant d'énergie que quatre tranches de centrales nucléaires. Il s'agit d'une technologie critique car c'est un contributeur important aux coûts de développement et de production d'un lanceur spatial.

L'Europe a-t-elle une base industrielle et technologique compétitive en matière de propulsion spatiale ? On peut citer quelques exemples. Tout d'abord, il y a les moteurs d'étage supérieur à hautes performances, très importants pour mettre en orbite les satellites lourds ou exigeants du point de vue énergétique. Si l'on compare les résultats obtenus depuis les premiers pas de la conquête spatiale, on peut constater que:

— les États-Unis ont réussi près de 400 vols depuis 1960;

— la Russie, avec des technologies moins sophistiquées, talonne les États-Unis depuis le milieu des années 1960;

— l'Europe a réussi 142 vols depuis la fin des années 1970;

— parmi les autres concurrents figurent le Japon depuis début 2000, la Chine depuis dix ans, avec 15 vols réussis, et il devrait y avoir bientôt l'Inde.

Deuxième exemple: le lanceur Delta 4 de Boeing dédié aux satellites d'observation militaire sont équipés de tuyères longues. Les performances sont meilleures, mais pour les lanceurs lourds, on utilise des jupes repliables dans un matériau adapté, fabriqué à Bordeaux, et que les Américains ont commandé.

Dernier exemple: le succès du programme ESA Smart 1 qui, grâce à une propulsion électrique, a effectué le parcours de la terre à la lune avec 75 kg de xénon, ce qui équivaut au réservoir d'une grosse berline.

L'exploration spatiale n'est jamais loin de l'exploitation commerciale. Les satellites d'Alcatel et Astrium profitent des technologies des moteurs électriques qui prolongent la durée de vie en orbite et des capacités de canaux de transmission supplémentaires. La coopération internationale entre industriels comme la Snecma (France) et Fakel (Russie), et non pas entre agences spatiales nationales, a évité à l'Europe toute dépendance.

La base technologique est bonne mais la situation n'est pas pérenne. En raison de sa petite échelle, l'industrie européenne est proche du seuil critique de sous-technicité en dessous duquel elle n'est plus viable et elle est d'autre part trop fragmentée. Les chiffres d'affaires le montrent: aux États-Unis, il existe une forte concentration, tandis que chez Safran, on constate de gros écarts entre la propulsion à poudre et à ergol liquide.

Concernant les effectifs, il a fallu les réduire depuis le début des années 1990, s'adapter et faire des gains de productivité. Néanmoins, le risque existe toujours de passer sous le seuil critique de sous-technicité.

À la Conférence de Berlin, un examen approfondi de la situation a été réalisé par des experts de rang mondial. À propos de la fragmentation, on peut citer l'exemple du kaléidoscope Vulcain auquel participent 20 partenaires. C'est une force pour l'Europe mais aussi une faiblesse pour la gestion économique et la fiabilité. La mise en place d'une chaîne contractuelle a amélioré la situation mais s'avère très compliquée, avec beaucoup d'interfaces à gérer.

C'est la même chose pour la propulsion solide: les moteurs à poudre sont nés en Aquitaine et en Bavière, puis il sont allés en Italie centrale avant de finir à Kourou. Les ingénieurs qui ont prévu pour le tunnel du Saint-Gothard un tel gabarit de conditionnement ignoraient les retombées pour les équipes d'Ariane 5.

Que faire à l'avenir ? Deux axes sont à prendre en compte. Il y a la restructuration. L'industrie spatiale n'est pas un secteur économique ordinaire, la volonté politique joue. De plus, il y a l'augmentation du financement, qui est l'affaire des pouvoirs publics qui ont aussi des devoirs en matière d'utilisation duale.

Au cours des trente dernières années, la France et l'Allemagne ont fabriqué des moteurs de fusée en gardant leurs capacités individuelles, mais l'étape suivante implique une perte d'indépendance. En matière de financement, il faut compter d'un demi-milliard à un milliard d'euros pour un moteur de fusée ou d'avion. La différence majeure est dans la quantité d'unités de moteurs d'avion et de fusée à produire — le rapport est de 1 à 10. Il faut donc une décision politique.

L'activité commerciale d'Ariane 5 apporte le volume de fabrication nécessaire pour maintenir la capacité d'accès à l'espace, mais il n'y a pas de retour sur investissement. Pourquoi un plaidoyer en faveur d'un financement public ? Le domaine de la propulsion est modeste. Il était menacé de disparition, mais grâce aux engagements politiques du Conseil ESA, le programme est stabilisé pour un montant de 60 millions d'euros, ce qui est certes significatif pour les finances publiques, sans être énorme pour les industriels.

Quelles sont les solutions ? Une possibilité parmi d'autres se trouve dans l'idée de finir le développement du moteur d'étage supérieur Vinci, qui a connu deux essais réussis. Vinci apporterait 10 à 15 % de charge utile en plus pour un même coût. Le réallumage en vol est aussi une technique à développer pour avoir des trajectoires de mise en orbite beaucoup plus flexibles. Il est en effet important de rester dans la course, et même d'être dans le peloton de tête, en motivant les ingénieurs et les spécialistes.

Il faut insister sur l'obligation de maximiser les retombées duales des efforts de soutien public à l'espace civil et militaire. On peut tirer des leçons de l'opinion de M. Marc Reymann, député du Bas-Rhin, pour qui l'usine de Molsheim de Messier-Bugatti n'existerait pas si le groupe n'était pas devenu le leader du freinage aéronautique grâce à des matériaux composites carbone-carbone, développés pour des besoins de missiles balistiques. Il faut s'adapter pour vendre en grande série et ces améliorations bénéficient aux applications de base civiles et militaires.

Un autre exemple est le transfert du savoir-faire pour les systèmes cryotechniques comme le transport de méthane liquéfié ou les applications grand public des piles à combustible. L'Union Européenne, par son programme-cadre de recherche et de développement, peut participer à la généralisation de la dualité.

5. Échange de vues

Mme McCafferty (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) a noté les remarques concernant l'équilibre entre la nécessité d'être à la pointe de la technologie et les bénéfices pour les pays participants et cité l'exemple de Bordeaux en montrant une diapositive où c'est un lanceur américain qui utilise ce composite. Cette nouvelle technologie a-t-elle été vendue aux États-Unis ou partagée, et l'Amérique dispose-t-elle d'un droit d'information au titre de traités comme c'est le cas à l'OTAN ?

M. Herteman (Directeur général Groupe Safran — Branche Propulsion) répond que la première application a été faite sur un lanceur américain, mais si l'Europe décide d'en équiper Ariane 5 ou des petits lanceurs, elle dispose de la technologie avancée. Ce composite a déjà été testé avec succès sur des tuyères en Allemagne. Il n'y a pas eu de transfert de technologie aux États-Unis, il a fallu accéder à des spécifications classées, un exercice difficile que l'Europe a réussi. Elle s'est renforcée en concluant cette affaire avec les États-Unis et il faut espérer d'autres occasions, sans doute pas au niveau des systèmes satellites, mais au niveau des composants des sous-systèmes.

6. Intervention de M. Miguel Llopis, Directeur des affaires internationales, Indra Espacio

Le secteur spatial constitue un outil important pour le suivi et la mise en œuvre de la politique de l'UE dans de nombreux domaines. Il participe à la Stratégie de Lisbonne, qui ambitionne de faire de l'UE la société de la connaissance la plus avancée au monde.

Les systèmes spatiaux jouent aussi un rôle essentiel dans les activités quotidiennes des citoyens européens (télévision, voyages, transports, météo, téléphone). L'espace ne doit donc pas être perçu comme une chasse gardée, mais comme un domaine ayant des implications pour les citoyens européens.

L'industrie spatiale européenne doit rester compétitive sur le marché mondial, et elle en a les capacités. Elle est vitale pour l'indépendance de l'Europe dans un secteur hautement stratégique, mais elle dégage des marges faibles qui expliquent la baisse des chiffres d'affaires et les réductions d'effectifs intervenues depuis l'an 2000.

Pour des raisons politiques, l'Europe doit agir. Les États-Unis investissent trois fois plus qu'elle dans les technologies civiles et duales, sans parler des budgets militaires. En outre, elle doit affronter la concurrence de la Chine, de l'Inde et d'autres pays à faibles coûts de production. Pour préserver sa position de leader, l'Europe doit maintenir son avance technologique dans l'espace, ce qui implique d'accroître les investissements dans la recherche et développement, d'exploiter les innovations technologiques dans d'autres secteurs et de rechercher les synergies en développant des technologies duales.

Ni les entreprises privées, ni les économies européennes ne peuvent relever le défi à elles seules, mais la coopération industrielle spatiale au niveau de l'UE a déjà obtenu de bons résultats grâce à des programmes comme Galileo ou GMS. L'UE a besoin d'une solide base technologique de coopération entre tous les protagonistes, industries et laboratoires. La plate-forme technologique spatiale européenne existe grâce aux contributions de ses membres, au développement de systèmes spatiaux et à leur déploiement dans la décennie à venir. Le dialogue entre les différents acteurs — ESA, agences nationales, gouvernements et secteur privé — est essentiel pour la stratégie spatiale européenne.

Quatre idées sont donc à retenir.

Premièrement, le secteur spatial revêt une importance stratégique. Il contribue à la politique géostratégique de l'Europe, à l'élaboration des décisions européennes et fait partie de la vie quotidienne des citoyens.

Deuxièmement, afin de garantir son indépendance, l'Europe doit accroître ses investissements en matière de recherche et développement pour réduire l'écart par rapport aux États-Unis et faire face aux pays émergents.

En plus, la recherche et le développement multiplient les capacités à l'exportation et à l'importation et les retombées pour d'autres secteurs.

Finalement, une plus grande harmonisation entre les institutions de l'UE et ses États membres permettra de maximiser ses ressources financières.

7. Intervention de M. Remo Pellichero, Directeur général SABCA

Les lanceurs sont les garants de l'accès à l'espace et donc prioritaires dans toutes les décisions prises en Europe sur les capacités nécessaires aux avancées technologiques. Les lanceurs doivent être compétitifs à des coûts acceptables. Il faut un accès au marché commercial pour rivaliser avec les États-Unis, et le soutien des petits États comme des grands est souhaitable.

Quelle est la situation actuelle des participants à Ariane 5 ? Arianespace est chargée de la commercialisation, Astrium est maître d'œuvre et plusieurs fournisseurs et actionnaires (Avio, CNES, REGULUS, Safran, etc.) forment le « Club », qui détient 16 % du capital et veille à la bonne coopération entre tous les protagonistes.

Le « Club » est spécialisé dans le développement des tuyères et des turbines, des vérins hydrauliques et mécaniques, des équipements de contrôle de puissance, des amortisseurs, des propulseurs, etc. Les spécialisations sont réparties entre différents pays: Belgique, Danemark, Suisse, Suède et Allemagne. La règle du juste retour industriel a permis une ventilation des activités partout en Europe, selon des critères motivants pour les gouvernements.

Où on est avec le programme Vega avec un contractant principal et de nombreux fournisseurs (Astrium, SABCA, Stork, Snecma, Dutch Space, Europropulsion, etc). Des spécialisations ont pu être construites, notamment dans le domaine des servocommandes électromécaniques. La situation dans le programme Vega est similaire à celle d'Ariane 5: il existe un fort potentiel de progrès, mais à condition de réaliser à l'avenir des développements industriels à des coûts supportables et avec le soutien des États. Aucun nouveau programme pour le maintien des compétences n'ayant été décidé, il est à craindre, si on doit attendre 2008, que de nombreuses entreprises membres du « Club » perdent des compétences.

Certains des moyens de production dont dispose l'ESA sont menacés de vieillissement et leur modernisation est une nécessité. Le problème est le même chez EADS et Snecma.

Pour parvenir à un coût de lancement acceptable, un accord novateur a été passé sur 30 lanceurs. La livraison doit se faire de 2006 à 2010, et d'autres fournisseurs du « Club » devraient participer aux efforts de baisse du coût des lanceurs en s'engageant sur un lot suivant de 30 lanceurs.

L'équilibre entre développement et statu quo pour relever les défis de demain est à trouver. Le marché a changé: il y a 20 à 25 satellites à lancer contre 10 à 15 il y a 20 ans, les concurrents souffrent, Arianespace est très sollicitée, elle est confrontée à des demandes de montée en cadence. On assiste à un retour à la situation d'Ariane 4. C'est une opportunité majeure à saisir.

Il faut poursuivre les spécialisations non pas sur la base exclusive du juste retour. Celles-ci devront être coordonnées par Astrium et Arianespace, entre maître d'œuvre et fournisseur. Les sous-traitants doivent assumer leurs responsabilités, anticiper les développements et contribuer à la baisse des coûts. Quant aux États, ils doivent encourager la spécialisation, processus normal en cas de restructuration avec des transferts à la clé.

Les constructeurs de lanceurs contribuent à garantir un accès indépendant à l'espace, ils comprennent de mieux en mieux les aléas et maîtrisent les lancements. Ils ont montré leurs capacités de progrès au sein de la famille Ariane, et veulent participer au développement de la société européenne de la connaissance en poursuivant l'évolution technique. L'ESA, Arianespace et le maître d'œuvre doivent avoir un rôle d'arbitre dans le domaine de l'évolution des lanceurs et si des mesures et des décisions ne sont pas prises avant la conférence des ministres de 2008, les capacités de ce secteur industriel risquent d'en pâtir.

8. Échange de vues

M. Henderson (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) voudrait savoir si, pour défendre et augmenter sa compétitivité, une entreprise comme la SABCA envisage de trouver d'autres partenariats, en Chine et dans d'autres pays orientaux, non seulement sur le plan commercial mais également en participant au développement, par exemple d'un lanceur fabriqué par un consortium indien en tant que sous-traitant, et ce malgré les difficultés inhérentes à l'exercice.

M. Pellichero (Directeur général de SABCA) répond qu'il y a eu une tentative de coopération avec la Russie, mais sans grand succès. Certaines technologies d'avenir peuvent être discutées avec les États-Unis et la Chine, mais il faut tenir compte de la famille Ariane pour éviter des problèmes à nos partenaires européens. Les négociations ont débuté, mais il faut préalablement l'accord de tous.

M. Herteman (Directeur général, Branche propulsion aéronautique et spatiale du Groupe Safran) ajoute qu'on a commencé à travailler avec la Chine, mais en raison des applications duales, la coopération pose un problème du fait que la Chine et l'Inde n'ont pas adhéré au Traité de non-prolifération.

Comme exemple de ce que peut apporter le secteur spatial à l'économie en général, on peut se référer à la cession, assortie de garanties pour les besoins militaires et spatiaux, d'une petite société près de Mulhouse qui fabrique des caoutchoucs spéciaux pour lesquels de nouvelles possibilités d'utilisation sont apparues en matière de forage pétrolier offshore. Ces caoutchoucs servant pour la connectique des installations de pompage, l'entreprise est désormais devenue membre d'un complexe pétrolier et son chiffre d'affaires a été multiplié par cinq.

9. Intervention de Mme Pascale Sourisse, présidente et CEO d'Alcatel Alenia Space

Le groupe Alcatel Alenia Space, né en juillet 2005 de la fusion entre Alcatel Space et Alenia Spazio, est un leader en matière de systèmes et solutions par satellite. Il mène également des activités d'infrastructure et de lanceurs, et la société soeur Telespazio fournit des services.

L'espace ne peut pas être comparé aux autres secteurs industriels car il comporte des éléments stratégiques et touchant à la souveraineté. Le Président Chirac et Mme Michèle Alliot-Marie ont souligné tout récemment que l'espace représente un enjeu stratégique et politique majeur pour l'Europe et doit être une des priorités de la politique française de défense. Si le message est clair sur l'importance de l'espace, on ne peut pas en dire autant des moyens financiers mis en œuvre pour réaliser un certain nombre de programmes.

L'espace est au cœur des systèmes de défense et fait partie intégrante des opérations militaires modernes. Il offre de nombreuses capacités en matière de communication, de renseignement, d'observation, d'information, grâce aux satellites de communications, d'observation optique et radar, de navigation et de positionnement. Il apporte une forte contribution aux quatre fonctions stratégiques de la défense: dissuasion, prévention, projection des forces et protection améliorée.

Il permet d'améliorer aussi la rapidité et la qualité des quatre étapes que comprend la boucle de décision critique pour toutes les opérations militaires, à savoir l'acquisition, la collecte, l'exploitation et la transmission des informations, aboutissant à la décision finale.

L'espace contribue à améliorer la gestion des informations et l'efficacité opérationnelle qui en résulte pour les armées. Les aspects de communication et de contrôle des informations sont importants. Il y a eu une évolution considérable en matière de bande passante, avec un énorme accroissement des besoins de communication en temps réel. De nouveaux besoins sont apparus en matière de relations avec les drones. Il est maintenant possible d'équiper directement les soldats sur le champ de bataille. Si l'on considère l'évolution des besoins militaires des États-Unis en bande passante de 1990 à 2004, on constate une multiplication par 100 des besoins par personne impliquée, ce qui ne fait que refléter l'évolution des besoins en transmissions dans le secteur civil.

Si les ministres de la défense refusent les investissements en moyens de communications, la fracture numérique risque de se creuser entre militaires et civils. La largeur de bande est un élément décisif pour l'efficacité des moyens d'information. La technologie spatiale est nécessaire non seulement pour les opérations militaires mais aussi pour les missions de sécurité et de protection civiles. On peut citer différents types de satellites: d'observation et météorologiques, de télécommunications, de positionnement et de navigation, pouvant intervenir en quatre étapes — prévention, prévision, alerte et gestion de crise en 3D, ce qui est utile pour évaluer les dommages et faire des simulations.

Il faut souligner que les systèmes satellitaires sont résistants aux intempéries terrestres et qu'il n'y a pas de saturation dans l'espace. Les systèmes de positionnement ou de navigation permettent aussi de gérer les équipes d'intervention en cas de catastrophes.

Alcatel Alenia Space s'inscrit clairement dans une logique d'applications duales. Spécialisé dans les satellites et les segments sol associés, il est le principal industriel pour les systèmes spatiaux de défense et contribue en tant que maître d'œuvre ou partenaire à presque tous les systèmes de défense européenne.

En matière de communications, la caractéristique essentielle est l'interopérabilité, qui est prioritaire car les opérations militaires ne se limitent pas à un pays ou une armée. Les satellites apportent en outre des solutions de mobilité en milieu hostile, de flexibilité pour reconfigurer les besoins en fonction des opérations, offrent des capacités en large bande et garantissent la sécurité des communications. Deuxième secteur d'intervention, les systèmes de reconnaissance et de renseignement. Ils ont comme atouts l'extraterritorialité, c'est-à-dire la possibilité d'observer sans entrer dans un espace national, une haute voire une très haute résolution, une capacité tout temps, l'interopérabilité et le partage des informations entre utilisateurs, pays et ministères de la défense.

En matière de navigation, les satellites, qui forment une constellation à couverture mondiale, fournissent des informations de positionnement avec une haute précision et une intégrité renforcée. Le système européen EGNOS, programme préparatoire à Galileo, doit permettre au GPS d'augmenter ses performances.

L'Europe est entourée de pays qui sont ou veulent devenir des puissances spatiales. Aux États-Unis, où prévaut le concept de prédominance de l'espace, l'espace est prioritaire. Le budget américain est 15 fois supérieur à la somme des budgets européens dans le domaine militaire. Dans le reste du monde, il faut compter avec les pays BRICK: Brésil, Russie, Inde, Chine et Corée. La Russie augmente son effort, onze satellites ont été réalisés en coopération avec elle, mais les autres pays développent aussi des systèmes civils et militaires: la Corée s'est dotée d'un satellite de communications militaires à applications duales; la Chine fait des efforts considérables et le Japon aussi a décidé de s'intéresser aux applications militaires.

En Europe, en l'absence d'une volonté politique partagée, il n'y a pas de budget correspondant à une politique spatiale européenne. L'Europe a pourtant besoin de l'espace pour sa défense, sa sécurité et ses opérations à l'étranger.

Elle peut s'appuyer sur une industrie solide, mais il y a une réelle sous-utilisation des capacités offertes par les programmes européens. Il n'existe aucun programme de défense spatial européen, mais seulement des programmes nationaux ou réalisés en coopération bilatérale ou avec un pays leader.

Comment progresser ? Les programmes multilatéraux et les programmes duaux comme Galileo et le programme de surveillance de l'environnement GMES sont des solutions.

L'Europe spatiale est vulnérable. Elle est menacée d'un affaiblissement de ses capacités industrielles et doit faire face à de nouveaux défis.

Existe-t-il un retard technologique entre l'Europe et les États-Unis ? Non, mais le risque est qu'il y en ait un demain. L'Europe a su faire les investissements nécessaires dans de grands programmes au cours des 20 dernières années, mais pour maintenir ses compétences à l'avenir, il faut faire des choix urgents et déterminants.

Des actions sont indispensables: d'abord sur le plan politique car les budgets ne pourront se débloquer que lorsque la volonté politique sera présente. Il y a encore une compréhension insuffisante de ce qu'apporte l'espace.

Les échanges avec les parlementaires sont importants pour faire voter les budgets d'une politique européenne digne de ce nom, mais l'opinion publique est mal informée. Pour protéger ses citoyens et ses industries, l'Europe a besoin de l'espace à des fins civiles et militaires, l'accès autonome à l'espace doit être garanti, surtout au niveau des lanceurs et des satellites.

L'Europe doit réagir face au danger de déclin industriel, encourager l'usage multinational des applications spatiales et y impliquer les nouveaux entrants sur la base de leurs compétences. Attendre n'est pas une solution car il y a urgence.

Les ambitions d'Alcatel dans ce contexte sont d'apporter sa contribution au renforcement de la politique spatiale européenne, qui est l'affaire de tous (gouvernements, parlements, industriels), d'accroître ses offres intérieures en France, en Italie, en Espagne et en Belgique et de promouvoir les applications et les services paneuropéens utilisant l'espace dans le domaine des services.

En conclusion, il faut livrer trois messages: l'Europe a besoin de l'espace pour sa défense et sa sécurité, elle ne doit pas prendre le risque d'affaiblir ses capacités et elle doit prendre la décision d'accroître ses efforts pour l'avenir.

10. Échange de vues

M. Gaubert (Secrétaire général Eurospace) présente les conclusions suivantes:

— Aujourd'hui, l'industrie est capable de répondre à tous les besoins: elle est compétitive et génère des activités économiques.

— Elle saura s'adapter et se restructurer, ce qui n'empêchera pas les drapeaux nationaux d'exister. Une dépendance mutuelle se développe.

— Le maintien des compétences est un problème majeur, surtout dans le domaine des lanceurs, s'il n'y a pas de soutien à la production. Il faut donc être attentif au financement pour permettre des avancées technologiques.

Au cours des 15 dernières années, les budgets spatiaux ont augmenté de 30 %, sauf en Europe, qui est restée à la traîne. Il faut des moyens pour garantir l'avenir. Il lance un appel aux parlementaires qui seront appelés à faire des choix budgétaires irréversibles.

M. Lovrencic (Directeur adjoint du Centre satellitaire de l'UE) fait remarquer que les industriels ont mentionné l'Europe, mais pas les institutions de l'UE dont les programmes sont importants pour le développement des capacités. Est-ce que les programmes de l'UE sont importants pour le développement des capacités spatiales ?

Mme Sourisse (CEO d'Alcatel Alenia Space) rappelle que le budget de l'UE représente un dixième de celui de l'ESA. Les moyens de l'UE sont donc encore limités, même s'il y a un léger mieux. Il est difficile de financer le développement technologique avec de tels moyens. L'accord UE-ESA est bon, mais le problème est surtout budgétaire.

M. Kristovskis (Lettonie, Vice-Président de la sous-commission « Sécurité et défense » du Parlement européen) évoque la nécessité d'intégrer les nouveaux États membres de l'UE. Or ces pays étaient impliqués dans les programmes soviétiques. Comment peut-on donc les réorienter pour faciliter leur adhésion à l'ESA ou à d'autres institutions subsidiaires ?

Mme Sourisse (CEO d'Alcatel Alenia Space) rappelle que M. Dordain a dit que l'ESA était ouverte à de nouvelles adhésions. Ces pays doivent prendre contact et négocier avec l'ESA. Si leurs entreprises sont compétitives et ont des produits intéressants à proposer, elles peuvent contacter les industries européennes qui sont en quête de produits à faible coût de production.

M. Onyszkiewicz (Pologne, Vice-Président du Parlement européen) constate que deux pays étaient absents des présentations qui viennent d'être faites: le Royaume-Uni et l'Ukraine. Pourquoi ? Le programme Galileo n'est pas seulement commercial mais en rapport avec notre sécurité. Or, la Russie y participe, ainsi que la Chine. Dans quelle mesure l'Europe disposera-t-elle d'une autonomie pour l'utiliser et aura-t-elle le contrôle du système ?

M. Gaubert (Secrétaire général Eurospace) déclare que le Royaume-Uni a été abondamment cité, notamment à propos d'EADS et d'Astrium ainsi que du programme Paradigm qui pourrait constituer une référence. Mais il est évident que ce pays n'a pas voulu participer aux missiles balistiques et aux lanceurs européens, et qu'il n'a donc pas de participation budgétaire et industrielle en matière de lanceurs. L'Ukraine est présente comme concurrente avec le lanceur Zénith, est partenaire du programme Vega et a engagé au sein d'EADS des discussions préliminaires avec Yousnoï.

Mme Sourisse (CEO d'Alcatel Alenia Space) répond qu'en ce qui concerne Galileo, la question concerne surtout l'UE et l'ESA. Les industriels sont prêts à intégrer des pays comme l'Ukraine et la Russie. Il est clair que, pour Galileo, la protection des informations sensibles sera garantie pour le service protégé (applications gouvernementales et défense). Il doit être possible d'organiser le programme pour que tout ne soit pas accessible, mais les règles doivent être élaborées par l'UE avec le soutien de l'ESA.

Mme Ergma (Vice-Présidente du Parlement estonien, CIEE) plaide pour un changement de la politique agricole commune, qui absorbe trop d'argent, au profit du développement de l'Europe spatiale.

Mme Sourisse (CEO d'Alcatel Alenia Space) répond que c'est le rôle des parlementaires et des institutions européennes de faire des choix budgétaires.

M. Walter (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) constate que l'Europe est en concurrence avec les États-Unis qui ont un gouvernement central doté d'un gros budget, surtout le ministère de la défense qui consacre un pourcentage important à l'espace. Nous devons faire en Europe avec ce que nous avons, mais quels sont les mécanismes institutionnels dont nous disposons pour augmenter les dépense de recherche et de développement dans le domaine spatial ? L'UE a d'autres priorités. Faut-il augmenter le budget de l'Agence européenne de défense, un organe encore embryonnaire, ou celui de l'ESA ? Et comment faire passer le message ?

M. Herteman (Directeur général Groupe Safran — Branche Propulsion) répond que l'ESA est le cadre approprié pour le développement technologique ou l'exploration spatiale et il est possible d'accroître son budget, mais il y a aussi des outils performants à l'UE: le 7e programme-cadre, plus concentré sur les applications et l'utilisateur final. Ces outils peuvent être améliorés par exemple avec la gestion conjointe des programmes de recherche entre l'industrie et les institutions européennes, mais l'agence fédérale de défense n'est pas pour demain.

M. Dordain (Directeur général de l'ESA) ajoute que les problèmes se posent pour inciter les États membres à augmenter leurs investissements en matière de recherche et de technologie. Mais il y a beaucoup de budgets. Entre l'ESA et l'UE, les rôles et les responsabilités sont partagés. Le rôle de l'UE est plus de développer les services et les applications tandis que l'ESA doit se concentrer sur le développement.

11. Intervention de M. François Auque, Président, EADS Space

Astrium regroupe l'ensemble des activités spatiales d'EADS. Elle est la première société spatiale européenne intégrée. Première société spatiale européenne par son chiffre d'affaires, elle regroupe cinq pays. Elle regroupe la quasi-intégralité de l'industrie spatiale britannique, la quasi-intégralité de l'industrie spatiale allemande, une bonne partie de l'industrie spatiale française, une bonne partie de l'industrie spatiale espagnole et une bonne partie de l'industrie spatiale néerlandaise.

Le chiffre d'affaires est de trois milliards d'euros, ce qui fait d'Astrium la quatrième société spatiale mondiale, employant 12 000 personnes dans cinq pays. C'est un exemple concret de l'intégration européenne.

Il est légitime que l'industrie spatiale rende des comptes aux représentants des citoyens et donc rende des comptes aux contribuables européens. Qu'a fait l'industrie spatiale de ses talents ? Qu'a-t-elle fait de l'argent du contribuable européen ?

Comme l'ont montré les exposés précédents, l'industrie spatiale européenne est une industrie particulière, qui ne peut pas vivre sans l'appui des gouvernements: ce n'est pas une industrie commerciale, c'est une industrie partiellement commerciale.

On peut être fier de ce que l'industrie spatiale européenne a fait, de ce que les agences ont fait, en particulier l'Agence spatiale européenne. Si on regarde les choses concrètement, ces acteurs sont allés au bout de ce qui pouvait être fait en matière de dualité. La dualité, déjà évoquée ce matin, est un moyen de faire des économies. Quoi de plus dual que le système Ariane, et demain Soyouz et Vega ? La dualité caractérise également les satellites d'observation qui ont un usage civil et un usage militaire, les satellites météo, Galileo, GMES.

Par rapport aux États-Unis, l'Europe a été particulièrement performante en matière purement commerciale. Si on regarde le marché très difficile des satellites de télécommunication commerciaux, la part des Européens est considérable.

Il y a une autre raison d'être fier: le niveau technologique. L'Europe a quelques domaines d'excellence technologique. Il faut également souligner à quel point on a essayé tous les schémas possibles de coopération pour travailler: coopérations purement nationales, les coopérations entre pays, les coopérations intergouvernementales à travers l'ESA, les coopérations à l'intérieur de la Commission européenne, les coopérations à l'extérieur de l'Europe avec la Russie, avec les États-Unis, etc.

On est allé le plus loin possible également en matière de services avec Paradigm, seule société au monde qui soit un opérateur de télécoms militaire sécurisé, grâce à l'impulsion du gouvernement britannique. On est allé le plus loin possible en matière d'efficacité pour ne pas rappeler les réductions d'emplois.

La situation que l'on connaît aujourd'hui est le résultat d'un niveau considérable d'investissements passés et l'Europe n'a que très peu abordé aujourd'hui la question de savoir quelle sera la situation demain, à partir des investissements d'aujourd'hui. Il y a de quoi être préoccupé pour deux raisons.

D'abord, l'Europe est relativement à la traîne. C'est le principe de n'importe quelle compétition sportive: si on fait du sur-place et que les autres accélèrent, on prend du retard. C'est la situation mathématique dans laquelle l'Europe se trouve avec des budgets spatiaux américains en augmentation vertigineuse et toute une série de pays qui investissent. Si l'Europe ne fait rien, elle va se faire rattraper.

Aujourd'hui, concrètement, rien n'est fait pour préparer Ariane 6. Les 200 millions d'euros qui ont été prélevés sur le budget de développement pour sauver Ariane n'ont pas été reconstitués. 200 millions d'euros par an pendant cinq ans, cela représente un milliard d'euros, le sablier coule ... Dans ce travail de « reporting » que l'industrie doit faire vis-à-vis du citoyen et contribuable européen, il faut aussi, par honnêteté intellectuelle, lancer ce signal d'alarme.

Le sujet central de cette conférence est la sécurité et la défense. Il a été démontré de façon éclatante à quel point l'espace était un outil vital en matière de sécurité et de défense. Il est utile de rappeler quelques évidences-clés.

Première série d'évidences; les capacités:

— la capacité, 24 heures sur 24, 365 jours par an, d'avoir l'image de tout ce qui se passe dans le monde. C'est vital et à Torrejón, c'est ce qui est déjà fait;

— la capacité de communiquer de n'importe quel point vers n'importe quel point dans le monde de façon sécurisée, c'est aussi vital;

— la capacité d'écouter l'ennemi, de repérer ses radars;

— la capacité d'avoir une surveillance globale à la fois civile et de défense, soulignée dans les rapports de l'UEO et de l'ESA;

— la protection contre les armes, qui a été évoquée par M. Charmeau.

L'espace est incontestablement vital pour la sécurité et la défense. Et ce n'est pas un hasard si cette nécessité est perçue aux États-Unis, en Russie, en Chine, en Inde, au Japon, en Corée et demain au Brésil. Pourquoi l'Europe ferait-elle exception ?

Deuxième série d'évidences; les chiffres:

On a fait des efforts significatifs pour fabriquer une doctrine. L'Union européenne, la Commission, toute une série de rapports nationaux plus intéressants les uns que les autres ont été publiés, des institutions ou des embryons d'institutions comme l'État-major militaire de l'UE ont été créés. Pour rappeler quelques chiffres: la France aujourd'hui dépense 1,4 % de son budget de défense pour l'espace, l'Espagne 0,8 %; l'Italie 0,74 %, la Grande-Bretagne 0,64 %, la Belgique 0,57 %, l'Allemagne 0,45 %. Ces chiffres sont faibles. Si ces cinq derniers pays se mettaient au niveau de la France, cela ferait 1,6 milliard d'euros, par rapport aux 800 millions actuels — les besoins ont été évalués à 2 milliards — et si les 25 pays européens se mettaient au niveau de la France, cela ferait 2 milliards d'euros, précisément le chiffre dont on a besoin. L'espace est vital pour la sécurité et la défense, c'est un objectif accessible: cinq euros par personne et par an.

Les représentants des citoyens européens sont aussi un des moteurs de la construction européenne et d'une Europe en marche. Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce que l'Europe marche aujourd'hui ? Mme Catherine Colonna, ministre française des affaires européennes, a récemment décrit une Europe avec des processus de décision très longs, qui se chiffrent en années, une tendance à faire rapports après rapports — dans le domaine spatial on a fait subir aux forêts mondiales un dommage considérable dans les trois ans passés — et à demander des compromis qui concilient des intérêts particuliers mais qui ne se focalisent pas sur un intérêt général.

Quelle Europe veut-on ? Quelle ambition veut-on pour l'Europe ? L'Europe s'est construite jusqu'à présent sur la démocratie et la paix et ceci a été un facteur d'équilibre mondial considérable. La paix, sinon la démocratie, a un prix. Si on refuse de le payer, ce refus est illusoire et on le paiera un jour ou l'autre.

Une ambition de l'Europe pourrait précisément contribuer à l'équilibre du monde, à la paix dans le monde, en montant en puissance, et l'espace est un outil irremplaçable dans une telle démarche parce que c'est la clef de la maîtrise de l'environnement, des transports, de la société de l'information, de la sécurité et de la défense.

Aujourd'hui, il existe un patrimoine spatial formidable en Europe, qui est le fruit de politiques volontaristes et d'investissements de 40 ans. Mais ce patrimoine s'érode, les investissements doivent continuer si on veut le maintenir en état et prévenir l'érosion mécanique relative.

L'espace peut être une chance pour l'Europe. En capitalisant sur cet acquis, on peut réaliser autour de l'Europe une construction spatiale plus forte dans le cadre de la sécurité et de la défense, qui relance la marche de l'Europe.

V. DÉBAT GÉNÉRAL

Lord Russell-Johnston (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) a trouvé les discussions très intéressantes. En ce qui concerne l'idée de consacrer cinq euros par habitant et par an à la recherche, et en considérant le problème des dépenses agricoles en Europe, il se dit totalement convaincu par le plaidoyer en faveur d'un surcroît d'investissements dans l'espace. Les personnes concernées devraient suivre l'exemple des groupes de pression d'agriculteurs et s'engager en politique afin de défendre leur cause et d'obtenir un réexamen des priorités de l'UE en matière de dépenses.

Il constate que nombre de ses compatriotes ont honte de l'incapacité des gouvernements britanniques successifs à s'engager sérieusement pour l'UE et la poursuite de son intégration. Le retrait de BAE d'Airbus, prétendument pour des raisons économiques, mais en réalité pour investir davantage dans des projets de défense des États-Unis, est un signe de mauvais augure et une erreur politique.

Mme Brasseur (Luxembourg, Assemblée de l'UEO) se dit fascinée par le spatial, non seulement en ce qui concerne la technologie mais aussi les aspects économiques et financiers. Le message a été reçu cinq sur cinq: en l'absence de décision immédiate, le déclin est assuré. Mais jusqu'à présent, la dimension humaine a été absente des exposés. On a parlé de fracture numérique, mais il faut éviter de voir s'élargir encore plus le fossé entre ceux qui peuvent garder le rythme dans cette société de la connaissance et ceux qui restent en marge. Les sociétés ont besoin de coopérer pour assurer leur propre développement et celui de chaque individu.

M. Etherington (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) constate qu'au cours des sept ou huit dernières années, le rapport de force entre l'Europe et les États-Unis en matière de conquête de l'espace n'a guère évolué. La recherche et le développement sont insuffisamment financés. L'industrie attend un engagement plus poussé des gouvernements pour concurrencer les États-Unis. Mais quelle en sera la contrepartie ? Acceptera-t-elle un contrôle accru des gouvernements ?

M. Onyszkiewicz (Pologne, Vice-Président du Parlement européen) constate l'inadéquation évidente entre les besoins et les ressources disponibles. En l'absence de nouvelles initiatives, il y aura stagnation, voire régression. Dans tous les exposés, il a été question d'une politique spatiale commune. La crise en Ukraine a révélé la nécessité d'avoir une politique énergétique commune, et il faudrait éviter qu'une telle prise de conscience dans le domaine de l'espace n'apparaisse à la faveur d'événements tout aussi dramatiques. Une politique spatiale commune doit faire partie de la PESC. La situation juridique actuelle fait obstacle au progrès et l'UE a besoin de nouvelles règles de fonctionnement: le Traité constitutionnel permettrait une simplification du processus décisionnel, mais surtout ouvrirait la porte aux coopérations structurées, chose totalement interdite par le système actuel. Sans avancée dans le Traité, il sera difficile de trouver des solutions durables aux problèmes devant être, de l'avis général, résolus.

M. Dornseifer (Allemagne, Secrétaire du Groupe parlementaire CDU/CSU au Bundestag) plaide pour le pragmatisme. Les crédits n'étant pas extensibles, les gouvernements ne peuvent pas continuer à dépenser autant au titre de la politique agricole. Ils doivent la repenser et investir davantage dans les technologies du futur s'ils veulent empêcher un décrochage de l'Europe.

M. Gubert (Italie, Assemblée de l'UEO) est d'accord sur la nécessité d'investir davantage dans l'espace, ce qui présuppose un règlement des problèmes institutionnels. Les dépenses doivent être coordonnées davantage par la Commission et moins au niveau intergouvernemental. Si tout le monde s'entend pour accorder plus de pouvoirs à cette dernière, il faut le dire haut et fort. Les gouvernements nationaux consacrent 30 à 40 % du PIB aux dépenses publiques contre 1 % à la Commission. Il faut réserver un pourcentage plus élevé du PIB au niveau européen et réduire le rôle des gouvernements. Compte tenu du caractère éminemment sensible de la politique étrangère et de défense, pourquoi ne pas placer la politique spatiale dans une autre catégorie ? Un grand projet d'infrastructures spatiales sans implications pour la défense serait mieux accepté et permettrait d'aller de l'avant.

Mme McCafferty (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO), a beaucoup appris, à propos notamment de la nécessité d'investir davantage dans les technologies spatiales. Les parlementaires ont vocation à défendre leurs arguments et à convaincre leurs gouvernements respectifs de leur bien-fondé. Si l'Assemblée de l'UEO pouvait préparer un document d'information très complet, avec un organigramme montrant les différentes entreprises, les liens entre elles, leurs partenaires commerciaux, etc., les parlementaires seraient mieux armés pour plaider auprès de leurs gouvernements en faveur d'un regain d'investissements dans les technologies spatiales.

M. Jelinçiç (Slovénie, Assemblée de l'UEO) constate que de nombreuses questions restent sans réponse. Puisque désormais on surveille tout, que faire des montagnes de données reçues, par exemple sur les mouvements migratoires par bateau d'Afrique vers l'Europe: n'est-ce pas plutôt une question humanitaire qu'une affaire de défense et de sécurité ? Par ailleurs, avons-nous peur des Américains ? L'Europe doit prendre de l'assurance. Il faut se féliciter que des agences comme l'ESA soient gérées non seulement avec une forte implication des gouvernements, mais aussi sur une base commerciale.

M. Hojda (République tchèque, CIEE) explique que sa délégation est composée de quatre parlementaires, d'un expert de l'agence spatiale tchèque et d'un sénateur qui fait aussi partie de la délégation tchèque auprès de l'Assemblée de l'UEO. Toutes les informations recueillies pendant la visite à Kourou seront utiles au processus décisionnel au sein de son parlement et l'aideront à investir plus dans le secteur spatial. La République tchèque est devenue membre permanent de la CIEE lors de sa huitième réunion en Belgique.

Sa candidature auprès de l'ESA attend le feu vert du gouvernement (la décision a malheureusement été retardée pour des raisons électorales). La délégation tchèque comporte des représentants de tous les partis politiques qui, en tant que parlementaires s'intéressant à l'espace, continueront à apporter leur soutien à ce domaine quelle que soit l'option choisie par le gouvernement. Cependant, tout le monde réclame de l'argent, et il faut trouver des compromis. Il est surpris d'avoir entendu M. Dordain déclarer qu'un changement du droit de vote fondé sur les contributions des États membres était envisagé. Le système de l'ESA est, selon lui, équilibré et adapté, surtout pour les petits États et les nouveaux entrants dans l'UE. Ces derniers ne doivent pas être exclus et il ne faut pas que le fossé s'élargisse entre eux et les plus gros contributeurs. La République tchèque a conclu récemment un accord avec l'ESA pour participer à un projet européen de trois millions d'euros et espère que de telles coopérations fructueuses se poursuivront à l'avenir.

M. Arlovic (Vice-Président du Parlement croate, Assemblée de l'UEO) a hautement apprécié ce colloque qui a abordé des questions financières, juridiques et organisationnelles. Mais il faut souligner que l'espace est notre patrimoine commun, et son exploitation constitue un problème commun. Tout le monde doit profiter des possibilités qu'il offre en matière de communications et de navigation. La coopération est donc une nécessité. Les États-Unis ne sont pas des ennemis mais des partenaires avec lesquels il faut coopérer. Les investissements dans les développements technologiques spatiaux sont néanmoins insuffisants et nous empêchent d'être, vis-à-vis des Américains, des homologues qui comptent. De plus, l'espace est un enjeu important pour le maintien de la paix et de la sécurité de tous et ne doit pas dégénérer en zone de conflit militaire. Le Vice-Président du Parlement européen a eu raison de réclamer de nouvelles règles sur l'utilisation de l'espace. L'UE devrait être à l'origine d'un tel processus.

M. Kristovskis (Lettonie, membre du Parlement européen) observe que dans un débat impliquant des parlementaires, les aspects politiques ressortent davantage. Il y a des sources de satisfaction, mais aussi des malentendus. Il devient de plus en plus important de savoir si une politique spatiale européenne relève d'un enjeu politique ou économique. En ce qui concerne les relations avec les États-Unis et la Russie, la nécessité d'un renforcement de l'indépendance de l'Europe par rapport aux États-Unis est constamment mise en avant, mais avec le lanceur Soyouz, l'Europe est prête à accroître sa dépendance par rapport à la Russie. M. Mikhail Khodorkovsky, ami et partenaire de nombreux banquiers européens et internationaux, croupit maintenant dans une prison au nord du cercle polaire où les forces démocratiques ne peuvent guère communiquer avec lui. Si on veut être indépendant des États-Unis, l'Europe doit en payer le prix. Mais pour quel montant, et qui le fixera ? Il s'agit de questions très politiques. En tant que citoyen d'un petit pays entrant dans l'UE et ardent partisan de l'Union, l'orateur estime que l'Europe a besoin de soutien: selon l'Agenda de Lisbonne, l'UE doit renforcer sa compétitivité. Pour y parvenir, il est important de formaliser le cadre de tous les efforts auxquels consent l'Europe dans ce domaine.

M. O'Hara (Royaume-Uni, Assemblée de l'UEO) convient de la nécessité de coopérer avec les États-Unis, tout en se méfiant de la tournure prise par la politique dans ce pays: une école de pensée domine, favorable à l'arsenalisation de l'espace, qui le livrerait à la compétition militaire. Il faut donc non seulement coopérer, mais analyser avec soin quels sont nos besoins et jusqu'où nous pouvons coopérer. La contribution de notre collègue tchèque a été très appréciée: le parlement de ce pays fait un effort louable pour encourager l'investissement dans l'espace. L'espace a beaucoup à offrir à tous sur le plan pratique. S'agissant des commentaires sur le financement de la politique agricole, M. Dordain a jugé simpliste de mettre en concurrence la Politique agricole commune et l'investissement dans l'espace. Tous les programmes de l'UE tireraient avantage des investissements dans les systèmes spatiaux. Il importe donc de procéder à une analyse plus subtile pour déterminer où, dans le budget de l'UE, on pourrait trouver l'argent nécessaire pour investir dans l'espace. Les processus décisionnels revêtent bien sûr une très grande importance, comme l'ont souligné un certain nombre d'orateurs. L'Assemblée de l'UEO a déjà produit des rapports utiles sur ce sujet, et un résumé des travaux du colloque sera fait. Les parlementaires nationaux pourront y puiser des arguments en faveur de l'investissement.

VII. CONCLUSIONS

M. Edward O'Hara (Royaume-Uni, Président de la Commission technique et aérospatiale de l'Assemblée de l'UEO) note que l'Assemblée de l'UEO a déjà présenté plusieurs rapports sur l'espace. Il a lui-même fait allusion au rapport de M. Alan Meale sur le déploiement d'armements dans l'espace. Il se propose de citer maintenant plusieurs recommandations contenues dans ces rapports, qui préfiguraient ce qui a été dit lors du présent colloque.

En 2001, M. Maas indiquait dans son rapport sur « Une stratégie spatiale européenne commune: aspects de sécurité et de défense » que:

« l'UE doit disposer de moyens de prise de décision indépendants; (...) [Elle] doit décider d'une éventuelle participation à un système européen multilatéral d'observation spatiale en développement; (...) il convient d'éviter les délais excessifs existant entre la déclaration d'intention et la réalisation d'un programme spatial, ce qui nuirait considérablement à la compétitivité industrielle ainsi qu'à l'adéquation du projet aux besoins actuels ».

En 2002, le rapport de MM. O'Hara et Cherribi sur « Le développement d'une capacité européenne d'observation spatiale pour les besoins de la sécurité de l'Europe » précisait que:

[Le Conseil devrait] « prier l'Union européenne et tous les pays qui participent aux activités du Centre satellitaire d'envisager un élargissement de ses missions, en vue de développer une capacité de gestion du champ de bataille qui nécessitera:

— l'utilisation de systèmes de télédétection, de communication, de météorologie, d'écoute électronique et, à long terme, d'alerte avancée;

— une augmentation des personnels, civils et militaires;

— le recours à l'ensemble des satellites commerciaux et l'utilisation ponctuelle de satellites militaires;

— la création d'une capacité de renseignement, en relation avec un futur service européen de renseignement ».

En 2003, le rapport de M. Etherington sur « Les activités spatiales européennes en matière de défense et le développement de l'autonomie dans le domaine des lanceurs » mettait l'accent sur:

« l'importance du domaine spatial dans la défense européenne en vue d'assurer l'indépendance stratégique de l'UE; (...) l'adaptation des intervenants institutionnels — la Commission, l'ESA, les agences nationales — à la nouvelle situation, comme l'a fait l'industrie (...); la nécessité d'une coopération étroite entre politiques et industriels, encourageant la présence de ces derniers auprès des décideurs en vue de progresser conjointement sur la voie d'une politique spatiale cohérente ».

Enfin, en 2006, M. Meale précisait dans son rapport sur « Le déploiement d'armements dans l'espace » que:

« La disponibilité d'un système de surveillance de l'espace est la condition indispensable au déploiement de tout engin spatial à des fins de sécurité;

La surveillance de l'espace est aussi importante, pour des raisons de sécurité, que la surveillance effectuée à partir de l'espace;

L'acquisition d'un tel système par l'UE n'aurait absolument pas pour but de rivaliser avec les États-Unis dans ce domaine, mais ce système devrait au contraire être considéré comme complémentaire de son homologue américain, de même que la constellation Galileo fonctionnera parallèlement au système GPS.

(...) La Russie et la Chine pourraient même être invitées à participer d'emblée au programme européen afin d'apaiser leurs craintes que les États-Unis profitent de leur position actuelle de monopole pour établir une discrimination à leur encontre concernant la diffusion des informations pertinentes ».

En conclusion, il importe de tendre la main aux États-Unis et de coopérer avec eux, tout en restant sur nos gardes.

Les débats du colloque ont mis en relief la nécessité d'augmenter les budgets consacrés à l'espace aux niveaux national et européen et de renforcer la coopération entre les institutions de sécurité et l'ESA.

Il ressort clairement des nombreux rapports consacrés à la question que l'Assemblée de l'UEO suit la question depuis quelque temps déjà. L'Assemblée et les organisateurs du colloque pourront assurément fournir une abondante matière à réflexion aux participants.

M. Roelants du Vivier (Belgique, Président de la 8e Conférence interparlementaire européenne de l'espace) a beaucoup apprécié ce rappel des travaux de l'Assemblée de l'UEO sur la politique spatiale et l'UE. Le Parlement européen et plusieurs parlements nationaux ont été eux aussi très actifs dans ce domaine.

Il convient de remercier non seulement les orateurs pour leurs exposés intéressants et tout à fait d'actualité, mais aussi toutes les personnes qui ont participé à l'organisation de cette manifestation: l'Assemblée de l'UEO, son Président, le président de la Commission technique et aérospatiale, le Secrétariat de l'Assemblée, le Secrétariat de la CIEE, l'ESA, le CNES et Arianespace.

Ce fut un plaisir de réunir un aussi grand nombre de parlementaires, venus d'autant de pays européens différents: jamais un colloque sur l'espace n'a suscité une telle concentration de parlementaires (de la CIEE, l'Assemblée de l'UEO et du Parlement européen). Tous les participants ont désormais le même niveau de connaissance. Etre venu à Kourou était très important en soi: des questions ont été posées, un diagnostic a été établi et des idées ont été avancées pour l'avenir. Mais ce ne sont là que les premiers pas. Il reste beaucoup à faire pour entretenir le mouvement — rôle qui incombe aux parlementaires.

Le Président Chirac a déclaré que « l'espace est un enjeu politique et stratégique ». D'autres hommes politiques ont dit la même chose. Mais nous devons nous donner les moyens de réaliser cette politique. Il ne sert à rien d'accuser les premiers de la classe. Mieux vaut travailler pour améliorer la position de l'Europe. Il a été dit clairement que chaque jour qui passe, l'Europe perd des avantages comparatifs. Toutes les puissances spatiales qui entourent l'Europe se sont donné les moyens de réaliser leur politique car elles ont compris que les technologies spatiales étaient au cœur des systèmes de défense. Lorsqu'on parle de sécurité et de défense, la sécurité doit être comprise dans son sens le plus large. L'Europe est probablement la plus grande puissance au monde dans le domaine de l'aide au développement; elle a besoin de systèmes d'observation, de navigation, de positionnement et de télécommunications plus performants pour être encore plus efficaces et mieux montrer les valeurs que nous véhiculons en tant qu'Européens. Nombreux ont été les orateurs à déplorer la dispersion des efforts. Le moment est venu d'agir, comme l'ont fait remarquer de nombreux intervenants. Ce groupe composé de parlementaires, d'industriels et de militaires (réunis pour la première fois dans une enceinte publique) doit mobiliser ses efforts pour mieux protéger l'Europe à l'extérieur et à l'intérieur et lui permettre de mieux jouer son rôle en matière d'aide au développement.

Beaumarchais a dit: « sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». En d'autres termes, il importe d'appeler l'attention des différents groupes sur les domaines où des efforts pourraient être faits. Il est maintenant indispensable que les parlementaires produisent moins de rapports et de résolutions, et qu'ils agissent davantage. Quant aux militaires, ils doivent oublier la pratique de la chasse gardée pour coopérer davantage. Les forces armées des 25 États membres ont à elles seules suffisamment de généraux pour former une armée mexicaine ! Il faut davantage de coopération, d'intégration, et un nouvel état d'esprit. Même si on rencontre toujours une certaine résistance au sein des forces armées à l'encontre des moyens satellitaires, c'est aux parlementaires qu'il appartient de montrer le chemin vers la mise en place d'un système européen de défense satellitaire. Pour terminer, l'industrie doit elle aussi faire un effort: nombre de ses représentants ont fait preuve de talents oratoires qui leur seraient utiles en politique ! Mais même s'ils ne souhaitent pas s'engager personnellement sur cette voie, ils ont toujours la possibilité et, en fait, le devoir de faire pression sur les gouvernements et les parlementaires et d'entreprendre des actions publiques. Ils doivent continuer à aller voir les hommes politiques pour les informer et être francs avec eux pour tout ce qui concerne la sécurité et la défense.

Telles sont les conclusions qui pouvaient être provisoirement tirées de ce colloque. Le fait même qu'il ait eu lieu est un début prometteur — non seulement pour l'espace, mais aussi pour l'idée qu'on se fait de l'Europe et de ses valeurs. Ce sont les raisons qui nous ont réunis et continueront de nous rassembler à l'avenir.

De voorzitter — rapporteur,
François ROELANTS DU VIVIER.

ANNEXE — BIJLAGE

Colloquy on European Space, Defence and Security

18-22 September 2006, Kourou (French Guyana)

PROGRAMME

Monday, September 18th 2006

1st Group EISC and WEU

2.45 pm Arrival of the participants

Transfer to the hotels

7.00 pm Welcome Cocktail hosted by CNES

Tuesday, September 19th 2006

8.00 am Departure from the hotels to Kourou

1st group EISC and WEU

9.00 am Visit of Building S5

9.45 am Departure to Europropulsion

10.00 am Visit of Europropulsion

11.00 am Departure to the Galilée Building

11.15 am Contacts with representatives of CNES, ESA and Arianespace

1.00 pm Departure to Sinnamary

Lunch at Pakira offered by CNES

3.30 pm Pirogue trip on the Sinnamary river and visit of the city

6.00 pm Departure to Hotel des Roches

2nd Group EISC and WEU

2.45 pm Arrival in Cayenne and transfert to the hotels

6.00 pm Departure to Hotel des Roches

7.00 pm Welcome dinner in restaurant Le Creolia in Hotel des Roches, hosted by CNES

10.00 pm Return to the hotels

Wednesday, September 20th 2006

7.15 am Departure from the hotels to the Centre Spatial Guyanais

8.00 am Group photo in front of the Ariane 5 mock-up

8.20 am Departure to the Jupiter Room

8.30 am Welcome by Mr Jean-Pierre Laflaquière, Préfet de Guyane

8.40 am Welcome by the local space authorities (Movie)

Mr Jean-Louis Marcé, Director of the Centre spatial guyanais of CNES

Mr Michel Bartolomey, Arianespace Director in French Guyana

Mr Jörn Tjaden, ESA representative in French Guyana

9.00 am Opening of the colloquy

Mr Jean-Pierre Masseret, President of the WEU Assembly

Mr François Roelants du Vivier, Chairman of the European Interparliamentary Space Conference

Mr Edward O'Hara, MP, Chairman of the Technical and Aerospace Committee of the WEU Assembly

9.45 am Coffee Break

10.15 am Introduction to the visit of the launch facilities

Mr Jean-Yves Le Gall, Arianespace Director General

10.40 am Departure for the Ariane 5 and Vega launch facilities

1.00 pm Lunch hosted by Arainespace in the Mercure Ariatel Hotel

3.00 pm First Session: Differents aspects of a European Space Policy

Chair: Mr François Roelants du Vivier, Chairman of the European Interparliamentary Space Conference

Mr Jean-Jacques Dordain, ESA Director General,

Mr Yannick d'Escatha, President of CNES,

Mr Janusz Onyszkiewicz, Vice-Chairman of the Security and Defence Subcommitee of the European Parliament,

Mr Hans Bracquené, Head of the Science Policy Unit of the Cabinet of Mr Marc Verwilghen, Belgian minister of Economy, Energy, International Trade and Scientific Policy,

Contre-Amiral Guy Poulain, French General Staff, Space Affairs,

Capitaine de corvette Guillaume Dandrieux, EU General Staff, Space Affairs Specialist

Mr Tomaz Lovrencic, Deputy Director of the EU satellite Centre

Debate

7.30 pm Dinner hosted by ESA in restaurant « Instant Café » in Kourou

Thursday September 21st 2006

7.15 am Departure from the hotels to the Soyuz Construction Site

8.00 am Visite of the Soyuz construction site

9.00 am Departure from the construction site to the Centre spatial guyanais, Jupiter Building

9.30 am Coffee break

10.00 am Second session: Technological and industrial capacities

Chair: Mr Alain Gaubert, Eurospace Director General

Mr Alain Charmeau, Director general of ASTRIUM Transportation

Mr Jean-Paul Herteman, Director general of the Aeronautical and Space Branch, Safran Group

Mr Miguel Llopis, International Business Manager INDRA ESPACIO

Mr Remo Pellichero, Director general of SABCA

Mrs Pascale Sourisse, Director general of Alcatel-Alenia Space

Debate

1.00 pm Lunch hosted by EADS Space in the Jupiter Building, with speech by Mr François Auque, President Director general

3.00 pm General Debate:

Chair: Mr Edward O'Hara, MP, Chairman of the Technical and Aerospace Committee of the WEU Assembly

Coffee Break

6.00 pm Conclusions:

Mr Edward O'Hara, MP, Chairman of the Technical and Aerospace Committee of the WEU Assembly

Mr François Roelants du Vivier, Chairman of the European Interparliamentary Space Conference

7.30 pm Dinner hosted by CNES in restaurant « Le Creolia » in Hotel des Roches

Friday September 22nd 2006

6.50 am — 7.00 am Observation of the solar eclipse in the hotels

8.30 am Check-out of the hotels

10.30 am Visit of Cayenne — market and shopping

Meeting with the local authorities

1.00 pm Lunch at Novotel Cayenne