3-580/3

3-580/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

1er AVRIL 2004


Proposition de résolution sur le génocide de 1994 au Rwanda et l'assassinat des citoyens belges, à l'occasion du dixième anniversaire de ces événements


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR

M. DEVOLDER


I. INTRODUCTION

La commission des Relations extérieures et de la Défense a examiné la proposition de résolution sur le génocide de 1994 au Rwanda et l'assassinat des citoyens belges, à l'occasion du dixième anniversaire de ces événements (voir doc. Sénat, nº 3-580/1) au cours de ses réunions des 30 mars et 1er avril 2004.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. Destexhe, auteur principal de la proposition, rappelle que la commémoration du génocide et du meurtre des paracommandos belges et de citoyens belges au Rwanda en 1994 aura lieu le 7 avril. La proposition de résolution a été cosignée par huit sénateurs.

Par l'entremise de cette résolution, le Sénat, en sa qualité d'institution représentant la Nation, invite les citoyens à se souvenir de ces événements.

L'intervenant rappelle qu'en 1997, le Sénat a créé une commission d'enquête pour examiner les circonstances de cette tragédie (1) .

La proposition de résolution se réfère aux travaux de cette commission d'enquête ainsi qu'aux rapports d'enquête de l'Assemblée nationale française et des Nations unies.

Elle rappelle les constats de ces commissions d'enquête, indiquant que les Nations unies et plusieurs États, dont la Belgique, étaient au courant de la préparation de massacres à grande échelle et qu'ils n'en ont peut-être pas tiré les conclusions qui s'imposaient.

La proposition de résolution rappelle en outre la décision regrettable de retirer les troupes onusiennes au moment du génocide.

Elle insiste sur la spécificité d'un génocide. Il s'agit, historiquement, d'un événement plutôt rare, alors que le terme est souvent utilisé à mauvais escient. Un génocide se caractérise par l'intention d'exterminer un groupe en tant que tel, comme les Juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale.

La proposition de résolution rappelle évidemment que vingt compatriotes, dix militaires et dix civils, ont perdu la vie.

En conclusion, la proposition de résolution invite les citoyens à commémorer ces événements par un moment de recueillement et de souvenir, et plus particulièrement à méditer les leçons qu'ils nous enseignent.

L'intervenant se déclare disposé à examiner et, au besoin, à améliorer la formulation de sa proposition avec le concours des commissaires.

Enfin, l'intervenant précise que le dispositif de la proposition de résolution s'inspire d'une résolution similaire adoptée il y a un mois par le parlement canadien.

Par ailleurs, le Conseil de sécurité et le Secrétaire général des Nations unies ont publié une déclaration dans laquelle ils invitent à respecter une minute de silence pour commémorer les événements.

Le Sénat peut, selon l'intervenant, s'associer sans problème à ces initiatives internationales.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Le représentant du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères déclare que cette proposition de résolution est effectivement examinée à un moment opportun. L'intervenant rappelle que le premier ministre, le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense, le ministre de la Coopération au Développement et les familles des compatriotes assassinés en 1994 assisteront aux cérémonies de commémoration au Rwanda.

L'intervenant déclare que personne ne conteste que ce sont avant tout les Tutsis qui ont été victimes du génocide de 1994. Il indique toutefois qu'au cours de sa récente visite dans notre pays, le président rwandais Kagame ne s'est pas exprimé en termes identiques. Il y a eu aussi d'autres victimes. Dans un souci de conciliation, il semble dès lors opportun de formuler les considérants en des termes plus généraux.

L'intervenant fait référence aux signaux donnés par divers acteurs avant le génocide d'avril 1994 et dont nombre de rapports ont fait état. Il affirme que les récentes déclarations du secrétaire général des Nations unies sont exactes. L'on disposait de certaines informations, mais on n'y a pas accordé suffisamment d'attention.

À ce moment, on n'utilisait pas encore le terme « génocide ». On parlait plutôt de « massacres à grande échelle ». Ce n'est qu'à partir du mois de mai 1994 que l'on a commencé à utiliser le terme génocide.

Si l'on examine le déroulement des événements de manière objective, force est de reconnaître que le retrait des paracommandos belges a été la conséquence de la mort dramatique des dix soldats.

L'on pourrait peut-être étendre l'invitation faite aux citoyens à se remémorer les tragiques événements en appelant la population à observer une minute de silence le 7 avril, comme l'a fait récemment le secrétaire général de l'ONU.

Mme de Bethune déclare au nom de son groupe qu'une commémoration digne et engagée du génocide par la voie d'une résolution est un but honorable. Elle n'a pas été invitée à cosigner la proposition, mais elle se dit prête à amender le texte et, le cas échéant, à le voter.

Selon elle, le dispositif est correct mais ne va pas assez loin. Si la nécessité de commémorer le génocide est une évidence, une simple cérémonie de commémorative n'est toutefois pas suffisante. Vis-à-vis des victimes, de leur famille et de l'ensemble de nos concitoyens, la communauté internationale doit s'engager à enquêter sur les causes et les éléments déclencheurs du génocide. Il faut aussi rechercher les coupables et les sanctionner.

L'impunité est inacceptable. Enfin, il convient d'oeuvrer de manière beaucoup plus active à la réconciliation du pays et à la reconstruction de la structure sociale. La communauté internationale doit le faire savoir avec plus d'autorité aux dirigeants actuels du Rwanda.

En ce qui concerne les considérants, il convient de mettre l'accent sur certains autres points.

Mme Nyssens se dit impressionnée par les observations pertinentes du représentant du ministre. Si elle est amendée dans ce sens, la résolution mettra les accents là où ils doivent l'être. Les observations sont en effet parallèles aux récentes déclarations du secrétaire général de l'ONU, qui sont empreintes de justice et d'équité. L'intervenante estime toutefois que le texte adopté ne devrait pas trop sortir du cadre qui est le sien. L'objectif principal est d'appeler à la commémoration.

IV. DISCUSSION DES AMENDEMENTS

M. Devolder déplore que certains auteurs et cosignataires des amendements déposés ne soient pas présents. Le président, M. Roelants du Vivier, partage ce point de vue.

M. Collas déclare que son groupe est d'accord sur le principe de la résolution. Après une concertation au sein du groupe MR et avec d'autres groupes, cinq amendements ont été déposés, qui complètent ou reformulent certains points du texte de la résolution.

L'amendement nº 3 (voir doc. Sénat, nº 3-580/2) tend à reformuler le considérant A dans le sens des observations de Mme de Bethune. En optant pour une formulation plus générale, le texte répond à la volonté de réconciliation, telle qu'elle avait été exprimée notamment par le président Kagame.

L'amendement nº 4 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) tend à adapter le considérant C dans le sens suggéré par le représentant du ministre.

M. Destexhe propose de reprendre ici la formulation exacte utilisée par la commission Rwanda (doc. Sénat, nº 1-611/7, 1997/1998, p. 506) et de remplacer les mots « signaux indiquant la préparation de massacres à grande échelle » par les mots « une série d'informations concordantes qui concernaient, sinon la préparation d'un génocide, du moins l'existence de la préparation de massacres à grande échelle ».

L'amendement nº 5 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) vise à ajouter la référence à l'assassinat des 10 casques bleus belges au considérant D.

L'amendement nº 6 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) tend à modifier le considérant E dans le même sens que le considérant A amendé.

L'amendement nº 7 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) vise à modifier le dispositif.

Mme de Bethune dépose six amendements.

L'amendement nº 8 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) tend à compléter le considérant A en y ajoutant une référence à l'assassinat des Hutus modérés. Si la commission adopte l'amendement nº 3, l'intervenante est disposée à retirer son amendement.

L'amendement nº 9 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) vise à ajouter un considérant H (nouveau), mettant l'accent sur la nécessité de la réconciliation.

L'amendement nº 10 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) vise à insérer, après le considérant E, un considérant F (nouveau) faisant référence aux victimes tombées après le génocide.

L'amendement nº 11 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) vise à remplacer le dispositif par un appel à observer une minute de silence le 7 avril à midi.

L'amendement nº 12 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) vise à ajouter un dispositif 2 (nouveau), invitant à la réalisation d'une enquête sur l'origine et les conséquences du génocide.

M. Destexhe appuie l'amendement nº 12 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) de Mme de Bethune, mais il se demande dans quelle mesure le gouvernement se sent appelé à concrétiser cette demande.

L'amendement nº 13 (voir le doc. Sénat, nº 3-580/2) vise à ajouter un dispositif 3 (nouveau), invitant à encourager le processus démocratique et le jugement des auteurs des crimes.

M. Destexhe fait remarquer que les reformulations proposées par les amendements nos 3 et 6 de M. Collas et consorts et par les amendements nos 8 et 10 de Mme de Bethune nient la qualification de génocide contre les Tutsis. L'intervenant n'ignore pas que des assassinats ont été commis contre des opposants politiques et contre des citoyens hutus.

Mais les Tutsis ont bien été victimes d'un génocide, puisqu'ils ont été visés pour le seul et simple fait qu'ils étaient Tutsis. L'intervenant rappelle que non seulement des hommes, mais aussi des femmes et des enfants, ont été massacrés de façon systématique. Des femmes hutues enceintes ont même été assassinées parce qu'elles étaient mariées avec des Tutsis.

L'orateur comprend les motivations diplomatiques du gouvernement, mais la vérité historique a aussi ses droits.

En ce qui concerne les amendements nos 9 et 13 de Mme de Bethune, M. Destexhe partage l'avis de Mme Nyssens. Il est préférable que cette résolution reste dans le cadre de la commémoration.

Le représentant du ministre précise que les amendements de M. Collas et consorts reflètent adéquatement l'opinion du gouvernement.

Il ajoute que les remarques de Mme Nyssens sont empreintes de sagesse. L'objet de la présente résolution est de témoigner de son respect à l'égard des victimes le 7 avril, tout comme les Rwandais souhaitent le faire.

Les points de vue exprimés par Mme de Bethune dans les amendements nos 10, 12 et 13 pourront éventuellement faire l'objet d'une initiative ultérieure.

V. VOTES

La proposition de résolution, ainsi amendée, a été adoptée à l'unanimité des 11 membres présents.


Confiance a été faite au rapporteur pour un rapport oral.

Le rapporteur, La présidente,
Jacques DEVOLDER. Anne-Marie LIZIN.

(1) Cf. Commission d'enquête parlementaire concernant les événements au Rwanda, doc. Sénat, nºs 1-611/1-16, 1997/1998.