3-2453/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

30 AVRIL 2007


Proposition de loi visant à créer un stage au service de la collectivité pour les jeunes ayant atteint l'âge de la majorité

(Déposée par Mme Marie-Hélène Crombé-Berton et M. François Roelants du Vivier)


DÉVELOPPEMENTS


L'État belge traverse actuellement une double crise politique et sociale.

Sur le plan politique, notre État subit de multiples délitements. Il est en effet imbriqué dans un vaste processus de déstructuration consécutif à l'émergence et au développement d'entités tantôt plus englobantes, tantôt plus locales, investies d'un réel pouvoir de décision.

Or l'analyse sociologique et anthropologique révèle que cette manière d'affaiblissement de l'État génère une importante perte de repères, ébranle la confiance de la société civile en ses institutions et provoque un désintérêt à l'égard des affaires publiques.

À ce problème initial se greffe une crise sociale qui se traduit quant à elle par un irrésistible affaiblissement de la cohésion nationale. Témoignent avec virulence de ce second type de déstructuration: l'agonie du sentiment national, l'émergence de régionalismes exacerbés, le déploiement de l'incivisme et la généralisation d'une forme aiguë de « paresse citoyenne ».

La présente proposition a pour vocation de lutter contre cette inquiétante ruine de l'esprit civique.

De manière plus précise, elle tend à instaurer une obligation, à charge de tout jeune ayant atteint l'âge de 18 ans, de réaliser un stage d'un mois au service de la collectivité.

La mise en place de ce stage s'inscrit donc dans un processus réfléchi et volontariste de réhabilitation de la citoyenneté.

L'objectif avoué est de raviver, en chaque membre du corps social, le sentiment de partager un socle de valeurs socio-culturelles avec ses concitoyens.

Cet élément est d'importance dans la mesure où pareil sentiment d'appartenance constitue un outil privilégié dans la lutte contre les phénomènes d'ethnisation, de régionalisation et de repli identitaire qui font le lit de l'extrême droite.

Le stage « civique » est par ailleurs de nature à raviver l'idée d'une nécessaire collaboration entre les différentes tranches d'âge de la population, à combler le tristement célèbre fossé des générations, à redonner corps à une manière de solidarité sociale.

Il est en outre à noter que le stage a pour vocation de réhabiliter la figure même de l'État, sur un plan symbolique.

L'idée est de faire prendre conscience à chacun, pendant la période consacrée au stage, que l'État n'est pas un simple pourvoyeur de droits, de facilités et de prérogatives mais qu'il constitue aussi, dans une logique de solidarité responsable, une source d'obligations.

Le stage doit permettre de contrecarrer les effets pervers de la philosophie de l'État providence; philosophie à ce point répandue qu'elle laisse croire au citoyen qu'il n'est plus redevable à l'égard de la communauté dans laquelle il vit; philosophie à ce point pervertie que rien ne semble plus inacceptable aujourd'hui à un individu que de devoir œuvrer pour son pays et d'être tenu par celui-ci au respect de certains engagements.

Le stage a pour finalité de réhabiliter un certain nombre de réflexes, d'habitudes et d'attitudes dont l'utilité se révèle incontestable pour une revalorisation de la vie active au sens large.

Moteur d'une conscientisation citoyenne, le stage pose les bases d'un réinvestissement par la population de la sphère des « choses publiques » et du monde du travail.

Sur un plan strictement pratique, chaque citoyen ayant atteint le seuil de la majorité se voit reconnaître l'occasion de mettre en pratique, dans le domaine de son choix, les connaissances qu'il a acquises pendant sa scolarité.

Le stage, d'une durée d'un mois, se réalise au bénéfice de l'État fédéral, des régions, des communautés, des provinces, des communes ou de tout organisme agréé oeuvrant dans les secteurs de l'environnement, de l'éducation, de l'aide humanitaire ou de l'action caritative.

Afin d'éviter toute contre-productivité, l'obligation de stage est suspendue dans le chef de tout jeune ayant trouvé un travail directement après ses études.

Le stage ne prive pas le jeune de la couverture sociale dont il bénéficie.

Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON
François ROELANTS du VIVIER.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Il est créé un stage au service de la collectivité pour tous les jeunes ayant atteint la majorité, soit l'année de leurs dix-huit ans accomplis.

Art. 3

Le stage a pour but de renforcer la cohésion nationale. Il est d'une durée d'un mois et s'effectue dans les domaines suivants: l'humanitaire, le caritatif, la prévention, l'éducation, l'environnement, le développement durable, la cohésion sociale et la solidarité.

Art. 4

Le stage est accompli par les jeunes dès la fin de leur scolarité et pour autant qu'ils soient majeurs sauf si le jeune peut se prévaloir d'un contrat de travail à la sortie de ses études. Dans ce cas, le stage est presté ultérieurement, mais avant l'âge de 25 ans, selon les modalités fixées par le Roi.

Art. 5

Le stage est accompli dans les domaines visés par l'article 3 au bénéfice de l'État fédéral, des régions, des communautés, des provinces, des communes ou de tout organisme agréé.

Le Roi détermine les conditions d'agrément.

Il est conclu une convention de stage entre l'employeur et le jeune stagiaire, précisant la nature de l'activité, les obligations du jeune et les modalités de travail.

Art. 6

Pendant la durée du stage, le jeune continue à bénéficier des allocations familiales auxquelles il a droit. Il obtient en outre le remboursement de certains frais.

Art. 7

À l'issue du stage, le jeune reçoit un diplôme sanctionnant la période de stage au profit de la collectivité et retraçant la nature de son engagement civique.

17 avril 2007.

Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON
François ROELANTS du VIVIER.