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25 AVRIL 2007
I. INTRODUCTION
La commission des Affaires sociales a organisé le 6 décembre 2006 une série d'auditions consacrées à la problématique de la simplification administrative pour les médecins.
Les personnes suivantes ont été entendues:
— M. Jo De Cock, administrateur général de l'INAMI;
— le docteur Marc Moens, président de l'Association belge des syndicats médicaux;
— le docteur Reinier Hueting, membre du conseil d'administration de l'Algemeen Syndicaat van Geneeskundigen van België;
— le docteur Michel Meganck, président de la Société scientifique de médecine générale;
— le docteur Jos De Smedt, délégué de Domus Medica;
— MM. De Villers et Cools, délégués du Collège intermutualiste national.
Ces auditions ont eu lieu en présence de M. Renaud Witmeur, délégué de M. Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de M. Eduard Roossens, délégué de M. Van Quickenborne, secrétaire d'État à la Simplification administrative.
II. AUDITIONS
M. Marc Moens. — Le 5 décembre 2006, il y a eu une manifestation devant les portes de l'INAMI contre la surcharge administrative dans la politique des médicaments. Cette surcharge est évidemment beaucoup plus importante dans le monde médical et dans le monde social qui y est étroitement lié.
Dans son ouvrage intitulé Meneer Doktoor, Peter Vandekerkhove donne un très bon aperçu de la charge administrative: auparavant, un seul et même petit papier reprenant les coordonnées du médecin pouvait être utilisé pour tout: prescrire des médicaments, rédiger un certificat d'incapacité de travail ou de décès, etc. Aujourd'hui, il existe 57 sortes de formulaire.
Pour l'ABSyM, la simplification administrative consiste en une approche multidisciplinaire visant à supprimer une série de formulaires, à simplifier et à rendre plus efficaces des procédures administratives et des actes de soins de santé. Cela concerne la réglementation dans le sens médico-social le plus large, l'utilisation de technologies de communication uniformes avec une sécurisation concluante ou e-government, des procédures plus efficaces et une meilleure information des patients et des citoyens.
Nous savons que, dans une société qui évolue vite, il faut recueillir correctement et rapidement des données et les enregistrer de manière à ce qu'elles soient utilisables. Une administration bien huilée est nécessaire si nous voulons pouvoir comparer des données et faire des calculs sur la base de celles-ci afin de fournir une médecine de qualité. Nous souhaitons y collaborer.
Il doit cependant y avoir un équilibre entre les mesures administratives imposées et l'avantage que le patient, le citoyen en général, le système social et le dispensateur de soins, en l'occurrence le médecin, peuvent en tirer. Un tel équilibre ne peut être atteint que lorsque le dispensateur de soins est sérieusement associé au débat.
1. Médicaments
Ces dernières années, il semble que la politique des médicaments — surtout l'indication et les conditions de remboursement à la Commission de remboursement des médicaments (CRM) — vise uniquement à compliquer la tâche des médecins de telle sorte qu'ils renoncent à prescrire des médicaments qui auraient pourtant pu être prescrits selon les règles de l'art. Pour des raisons budgétaires, en Belgique, un certain nombre de médicaments ne sont pas remboursés pour certaines indications prouvées. Les professeurs de médecine et les médecins des mutualités ne se rendent pas compte de la difficulté pour les médecins traitants d'expliquer à leurs patients pourquoi un médicament n'est pas remboursé en Belgique alors qu'il l'est dans d'autres pays.
Pour colmater la ligne de rupture entre la théorie et la pratique et maîtriser la surcharge administrative — ou les tracasseries telle la confirmation de l'âge d'un patient qui a une carte SIS —, nous proposons que, dans la Commission de remboursement des médicaments et moyennant concertation préalable, il y ait au sein de la Commission nationale médico-mutualiste une parité entre, d'une part, les médecins praticiens et, d'autre part, les universitaires et les représentants des organismes assureurs.
Nous apprécions qu'après les discussions qui ont eu lieu voici trois semaines avec le cabinet et M. De Cock, la Commission nationale médico-mutualiste lance prochainement un groupe de travail où on pourra discuter de l'effet des prescriptions sur la pratique des médecins.
Nous n'apprécions pas l'élargissement de la CRM avec un seul représentant du ministre du Budget, comme le prévoit le projet de loi-programme. Ce représentant est sans aucun doute important pour pouvoir traiter à temps un dossier de médicaments au sein de l'Union européenne, mais cela n'offre aucune plus-value directe pour le patient et le médecin traitant. Nous préférerions qu'un certain nombre de médecins praticiens soient associés à la commission.
2. Transparence dans le financement des hôpitaux
En 2002, une modification fondamentale a été opérée dans le financement des hôpitaux. Cela ne signifie malheureusement pas que la transparence a aussi été instaurée. Au contraire. Dans notre pays, il n'y a presque plus d'experts en financement des hôpitaux et encore moins de médecins praticiens capables de comprendre ces règles complexes. Dès lors, il n'est pas étonnant que ces dernières engendrent des frictions entre les médecins et les gestionnaires des hôpitaux. Il n'y a que deux manières de combler les lacunes dans les cliniques privées: par le biais des patients ou des médecins.
Dans l'arrêté royal du 10 novembre 2006 modifiant l'arrêté royal du 25 avril 2002 relatif à la fixation et à la liquidation du budget des moyens financiers des hôpitaux, publié dans le Moniteur belge du 24 novembre 2006, le financement de l'hôpital par le biais du budget de l'hôpital est, dans quatre cas, lié au respect des tarifs de l'accord. Les médecins perdent ainsi leur liberté de souscrire ou non à l'accord. Cette mesure punit tant les hôpitaux que les médecins.
Moyennant deux conditions essentielles, le financement des hôpitaux peut se faire de manière plus transparente et plus honnête.
Premièrement, la réglementation ne peut pas être décrite en fonction de certains groupes d'intérêt. Seul l'intérêt général peut être pris en considération. Ceux qui sont au courant du problème bruxellois avec les cliniques privées et les hôpitaux du CPAS savent bien de quoi je parle.
Deuxièmement, les pouvoirs publics doivent cesser de faire un amalgame entre, d'une part, les règles relatives à l'adhésion à l'accord médico-mutualiste de la loi du 14 juillet 1994 relative aux soins de santé et indemnités, la loi SSI, et, d'autre part, les conditions relatives au financement des hôpitaux, lesquelles sont réglées dans la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987. Les deux législations sont différentes et la confusion entre les deux matières conduit à un manque de transparence chez les médecins et les gestionnaires des hôpitaux qui veulent définir une politique hospitalière de qualité.
3. La réglementation fédérale face au niveau communautaire et régional
Nous constatons que les médecins sont souvent confrontés à différentes réglementations aux niveaux fédéral, régional ou communautaire. Je prends comme exemple le décret flamand relatif au système d'information santé du 16 juin 2006. Par analogie avec le projet Be-Health concernant le traitement et l'informatisation des données médicales, nous avons rebaptisé ce décret flamand Fla-Health. La réalisation de dossiers médicaux est réglée différemment par les autorités fédérale et flamande. Les médecins flamands devront-ils bientôt faire tout en double ? La subsidiation des associations est également différente au niveau fédéral et au niveau flamand.
Cette distinction dans la réglementation est souvent inspirée par des abus de compétence, les autorités flamande et fédérale s'estimant compétentes pour régler certaines matières. En tant qu'association professionnelle représentative de médecins, nous nous voyons souvent contraints d'entamer des procédures devant les tribunaux compétents et les autorités administratives en vue d'obtenir l'uniformité.
En outre, on demande aux hôpitaux et aux médecins des données qui figurent déjà à l'un des niveaux concernés. L'enquête fédérale annuelle relative aux données hospitalières et l'enquête flamande IZAG — Informatiestroom tussen ziekenhuizen en de administratie Gezondheidszorg, Flux d'informations entre les hôpitaux et l'administration de la Santé publique — font pratiquement les mêmes demandes. La recherche de ces données coûte environ quatre semaines de temps de travail à un employé spécialisé. Pour arriver à une simplification administrative, nous proposons que les autorités élaborent un registre reprenant les obligations administratives qui reposent sur les médecins et les hôpitaux aux niveaux communautaire et fédéral. Pour toute décision au niveau fédéral ou communautaire montrant d'éventuels points communs avec des compétences déjà existantes, le test de Kafka doit être réalisé. Toute nouvelle proposition soumise au Conseil des ministres doit être contrôlée sur le point des charges administratives, mais en outre tout éventuel abus de compétence doit être mentionné.
4. Nomenclature des prestations de santé et du service d'évaluation et de contrôle médicaux (SECM)
L'INAMI a consenti d'importants efforts pour mieux informer les médecins en matière de nomenclature des prestations de santé. Les médecins s'en réjouissent. Vu la complexité de la nomenclature, de nombreux médecins ne s'y retrouvent plus. Cela vaut également pour la recherche d'informations sur les médicaments. Il faut trouver des moyens accessibles pour tenir les médecins informés des règles et des interprétations — en évolution constante — de la nomenclature des prestations de soins.
Afin de créer une plus grande sécurité juridique pour les médecins et pour d'autres prestataires de soins, nous proposons de publier toutes les décisions des juridictions administratives du SECM sur le site web de l'INAMI, tout en respectant la vie privée du médecin concerné.
Bien que nous ayons été consultés lors de l'élaboration de la loi portant dispositions diverses en matière de santé (Doc. Chambre, nº 51-2594/009), qui entre-temps a été approuvée mais doit encore être publiée, nous continuons à penser que certaines amendes sont trop élevées et que le système aurait pu être plus simple. En cas d'infractions à la loi SSI, les sanctions suivantes seront applicables:
— prestations non exécutées: remboursement plus amende de 50 à 200 %;
— prestations non conformes: remboursement et/ou amende de 5 à 150 %;
— prestations ni curatives ni préventives: remboursement plus amende de 5 à 100 %;
— prestations inutiles ou d'un coût excessif: remboursement plus amende de 5 à 100 %;
— prescriptions inutiles ou d'un coût excessif: amende de 500 à 50 000 euros;
— prescriptions inutiles ou d'un coût excessif de médicaments repris au chapitre II: amende de 500 à 20 000 euros;
— infractions administratives après avertissement par le SECM: amende de 50 à 500 euros;
— incitation à exécuter ou à prescrire des prestations inutiles ou d'un coût exagéré: amende de 1 000 à 250 000 euros.
Bien que le contrôle a posteriori figure dans la loi relative aux soins de santé, l'ABSym continue à le rejeter, essentiellement parce que lorsqu'une réglementation est opaque et compliquée au point d'être inexécutable, l'arbitraire risque de s'installer.
5. Points sur lesquels nous ne nous étendrons pas
Les patients — ou leur employeurs, les instances sociales, les écoles, les agences de voyage, les clubs de sport ... — ont aussi besoin de diverses attestations, notamment pour absence (au moins en double exemplaire), incapacité de travail ou inaptitude à pratiquer un sport, pour les fauteuils roulants ou déambulateurs, le permis de port d'armes, les réductions pour un raccordement téléphonique ou des activités culturelles, l'adoption, le droit aux soins infirmiers, le droit aux soins de kinésithérapie, les divers services publics qui exigent un document approprié, les assurances hospitalisation de toutes sortes, le congé social pour maladie grave d'un parent, le congé de maternité et/ou d'allaitement, pour un décès, les assurances vie, l'euthanasie, le fonds de maladie — chacun avec ses propres systèmes de traitement de l'information —, pour la formation médicale continue et l'accréditation pour les médecins eux-mêmes.
6. Conclusion
Si, dans un proche avenir, nous voulons encore attirer des médecins, en particulier des médecins traitants, plusieurs instances devront veiller ensemble à une diminution drastique des formalités administratives. Le dossier le plus sensible aujourd'hui est celui des prescriptions médicales, mais les autres dossiers sont également importants. L'ABSym veut collaborer de façon constructive à l'élaboration de solutions structurelles. Cependant, les pouvoirs publics doivent nous donner de réelles possibilités en la matière et ne pas nous demander des avis pour des raisons purement formelles.
M. Reinier Hueting. — Je parcourrai la note que nous avons remise, voici environ un an, au secrétaire d'État à la Simplification administrative. Nous avions alors espéré que la situation évoluerait enfin, mais nous constatons à présent que rien n'a changé.
Au contraire, les chambres législatives nous ont imposé une nouvelle charge, la législation sur les armes. Les patients nous présentent des attestations qu'il nous est impossible de signer. Nous ne pouvons juger si une personne est apte à manier une arme. Lorsque je signe une telle attestation, j'y ajoute les mots « du moins en ce moment ». En souhaitant une attestation plus concrète, le législateur demande aux médecins une expertise qu'il nous est impossible d'appliquer à nos propres patients. Ce serait tout à fait incorrect du point de vue déontologique. Si un généraliste doit dire à un patient qu'il doute de son aptitude mentale à circuler avec une arme, cela entravera grandement la relation de confiance. De telles expertises requièrent un comité d'expertise distinct.
Les généralistes s'irritent en premier lieu surtout des attestations d'absence établies par les autorités. Elles ont toutes une forme différente. Le diagnostic doit y être indiqué. Le plus souvent, les patients n'ont pas ces attestations sur eux, de sorte qu'elles doivent être remplies plus tard dans le couloir, entre deux consultations, lorsque le médecin ne se souvient plus des données convenues et du diagnostic exact. Cette situation suscite beaucoup d'irritation et donne lieu à des attestations erronées.
On a vu l'an dernier qu'il était possible de s'y prendre autrement. De simples attestations peuvent à présent être délivrées pour les travailleurs de La Poste. On ne peut imaginer à quel point cela réjouit les médecins.
Autre grand point névralgique: le nombre élevé de prescriptions médicamenteuses. Des questions ont récemment été posées à la Chambre sur la Ritaline. Certains médecins doivent établir un nombre incroyable de prescriptions par consultation. Puisque la Ritaline figure sur la liste des stupéfiants, il faut une prescription par dose. Lorsqu'un médecin prescrit plusieurs boîtes sur une seule prescription, seule la première est remboursée.
Cette réglementation date vraisemblablement de l'époque du code-barres unique. Je ne comprends pas pourquoi il n'est toujours pas possible de prescrire plusieurs boîtes d'un même médicament sur la même prescription.
De même, le fait d'indiquer la quantité d'insuline pouvant être prescrite par prescription date encore de l'époque où la concentration était de 40 unités par millilitre, contre 100 unités à présent. De ce fait, on ne peut jamais prescrire plus d'une boîte par prescription, bien que la plupart des patients utilisent au moins deux boîtes.
Le plus souvent, le généraliste prescrit des médicaments pour environ seize semaines. Pour les médicaments comprenant au maximum vingt-huit unités par boîte, quatre prescriptions doivent donc être établies. Le patient vient chercher ces médicaments à la pharmacie en une fois. Nous l'avons signalé l'an passé au secrétaire d'État et nous sommes déçus de ne pas encore avoir reçu de réponse.
Autre grande difficulté, les formulaires 3 et 4. Le patient doit les faire remplir pour obtenir certains avantages. Le généraliste doit y dresser un historique médical détaillé; les rapports sur toutes les affections pertinentes doivent aussi y être ajoutés. Il faut ensuite décrire tout ce que le patient peut ou ne peut pas faire dans la pratique quotidienne. Les assistants sociaux qui se rendent au domicile du patient sont bien mieux à même d'évaluer cela. Nous proposons donc qu'ils remplissent ces formulaires. Les personnes responsables du contrôle peuvent réclamer par la suite les données médicales nécessaires. Il est inutile de demander d'avance au médecin d'établir ces formulaires en double exemplaire.
Mon collègue, M. Moens, vient d'évoquer les formulaires concernant les chaises roulantes; ils dépassent tout ce qu'on peut imaginer. Il faut ainsi remplir cinq formulaires pour obtenir le remplacement d'une chaise roulante. Le patient doit obtenir un score sur une échelle encore inconnue jusqu'à présent. C'est plutôt un travail de consultant.
Concernant la réglementation relative à la médication, je me limiterai à demander une présentation uniforme des attestations nécessaires pour le remboursement, Af ou Bf, car le rejet d'une attestation sur la base de la forme est inacceptable. De plus, un formulaire de demande devrait être disponible sur le site de l'INAMI pour tous les médicaments dont la délivrance est soumise à une demande. Certes, l'INAMI fait ce qu'elle peut, mais depuis que nous avons interrogé le secrétaire d'État, voici un an, aucune décision n'a encore été publiée en la matière.
Le système des médecins agréés auprès des services de police requiert aussi beaucoup de paperasserie. Il est insensé — nous l'avons déjà dit — que les travailleurs de la police doivent aller chez un autre médecin pour bénéficier des soins médicaux gratuits, et cela alors que le ministre est partisan du dossier médical global. Si cette personne veut quand même consulter son généraliste, il doit être un médecin agréé, ce qui engendre d'innombrables formalités. Non seulement la présence doit être attestée par le biais de numéros médicaux mais en outre, les documents doivent être établis en double exemplaire à la fin du trimestre et il faut communiquer des montants inscrits à la main. Si on veut octroyer des avantages sociaux aux travailleurs de la police, il faut procéder comme dans d'autres entreprises. Laissons les travailleurs établir eux-mêmes un état récapitulatif et percevoir par la suite leur ticket modérateur auprès du service social ou du service du personnel. Malgré les questions que nous avons posées à ce sujet en janvier, ce système a été élargi en septembre au personnel administratif de la police. Je trouve cela ahurissant.
Une attestation de bonne santé est toujours requise dans l'enseignement. Personne ne sait précisément quelles informations doivent s'y trouver. Cette attestation peut donc également être supprimée.
Il en va de même de l'attestation d'aptitude à pratiquer le sport. Si cette attestation est maintenue, nous aimerions disposer d'un questionnaire spécifique pour chaque sport, un questionnaire auquel nous puissions répondre par oui ou non. Ce n'est en effet que sur la base de questions spécifiques que nous pouvons juger si une personne peut exercer un sport déterminé.
L'absence de signature électronique reste un point névralgique. Cela permettrait de résoudre de nombreux problèmes. Il suffit de penser aux demandes de radiologie ou de biologie clinique dans un hôpital. De nombreux généralistes collaborent d'ailleurs avec un laboratoire d'hôpital. De plus, la signature électronique simplifierait aussi la prescription électronique de médicaments, la tarification électronique des prestations, l'établissement des formulaires destinés au médecin en chef, etc.
M. Michel Meganck. — Je suis médecin généraliste. Je suis installé dans la région de Charleroi. Il s'agit de mon activité principale; j'exerce mon activité de président de la Société scientifique de médecine générale à titre bénévole. Je travaille aussi à titre secondaire comme médecin expert pour les tribunaux du travail de Charleroi et de Mons.
J'ai décidé d'axer mon exposé sur des exemples de ma pratique quotidienne en tant que médecin généraliste.
J'ai le souci d'être à la fois un bon médecin et un bon citoyen. C'est la raison pour laquelle j'ai, comme les autres médecins, accepté d'emblée un certain nombre de règles. Nous utilisons le formulaire ad hoc pour prescrire nos médicaments, nous délivrons à nos patients les formulaires nécessaires: certificats, prescriptions de soins complémentaires, etc. Nous leur délivrons également une attestation de soins donnés, grâce à laquelle ils peuvent obtenir un remboursement de nos prestations et qui permet aussi à notre contrôleur fiscal de nous assujettir à l'impôt. Je précise au passage que nous payons 0,50 euro à l'INAMI par attestation.
Nous avons donc le souci d'être aussi de bons citoyens, mais les complications deviennent telles que la situation nous énerve sérieusement et que nous en avons assez de toutes ces contraintes administratives qui ne nous laissent plus le temps de pratiquer la médecine.
L'arrêté royal fixant des modalités de la prescription à usage humain est l'une des gouttes qui ont fait déborder le vase et ont amené les généralistes à manifester, hier, dans la rue. Cet arrêté date de 2005, mais l'arrêté d'application est entré en vigueur le 1er octobre 2006.
L'article 2 de cet arrêté précise tous les renseignements que doivent comporter les prescriptions et, notamment, la mention du nombre d'unités dans le conditionnement. Auparavant, nous indiquions seulement le nom du médicament et, sans autre précision de notre part, le pharmacien était contraint de délivrer le conditionnement le plus petit. Si nous voulions que le conditionnement soit plus important, nous indiquions la mention « grand modèle » sur l'ordonnance. À présent, cela n'est plus autorisé.
Je voudrais illustrer ce qui précède par deux exemples pratiques. Si je décide de mettre un patient sous antibiotiques, en fonction de la molécule que je choisirai, je me trouverai confronté à des boîtes de 16 × 500 mg, 10 ou 20 × 875 mg, 16 × 500 mg, 5 ou 10 × 500 mg, 10, 14, 20 ou 21 × 500 mg, ou encore 16 × 500 mg ou 15 × 500 mg.
Si je souhaite traiter un patient atteint d'hypercholestérolémie, je recourrai aux statines, famille de médicaments bien connue, peu appréciée par notre ministre qui la trouve fort coûteuse ... L'Atorvastatine est conditionnée sous forme de boîtes de 28 ou 84 × 10 ou 20 mg, 10 ou 84 × 40 mg et 98 × 80 mg. La Pravastatine et le médicament générique de la même molécule sont conditionnés sous une forme différente. Il en va de même de la Simvastatine: boîtes de 30 ou 100 ou 28 ou 84 × 20 ou 40 mg.
Il est donc à présent obligatoire d'indiquer sur l'ordonnance le nombre de comprimés contenus dans la boîte de médicaments que l'on prescrit.
Comme vous le savez, les médicaments ne sont pas tous remboursés dans les mêmes proportions. Il existe à cet égard cinq catégories différentes — A, B, C, S et X — qui varient encore selon qu'il s'agit d'un assuré actif ou d'un bénéficiaire VIPO. Nous en sommes donc à dix catégories de remboursement différentes. Mais il faut encore y ajouter les sous-catégories Af, Bf, Cf et Sf, qui impliquent une intervention de l'INAMI dans les mêmes conditions que pour les catégories A, B, C et S, mais après autorisation du médecin-conseil. Nous obtenons donc ainsi un total de vingt catégories de remboursement différentes. Ces données m'intéressent car en tant que médecin généraliste, je tiens à savoir quel coût le médicament prescrit représente pour mon patient.
Il existe quatre catégories de médicaments à remboursement conditionnel. D'après mes calculs, il y avait, pour l'année 2002, 6 502 présentations différentes de médicaments en Belgique. Il faut savoir que 14 % du total des médicaments remboursés par la sécurité sociale nécessitent un remboursement conditionnel, soit un sur quatre.
Certains penseront que ce n'est pas beaucoup, mais les catégories visées par le remboursement conditionnel constituent à elles seules 40 % du budget des médicaments; ce sont les médicaments les plus prescrits. On y retrouve les antihypertenseurs, les antiasthmatiques, les hypolipidémiants et toute une série de médicaments régulièrement prescrits.
En outre, si l'on veut prescrire un médicament pour lequel la sécurité sociale intervient, il faut inscrire un seul conditionnement par ordonnance. On vient de dire, à juste titre, que deux sortes d'insuline ne peuvent pas figurer sur la même ordonnance. Prenons un exemple dans ma pratique. Je soigne une patiente atteinte de polyarthrite chronique rhumatoïde qui doit recevoir, chaque semaine, une injection de 15 milligrammes d'un produit conditionné dans des ampoules de 5 milligrammes, une ampoule par boîte. Je fais donc trois ordonnances par semaine, soit douze par mois.
Pour revenir au remboursement conditionnel, j'avais pris l'initiative de concevoir un formulaire type sur lequel j'inscrirais à la main le nom du médicament, les raisons pour lesquelles je demande le remboursement, etc. Ce procédé ne fut malheureusement pas accepté car plus de 68 substances différentes doivent faire l'objet d'une demande au médecin-conseil, en utilisant le formulaire ad hoc que l'on peut naturellement télécharger « facilement » sur le site de l'INAMI, surtout quand on est au domicile du patient. Et si la demande est faite sur un formulaire inadéquat, le remboursement ne sera pas obtenu. Cela représente un total de 128 formulaires différents.
Encore faut-il se réjouir quand il ne faut qu'un seul formulaire par substance, car ce n'est pas toujours le cas. Je prends deux exemples, volontairement les deux extrêmes. L'Aricept, médicament prescrit aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer, nécessite trois formulaires différents: un formulaire A pour la première demande, un formulaire B à conserver dans le dossier du patient et un formulaire C pour la demande de renouvellement. L'Enbrel, médicament prescrit dans cinq pathologies différentes, implique quinze formulaires différents.
Et c'est sans compter sur le zèle de certains médecins-conseils des organismes assureurs. En juillet 2006, on a décidé de simplifier les critères de remboursement d'une certaine formule en supprimant un paragraphe: « J'atteste que le patient mentionné ci-dessus présente une muqueuse de Barrett et je m'engage de ce fait à faire réaliser chez le patient concerné un examen endoscopique régulier, selon les recommandations ... ». Le hasard veut que, durant la première quinzaine de juillet, j'aie été amené à remplir, pour un patient, cette demande de remboursement. Je n'avais pas encore le nouveau formulaire et, pas de chance, mon ordinateur était en panne, ce qui rendait impossible le téléchargement. J'ai donc pris l'ancien formulaire, en barrant simplement le paragraphe désormais supprimé puisqu'il s'agissait de l'unique changement. Le patient a dû revenir chez moi avec le formulaire ad hoc que j'ai contresigné, afin qu'il puisse bénéficier du remboursement. La paperasse n'embête pas que les médecins, mais aussi les patients.
Maintenant, pour simplifier prétendument la tâche des médecins — puisque ces médicaments dont je viens de parler et qui nécessitent un accord préalable du médecin-conseil sont classés dans ce qu'on appelle le chapitre IV — on propose deux modifications.
Tout d'abord, le chapitre II. Dans celui-ci, on ne doit plus rien demander, on prescrit le médicament. On s'engage simplement à ce que la prescription soit faite dans des conditions conformes au prescrit de la nomenclature. On ne change rien aux critères de remboursement en tant que tels, qui sont toujours aussi compliqués, mais on transfère sur le médecin généraliste le rôle qu'avaient à l'époque les médecins-conseils des organismes assureurs, à savoir vérifier l'adéquation de la prescription et voir si le patient peut effectivement bénéficier ou non du remboursement. Si ce n'est pas le cas, c'est le médecin traitant qui doit mentionner sur l'ordonnance de son patient, à l'intention du pharmacien, que le médicament est non remboursable et que le pharmacien doit le « tarifer » au prix plein.
Dans le chapitre IV, on a prévu la même chose mais au lieu de faire une ordonnance sans rien y ajouter, on doit indiquer la mention TPA, ce qui signifie tiers payant applicable.
Je vous invite à consulter le site de l'INAMI. Vous y verrez six fenêtres. Celle située en bas, au centre, est intitulée « Médicaments et autres ». Après avoir fait défiler une fenêtre et cliqué sur « Médicaments », vous découvrirez le contenu des chapitres II et IV. Le chapitre II compte 32 pages et le chapitre IV, 918 pages de réglementation. J'attire l'attention sur le fait que, dans le cadre du chapitre II, un texte est actuellement en préparation. Il serait momentanément « mis au frigo » en attendant une concertation. Ce texte sera constitué de 71 pages, rien que pour les médicaments à visée respiratoire.
Je passe sous silence les autres prescriptions que nous devons faire, notamment pour des fournitures telles que l'oxygène à domicile et pour la demande d'autorisation d'un cadre de marche, d'une chaise roulante, etc. Pour un simple coussin anti-escarres, le formulaire comporte quatre pages à compléter par le médecin et une page à compléter par le bandagiste et le patient.
J'en reviens au côté tatillon de certains médecins-conseils. Le texte précise qu'un ulcère gastrique doit être démontré par endoscopie. Je soumets l'un de mes patients à une gastroscopie. Le gastro-entérologue écrit « érosion gastrique » sur le document. Cependant, le résultat de la biopsie qu'il a effectuée me revient avec la mention « ulcération ». La décision du médecin-conseil est un refus parce que c'est le protocole d'endoscopie qui prévaut sur l'analyse au microscope. Dans le cadre du remboursement des médicaments, certains textes sont inadaptés. Certains médicaments sont remboursés dans le cadre de l'hypertension artérielle, qui est une mauvaise indication médicale, mais pas lorsqu'ils sont prescrits pour l'hypertrophie prostatique pour laquelle ils sont vraiment efficaces.
Certains médicaments ne sont remboursés que sur demande du spécialiste parce qu'il est bien connu que les médecins généralistes n'ont pas le même cerveau.
Enfin, certaines indications pour lesquelles les médicaments sont prescrits ne donnent pas lieu à un remboursement. Je citerai l'exemple des migraines, qui touchent principalement les femmes, et où l'on constate que l'acide valproïque — la Dépakine — qui est remboursé en cas d'épilepsie, ne l'est pas en cas de migraine, ce qui nous obligerait à indiquer sur l'ordonnance que le patient doit le payer.
Je passe sous silence les certificats divers dont l'orateur précédent vient de parler. C'est vrai qu'actuellement, grâce à Mme Onkelinx, nous voyons arriver de nombreuses personnes qui nous demandent si elles sont mentalement aptes à détenir une arme chez elles. Les certificats pour les demandes d'allocations de handicapé représentent de six à douze pages. Je rappelle également qu'actuellement, nous sommes obligés par le ministère de prescrire au moins 27 % de médicaments dits bon marché.
Nous sommes dans une époque où l'on nous demande une maîtrise des coûts mais nous avons aussi une obligation de qualité vis-à-vis de nos patients.
Les règles de la société ont changé. On ne peut plus dépenser n'importe comment. Nous ne sommes plus dans les Golden Sixties.
Je tiens quand même à lancer un cri d'alarme au nom des médecins généralistes que je représente pour rappeler que nous sommes face à nos patients et que ceux-ci ne se soucient pas du rapport qualité-prix, que le vieillissement de la population implique qu'une série de dépenses continueront à augmenter, que dans les médias, en revanche, le monde politique continue à encourager les gens à prendre en charge leur diabète ou leur hypertension alors que, par ailleurs, on nous tape sur les doigts parce qu'on utilise les moyens diagnostiques et thérapeutiques que la société met à notre disposition.
Je vous mets en garde parce que l'on entend souvent dire qu'il y a de moins en moins de médecins généralistes. C'est exact, mais il ne manque pas de médecins et il ne sert à rien de lever le numerus clausus décidé par le département de la Santé publique. En réalité, on manque de jeunes médecins voulant encore pratiquer la médecine générale. Pour quelle raison ? Parce que quand ils prennent leur voiture le matin pour aller travailler, ils ont l'impression de prendre la route avec toute une série de conditions et d'interdits.
Que veulent les généralistes ? Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les médecins généralistes partagent l'idée qu'il faut maîtriser les dépenses, notamment en matière de médicaments. Nous sommes également d'accord de remettre nos prescriptions en question, notamment dans le cadre d'une confrontation des pratiques, comme nous le faisons actuellement dans le cadre des structures mises en place au sein même de l'INAMI. Je parle ici de l'accréditation.
Nous voulons des recommandations de bonne pratique, mais elles doivent rester des instruments et ne pas devenir des normes médicales opposables. Or, à l'heure actuelle, nombre de critères de remboursement qui sont publiés servent de normes médicales opposables puisqu'il y a des sanctions à la clef.
Il faut actualiser ces recommandations de bonne pratique et j'ai cité tout à l'heure l'exemple de l'acide valproïque prescrit pour les migraines. Il faut simplifier les critères de remboursement et revoir la liste des médicaments repris dans le chapitre IV. Il est étonnant de constater que les médicaments tels les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, qui sont considérés comme des médicaments de premier choix dans le traitement de l'hypertension, sont encore en remboursement conditionnel, alors que les inhibiteurs calciques, qui coûtent beaucoup plus cher, sont remboursés en catégorie B, la plus favorable pour le patient. Dans les critères de remboursement, il faut supprimer les quotas annuels. Il faut savoir que si l'on prescrit un aérosol à un patient atteint de BPCO ou d'asthme, donc de bronchite chronique asthmatiforme, il a droit au remboursement de 13 aérosols par an et pas un de plus. Si on lui en prescrit un 14e parce qu'il a davantage utilisé son aérosol, on est obligé d'indiquer sur l'ordonnance: tiers payant non applicable.
Il faut aussi mettre en balance le prix des médicaments et le coût des dépenses qu'ils génèrent par la réalisation obligatoire d'une série d'examens qui, dans certains cas, sont inutiles puisque le diagnostic clinique prime parfois le diagnostic technique.
Il faut permettre de longues périodes de remboursement. Pourquoi introduire des demandes de remboursement tous les six mois pour un médicament dont on autorise le remboursement pendant trois ans sans examen complémentaire ? Pourquoi faire une demande de remboursement tous les ans pour un traitement anti-épileptique alors que l'on sait que le patient prendra vraisemblablement ce médicament à vie ? Enfin, puisqu'on établit des profils de prescription des médecins, il est logique que l'on sorte du profil de prescription les médicaments du chapitre IV qui ont fait l'objet d'un accord des organismes assureurs et de l'État.
Faisons, de grâce, davantage confiance aux médecins. Le dernier critère de remboursement que je viens de voir publier est inacceptable. C'est un traitement prescrit pour l'énurésie nocturne chez les enfants. Le texte stipule que pour obtenir le remboursement du médicament, la famille doit d'abord acheter une petite boîte de 15 comprimés de Desmopressine, les donner à l'enfant et si, c'est concluant, demander au médecin traitant une attestation destinée au médecin-conseil pour obtenir le remboursement du médicament pendant six mois. En outre, il faut joindre à l'attestation délivrée par le médecin traitant la boîte vide du médicament et l'attestation prouvant que le pharmacien a bien délivré le médicament.
M. Jos De Smedt. — J'aborderai les points suivants: les médicaments, la responsabilité, le chapitre IV, les guidelines comme instrument de la maîtrise de coûts, le chapitre II, le chapitre Ier et la Commission de remboursement des médicaments.
Je me pencherai surtout sur les médicaments, thème d'actualité, comme l'a montré la manifestation d'hier. Mais il y a aussi l'intervention d'intégration sociale. Mon confrère Hueting vous a parlé des formulaires 3 et 4. J'ai collaboré avec le cabinet du ministre des Affaires sociales de l'époque, M. Vandenbroucke, afin de simplifier ces formulaires, ce qui fut fait au terme de longues et après dicussions avec les divers intéressés. Pendant trois ou quatre ans, ces formulaires sont restés au fond d'un tiroir et lorsqu'ils ont enfin été mis en circulation, différents éléments y avaient été ajoutés et ils étaient redevenus longs comme un catalogue. C'est aussi un véritable catalogue que le médecin doit compléter pour les chaises roulantes. Ce fut le cas aussi dans le cadre de la loi sur les armes. Les médecins ont 101 attestations diverses à délivrer.
Les médecins généralistes sont bel et bien disposés à prescrire de manière responsable et efficace. Ils veulent aussi porter un jugement critique sur les messages de l'industrie pharmaceutique qui les incitent à adopter un comportement prescripteur déterminé.
Nous avons déjà consenti beaucoup d'efforts. Une évaluation est déjà organisée au sein des GLEM et des cercles et cela donne des résultats.
Nous sommes prêts à faire tout cela mais sur la base de statistiques correctes et pertinentes. C'est pourquoi nous, médecins généralistes, voulons également être associés à l'analyse des données. Nous tenons à pouvoir vérifier les indicateurs que nous pouvons utiliser et les données qui nous seront utiles pour nous évaluer et ajuster le tir. Un mouvement en ce sens s'est amorcé mais il doit être poursuivi.
On a déjà beaucoup parlé du chapitre IV. Il a été introduit à des fins purement budgétaires et ne garantit en rien la qualité. J'y reviendrai plus tard. Nous sommes bien sûr disposés à contribuer à la maîtrise des dépenses mais il est primordial que la prescription soit dans l'intérêt de la santé du patient. On prescrit beaucoup de médicaments, parfois trop mais c'est parfois nécessaire. Certaines pathologies comme l'asthme ne sont pas encore suffisamment traitées.
Les tâches administratives sont très astreignantes. C'est pourquoi notre organisation accorde une grande importance au soutien administratif de la pratique des médicins généralistes.
Je m'interroge également sur les répercussions que la forfaitarisation du chapitre IV à l'hôpital aura sur le terrain. C'est une grande inconnue.
Les médecins en ont assez des formalités administratives. La réglementation est abondante, chaotique, difficile à trouver; elle change rapidement, elle est rigide et ne suit pas l'évolution de la médecine; elle est parfois introduite sur la base de critères non scientifiques.
J'ai dans mon ordinateur plus de 1 000 attestations différentes rien que pour les médicaments ! Il introduit automatiquement un grand nombre de données. Je me demande comment procèdent les confrères qui n'ont pas d'ordinateur. Je compte 229 produits différents et des centaines de pages dans le Moniteur belge. Rien que sur les statines, le Moniteur a publié en 2004 trois pages de réglementations dont la formulation est en outre compliquée.
Comment s'y retrouver ? Généralement, les firmes pharmaceutiques sont encore les mieux informées et elles peuvent nous tenir au courant.
Quant à la réglementation complexe relative aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), nous n'avons reçu des informations de personne. Ce sont les firmes pharmaceutiques qui ont dû nous expliquer comment prescrire. Reste bien sûr à savoir quelles recettes ce médicament procure aux firmes pharmaceutiques.
Heureusement, nous disposons de bons programmes informatiques mais sont-ils à jour ? Nous pouvons aussi consulter les sites internet des groupes de pression, d'organisations de services et de l'INAMI.
Le site de l'INAMI offre beaucoup d'informations. Le chapitre IV représente à lui seul 897 pages ou 5,72 mégabytes. Mais sont-ce des informations complètes et récentes ? Il faut savoir en effet qu'entre-temps, la réglementation a considérablement évolué. Le site ne précise pas si ces informations ont été mises à jour.
On y trouve aussi de nombreux formulaires de demandes d'autorisations mais pas pour tous les médicaments qui nécessitent une demande d'autorisation de remboursement, par exemple le Novorapid. Il faut donc consulter une autre source.
Il m'est arrivé de ne pas trouver sur le site de l'INAMI un formulaire relatif à un médicament dont j'avais besoin. J'ai finalement contacté la mutuelle. Elle me l'a transmis par fax mais ce document avait déjà été faxé tant de fois qu'il était devenu illisible. J'ai complété la prescription et le médicament a été remboursé au patient mais je ne sais pas ce que j'ai signé.
La législation change rapidement. Ces trois dernières années, le Moniteur belge a publié de nombreuses pages sur les statines. Le médicament Zocor figure dans trois chapitres de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, ce qui complique les recherches.
La mise en pratique de la réglementation relative aux IPP a déjà été critiquée plusieurs fois. Un patient de moins de 50 ans a droit au remboursement de quatre emballages de la catégorie C. Qui contrôle ? Quid si un patient consulte plusieurs médecins et se procure ce médicament dans plusieurs pharmacies ?
Il en va de même pour l'insuline. Le Lantus a d'abord pu être prescrit librement. Une fois le budget dépassé, les règles sont devenues plus restrictives mais les prescriptions ont encore été modifiées par la suite. Je parlerai du Plavix plus tard.
Pour le vaccin contre les rotavirus, nous devons mentionner l'âge du patient sur l'attestation alors que cette information figure déjà sur la carte SIS.
J'ai appris que soixante-sept pages sur la médication relative à la BPCO et à l'asthme paraîtraient au Moniteur belge. Il s'agit donc de nouveau d'un volumineux document. Les réglementations ne suivent par ailleurs pas l'évolution de la médecine. L'approche de la gestion des risques dans la prévention cardiovasculaire a ainsi été modifiée plusieurs fois ces dernières années. Cela nécessite chaque fois un changement de comportement prescripteur.
On a eu d'abord les tables de Framingham, puis les tables Score et aujourd'hui, la directive des généralistes flamands propose une autre valeur seuil. Cette directive a été élaborée sur la base d'observations scientifiques faites par des experts indépendants et non sous la pression des firmes pharmaceutiques. En revanche, des firmes pharmaceutiques ont demandé de modifier à nouveau le seuil de risque de 10 % à 5 %. Nous ne jouons pas à ce jeu. Nous appliquons la directive 10 % parce que nous pouvons étayer scientifiquement le risque de 10 %, même si Guy De Backer n'est pas d'accord. La directive des médecins généralistes paraîtra prochainement. Nous pouvons également étayer cette directive au moyen de la pratique dans d'autres pays où le seuil des 9 % est appliqué. Si nous appliquions un seuil de 5 %, cela voudrait dire que tous les hommes de plus de 60 ans devraient prendre des statines. Les médecins doivent suivre cette évolution. C'est parfois plus important que d'édicter des règles pour encadrer les prescriptions de médicaments.
J'en viens maintenant à l'influence des critères scientifiques. Les IPP en sont un bon exemple. De nombreuses publications ont été consacrées aux normes relatives aux IPP. L'industrie et les gastro-entérologues ont également exercé une influence. La question est de savoir comment prescrire les IPP. Ceux-ci figurent à la fois au chapitre Ier, au chapitre II et au chapitre IV. Cela complique les choses pour les généralistes.
Je suis convaincu que les généralistes font parfois des erreurs de prescription parce que les règles ne sont plus compréhensibles.
Certains clubs qui agissent pour le bien-être du patient ont également exercé une influence. Ces clubs étant largement sponsorisés par l'industrie, on peut douter de leur objectivité.
Les guidelines ne sont pas toujours synonymes d'économies. Il en est ainsi pour le clopidogrel (Plavix), un médicament très coûteux. Un des critères de remboursement mentionné sur le formulaire de demande est l'intolérance à l'acide acétylsalicylique et des antécédents documentés d'hémorragie, d'ulcères, etc. (Moniteur belge du 21-01-2004). Ce critère ne se justifie plus sur le plan scientifique. Or, de nombreuses études prouvent qu'e cas d'hémorragie, le clopidogrel n'est pas plus sûr que l'acide acétylsalicylique. Dans le cadre d'une demande de remboursement, ce critère ne se justifie plus sur le plan scientifique. Or, il figure déjà depuis des années sur le formulaire de demande et il y restera sans doute encore pour quelque temps.
Un autre exemple est l'utilisation du clopidrogel pour la prévention secondaire des accidents vasculaires cérébraux. Le remboursement se fonde sur l'étude Caprie. On observe une réduction relative insignifiante de 7,3 %. Cette étude ne saurait justifier le traitement exclusif au clopidogrel qui a un effet antiagrégant à peine meilleur que l'aspirine pour les ACV. Le nombre de sujets à traiter (NST) est de 1/200. J'ai calculé le coût: pour éviter un seul ACV, il faut dépenser 307 980 euros en clopidogrel. Ce choix est politique.
J'aborde maintenant le chapitre II. En substituant un contrôle a posteriori au contrôle a priori, on peut parvenir à une simplification administrative. Dans certains cas individuels, les médecins généralistes demanderont à pouvoir déroger aux critères tout en tenant compte des directives pour leur prescription. Celle-ci doit être justifiée. Si certains médecins prescrivent trop, un feed-back peut être organisé mais il importe d'y associer les médecins pour qu'ils puissent au besoin corriger leur comportement prescripteur sur la base de critères efficaces.
J'en viens à la Commission de remboursement des médicaments (CRM) qui était en première ligne hier. Selon moi, elle a besoin de l'apport scientifique des médecins pour évaluer l'applicabilité de la réglementation. Actuellement, seules les associations professionnelles y sont représentées. Telle est la législation mais nous devons essayer de l'appliquer de manière créative.
Nous devrons investir à court terme beaucoup de temps dans la CRM. Il y a quelques semaines, nous avons eu une bonne discussion avec des collaborateurs du cabinet et de la CRM. Je pense que les médecins peuvent y apporter leur concours. Il convient peut-être de réexaminer le financement de cette commission car il n'est guère aisé de verser des jetons de présence à des médecins généralistes. Des solutions constructives existent toutefois.
Les membres de la CRM sont souvent des têtes de Turcs. Ils travaillent beaucoup pour remplir leur mission mais leur travail est ensuite souvent jeté aux oubliettes de l'administration. Dans ce cas, le travail a été fait en vain et il n'y a pas de feed-back non plus.
J'ai participé à différents groupes de travail de la CRM et je suis encore actif dans l'un d'entre eux. Nos efforts sont rarement récompensés. Je ne parle pas de la récompense financière, il n'en est en effet jamais question . Nos propositions sont souvent bien argumentées mais elles n'engagent la CRM à rien. J'en viens parfois à me demander, en tant que membre d'un groupe de travail, à quoi sert de s'investir pour faire des propositions si la CRM n'en tient ensuite pas compte.
L'approche développée au chapitre Ier diffère de celle du chapitre II mais met aussi l'accent sur un comportement prescripteur responsable. Les prescriptions de tous les médecins doivent pouvoir être justifiées. J'espère que cette exigence n'a pas seulement des motivations budgétaires.
En conclusion, je dirai que les médecins sont demandeurs d'une simplification radicale de la réglementation actuelle et d'une plus grande participation. Ils espèrent en outre que la substitution d'un contrôle a posteriori au contrôle a priori sera synonyme d'une simplification administrative. Ils demandent toutefois à pouvoir déroger aux critères dans des cas individuels sur la base d'une argumentation solide. Les sanctions ne devraient être possibles que sur la base d'un profil déviant. Les médecins doivent pouvoir faire valoir leur expertise scientifique au sein de la CRM.
M. De Villers. — Je suis le médecin directeur des Mutualités socialistes et, comme mon confrère Luc Cools, je suis mandaté par le collège mutualiste national pour écouter les intervenants et répondre aux questions.
J'écarterai d'emblée toutes les critiques sur les attestations sans rapport avec l'assurance soins de santé, par exemple les attestations enseignement, dans lesquelles les mutualités ne sont pas partie prenante.
Nous sommes unanimement d'accord sur le fait que les règles de remboursement des médicaments sont devenues bien plus complexes qu'il y a quelques années.
À l'époque, on reprochait pourtant à cette réglementation de n'être pas suffisamment scientifique et de n'être pas adaptée à la bonne pratique médicale.
Or, ce message a été entendu par le ministre Vandenbroucke et on a essayé d'élaborer une réglementation qui tienne mieux compte du bon usage scientifique de l'utilisation des molécules, ce qui n'est pas simple.
Dans un certain nombre de cas — je songe ici aux anti-ulcéreux et aux fameuses 58 pages de réglementations, à diviser par deux —, la majeure partie de cette réglementation est issue d'une conférence de consensus purement scientifique, qui a été transposée quasi telle quelle dans la législation.
Effectivement, il s'agit de réglementations longues et difficiles à appliquer, mais elles reflètent la manière de manipuler correctement ces molécules. De deux choses l'une, soit on rédige une réglementation plus simple qu'il est difficile de faire coller aux règles de bonne pratique, soit on rédige des règles de remboursement qui collent à la bonne pratique et on a immanquablement une réglementation compliquée.
On peut faire un constat semblable à propos du dernier exemple concernant les anti-asthmatiques.
Je n'aborderai évidemment pas les considérations politiques qui génèrent une réglementation de remboursement, l'objectif principal étant bien entendu la maîtrise budgétaire. On peut facilement effectuer des comparaisons avec des pays comme la France qui ont beaucoup moins de réglementations de remboursement mais dont l'assurance soins de santé présente un déficit budgétaire gigantesque. Je laisse le soin à M. Witmeur, chef de cabinet de M. Demotte, d'aborder ce type de considérations.
En ce qui concerne la nomenclature des soins de santé, depuis la législature Vandenbroucke, on a aussi essayé, mais dans une moindre mesure, d'établir des règles de nomenclature qui soient plus cohérentes avec la bonne pratique. Ces réglementations impliquent activement les médecins puisqu'elles sont élaborées au sein d'un conseil technique médical dont les médecins tiennent les rênes.
J'en viens à l'exposé du représentant du second syndicat, le Cartel. Je relève une confusion — que nous rencontrons encore dans la pratique de la gestion de l'assurance — entre prescription et remboursement. En Belgique, la prescription du médicament n'est pas limitée, sauf dans quelques cas exceptionnels. Par contre, la société en limite le remboursement. Cela relève de la responsabilité du monde politique qui fait le choix de limiter l'intervention de l'assurance obligatoire dans le remboursement des prestations de santé, en fonction des budgets disponibles.
Je relève par ailleurs un nombre important de méconnaissances et d'erreurs techniques dans l'exposé du docteur Meganck. Selon lui, il existerait vingt catégories de remboursement. C'est évidemment inexact. L'indice F qui implique que le médicament nécessite, pour être remboursé, un accord préalable du médecin conseil ne s'adresse qu'aux catégories A et B et non à toutes les autres. Le nombre de catégories de remboursement est donc largement inférieur à vingt, la distinction entre assuré ordinaire et assuré VIPO portant uniquement sur le niveau de remboursement et n'ayant donc aucune incidence sur la prescription ou l'acte administratif du médecin.
Il ne faut pas généraliser des anomalies ou excès commis par certains médecins. Ce n'est certainement pas la bonne façon de faire état des difficultés vécues sur le terrain. Ce genre de plainte est assez exceptionnelle. Lorsqu'il s'agit de dérapages ou d'excès de zèle des médecins conseils, les directions médicales sont en tout cas là pour donner ou rappeler des informations.
Selon le docteur Meganck, le chapitre II transfère la charge de travail vers le médecin généraliste. Cette interprétation me paraît inexacte. Le représentant du syndicat Domus Medica a d'ailleurs bien relevé l'esprit de ce chapitre II. Il ne vise certainement pas à transférer une charge administrative mais, au contraire, au travers d'un ciblage de contrôles plus intelligents sur la base de profils, à embêter beaucoup moins le médecin traitant qui rédige son ordonnance. Sauf questions complémentaires, je ne reviendrai pas sur ces considérations techniques.
On confond par ailleurs un souhait de remboursement en fonction des indications que l'on voudrait bien manipuler dans la prescription avec les indications officielles reprises dans la notice du médicament. On ne peut évidemment pas rembourser un médicament lorsque, dans sa notice officielle — une démarche entamée par la firme qui demande le remboursement de son médicament en Belgique —, ne figure pas l'indication considérée. C'est notamment le cas des anti-épileptiques que l'on souhaiterait prescrire pour combattre la migraine. Certaines spécialités n'ayant pas cette indication, il n'est dès lors pas possible de les rembourser sur cette base. Il faut alors persuader la firme de demander l'extension de sa notice officielle. Ce sont des choses que peu de médecins de terrain connaissent. Je ne leur en veux bien évidemment pas sur ce point-là.
J'en viens enfin à l'exposé du représentant de Domus Medica. Celui-ci souhaite que les médecins soient associés au phénomène de feedback peer review. C'est bel et bien prévu.
La loi-programme en discussion au parlement prévoit, dans la réforme de la procédure chapitre 2, que le Comité du service d'évaluation du contrôle médical statue in fine sur la sanction du médecin qui aurait été « profilé » outlier. Or, dans ce comité, les médecins tant généralistes que spécialistes sont bien représentés par leurs syndicats respectifs.
M. Cools. — Il y a effectivement un problème administratif pour les médecins et en particulier pour les médecins généralistes. Je suis heureux qu'une série d'orateurs aient dit que nous devons agir ensemble en cette matière. Nous sommes prêts à collaborer.
À l'heure actuelle, l'accès est déjà important, abstraction faite du chapitre IV-médicaments. Quinze pour cent des unités vendues en pharmacie se rapportent à ce chapitre, mais cela représente 40 % des dépenses totales pour les médicaments.
Il n'y a pas des centaines de solutions pour simplifier. Nous devrons peser les mesures sur une balance d'apothicaire. Les médicaments deviennent plus spécifiques. Le créneau dans lequel un médicament est utilisé se rétrécit. Cela signifie que les médicaments deviennent aussi plus chers.
Nous essayons d'appréhender la simplification à trois niveaux. En premier lieu, la formation et l'information sont importantes. Quelques semaines après être devenu médecin, j'ai remplacé un médecin généraliste. J'ai alors dû prescrire et facturer et j'ai été confronté aux prescriptions de médicaments, à la réglementation et à la nomenclature INAMI. C'était nouveau pour moi. J'espère qu'à l'heure actuelle, les médecins débutants peuvent partir sur d'autres bases.
Du point de vue de notre mutualité, nous essayons de rencontrer le besoin d'informations précises. Depuis quelques mois, nous avons un bulletin d'information électronique pour les médecins généralistes, dans lequel nous essayons d'expliquer pourquoi la réglementation est ce qu'elle est. On y reprend aussi les références précises et les réglementations correctes.
Nous devons aussi responsabiliser. J'ai apprécié l'image évoquée par le docteur Meganck pour expliquer pourquoi on ne veut plus devenir médecin généraliste. Nous devons faire des démarches concrètes afin de donner le feed-back exact.
Enfin, nous sommes également disposés à réfléchir et à œuvrer à un soutien administratif de premier échelon. C'est la seule manière de conserver suffisamment de médecins généralistes.
M. J. De Cock. — Le docteur Moens a commencé par un historique et a cité un livre qui vient de paraître. Ceux qui l'ont lu savent que l'histoire se termine en 1964. Depuis, beaucoup de choses se sont passées. Je travaille depuis dix ans à l'INAMI. Lorsque j'y suis arrivé, il n'y avait qu'un seul pharmacien. Nous ne savions rien des médicaments. Nous savions qu'il y avait des médicaments A, B, C et Cx et nous connaissions aussi le nombre de conditionnements. Nous menions donc une politique aveugle.
Bien des choses ont changé depuis, non seulement dans le domaine des données chiffrées et de l'administration, mais aussi dans le secteur des médicaments lui-même, qui a explosé en dix ans. Cela a clairement eu des conséquences au plan budgétaire: ces dernières années, les dépenses de soins médicaux augmentent en moyenne de 3,3 % en termes réels, mais dans certains secteurs, comme ceux des implants et des médicaments, l'augmentation dépasse parfois 10 %. L'explosion s'accompagne aussi du renouvellement de l'arsenal thérapeutique dont l'utilisation devient plus spécifique et plus complexe.
L'accès aux médicaments est le premier critère de la politique. Cela ne concerne pas tellement les délais mais bien l' uptake des médicaments. Dans une série de pays, il n'y a pas d'administration des médicaments; ils y sont disponibles dès qu'ils sont enregistrés, mais aucun budget n'y est consacré et on peut même faire son propre choix thérapeutique.
Le problème n'est pas nouveau. En avril 1999, j'ai présidé un groupe de travail et plaidé en faveur d'un passage du chapitre IV au chapitre II, à savoir le contrôle a posteriori. Nous aurions peut-être pu travailler plus vite car maintenant, sept ans plus tard, il y a encore des problèmes. Je plaide certainement pour une simplification. La médecine doit pouvoir être exercée de manière aisée, avec un soutien administratif suffisant. Nous ne pouvons avoir l'illusion qu'une assurance qui dépense 20 milliards d'euros par an est possible sans administration. En contrepartie d'une augmentation des moyens, la politique demandera à tous les acteurs de rendre davantage de comptes.
Pour être précis, je tiens à rappeler que les médicaments peuvent être classés dans différentes catégories selon le critère utilisé. Un premier classement porte sur le remboursement. Ainsi, on distingue les catégories A, B, C, Cx, etc., selon le taux de remboursement. Le deuxième classement est celui qui s'opère selon l'effet thérapeutique ou la plus-value. On parle ici des médicaments de classe 1, classe 2, classe 3. Le troisième est un classement administratif en chapitres, allant de I à IV; il y a aussi un chapitre IVbis, qui traite des médicaments importés. Le chapitre Ier concerne les spécialités qui en principe ne sont assorties d'aucune condition dans le chef du patient ou du prescripteur, mais pour lesquelles il faut suivre les indications figurant sur la notice.
Le chapitre II est une catégorie récente. Sa base légale découle de la loi-programme du 24 décembre 2002. Le remboursement des médicaments de cette catégorie est lié à des conditions définies dans une directive qui doit être une traduction de guidelines scientifiques. Elle est publiée au Moniteur belge et la liste peut être consultée sur le site web de l'INAMI, mis à jour quotidiennement.
Le chapitre III concerne les liquides et les solutions de perfusion.
Le chapitre IV concerne les spécialités dont le remboursement est subordonné à des conditions concernant le patient, le prescripteur ou le médicament lui-même.
Il y a actuellement 4 823 différentes spécialités remboursables, dont certaines ne sont prescrites qu'en milieu hospitalier. Si une spécialité est définie comme étant plusieurs conditionnements avec le même dosage, nous en arrivons à 2 737 spécialités. Si on les subdivise par molécule ou molécule active, on en arrive à 781 spécialités. Quant au nombre de patients, à savoir le nombre d'assurés différents ayant obtenu un remboursement, le groupe le plus important (35 623 sur 39 871) se retrouve au chapitre I. Les tableaux relatifs aux dépenses le démontrent encore plus clairement: sur un total de 2 212,4 millions d'euros, 1 120,5 millions d'euros, soit 51 %, se retrouvent au chapitre I. En volume, il s'agit de près de 75 % des médicaments. En deuxième place figurent les médicaments du chapitre IV qui sont responsables de 36 % des dépenses mais qui ne représentent que 14 % du volume. On observe ici aussi une évolution par rapport à 2001. Les médicaments du chapitre IV représentaient alors 25 % du budget. Un grand nombre de médicaments coûteux se sont en effet ajoutés à l'officine ouverte. En volume, leur part est passée de 12 à 14 % mais les dépenses ont augmenté dans une bien plus large mesure.
La Commission de remboursement des médicaments compte 22 membres ayant voix délibérative et 6 membres ayant voix consultative.
Ont voix délibérative:
— 7 médecins académiciens présentés par les universités,
— 8 représentants des organismes d'assurance,
— 3 pharmaciens,
— 4 médecins des organisations représentatives de médecins.
Ont voix consultative:
— 2 représentants de l'industrie pharmaceutique,
— 1 représentant du ministre des Affaires sociales,
— 1 représentant du ministre de la Santé publique,
— 1 représentant du ministre des Affaires économiques,
— 1 représentant du Service d'évaluation et de contrôle médical.
Le cadre législatif est constitué des dispositions figurant à l'article 35bis, § 10, alinéas deux et trois, de la loi SSI: « Le Roi peut déterminer les règles par lesquelles le remboursement de spécialités pharmaceutiques est accordé sans autorisation préalable du médecin-conseil et/ou sur avis du Collège de médecins. » Ce principe est traduit dans les articles 80 et 80bis de l'arrêté d'exécution du 21 décembre 2001.
Il y a en outre un contrôle a posteriori. Le parlement devra prochainement adapter le texte législatif parce qu'il a été modifié par la loi santé que le Sénat a adoptée sans modification le 16 novembre. L'article 35bis, § 10, de la loi SSI dispose: « Le Roi peut déterminer les règles par lesquelles le remboursement de spécialités pharmaceutiques soumises à des conditions de remboursement spécifiques est accordé sans autorisation préalable du médecin-conseil, avec un contrôle ultérieur pour constater et vérifier que les spécialités concernées ont été prescrites par le dispensateur conformément aux conditions de remboursement fixées. »
Cette disposition a donné lieu à une discussion sur la définition des « conditions de remboursement fixées ». Il s'agit des règles administratives auxquelles est subordonné le remboursement de médicaments. Dans la nouvelle loi, ces mots sont remplacés par « aux recommandations visées à l'article 73, § 1, alinéa 2. »
Les médecins-conseils et le service de contrôle médical sont habilités à contrôler cela. Alors qu'auparavant, on pouvait procéder à une évaluation à la pièce, ce qui se passait rarement en pratique, on tient à présent compte du comportement prescripteur général avec un seuil de tolérance de 20 %.
Il y a plusieurs sortes d'autorisations. Celles qui tiennent compte de la durée du traitement sont les attestations « b » qui sont valables un an et peuvent être prolongées d'un an en fonction des renseignements fournis par la notice, et les autorisations « d » valables pour un an au maximum et qui peuvent être prolongées de 5 ans. Certains médicaments ont déjà été transférés de la classe « b » à la classe « d ». Sans doute des améliorations sont-elles encore possibles.
Une autre classification se rapporte au nombre de traitements: une autorisation « c » concerne un conditionnement par attestation, une autorisation « e » concerne plusieurs conditionnements.
Ces dix dernières années, de 1996 à 2006, le nombre d'autorisations est passé de 1,5 million à 1,8 million — une estimation faite sur la base des données des trois trimestres de 2006. L'année record fut 2002, avec 3 millions d'autorisations. Entre-temps, des initiatives ont été prises pour dispenser certains médicaments de conditions ou pour assouplir celles-ci.
Les dix autorisations les plus fréquentes concernent 60 % des attestations et cela, sur la base des données des trois premiers trimestres de 2006. Pour la catégorie des sartans, une simplification paraîtra au Moniteur belge du 20 décembre.
Enfin, je m'attarde encore un peu sur quelques développements récents. Il faut un contrôle a posteriori et une surveillance du comportement prescripteur. La confiance doit rester le point de départ mais une évaluation doit être possible. L'évaluation et le contrôle doivent rester possibles lorsqu'on constate que des codes de conduite ou des réglementations sont insuffisamment respectés.
Cette réglementation est restée longtemps imprécise. La loi sur la santé a apporté des précisions çà et là. Depuis longtemps on se demandait ce qui se passe si un médicament est prescrit sans respecter les conditions de remboursement. L'article 35bis, § 10, deuxième alinéa, répond à cette question et donne des précisions sur le remboursement éventuel par le médecin du médicament prescrit.
L'administration aussi est touchée par la simplification, même si cela peut sembler paradoxal à certains. Notre contrat de gestion prévoit plusieurs initiatives pour la simplification de diverses procédures. Certaines d'entre elles ont été discutées avec le secrétaire d'État à la Simplification administrative. Il s'agit d'initiatives législatives comme la suppression du registre des prestations des kinésithérapeutes, l'informatisation des circuits de facturation dans les hôpitaux et des formulaires de demande pour les attestations de soins donnés. On a déjà fait référence aux médicaments pour lesquels une simplification est en chantier, comme les sartans. Le ministre nous a donné la mission d'examiner dans quelle mesure la réglementation sur l'asthme et la BPCO peut être simplifiée. Hier, la CRM a pris une décision administrative adaptée à propos du rotarixvirus qui est une simplification par rapport à la proposition originale.
L'accord médico-mutuelliste de décembre 2005 prévoit une concertation entre la CRM et la Commission nationale médico-mutualiste. Les réunions se tiendront à partir du 1er janvier 2007. L'asthme et les BCPO seront à l'agenda. On y examinera aussi si une formulaire standard peut être introduit pour les produits qui en sont dépourvus. Il est demandé aux présidents des différentes parties de la commission médico-mutaliste et de la CRM de faire connaître au plus vite les thèmes et les dossiers susceptibles de simplification. Cela vaut aussi pour les procédures d'accréditation, etc.
En ce qui concerne l'information, nous avons travaillé ces derniers mois à harmoniser les bases de données de l'INAMI et du Centre belge d'information pharmacothérapeutique (CBIP). Des brochures d'informations sont également en chantier.
Une brochure a trait au cadre administratif général de l'assurance maladie. Une deuxième brochure reprend le deuxième volet du livre vert du CBIP avec l'indication du prix des médicaments remboursables et non remboursables; dans une autre brochure, les médecins généralistes trouveront davantage d'informations sur les médicaments du chapitre II et du chapitre IV.
On s'occupe aussi de l'informatique. Sur le plan de l'informatisation, bien des améliorations peuvent encore être apportées. Nous devons simplifier les circuits administratifs et éliminer les procédures compliquées.
Je prends pour exemple l'enregistrement des médicaments anti-TNF. En collaboration avec les rhumatologues, qui ont proposé un projet de réglementation, nous démarrons pour l'instant un projet-pilote en vue d'un enregistrement en ligne. Dans le secteur des implants également, l'enregistrement électronique serait préférable à l'utilisation de formulaires.
Il y a toutefois une différence entre les demandes, les déclarations et l'enregistrement, mais quel que soit le système utilisé, on doit toujours disposer du matériel adéquat pour réaliser ultérieurement une évaluation. Cela ne se fait pas exclusivement sur la base de données comptables. La question de la signature électronique est aisée à régler pour certains services. Pour d'autres, il faut adapter la réglementation.
Pour l'essentiel des documents dans un hôpital, c'est-à-dire les prescriptions et les protocoles pour certaines prestations de soins, il suffit, pour autant que la nomenclature le permette, d'un accord collectif entre le conseil médical, l'administration de l'hôpital et le médecin hospitalier. Par contre, la nomenclature pour la radiologie doit encore être adaptée parce que dans ce domaine, on demande encore de nombreux documents écrits.
Pour la facturation également, il suffit d'un accord pour travailler par voie électronique. Cet accord existe dans une vingtaine d'hôpitaux.
L'arrêté royal nº 78 dispose que les médicaments requièrent une signature électronique du plus haut niveau, c'est-à-dire du Roi. Cette signature n'étant en pratique pas disponible dans les hôpitaux, nous préparons avec le SPF Santé publique un arrêté royal qui institue une solution de rechange à la signature électronique dans l'administration des hôpitaux.
La facturation est une autre question. Les documents sont envoyés dans le circuit financier et les factures ont force de preuve.
L'informatisation est non seulement importante pour la seconde ligne de soins mais aussi pour la première. Dans ce secteur également, on doit progresser dans l'utilisation des possibilités technologiques tant pour les soins à distance que dans l'échange électronique de données.
J'ai assisté il y a peu à un congrès sur la douleur chronique d'où il ressortait que la médecine de première ligne avait clairement un rôle à jouer. En pratique, cela se fait peu. Il faudra rapidement mettre en œuvre d'autres formules pour l'échange de dossiers, mais c'est un processus qui prendra peut-être des années.
Je vous parlerai enfin brièvement de la situation à l'étranger. On dit souvent que la législation y est assez simple. Mais celui qui prend la peine de l'étudier remarquera que le comportement prescripteur est également soumis à des conditions en France et aux Pays-Bas et que certains documents y sont aussi exigés.
Il y a les médicaments à prescription restreinte, les médicaments d'exception qui nécessitent une fiche d'information thérapeutique, dont un volet est adressé au service médical de l'assurance maladie invalidité.
On peut y trouver des pistes de simplification intéressantes, comme un formulaire en quatre parties.
On a parlé de l'Enbrel, un anti-TNF. Dans tous les pays que je connais, il requiert une autorisation préalable.
M. Renaud Witmeur. — Les auditions ont été axées, à juste titre, sur la simplification administrative mais il conviendrait, selon moi, d'envisager les choses sous un angle plus global. Lorsque l'on prévoit des critères de remboursement, il y a des impératifs essentiels.
Tout d'abord, il convient de veiller au bon usage du médicament et les critères de remboursement s'inscrivent aussi dans ce cadre. Pour cela, il faut faire confiance au médecin, cependant, certains problèmes peuvent se poser pour les médicaments figurant au chapitre I.
Par exemple, je pense aux antibiotiques. La situation de notre pays n'est en effet pas des plus glorieuses en matière de prescriptions d'antibiotiques. Nous en consommons notoirement trop et l'évolution n'est guère positive.
Autre exemple, nous avons également un taux de prescriptions extrêmement élevé et inquiétant en ce qui concerne les benzodiazépines. Des campagnes ont été menées et ont permis de diviser ce taux par dix en un an !
Enfin, on a également beaucoup parlé des IPP ou médicaments inhibiteurs de l'enzyme de conversion.
Tout le monde estime que la réglementation actuelle est trop compliquée. Je suis d'accord sur ce point. Je rappelle cependant qu'au départ, l'ancien ministre des Affaires sociales avait conclu un accord avec les firmes pharmaceutiques qui avaient proposé d'enlever le chapitre IV et de passer au chapitre I, faisant baisser le prix de 50 %, d'où une économie sur le plan budgétaire. Le ministre Vandenbroucke a jugé l'accord intéressant.
Résultat: le budget a doublé, ce qui signifie que la prescription des médicaments a quadruplé en deux ans. Seules deux explications sont possibles: soit nous étions vraiment parmi les pays les plus démunis quant à l'accès à ces médicaments avant la réforme, soit nous devons admettre que cette augmentation de 400 % en deux ans ne correspond pas strictement aux besoins de santé publique.
Le bon usage des médicaments est un combat essentiel et tout médicament prescrit à tort est néfaste au patient. Il importe dès lors d'établir des critères clairs.
Ensuite, il faut garantir que chaque euro investi par la sécurité sociale en soins de santé le soit à bon escient. On ne pourra jamais admettre que la sécurité sociale couvre des dépenses inutiles. Les critères permettent de garantir une juste prescription des médicaments pour lesquels la sécurité sociale intervient de manière importante.
Ceux qui s'y connaissent en soins de santé, et il y en a beaucoup parmi vous, savent que le budget des médicaments, budget difficile à maîtriser, constitue un enjeu majeur. Si l'on veut maîtriser ce budget, il faut trouver les moyens concrets nécessaires et veiller à l'établissement de critères clairs en la matière.
Par ailleurs, les règles doivent être les plus praticables possibles pour les médecins. Certes, il est vrai que l'on a connu des cas un peu kafkaïens ou l'on est allé trop loin mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Dans certains cas, une simplification est nécessaire: je pense à l'asthme. Il est inexact que le ministre ait soudainement gelé l'arrêté: il l'a fait il y a un an. Ce n'est pas parce qu'il y a eu une manifestation que le ministre a gelé cet arrêté sous la pression des médecins.
Enfin, et l'exposé de M. De Cock l'a bien montré, il faudra diviser le problème: aujourd'hui, 85 % des médicaments délivrés sont repris dans le chapitre I, sans aucun contrôle, ce qui représente la liberté totale et absolue.
Pour les 15 % de médicaments restants, il n'y a aucun problème. Prenons l'exemple des médicaments contre le sida: personne ne conteste leur remboursement. Dans les 15 % cités précédemment, tout se passe très bien. Les problèmes ne concernent que moins de 10 % des médicaments.
Les syndicats médicaux sont membres de la CRM mais, bien souvent, ils sont absents. Je peux comprendre que c'est parfois compliqué mais à quoi bon réclamer la parité si l'on n'occupe que deux sièges dans cet organisme ? Je sais que l'Absym (Association belge des syndicats médicaux) siège régulièrement.
Je sais aussi que le débat sur le financement des syndicats médicaux est important pour que vous puissiez siéger. Nous avons enfin reçu l'accord de l'administration du budget pour le financement. L'arrêté de financement est au Conseil d'État. J'ai bon espoir que le financement soit accordé aux syndicats médicaux dès le mois de janvier. Par ce biais, les syndicats auront les moyens matériels de siéger à la CRM et pourront faire entendre leur voix.
Des progrès ont quand même été accomplis quant à la réglementation en matière de médicaments. Aujourd'hui, la CRM est un peu la tête de Turc généralisée. Tout le monde pense que l'ennemi vient de la CRM. Je suis d'avis que c'est profondément injuste. La CRM est composée à 95 % de médecins. Quand les médecins se mettent d'accord à plus de deux tiers des voix, le ministre doit s'incliner. J'ai la naïveté de croire que quand deux tiers des médecins sont d'accord entre eux, ce qu'ils proposent est intelligent.
Il y a cinq ou six ans, quand une firme demandait le remboursement d'un médicament, le processus durait quatre, cinq, six ans. Les patients devaient attendre quatre, cinq, six ans avant d'avoir accès à ce médicament. Aujourd'hui, grâce à la CRM nouvelle version, initiée par Frank Vandenbroucke, les médicaments nouveaux sont remboursés en moins de six mois.
Il y a donc des objectifs essentiels à rencontrer, notamment la maîtrise budgétaire. On ne peut pas à la fois vouloir notre système d'assurance-maladie, que tout le monde dit être excellent, et croire que l'on peut ne pas le maîtriser sur le plan budgétaire. Aujourd'hui, le budget est sous contrôle mais le système est tel un paquebot et ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera peut-être plus demain. Ces choses sont compliquées à gérer.
La médecine est un art compliqué. La science est compliquée. Tout cela évolue. Mais bon nombre de choses pourraient être réglées si l'informatique prenait plus de place. Actuellement, beaucoup de médecins ne sont pas informatisés. Tout à l'heure, quelqu'un a dit: « Et quand on est chez le patient, comment fait-on ? » Des PC qui fonctionnent chez le patient, cela existe. Un ordinateur portable, avec une carte Belgacom, cela fonctionne. Ce n'est pas du tout compliqué. À un moment donné, l'informatique doit pénétrer ...
M. Michel Meganck. — Vous n'allez jamais à domicile pour dire une chose pareille !
M. Renaud Witmeur. — Je dis qu'un médecin qui a un ordinateur portable équipé d'une carte UMTS a accès à Internet, quel que soit l'endroit où il se trouve.
L'informatique doit absolument être mieux investie. Si un texte de 40 à 60 pages peut être résumé à l'écran par un formulaire simple, avec cinq ou six cases à cocher qui, automatiquement, délivre l'autorisation et le document dans le dossier du patient, il y a moyen de faire des progrès. Il faut donc investir dans ce secteur.
M. Roossens. — Je parlerai de la simplification administrative dans les soins de santé du point de vue du secrétariat d'État à la Simplification administrative. En janvier, nous avons reçu les représentants de l'ASGB. On peut avoir l'impression que peu de choses ont été faites pour informer l'ASGB mais, lors de la réunion du 16 février avec l'INAMI, le secrétaire d'État a soumis une note détaillée contenant de nombreuses suggestions de l'ASGB. Le document de vingt-huit pages a d'ailleurs été minutieusement analysé par l'INAMI et nombre de nos questions et suggestions ont reçu une réponse.
Il ressort de l'intervention de M. De Cock que des progrès ont été réalisés ci et là. Pour le secrétariat d'État, il serait bien entendu préférable de constater davantage de progrès sur certains éléments cruciaux. À l'INAMI, de nombreuses concertations ont lieu entre les différentes parties; il y a les contrôles a priori et a posteriori et les représentants des médecins font part de leurs diverses opinions. Tout ceci ne facilite pas le progrès rapide de la simplification administrative dans les soins de santé. L'INAMI a entre-temps simplifié de nombreuses choses. Des réflexions sont également en cours pour aller de l'avant mais je ne puis les anticiper. L'INAMI ressemble à un grand pétrolier qui doit de temps à autre changer de cap. Pour nous, tout pourrait être plus rapide et plus énergique mais, compte tenu de la complexité des dossiers, on fait actuellement du travail correct.
M. Patrik Vankrunkelsven (VLD). — Nous n'avons pas à discuter ici de la qualité du site Internet de l'INAMI; elle s'est d'ailleurs fortement améliorée. Toutefois, comme l'a dit mon collègue De Smedt, on n'y trouve pas certains formulaires. Cela m'est arrivé et j'ai été obligé de rechercher les textes légaux d'origine dans le Moniteur belge. Je le signale au passage.
Maintenant que nous devons faire davantage de choix dans les soins de santé, il est logique et acceptable que l'INAMI tente de faire des économies et contraigne les médecins, par le biais de recommandations dans le droit fil de l'evidence based medicine. C'est d'ailleurs inévitable, surtout en raison des énormes possibilités existant dans le domaine des soins de santé. Toutefois, les instruments sont parfois assez rigides. Je pense par exemple aux contrôles a priori lors desquels on recourt à certaines directives strictes pour obtenir des remboursements. Comme l'a déjà souligné le Dr De Smedt, les recommandations ne correspondent pas toujours aux dernières données scientifiques.
C'est peut-être la raison pour laquelle un contrôle a posteriori est indiqué pour davantage de médicaments: les médecins peuvent alors réagir plus rapidement aux nouvelles tendances. Il importe dès lors de proposer un très bon canal d'information auquel les médecins peuvent recourir pour prescrire ou non certains médicaments. Malheureusement, les médecins font appel aux firmes pharmaceutiques qui disposent de moyens importants pour les informer. Peut-être doit-on envisager la possibilité, pour les pouvoirs publics, de créer un canal valable pour les informations provenant de l'industrie pharmaceutique. Ce doit être un instrument accessible, plus accessible que le site de l'INAMI. Il pourrait par exemple prendre la forme d'un téléphone vert ou recourir à des personnes qui rendent visite aux médecins. Quelques tentatives ont déjà été faites en ce sens, par exemple le CEBAM, un centre à Louvain où collaborent plusieurs universités et qui peut aussi jouer un rôle pour intervenir immédiatement auprès des médecins.
L'INAMI sait-il comment se déroule le contrôle a posteriori ? A-t-on déjà fait des évaluations ? Les médecins travaillent-ils d'une manière logique et acceptable ? Le contrôle doit-il être adapté ? De nombreux médecins sont disposés à courir le risque de contrôles a posteriori si ceux-ci sont honnêtes et si la sanction correspond à la faute. De nombreux exemples ont été cités. Les IPP figurent notamment dans le top 10. Cela avait suscité une forte exaspération auprès des médecins. À court terme, il faudra trouver une solution plus simple et peut-être instaurer aussi un contrôle a posteriori. De nombreux médecins siègent à la CRM. Il faut toutefois rendre les procédures plus transparentes. En tant qu'homme politique, j'observe qu'il est difficile de recueillir des informations objectives sur la question. À côté de la CRM, il existe également le Centre fédéral d'expertise des soins de santé, qui est souvent actif dans des domaines équivalents. Il a accumulé une solide expérience et développé des méthodes pour connaître l'état actuel de la situation. Plutôt que de renforcer les effectifs de la CRM, il est plus logique de mettre sur pied une bonne collaboration entre la CRM et le Centre d'expertise, afin d'éviter les doubles emplois.
Ma question suivante ne concerne peut-être pas immédiatement les médecins présents mais c'est un exemple de la manière dont l'administration excessive est parfois écartée sur un point particulier mais est ensuite à nouveau impliquée. C'est par exemple le cas des registres des prestations qui ont été supprimés pour les kinésithérapeutes. Nous apprenons aujourd'hui qu'un arrêté royal a été pris pour réinstaurer le registre, même si c'est sous une forme électronique. Aucune concertation n'a eu lieu avec les kinésithérapeutes alors qu'elle avait pourtant été demandée. L'automatisation que la plupart des kinésithérapeutes ont introduite offre la possibilité de donner, d'une manière souple, une idée du nombre de prestations mais, manifestement, le document écrit est simplement remplacé par un document électronique, ce qui n'était absolument pas l'objectif. Une concertation plus importante avec le secteur est indiquée sur nombre de points. Une concertation avec les médecins sur le remboursement de la médication est certainement aussi nécessaire.
Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Je remercie les intervenants pour la clarté de leurs exposés. Toutefois, l'ensemble de la problématique me semble moins facile à saisir car la réalité est beaucoup plus complexe que je ne le pensais.
C'est à juste titre que les médecins réclament davantage de participation et une simplification. Eux seuls sont à même d'évaluer certaines pratiques et d'en jauger les résultats.
Le processus de simplification peut suivre soit le parcours et les procédures des dispensateurs de soins, soit le parcours des patients.
Certains médicaments onéreux sont vitaux pour certains patients âgés ou moins valides. Or ceux-ci sont souvent obligés de demander chaque fois de nouvelles attestations ou autorisations pour les obtenir. Cela nécessite de nombreux déplacements, de nombreuses visites chez le médecin et occasionne beaucoup de formalités chez le pharmacien. Il en va de même pour l'obtention d'une aide médicale et/ou sociale.
Le patient doit constituer plusieurs fois le même dossier et obtenir les mêmes attestations pour obtenir le bénéfice d'allocations et d'aides diverses, tantôt fédérales, tantôt régionales. Même s'il s'agit souvent à la fois de compétences fédérales et régionales, pense-t-on à se fonder sur l'état de santé du patient, de manière à simplifier la procédure de demande pour le patient, le médecin et les services d'inspection concernés ?
M. Wouter Beke (CD&V). — On n'a pas parlé du « dossier médical informatisé » ni du « dossier médical global ». Il me semble pourtant qu'ils peuvent jouer un rôle crucial. Les experts peuvent-ils nous donner leur point de vue à ce sujet ?
Je souhaite par ailleurs m'associer aux questions formulées par Mme De Schamphelaere et M. Vankrunkelsven, notamment en ce qui concerne les autorisations pour les IPP. Le représentant du ministre a déclaré que les procédures d'obtention d'une autorisation doivent être aussi fonctionnelles que possible. Or je constate qu'aujourd'hui, ces procédures entraînent un tas de formalités administratives. Dans de nombreux cas, les patients doivent subir périodiquement un examen médical. Cela se justifie parfois, mais dans d'autres cas, ces examens sont imposés par arrêté royal sans qu'ils aient la moindre utilité.
Il s'agit, dans ce cas, non seulement d'une simplification administrative mais aussi d'une économie considérable. Ces examens ont en effet un coût et les patients n'y ont aucun intérêt.
Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Ces échanges de vues ont été utiles puisqu'ils ont montré que chacun est prêt à collaborer pour assurer une simplification administrative, étant donné la réalité du problème, reconnu de tous. Voilà qui est prometteur.
Nous avons invité aujourd'hui les médecins, mais il y a bien entendu d'autres dispensateurs de soins dans notre système de soins de santé qui se trouvent face aux mêmes problèmes. Bon nombre des formalités administratives touchent également le patient. Voilà pour quoi l'on pourrait demander à l'INAMI et au ministre compétent s'il ne faudrait pas soumettre toute décission de l'INAMI examinée en Conseil des ministres au « test Kafka », lequel sonde la simplicité de la mesure sur le terrain. En effet, le bon usage et les contraintes budgétaires impliquent de maintenir plusieurs mécanismes, mais il faut également contrôler les conséquences de toute décision.
L'accent a surtout été mis sur les médicaments, sans doute à juste titre. M. De Cock a indiqué que le nombre de médicaments soumis à attestation a diminué au cours des dernières années mais cette tendance n'est pas perçue sur le terrain. Comment cela se fait-il ? Le passage de B à D par exemple, la validité des attestations pendant plus d'un an, est déjà un pas en avant, y compris pour le patient. En général, les patients chroniques ne comprennent pas pourquoi on les oblige à retourner plusieurs fois chez leur médecin traitant et à demander plusieurs fois l'avis du conseiller de la mutualité pour les mêmes médicaments.
Selon M. Witmeur, on attend beaucoup de l'informatisation. Ces espoirs sont fondés mais il ne faut pas oublier que des problèmes pratiques se posent. Il n'est ainsi pas si évident de se rendre chez un patient avec son ordinateur portable et d'y trouver une connexion internet. N'est-on pas parti un peu trop vite du principe que, par exemple, le registre de prestations devait d'ores et déjà être transmis par voie électronique ? Certes, la plupart des kinésithérapeutes sont déjà informatisés, mais ce n'est manifestement pas le cas des infimiers à domicile.
J'espère qu'on examinera également les questions concrètes qui ont été posées, telles que le layout des attestations. On devrait pouvoir travailler avec des attestations standard. J'ai déjà demandé à divers ministres s'ils étaient prêts à y collaborer. La plupart ont répondu par l'affirmative.
On ne se rend pas toujours compte des implications que peuvent avoir certaines lois comme celle sur les armes. Nous devons dès lors être très vigilants.
M. J. De Smedt. — Actuellement, les attestations suscitent davantage d'irritation que par le passé. Elles sont moins nombreuses mais beaucoup plus complexes. On essaie maintenant de reprendre dans une attestation l'ensemble de la littérature scientifique, des directives, des risques et des dérogations éventuels. Ainsi, pour certains cas, il y a parfois plus de septante pages publiées au Moniteur belge. De ce fait, il est très difficile de faire le bon choix. Le problème est que pour des raisons budgétaires, on veut reprendre toutes les directives possibles dans une seule attestation. Il y a donc une grande zone de tension entre le contrôle budgétaire et une bonne pratique médicale et le layout ne peut pas toujours être le même.
La remarque de Mme De Schamphelaere selon laquelle on a trop peu évoqué le patient dans ce débat me réchauffe le cœur. Les patients ont également des difficultés à comprendre toutes ces tracasseries administratives. Cela ne vaut pas seulement pour les visites à domicile. Il est par exemple particulièrement difficile d'expliquer à un patient affecté d'une perte cognitive qu'il doit se rendre à la mutuelle avec son attestation parce qu'il a eu un CT-scan, qu'il a reçu un avis d'un neurologue et qu'il devra prendre une pilule de plus. Le patient ne sait plus quelle attestation est nécessaire pour le pharmacien et pour la mutuelle ni où il doit d'abord se rendre. Certains patients ont besoin de quatre attestations pour un traitement chronique. S'ils en perdent une, il faut en remplir une nouvelle. Parfois l'attestation reste chez le pharmacien mais si celui-ci est en vacances, nous devons résoudre le problème. Par ailleurs, la problématique du pharmacien n'a pas été abordée aujourd'hui, pas plus que celle de la médication entamée dans les hôpitaux dans le cadre de systèmes forfaitaires. Lorsque les patients rentrent chez eux et consultent leur médecin généraliste, nous devons résoudre leur problème.
M. Michel Meganck. — Je ferai d'abord une remarque: croire qu'un contrôle a posteriori va résoudre le problème de l'évolution de la science est illusoire. Sur quoi se basera-t-on pour organiser un contrôle ? Sur les textes existants ?
J'ai cité, par exemple, la prescription de la Depakine pour les patientes atteintes de migraine. Cette indication médicale est désormais reconnue, acceptée par les neurologues, dans le cadre des études de pharmaco-vigilance réalisées par les médecins spécialistes en la matière. Mais, comme l'a dit, à juste titre, M. Devillers, les critères de nomenclature qui définissent le remboursement ne prévoient le remboursement que dans le cadre du traitement de la maladie épileptique. Tant que la firme pharmaceutique n'aura pas introduit un nouveau dossier sollicitant le remboursement de ce médicament pour cette nouvelle pathologie, nous devrions normalement indiquer sur notre ordonnance qu'on peut délivrer le médicament à une femme atteinte de migraine mais qu'elle doit le payer au prix plein.
Le contrôle a posteriori ne résoudra pas le problème de l'évolution de la science. Je le répète, il faut régulièrement revoir les critères de remboursement et la législation car la science évolue très vite. Je l'avoue, si je pratiquais encore aujourd'hui la médecine que j'ai apprise à l'université, il y a trente ans, on pourrait me traiter de criminel.
Par ailleurs, j'insiste sur la nécessité de revoir les critères de remboursement, notamment dans le cadre de pathologies. On a beaucoup parlé des IPP, les médicaments prescrits actuellement pour les pathologies digestives. Tout le monde pense qu'il n'est pas nécessaire de refaire une gastroscopie avant trois ans. Les critères de remboursement ont été adaptés mais, tous les six mois, il faut réintroduire une demande de remboursement pour une pathologie pour laquelle on accorde d'office le remboursement pour trois ans, sans refaire de nouvel examen. Si ce n'est pas de la paperasse inutile ...
Qui plus est, dans le cadre de ce remboursement, le patient a droit, durant six mois, à trois conditionnements de 56 comprimés, soit 168. Le patient, atteint d'une hernie hiatale, avec une œsophagite peptique, a le « brûlant » en permanence. Certes, dans les recommandations de bonne pratique, on dit qu'il est intéressant de pratiquer une fenêtre thérapeutique, c'est-à-dire d'interrompre le traitement de temps en temps, pour juger de l'état du patient. Souvent, le patient le fait lui-même, en oubliant de temps à autre son médicament.
Il n'empêche que six mois de traitement représentent 183 jours mais seulement 168 cachets. Cela signifie donc que, sur l'année, le patient payera une boîte de sa poche, si son état justifie qu'il le prenne en continu.
M. Reinier Hueting. — Je me réjouis d'entendre que notre dossier bouge. J'espère qu'on nous présentera des décisions concrètes en janvier. Notre syndicat, qui a participé aux négociations au sein du cartel, est favorable au contrôle a posteriori dans le cadre du chapitre II. On a également signalé qu'on utilise des profils de prescription. Dès qu'un tel système est appliqué, on n'est plus tenu de reprendre chaque cas exceptionnel dans un texte, puisqu'on peut légèrement s'en écarter pour les cas difficiles. C'est pourquoi il semble possible d'édicter à l'avenir des consignes plus simples. Je suis heureusement surpris de l'intérêt que portent nos collègues à notre présence à la CRM. Un de nos membres y siégera certainement aux côtés de trois d'entre eux. Et nous serons même payés pour le faire. Espérons que des directives claires soient données à ce sujet.
J'espère que nous recevrons en janvier une réponse à notre question sur le nombre de médicaments remboursables pouvant figurer sur une seule et même prescription.
M. Marc Moens. — Beaucoup de questions restent sans réponse mais M. De Cock a annoncé que certains problèmes pratiques seraient abordés dans la commission médicomutualiste.
En ce qui concerne le représentant, je reste sur ma faim, en dépit de la remarque amusante de M. Hueting. Quelque 123 réunions ont déjà été organisées et au moins deux membres de l'Absym y ont chaque fois participé. M. De Cock vient d'en expliquer la répartition. Je persiste à croire que la répartition des sièges confère une majorité aux mutuelles qui deviennent malheureusement incontournables. Ce groupe de huit membres fait la pluie et le beau temps. Je ne trouve pas ça normal. Le point de vue est devenu purement financier. Je me rallie à l'observation de Mme De Schamphelaere. J'ai dit hier pendant la manifestation que le médecin est le meilleur défenseur du patient. Qui mieux que le généraliste peut l'orienter dans le paysage complexe de nos soins de santé ? Ses possibilités sont cependant limitées. Il ne peut pas tout faire. Les exigences scientifiques imposées aujourd'hui aux médecins ne font que croître. Il n'est plus du tout possible de tout intégrer, même avec un ordinateur portable. Le pouvoir réglementaire doit en tenir compte. La situation des pharmaciens est d'ailleurs similaire.
Quant au contrôle a posteriori, je ne partage pas encore le point de vue du cartel et principalement de l'ASGB. Nous nous demandons, comme M. Beke, ce qu'il adviendra à terme ? Certains incidents sont survenus ces dernières années. Une procédure est encore en cours contre Martine Massaut au Service d'évaluation et de contrôle médicaux. Une enquête est menée à propos des quinolones. Dans de tels cas, le contrôle a posteriori n'est pas approprié.
Comme M. Meganck, nous redoutons d'apprendre ce que donneront les premiers contrôles dans quelques temps.
M. Cools. — Les mutualités n'ont pas pour mission principale à la CRM de porter un jugement économique. Le principe de base de la CRM est la qualité. Elle s'efforce d'obtenir l'evidence based reimbursement pour l'evidence based medecine, en privilégiant la qualité et en prenant le patient comme point de départ. Je ne vois pas d'inconvénient à ce que mes enfants prennent un bain tous les jours. En revanche, je leur ferais une remarque s'ils venaient à en prendre plusieurs par jour ou s'ils se mettaient à remplir la baignoire à l'aide de bouteilles d'eau. Grâce aux statistiques que me communique ma compagnie des eaux, je peux adapter ma consommation. Actuellement, la CRM ne dispose pas de tels indicateurs.
La place centrale que le médecin occupe dans l'orientation et l'encadrement du patient est primordiale. Le dossier médical global (de préférence informatisé) y a sa place. Le guichet unique existe déjà pour les aides à la mobilité: nous n'établissons qu'un seul dossier qui est introduit auprès de l'assurance maladie et est ensuite transmis au Fonds flamand. Nous recherchons une solution a contrecœur.
M. De Villers. — Je voudrais faire quelques commentaires additionnels, d'abord sur la remarque du sénateur à propos de la réglementation IPP. Je m'inscris en faux contre l'affirmation que cette réglementation n'est pas conforme à la bonne utilisation de ces molécules. Je répète qu'en pratique, c'est une réglementation qui a été tirée à 85 % de la conférence de consensus, donc essentiellement scientifique, sur l'utilisation de ces molécules. On peut évidemment critiquer le fait que cette réglementation n'évolue pas à la même vitesse que la science mais cela, c'est une utopie. Vu la vitesse de l'évolution des connaissances en matière médicale, il faudrait légiférer sans cesse dans tous les sens pour faire coller la législation à l'avancée médicale. Contrairement à ce que l'on affirme souvent, ces réglementations ne sont aucunement rédigées par des bureaucrates qui n'y connaissent rien.
Nous n'ignorons pas le point soulevé à propos de l'attestation unique de remboursement, mais il est plus facile de le critiquer que de régler le problème. Je n'entrerai pas dans des considérations médicales afin d'éviter la difficulté de compréhension entre médecins et non-médecins. Si on prend une spécialité qui a le même but thérapeutique, ce n'est pas pour cela qu'elle a les mêmes indications. Curieusement, il n'est pas toujours possible de faire coller, sous une même attestation, deux médicaments à visée thérapeutique identique, parce que leurs indications sont différentes. L'inscription d'une indication dans la notice officielle est une démarche qui dépend de la firme, sur la base d'un dossier scientifique qu'elle doit établir. C'est donc une tout autre problématique que la simplification administrative. J'ajouterai que nous avons même été menacés de recours juridique au Conseil d'État quand nous avons voulu simplifier et regrouper certains médicaments dans le même chapitre de réglementation. Pourquoi ? Parce que certaines firmes n'ont pas intérêt à voir leurs critères de remboursement égalisés sur les autres car cela leur permet de faire des promotions sur les avantages thérapeutiques de leurs molécules sur tel ou tel point. Attention ! Tout le monde est demandeur de l'attestation unique mais c'est beaucoup plus difficile à faire qu'à dire.
En ce qui concerne la critique sur la composition de la commission de remboursement des médicaments, je signale, et M. De Cock l'a montré tout à l'heure, que les mutualités ont 8 sièges votants sur 22. On est donc très loin de la majorité dont parlait M. Moens. Une décision qui ne plaît pas à certains médecins de la commission de remboursement a été prise aussi par des médecins. Il est vraiment caricatural de dire que ces médecins qui ont partagé l'opinion des mutualités, le cas échéant, sont des médecins qui n'y connaissent rien en médecine. Je rappelle que la plupart d'entre eux enseignent la médecine à des étudiants, futurs médecins qui pratiqueront demain.
M. Witmeur. — La complexité vient aussi d'éléments que personne ici dans cette salle ne pourra maîtriser. Il faut bien comprendre — et c'est imposé par les directives européennes — que le point de départ du système de remboursement des médicaments est une demande de l'industrie.
La firme demande parfois spontanément le remboursement pour telle indication, avec tel formulaire. On peut refuser ce que demande une firme ou négocier avec elle pour modifier sa demande, mais on ne peut jamais lui imposer autre chose que ce qu'elle demande. C'est l'industrie qui a l'initiative.
Deuxième élément: on est toujours limité par l'enregistrement des médicaments. On est parfois confronté à des situations difficiles, où l'on constate qu'un médicament original et un médicament générique ont des indications différentes. Il arrive qu'un médicament générique ait des indications plus larges que l'original. Forcément, quand on rembourse le générique, les médecins disent par exemple qu'il y a 5 ou 6 Simvastatines sur le marché avec des indications différentes et donc des formulaires différents. L'enregistrement est européen et on ne peut jamais rembourser en dehors de celui-ci. Ce sont des éléments qu'il faut avoir à l'esprit.
Le docteur Meganck a montré tout à l'heure à quel point les conditionnements étaient parfois différents. On trouve des Simvastatine 20, 40 ou 60 mg selon les marques. C'est l'enregistrement qui décide quel conditionnement est enregistré et nous ne pouvons rembourser que ce qui peut l'être. C'est une contrainte qui ne dépend pas de nous.
Deuxième point sur lequel je veux insister: dans le présent dossier, le patient doit être l'acteur central. Je remarque que le domaine des médicaments génère un volume de courrier très important au sein du cabinet. Je reçois très peu de lettres dans lesquelles le patient se plaint de la complexité administrative. La complexité est un débat qui intéresse les médecins avant toute chose et qui se répercute généralement assez peu sur le patient, quoi que l'on puisse en dire.
Je remarque, à l'inverse, ce qui est paradoxal, que dans les hôpitaux, on a forfaitarisé le remboursement des médicaments. L'hôpital a donc une grande liberté et n'a pas de formalités à remplir. Depuis la forfaitarisation, des patients se plaignent de ne plus recevoir à l'hôpital les médicaments auxquels ils avaient droit auparavant.
Dernier point: l'un des combats dont on a beaucoup parlé ici est la maîtrise du volume des médicaments. Savez-vous que chaque année ce volume augmente de 5 % dans notre pays ? Cela signifie que tous les vingt ans, le Belge absorbe en moyenne le double de médicaments. Une partie de l'augmentation peut être considérée comme une chance: de nouveaux médicaments traitent de nouvelles pathologies et c'est très bien.
Une autre partie de cette augmentation est d'ordre comportemental. S'il n'a pas un médicament prescrit, le patient pense parfois qu'il n'a pas été soigné. Il arrive que le médecin n'ose pas vraiment lui dire non. La pléthore médicale peut aussi aboutir à certaines pressions ou le patient peut changer de médecin s'il essuie un refus de sa part.
Tout cela n'est pas simple, mais je suis convaincu que, dans les débats à venir, la maîtrise du volume sera un combat très important. Ce sont parfois les critères de remboursement qui permettent au médecin de dire que ce n'est pas lui, mais le médecin conseil, qui a exprimé un refus.
M. Jo De Cock. — Il n'y a pas encore eu de contrôles a posteriori. Le cas en Wallonie n'avait rien à voir avec un contrôle a posteriori. Nous avons procédé à une évaluation concernant l'utilisation de quilonones. Toutefois, cela n'est pas un contrôle a posteriori, lequel consiste à évaluer, en fonction de critères déterminés, si certaines directives ont été suivies avec un seuil de tolérance qui est prévu par la loi. Et c'est là que le bât blesse. On plaide à la fois pour suffisamment de souplesse et pour la sécurité juridique lors des contrôles. La réalité se situe entre les deux. Les contrôles doivent être effectués en faisant preuve de bon sens et en respectant la sécurité juridique.
Dans le courant de 2007, tous les rapports D 60 des experts seront accessibles sur le site web de la Commission de remboursement des médicaments. Les activités de la CRM en deviendront-elles plus transparentes ? Cela permettra en tout cas d'avoir une meilleure idée des raisons pour lesquelles on est arrivé à certaines conclusions et orientations.
Il existe une collaboration avec le KCE. Notre méthodologie d'évaluation est analysée avec le centre d'expertise. Pour les dossiers individuels, nous ne travaillons pas ensemble parce qu'une réponse doit être donnée dans les 180 jours, mais en fait il s'agit de 90 jours. Pour les révisions par groupe, on peut collaborer utilement. Un projet est en cours au sujet de l'utilisation de médicaments dans les maisons de repos.
Le registre des kinés a été supprimé sans l'être. Il a été convenu avec le cabinet que des corrections seront encore apportées. Les infirmiers en ont également été informés.
Les patients sont la plaque tournante du système. Il importe d'approcher la problématique sous leur angle. Ce n'est pas toujours possible, en ce sens que les données concernant les interventions pour les moins valides ou les dossiers d'invalidité ne sont pas toujours des informations pertinentes pour l'utilisation de médicaments. Nous devons exploiter au maximum toutes les opportunités.
Le docteur Cools a cité l'exemple du fauteuil roulant vu sous l'angle du patient. On a évité d'envoyer le patient d'un endroit à l'autre. Ce dossier figure à l'ordre du jour politique depuis 1974. L'absence de solution n'a rien à voir avec la communautarisation mais est liée à l'aspect fonctionnel ou à celui de la réintégration sociale. Finalement, il y a eu une percée mais elle a entraîné des effets secondaires pour les médecins-prestataires. J'ai examiné le formulaire de demande d'un fauteuil roulant simple: il n'est pas tellement compliqué. Néanmoins, s'il est possible de simplifier, il faut le faire.
Le dossier médical électronique est très important. Lorsqu'on procède à des évaluations a posteriori, on est confronté à ce dossier médical électronique. Des efforts s'imposent en effet pour définir les éléments qui doivent y figurer. On peut aller plus loin et intégrer cela, entre autres, dans des trajets de soins, afin de prendre en compte l'ensemble de la pratique plutôt que de procéder au cas par cas. On a cité l'exemple de la démence. Il serait intéressant d'intégrer cela dans un trajet de soins et d'organiser l'administration sans avoir recours aux formulaires classiques.
M. Beke a demandé si certaines législations, comme celle relative aux IPP, ont des effets secondaires. Elles en ont en effet au niveau financier. Il ressort des analyses transmises lundi au comité de l'assurance que le nombre supplémentaire de gastroscopies demandées pour des IPP aurait absorbé un tiers des économies.
Il est très difficile de faire un test Kafka. Chaque jour, des décisions sont prises concernant les remboursements. Il va de soi qu'il faut procéder régulièrement à une évaluation globale. Nous savons que les attestations ne sont pas la panacée mais elles sont un mal nécessaire à défaut de meilleure solution. Tout dépend des possibilitésdont on dispose.
La délivrance des attestations implique en effet beaucoup de paperasserie. Ce n'est pas très moderne mais si tout devait être informatisé, certains objecteraient qu'ils ne sont pas équipés de matériel informatique.
Nous perdons un temps précieux mais les personnes sur le terrain doivent être soutenues. Nous n'avons pas de solution miracle mais la communication sera améliorée et nous lâcherons du lest.
Je suis conscient que la prescription de plusieurs médicaments par une même ordonnance pose problème. L'arrêté publié en juin 2005 relève des compétences que nous partageons administrativement avec le SPF Santé publique qui, à son tour, est compétent pour l'arrêté royal 78, dont découle le formulaire de prescription. C'était une tentative de simplification du système mais, paradoxalement, cela a conduit à des aberrations.
Il y a deux ans, la réglementation de l'INAMI et celle de la Santé publique étaient diamétralement opposées. Aucun médecin ne parvenait à remplir correctement une prescription étant donné qu'il devait opter pour l'une ou l'autre réglementation. Cette question avait fait l'objet d'une concertation. Si cela a conduit à une situation paradoxale, si des problèmes subsistent, il y a lieu de réexaminer la question. Il est toujours possible d'améliorer et de simplifier mais la réalité, elle, demeure ce qu'elle est.
M. Eduard Roossens. — Quelques suggestions intéressantes ont été faites cet après-midi.
Nous appliquons le test Kafka à une trentaine de lois et d'arrêtés royaux et ministériels soumis chaque semaine au Conseil des ministres. J'admets cependant que la mise en œuvre pratique n'est pas toujours aisée.
Je partage les préoccupations formulées à propos du registre de prestations des infirmiers et des logopèdes.
Dans certains domaines, les intérêts du patient et du médecin se rejoignent. C'est par exemple le cas pour le passage des attestations B à D et le transfert de certains médicaments du chapitre IV au chapitre II. J'espère donc engranger des progrès dans ce domaine, en collaboration avec l'INAMI et le cabinet du ministre de la Santé publique.
J'accorde une grande importance à la priorité donnée à certains cas de maladies dégénératives, comme la maladie d'Alzheimer. Dans le secteur des handicapés, nous nous sommes rendus compte, en définissant différents types de handicap, qu'il n'est pas toujours nécessaire que le handicapé fasse constater sa situation par un médecin contrôle. C'est une mesure de simple humanité. Je me demande s'il n'est pas possible d'appliquer aussi cette réglementation pour l'usage de certains médicaments mais j'ignore si c'est réalisable.
III. VOTES
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.
La rapporteuse, | La présidente, |
Mia DE SCHAMPHELAERE. | Annemie VAN de CASTEELE. |