Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-86

SESSION DE 2006-2007

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de l'Environnement et ministre des Pensions

Question nº 3-6800 de Mme Kapompolé du 30 janvier 2007 (Fr.) :
Développement durable. — Projet « Alliance emploi et environnement ». — Mise en place.

Début 2006, le Fonds de réduction du coût global de l'énergie a été créé. Pour rappel, ce Fonds a pour but d'octroyer des prêts intéressants pour des mesures structurelles qui entraînent des économies d'énergie dans les habitations au groupe cible des plus démunis.

Dans cette optique, le projet relevé par la FGTB me semble intéressant. Il s'agit de prendre exemple sur le modèle allemand, pays précurseur en la matière. Mise en place en 2000, suite à une proposition du syndicat allemand DGB en 1998, l'« Alliance pour l'emploi et l'environnement » a un bilan positif.

Les objectifs de cette alliance sont :

— rénover plus de 300 000 logements;

— créer plus de 200 000 emplois dans la construction, les produits et technologies contribuant à la protection de l'environnement, les secteurs de la recherche et de la consultance, ...;

— tout en réduisant les émissions de CO2 de 2 millions de tonnes par an.

Le mécanisme est simple :

— les propriétaires, locataires ou associations de logements soumettent des projets de rénovation (isolation du toit, des fenêtres, des murs, ...) à l'Alliance, en incluant des informations sur la réduction de consommation d'énergie qui y serait liée;

— les projets sont choisis prioritairement sur la base du critère de l'amélioration de l'efficacité énergétique;

— si le projet est accepté, le candidat bénéficie d'un crédit à taux préférentiel pour son investissement.

Alors que la proposition de loi inscrivant le développement durable dans la Constitution a été adoptée, il est important de continuer sur cette avancée positive et d'agir.

De plus, les perspectives d'emploi en Belgique pour les différentes sources d'énergie et dans la maîtrise de la demande d'énergie sont nombreuses. En effet, il existe un potentiel important de création d'emplois dans les services énergétiques, les programmes de rénovation et d'isolation, les technologies efficientes, ...

Mes questions sont les suivantes :

— Quelle est votre position par rapport à cet exemple allemand ?

— Ne pensez-vous pas que la création en Belgique d'une « Alliance pour l'emploi et l'environnement » en s'inspirant de cette initiative allemande, serait une opportunité ?

Réponse : J'ai l'honneur de donner la réponse suivante à la question de l'honorable membre.

Dans votre interpellation, Mme Kapompolé, vous faites à juste titre référence aux similitudes entre l'Alliance allemande pour l'emploi et l'environnement et le Fonds de réduction du coût global de l'énergie (FRCE). L'exemple allemand a en effet servi de source d'inspiration pour concevoir le FRCE et le rendre opérationnel.

En Allemagne, un volume d'investissement de 5 milliards d'euros a pu être atteint depuis 2001 grâce à un fonds d'un milliard d'euros. Et, depuis 2003, le gouvernement fédéral allemand met 160 millions d'euros supplémentaires à la disposition de l'alliance, ce qui a permis de doubler le volume des investissements depuis 2003.

Le Conseil central de l'économie, dans deux avis du 21 décembre 2005, a lui aussi pris l'alliance allemande comme exemple pour formuler une série de recommandations en matière de mesures politiques sur l'efficacité énergétique dans le secteur du logement en Belgique. Allier emploi et environnement est, par excellence, une situation doublement gagnante.

L'analogie avec le FRCE est grande, bien que les moyens dont il dispose actuellement soient nettement plus limités. Ici aussi l'approche est la suivante : augmenter l'efficacité énergétique pour adoucir l'impact de la hausse des prix des combustibles sur les ménages et réaliser des économies financières sur la facture énergétique des logements des particuliers. L'objectif était d'y parvenir en soutenant des mesures structurelles (et non pas par une injection financière unique), par le biais de prêts avantageux.

Dans ses efforts, le FRCE accorde cependant aussi une attention particulière au groupe cible des plus défavorisés. L'on estime à quelque 400 000 le nombre de ménages à bas revenus (tant propriétaires que locataires) qui sont logés dans des immeubles prioritaires en raison de leur mauvais état.

Outre les objectifs écologiques et sociaux précités, les mesures structurelles envisagées génèrent également des avantages économiques indéniables : emplois supplémentaires dans le secteur de la construction, dans les entreprises de sous-traitance et emplois mieux formés en termes d'accompagnement du processus.

En Allemagne, les acteurs de la société sont largement associés à l'alliance. La mise sur pied du FRCE a mené à la création d'un « conseil des sages » adjoint au conseil d'administration du Fonds.

Les moyens de fonctionnement dont le FRCE dispose actuellement devraient permettre d'atteindre les objectifs suivants :

— rénover chaque année 2 000 logements;

— créer un petit millier d'emplois dans le secteur de la construction, dans celui des produits et technologies écologiques, dans les secteurs de la recherche et du consulting, etc.;

— réduire les rejets de CO2 de 3 000 tonnes (cumulées) par an;

— diminuer la facture énergétique (pour les propriétaires et pour les locataires);

— offrir à l'État la possibilité d'économiser 25 000 euros par personne occupée (moins de chômeurs et plus de recettes fiscales et de cotisations pour la sécurité sociale).

Ces dernières années, d'autres initiatives ont été prises pour réduire la consommation d'énergie des habitations et dans celles-ci.

Ainsi, le site « energivores.be » a été lancé en décembre 2006 pour donner au citoyen l'occasion de comparer entre eux, par exemple, le prix et la consommation énergétique de différents appareils électroménagers et calculer la durée nécessaire pour récupérer l'investissement financier dans un appareil moins énergivore. En 2007, le site sera étendu à différents modules en relation avec la construction (vitrage, isolation, appareils de chauffage, etc.). Depuis le 1er janvier 2007, la déduction fiscale a du reste été doublée pour les investissements dans les économies d'énergie (maintenant jusqu'à 2 560 euros), ce qui constitue un incitant supplémentaire dans ce domaine. Par ailleurs, une charte sera signée lors de Batibouw 2007 avec divers acteurs du monde de la construction. La charte contiendra des initiatives concrètes pour optimaliser la circulation de l'information sur les possibilités d'économiser l'énergie dans l'habitat. Au cours de cette période, une campagne médiatique sera également menée pour sensibiliser davantage le citoyen aux possibilités d'économiser l'énergie.

Anticipant le débat sur la politique européenne de l'énergie et du climat, qui occupe actuellement une position centrale dans l'agenda politique, le Bureau fédéral du plan a mené en 2006, à ma demande, une étude de faisabilité sur les possibles objectifs de réduction de 15 % et de 30 % à l'horizon 2020 pour la Belgique. L'étude met en évidence les efforts que la Belgique peut consentir par rapport à d'autres États membres, sans affecter la position concurrentielle de l'industrie. Si notre démarche est la bonne et que nous déplaçons les charges qui pèsent sur le travail vers des charges sur l'environnement et l'énergie, l'étude révèle que les conséquences économiques pourront être positives, également pour l'emploi. Outre l'amélioration de l'efficacité énergétique, nous pourrons aussi donner des impulsions supplémentaires à l'innovation en Belgique.

Enfin, il convient de souligner que j'ai déjà mis l'accent à plusieurs reprises sur le potentiel de création d'emplois dans le secteur des technologies liées aux énergies renouvelables et pas uniquement dans celui de l'efficacité énergétique. L'étude européenne MITRE, consacrée à cette thématique, estime pour la Belgique que 28 000 emplois supplémentaires peuvent déjà voir le jour en 2010, moyennant un modeste accroissement des investissements dans des applications axées sur les énergies renouvelables. Tout plaide donc pour poursuivre la mise en place d'une alliance s'inspirant du modèle allemand.

Enfin, il convient néanmoins de remarquer que la politique du logement est une compétence régionale, de sorte que la responsabilité principale incombe aux régions. Les investissements dans des économies d'énergie dans les bâtiments des services publics sont encouragés jusqu'à présent via une série d'initiatives, mais le gouvernement peut envisager à terme d'étendre certaines opérations aux logements privés à condition que les moyens disponibles soient suffisants.