3-1147/9

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

18 AVRIL 2007


Projet de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux en vue d'introduire l'interdiction de conclure un contrat de crédit pour une vente à tempérament ayant pour objet l'acquisition d'un animal de compagnie


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR

MME DE SCHAMPHELAERE


I. INTRODUCTION

La séance plénière du Sénat a adopté, le 23 novembre 2006, la proposition de loi amendée de Mme Defraigne par 42 voix contre 2 et 13 abstentions, et l'a transmise le même jour à la Chambre des représentants.

La Chambre a amendé le projet à l'examen par 82 voix contre 28 et 2 abstentions et en a modifié l'intitulé durant la séance plénière du 12 avril dernier. La Chambre a inséré un article modifiant l'article 3 de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Elle a également modifié l'article 3 (ancien article 2) du projet, de manière à insérer un article 10bis dans la loi du 14 août 1986, relatif à la conclusion d'un contrat de crédit, au sens de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, qui vise à l'acquisition d'un animal de compagnie. Enfin, elle a modifié l'intitulé du projet. Le projet amendé a été renvoyé au Sénat le 13 avril 2007.

La commission des Affaires sociales a examiné le projet de loi amendé au cours de ses réunions des 17 et 18 avril 2007, en application des articles 81, alinéa 3, et 79, alinéa 1er, de la Constitution.

Conformément à l'article 64 du règlement du Sénat, la commission n'est saisie du projet de loi que pour ce qui concerne les dispositions qui ont été amendées ou ajoutées par la Chambre et qui sont nouvelles par rapport au projet de loi adopté initialement et, pour ce qui est des autres dispositions, en vue seulement d'en améliorer la rédaction ou de mettre les textes en concordance avec le contexte, et sans y apporter de nouvelles modifications substantielles.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTÉ PUBLIQUE

M. Rudy Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique explique que le projet de loi est à l'origine une proposition de loi déposée par Mme la sénatrice Defraigne qui vise à interdire la conclusion d'un contrat de crédit à la consommation dans le cadre de la vente d'un animal de compagnie.

Le texte original a été adopté par cette assemblée en séance plénière le 23 novembre 2006 avant d'être transmis à la Chambre où il a fait l'objet de nouvelles discussions et d'auditions des principaux représentants du secteur des commerçants d'animaux et de la protection animale.

À la suite de ces auditions, la commission Santé publique de la Chambre a adopté plusieurs amendements qui agrémentent la proposition initiale de Mme Defraigne en poursuivant le même but, à savoir la lutte contre les achats impulsifs et les abandons d'animaux dans les refuges et la vente d'animaux malades ou non sevrés. Ainsi, l'article 4 de la loi prévoit une interdiction de détention et d'exposition des chiens et des chats dans l'espace commercial des établissements commerciaux, tandis que l'article 2 fixe une nouvelle définition des élevages de chiens et de chats qui impose dorénavant un agrément à tout détenteur de chiennes ou de chattes pour la reproduction à des fins commerciales.

Afin de prévoir un temps d'adaptation pour le secteur et pour les autorités pour prévoir certaines modalités pratiques notamment concernant l'agrément des éleveurs, les députés ont fixé la date d'entrée en vigueur de l'article 4 de la présente loi au 1er janvier 2009.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Questions des membres

Mme Van de Casteele constate que la Chambre des représentants a considérablement amendé la proposition initiale, bien que celle-ci ait été préalablement analysée en détail par le Sénat. On présente maintenant les choses comme si l'on avait trouvé un compromis qui satisfait aussi bien le secteur des vendeurs d'animaux que les organisations de défense du bien-être animal, mais elle a l'impression que ce n'est pas le cas. La sénatrice est de ceux qui plaident pour que les animaux ne puissent pas être mis dans des bocaux et pour que les chiots ne puissent pas être séparés de leur mère. Il est toutefois possible aujourd'hui d'acheter des animaux sur la base d'une photo dans un catalogue. Ce procédé est décrit comme une meilleure manière de vendre des animaux. Elle en doute sérieusement. Une famille qui acquiert un chien de cette façon saura-t-elle si cet animal lui convient vraiment ? En Grande-Bretagne, on achète en général les animaux directement chez l'éleveur, ce qui permet aux acheteurs de voir le chien, sa famille et l'environnement dans lequel il est né. Acheter directement chez l'éleveur n'est pourtant pas une habitude dans notre pays. Elle n'est pas certaine que la nouvelle situation constitue une amélioration par rapport à la situation actuelle, aussi bien pour les animaux que pour les familles qui veulent acquérir un chien ou un chat.

Enfin, elle s'interroge également sur les conséquences économiques de la mesure en question. Les médias ont annoncé que beaucoup de personnes travaillant dans des animaleries allaient perdre leur emploi. Ce point a-t-il été discuté à la Chambre ?

M. Van Nieuwkerke relève qu'il est essentiel que le caractère du chien soit compatible avec celui de son propriétaire. Il faudrait que les vendeurs soient compétents pour juger de cette compatibilité.

M. Collas souhaite poser plusieurs questions très précises. Combien de nichées doivent-elles naître pour qu'une personne soit considérée comme un éleveur au sens de l'article 2 du projet ? Ce même article 2 définit l'élevage de chiens comme étant « l'établissement dans lequel sont détenues des chiennes pour la reproduction et sont commercialisés des chiens provenant de nichées propres ou de nichées d'autres élevages qui satisfont aux dispositions légales ». L'intervenant aimerait obtenir des précisions sur le sens de la conjonction « et » utilisée dans cette définition. Signifie-t-elle qu'il faut détenir des chiennes pour la reproduction pour pouvoir commercialiser des chiens, ou les éleveurs de chiens ont-ils la possibilité de vendre uniquement des nichées d'autres éleveurs, qui ne proviennent donc pas de leurs propres chiennes ? L'agrément en tant qu'éleveur est-il suffisant ou en faut-il deux, un en tant qu'éleveur et un en tant que commerçant ? Un éleveur peut-il également vendre des nichées d'autres races que celles des chiennes qu'il détient lui-même pour la reproduction ? Enfin, l'intervenant aimerait savoir s'il sera encore possible à l'avenir de payer à l'aide d'une carte Visa.

Mme De Schamphelaere souligne elle aussi l'importance d'une bonne entente entre le propriétaire et le chien. Le projet à l'examen tente d'atteindre cet objectif en permettant la vente sur catalogue, ce qui ne lui paraît pas du tout la bonne approche. Elle fait remarquer que l'objectif initial du projet n'était pas d'en arriver à des interdictions aussi radicales. Au cours des dernières années, de nombreuses mesures ont été prises en vue de prévenir les achats impulsifs; tel est le cas, par exemple, de l'interdiction de vente sur les marchés. L'on peut donc partir du principe que les marchands d'animaux sont actuellement les personnes les mieux indiquées pour établir les contacts entre les acheteurs potentiels et les animaux eux-mêmes.

La sénatrice insiste sur l'absurdité de sanctionner tout un secteur en raison de quelques abus. Elle craint qu'un circuit parallèle ne se mette en place par le biais de l'Internet, par exemple. Étant donné qu'il sera très difficile de lutter contre les pratiques de mauvaise foi, elle juge préférable de bien contrôler les animaleries et d'y promouvoir la qualité.

La possibilité qui est offerte aux commerçants de transformer leur commerce en élevage signifie en pratique qu'ils devront demander de nombreuses autorisations, comme des permis d'urbanisme et des permis d'environnement. Passer d'un commerce à un élevage n'est donc pas chose aisée et s'avérera même souvent impossible.

M. Vankrunkelsven constate que le texte initial, qui était dicté par l'inquiétude causée par les achats impulsifs d'animaux, s'est transformé progressivement en une dénonciation de la situation et des conditions de bien-être des animaux dans les commerces spécialisés. Il trouve dommage que le texte initial ait été amendé de la sorte. Sur le terrain, de nombreuses personnes se sentent traitées injustement et frustrées dans l'exercice de leur profession. Le ministre, par ses arrêtés royaux, a l'importante mission d'offrir aux commerçants une alternative très nuancée qui leur permette de continuer à exercer leur profession. En effet, le but n'est pas de faire en sorte qu'ils transforment tous leur commerce en élevage, affichant pour ainsi dire les photos des animaux à la devanture et tenant les animaux à disposition, en chair et en os, à l'arrière de l'établissement.

Enfin, le sénateur croit savoir qu'un permis n'est actuellement pas nécessaire si une personne détient moins de cinq chiens. Le projet à l'examen rend-il désormais impossible pour un commerçant de détenir moins de cinq chiens en tant que particulier ? En outre, celui-ci peut-il vendre une nichée provenant d'un chien qu'il détient en tant que particulier ?

Mme Van de Casteele s'interroge, elle aussi, sur l'objectif principal du projet: s'agit-il de lutter contre les achats impulsifs ou de promouvoir le bien-être de l'animal ? Ce sont là deux aspects différents. Dans le texte approuvé par la Chambre, on peut lire en effet qu'un commerçant peut exploiter un élevage, mais que celui-ci ne peut pas être accessible à partir de l'établissement commercial. Selon l'intervenante, cela n'est pas très logique. Un commerçant peut en effet amener un acheteur potentiel voir l'animal qu'il a choisi sur la photo, si l'animal en question se trouve deux maisons plus loin. Elle souligne une fois encore qu'il est dans l'intérêt de l'acheteur de voir l'animal en chair et en os avant de prendre sa décision.

La sénatrice fait remarquer que les petits animaux pourront toujours être achetés dans une animalerie et donc être exposés derrière une vitrine. Est-ce bien compatible avec leur bien-être ? La sénatrice aurait préféré que le ministre règle cette matière par le biais d'un arrêté royal, comme il avait toujours promis de le faire.

Enfin, elle aimerait connaître le pourcentage actuel d'animaux achetés dans une animalerie, le pourcentage d'animaux acquis auprès d'un refuge et le pourcentage d'animaux obtenus par l'intermédiaire d'amis ou de connaissances.

B. Réponses du ministre

M. Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, est d'avis que la place des animaux dans notre société évolue sensiblement. Par le passé, la souffrance des animaux ne valait même pas un débat alors qu'aujourd'hui, elle bénéficie d'une attention croissante, comme en témoignent les nombreuses réactions au projet à l'examen. Les amendements qui ont été déposés à la Chambre en ce qui concerne le bien-être des animaux répondent à une demande qui émane de la société.

Ayant consulté le secteur concerné ainsi que les organisations de défense du bien-être animal, le ministre a la conviction que le projet de loi à l'examen est équilibré. Un catalogue permettra aux acheteurs potentiels d'effectuer des comparaisons et de faire un choix en connaissance de cause. Par la suite, il s'agira évidemment de les adresser aux bons endroits. Le commerçant deviendra donc un intermédiaire de premier plan, ce qui lui donnera une plus-value appréciable. À l'heure actuelle, certaines personnes achètent un animal sur un coup de tête. L'objectif est de leur donner la possibilité de recueillir davantage d'informations afin de procéder à un achat réfléchi et non plus impulsif.

L'arrêté royal que le ministre prépare renforcera les règles relatives à la vente d'animaux et fixera aussi des règles en ce qui concerne la qualité dans les élevages. Le ministre considère que cet arrêté royal complètera le projet de loi à l'examen et en sera le prolongement naturel étant donné qu'il poursuit un objectif différent, qui est de définir avec plus de précision les conditions à respecter en matière d'élevage d'animaux ou les conditions qui doivent être fixées dans le cadre d'une vente. Le texte est actuellement examiné par le cabinet de la ministre du Budget.

Les arrêtés royaux devront effectivement tenir compte de la situation concrète des commerçants et des animaux. Il faudra donc organiser une concertation à cet effet.

En réponse à la question de M. Collas concernant le nombre de nichées, le ministre précise qu'un agrément pourra être octroyé à partir de la première nichée alors qu'actuellement, il est obligatoire à partir de trois nichées par an. Le projet prévoit un agrément obligatoire à partir d'une seule nichée par an, si celle-ci a été constituée à des fins commerciales. Il précise que le texte aura également des conséquences pour les éleveurs amateurs. Les amendements adoptés à la Chambre imposent une importante obligation administrative à ces éleveurs, qui n'étaient soumis jusqu'à présent à aucun contrôle. Cela permettra par la même occasion de lutter contre la concurrence déloyale. Compte tenu des charges administratives plus lourdes que cela implique, une période transitoire est prévue.

Les éleveurs auront la possibilité de vendre des nichées élevées par d'autres éleveurs et ne devront donc pas se limiter à une seule race ou aux nichées de leurs propres chiennes.

Il est effectivement possible d'avoir un agrément comme commerçant ou un agrément comme éleveur. Ce sont deux professions différentes soumises à des conditions différentes.

Aucune disposition de la loi relative au bien-être des animaux ne prévoit combien d'animaux les particuliers peuvent détenir. En revanche, il est nécessaire de disposer d'un permis d'environnement à partir d'un nombre donné d'animaux. Le ministre croit savoir qu'à l'heure actuelle, c'est obligatoire à partir de dix chiens. Un commerçant peut évidemment détenir des chiens en qualité de particulier. Il ne peut cependant pas les vendre parce que, ce faisant, il contournerait la loi. Si un commerçant détient, en qualité de particulier, un chien qui a une portée de chiots, il peut également les vendre à titre privé, à condition bien entendu que la portée n'ait pas été constituée à des fins commerciales.

L'animalerie et l'élevage doivent-ils être séparés physiquement ? À cet égard, la loi est claire: aucun animal ne peut être présent dans l'espace de vente, non seulement pour prévenir les achats impulsifs, mais aussi en raison de considérations éthologiques. Il est particulièrement important pour le comportement ultérieur de l'animal qu'il reste le plus longtemps possible avec sa mère.

Le fait que les dispositions se limitent à la vente de chiens et de chats permettra en réalité de couvrir la majeure partie des achats. Quelque 50 000 chiens sont vendus annuellement.

Selon le ministre, l'usage d'une carte Visa pour régler l'achat d'un animal domestique ne relève pas du crédit; il ne s'agit que d'une forme de paiement qui, par conséquent, devrait encore rester possible.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Articles 1er et 2

Mme De Schamphelaere dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-1147/8) qui tend à remplacer les articles 1er et 2 par 37 nouveaux articles. Ces articles sont basés sur le texte de l'arrêté royal qui a été préparé par le ministre Demotte et au sujet duquel un accord a été atteint au sein du gouvernement. Il ressort de la réponse du ministre que cet arrêté royal est complémentaire au texte du projet présenté. Par conséquent, son insertion dans le projet de loi ne peut pas poser de problème.

Dans les grandes lignes, cet amendement prévoit qu'un marchand d'animaux peut encore exercer sa profession mais qu'il faut continuer à assurer la qualité. Une multitude de critères de qualité sont prévus au sujet de l'espace réservé aux animaux, la ventilation, l'enregistrement des animaux. Une loi claire dont le respect peut être bien contrôlé rendra superflue une interdiction de la vente d'animaux de compagnie dans des établissements commerciaux.

Le ministre fait remarquer que, dans l'intervalle, le texte de son arrêté royal a été adapté. En outre, le projet de loi et l'arrêté royal sont deux textes complémentaires, ce qui signifie qu'il serait une erreur de remplacer le texte du projet de loi par le texte de l'arrêté royal. En effet, ils ont tous les deux un objectif différent.

Article 4

Mme De Schamphelaere dépose l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 3-1147/ 8) tendant à supprimer l'article 4.

V. VOTES

Les amendements nos 4 et 5 sont rejetés par 7 voix contre 1 et 1 abstention.

Le projet de loi modifiant la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux est adopté dans son ensemble par 6 voix contre 1 et 2 abstentions.


Confiance a été faite à la rapporteuse pour un rapport oral.

La rapporteuse, La présidente,
Mia DE SCHAMPHELAERE. Annemie VAN de CASTEELE.