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11 AVRIL 2007
Pour que la paix soit possible, il faut calmer les fièvres identitaires qu'entretiennent les situations bloquées du Proche-Orient, dans la société israélienne, comme dans les sociétés arabes et dans leurs rapports réciproques. Pour que la paix et la stabilité soient également possibles, il faut que le droit international et les droits de l'homme cessent d'être honteusement manipulés pour favoriser les uns et punir au-delà de toute raison les autres. Aucune paix ne pourra s'établir sur les sables mouvants des concepts juridiques ambigus, de l'abus de droit en certains lieux, de l'absence de droit en d'autres lieux. Une « realpolitik » qui ne s'appuie sur aucun pilier, ou sur des piliers branlants, ne porte pas vraiment son nom. Si, ni le droit et la justice, ni la prospérité économique et l'égalité des chances entre les hommes au Proche-Orient ne constituent, au moins partiellement, les fondements de la politique des puissances occidentales dans cette région, la paix stable et durable ne pourra se réaliser. On ne trouvera pas de recette pour la paix au Proche-Orient en dehors d'un droit international appliqué avec la même rigueur intellectuelle à tous les peuples ou communautés de la région. Le droit international, pour être un langage qui permet la paix, se doit d'être neutre vis-à-vis des identités ethniques ou communautaires, des théologies et des idéologies religieuses. Si le droit international se laisse infiltrer par les discours identitaires, il devient une arme de guerre au lieu d'être un adjuvant, un langage de type universel pour aider à la solution des conflits.
Ce n'est sûrement pas en s'appuyant sur des identités bloquées dans des expressions de type étatico-nationaliste que des solutions pratiques et viables pourront être trouvées à la coexistence israélo-palestinienne sur une même terre. C'est au contraire dans une laïcité démocratique stricte, mais respectueuse des différentes fois et pratiques religieuses, qu'une solution raisonnable serait à chercher.
Nous avons un rôle majeur à jouer. Nous devons agir tant au niveau national qu'international afin de pousser à adopter des attitudes plus courageuses sur ce dossier problématique international. Rappelons sans relâche que la sécurité des Palestiniens est tout autant menacée que celle des Israéliens et qu'il est de l'intérêt de ces deux peuples de parvenir à une paix équitable. L'accord de Genève ébauche un projet sans doute amendable, mais qui répond dans ses grandes lignes aux exigences d'équité.
Parce qu'il tarde à trouver une solution équitable, le conflit israélo-palestinien continue à causer de multiples victimes et ce des deux côtés. Il est donc dans l'intérêt de la Belgique que sa diplomatie se mobilise en vue de prendre ou d'appuyer toute initiative menée en faveur du dialogue, de la négociation et de la paix au Proche-Orient et ce en respectant le droit international. Les derniers accords et plans internationaux pour la paix au Proche-Orient se basent justement sur la coexistence pacifique à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, de deux États démocratiques voisins, souverains et viables.
La Belgique reconnaît l'État d'Israël et ce depuis plus de cinquante ans. La Belgique exige du gouvernement palestinien qu'il reconnaisse l'État d'Israël, alors que la Palestine n'est reconnue ni par la Belgique, ni par Israël. Il est important de signaler que quand la Belgique reconnaît un État, c'est sans prendre position sur son gouvernement. L'un ne compromettant pas l'autre. Depuis la déclaration d'indépendance de la Palestine de Yasser Arafat faite à Alger en 1988, plus de nonante États reconnaissent la Palestine. Cette demande a d'ailleurs également été formulée dans la résolution 43-177 de l'Assemblée générale des Nations unies.
Le but de la présente proposition de résolution est que la Belgique reconnaisse immédiatement la Palestine, ce qui serait en accord avec une politique étrangère cohérente, équilibrée et respectueuse du droit international.
Amina DERBAKI SBAÏ. |
Le Sénat,
A. Vu la résolution 181 (II) du 29 novembre 1947 adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, dans laquelle elle a, entre autres dispositions, recommandé le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe, Jérusalem étant constituée en corpus separatum;
B. Vu la résolution 194 adoptée le 11 décembre 1948 par l'Assemblée générale des Nations unies; celle-ci décide, à la suite du départ forcé de centaines de milliers de Palestiniens: « qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins(...) ». Cette résolution permet donc le droit au retour;
C. Vu la résolution 3236 de l'Assemblée générale des Nations unies du 22 novembre 1974 qui réaffirme le « droit inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens, d'où ils ont été déplacés et déracinés, et demande leur retour » et le droit à l'autodétermination du peuple palestinien;
D. Vu la « Feuille de route pour la paix » adoptée par le Quartette diplomatique réuni le 30 avril 2003;
E. Vu l'Accord de Genève du 1er décembre 2003;
F. Vu les accords de voisinage entre l'Union européenne et la Palestine;
G. Vu le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes;
H. Constatant que le processus de paix ouvert par les accords d'Oslo du 13 septembre 1993, a pris un retard considérable su le calendrier initialement prévu;
I. Constatant que la poursuite de l'implantation de colonies dans les territoires palestiniens constitue une violation soutenue de l'article 49 de la 4e Convention de Genève du 12 août 1949 et constitue un obstacle majeur à la paix;
J. Considérant que le parrainage du processus de paix par le seul gouvernement des États-Unis ne crée pas un contexte favorable à des avancées décisives vers une solution de ce conflit;
K. Considérant qu'il est urgent d'accélérer l'application du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes au bénéfice du peuple palestinien;
L. Constatant que, selon le droit international, Israël occupe illégalement une partie du territoire palestinien et ce en accord avec l'avis consultatif rendu par la Cour Internationale de Justice le 9 mars 2004;
M. Constatant que la souveraineté palestinienne est atteinte par des restrictions territoriales et fonctionnelles;
N. Constatant que la Cour Internationale de Justice reconnaît la Palestine comme État;
O. Considérant qu'en novembre 1988, Yasser Arafat a déclaré l'indépendance de la Palestine à Alger, et a reconnu l'État d'Israël dans les frontières de 1967; et que suite à cette déclaration 90 pays ont reconnu la Palestine;
P. Vu la résolution 43/177 du 15 décembre 1988 de l'Assemblée générale des Nations unies, dans laquelle elle a pris acte de la proclamation de l'État palestinien par le Conseil national palestinien le 15 novembre 1988 et a décidé que la désignation de « Palestine » devrait être employée au sein du système des Nations unies;
Q. Considérant que la Palestine est membre de plein exercice du Groupe des États d'Asie au sein des Nations unies;
R. Considérant que la Palestine est membre de plein exercice de la Ligue des États arabes, du Mouvement des pays non alignés, de l'Organisation de la Conférence islamique et du Groupe des 77;
S. Désireux de contribuer à la réalisation des droits inaliénables du peuple palestinien, permettant ainsi l'instauration d'une paix juste et globale au Moyen-Orient,
Demande au gouvernement:
1. De reconnaître pleinement la souveraineté du peuple palestinien et la représentativité de l'Autorité palestinienne, c'est-à-dire de procéder à une reconnaissance formelle de l'État de Palestine selon les frontières de 1967 et ce en accord avec la résolution 43/177 de l'Assemblée générale des Nations unies.
2. De condamner la construction du mur au-delà des frontières de 1967 et ce en accord avec l'avis consultatif rendu par la Cour Internationale de Justice le 9 juillet 2004.
3. De réaffirmer que le règlement du conflit au Proche-Orient passe nécessairement par la négociation d'un accord de paix ferme et définitif, comme le prévoit la Feuille de route, laquelle reste toujours valable, sans conditions préalables, sur la base de la coexistence pacifique, à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, de deux États démocratiques voisins, souverains et viables;
4. D'œuvrer au sein des Nations unies et de l'Union européenne en soutenant la Feuille de route et l'Accord de Genève;
5. D'oeuvrer auprès des États membres de l'Union européenne pour qu'ils reconnaissent l'État de Palestine comme un État souverain exerçant sa souveraineté dans le territoire limité par les frontières de 1967;
6. De soumettre la présente résolution au Parlement européen et au Conseil européen, au gouvernement et parlement israélien, à l'Autorité palestinienne et au Conseil législatif palestinien, aux gouvernements des États-Unis et de la Fédération de Russie, et au Secrétaire Général des Nations unies.
15 mars 2007.
Amina DERBAKI SBAÏ Philippe MOUREAUX Fauzaya TALHAOUI Pierre GALAND Josy DUBIÉ Philippe MAHOUX Jean-Marie HAPPART Sfia BOUARFA Lionel VANDENBERGHE. |