(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais
Les élections démocratiques de 2005 au Burundi devaient permettre au pays d'atteindre une nouvelle phase de stabilisation sur le plan politique. Après des dizaines d'années de problèmes et d'efforts politiques, sans oublier la guerre civile, il ne fallait pas précipiter ce passage à la démocratie. Une période de transition a d'ailleurs été prévue. Les élections de 2005 ont donné la victoire à l'ex-mouvement rebelle CNDD-FDD. On a choisi de constituer un gouvernement à majorité hutu. Le 26 août 2005, le président Pierre Nkurunzia a prêté serment.
La démocratisation est en outre soutenue par un processus de désarmement et de démobilisation. Avant que ne commence ce processus, les divers groupes armés recrutaient encore des combattants, parmi lesquels aussi des enfants-soldats. Plusieurs groupes, dont le CNDD-FDD, se sont joints au processus de paix après la guerre civile. Alors que ce CNDD-FDD s'est très vite intégré dans l'armée gouvernementale, le FNL, connu aussi comme PALIPEHUTU-FNL est resté un des mouvements de guérilla les plus actifs au Burundi. Finalement le FNL a conclu récemment un accord de cessez-le-feu avec le gouvernement en place. C'était le dernier mouvement hutu à ne pas avoir encore déposé les armes.
Malgré le cessez-le-feu, la situation reste précaire du point de vue de la sécurité : après les élections démocratiques circulèrent des rumeurs selon lesquelles un coup d'État avait été déjoué. Le Burundi reste un pays à la limite de l'instabilité gouvernementale.
Je souhaiterais recevoir une réponse aux questions suivantes :
1. Le gouvernement de ce pays a fait déjà des efforts importants dans le processus de démocratisation, ce qui mérite assurément l'appui et l'appréciation requis. La Belgique a un représentant spécial pour la Région des Grands lacs. Quelle est sa mission à l'heure actuelle et que fait-il précisément ?
2. Qu'attend la Belgique du Burundi ? Est-ce clairement exprimé via les différents canaux (Nations unies, Union européenne, etc.) ?
3. Que couvre exactement l'aide belge au Burundi ? Quand sera-t-elle effectivement donnée ? La Belgique s'adressera-t-elle à la Banque mondiale ou estime-t-elle que c'est inopportun ?
4. Quelle est l'attitude des autres donateurs devant la situation actuelle ? Dans quelle mesure l'intervention des différents donateurs est-elle coordonnée ? Quel rôle la Belgique joue-t-elle dans cette coordination ?
5. Quel message sera-t-il délivré aux plus prochaines réunions de la Peace Building Commission et à la commission mixte Belgique-Burundi ?
6. Jusqu'à quel point la Belgique est-elle sur la même longueur d'onde que l'Union africaine en ce qui concerne le Burundi ? Si la ligne n'est pas la même, quels efforts ont-ils été ou sont-ils entrepris pour harmoniser les deux conceptions ?
Réponse : 1. Il est vrai que le processus de transition au Burundi s'est déroulé de manière correcte et que les institutions élues y fonctionnent convenablement. Mais il s'agit d'un État de droit très jeune et fragile et ensemble avec ses partenaires de la communauté internationale, la Belgique continuera à suivre étroitement l'évolution de ce pays, tout comme elle l'a fait durant la période de transition effective.
Dans ce contexte notre pays a des contacts très intenses avec de différents acteurs du Burundi, aussi bien avec les autorités qu'avec les organisations sociales et même avec les médias.
L'envoyé spécial dans la Région des Grands Lacs participe activement à ces contacts et se concentre notamment aussi sur la coordination de notre politique concernant le Burundi avec d'autres partenaires de la communauté internationale et principalement avec les États membres de l'Union européenne (UE) et de la Commission.
Car il est important que les autorités burundaises reçoivent des messages cohérents et aussi que notre analyse belge de la situation et des réalités au Burundi, soit partagée avec celle des autres pays et organisations partenaires.
2. La Belgique attend du Burundi qu'il travaille de manière résolue et transparente à sa reconstruction, dans le cadre d'un État de droit et où les institutions légitimées (dont le parlement) puissent pleinement jouer leur rôle. Nous utilisons les forums bilatéraux et multilatéraux existants pour entrer en contact avec les autorités burundaises et par la même occasion transmettre des messages et des questions claires. Un exemple récent est la « Peace Building Commission », un forum récemment créé par les Nations unies dont aussi bien la Belgique que le Burundi sont membres et dans lequel le Burundi — également sur insistance de la Belgique — est le premier pays qui soit « traité » par ce nouveau forum, qui vise principalement la coordination au sein des Nations unies et de la communauté internationale dans des pays qui se trouvent dans une phase post-conflictuelle et post-transitionnelle.
Durant l'affiliation belge au Conseil de sécurité (2007-2008), la Belgique œuvrera clairement pour que les initiatives concernant le Burundi soient prioritaires et qu'elles soient effectivement suivies (entre autres la « Peace Building Commission »). Un premier défi est par exemple le mandat du BINUB, le futur bureau intégré au Burundi (à partir de janvier 2007), après le départ de l'ONUB (les réelles forces de maintien de la paix des Nations unies).
La Belgique stimule aussi l'action de l'UE et la coordination concernant le Burundi et c'est entre autres sur insistance de la Belgique que l'envoyé spécial de l'UE a rencontré les présidents de pays de l'« Initiative régionale » qui offre un cadre régional africain au Burundi qui se trouve dans une situation post-conflictuelle.
3. L'aide belge pour le Burundi en 2006 s'élèvera à peu près à 30 millions d'euros dont 15 millions d'euros supplémentaires d'aide temporaire de transition rapide et visible, comme il a été décidé à la conférence de donneurs humanitaires du 28 février 2006.
La Commission mixte qui est actuellement en cours à Bujumbura, en la présence du ministre De Decker, prévoit un programme triennal (2007-2010) de 60 millions d'euros. Ce programme vise principalement les secteurs suivants :
— renforcement du plan social et de l'État;
— les secteurs économiques dont le secteur de l'agriculture;
— et les secteurs sociaux de base (santé, instruction publique).
En outre, la Belgique a donné son accord de principe pour contribuer à une aide financière de 250 000 euros pour l'intervention sud-africaine dans les discussions qui ont mené à un accord de paix avec le mouvement de résistance FNL. Le soutien belge pourrait entre autres être utilisé pour la mise en œuvre effective de l'accord.
Le Burundi a, pourvu qu'il réponde aux conditions, cette année encore droit à une tranche importante d'aide budgétaire de la Banque mondiale (environ 35 millions de dollars). Nos représentants à la Banque mondiale suivent ce dossier de près (un versement effectif pourrait en effet avoir lieu dans quelques semaines).
4. Au sein de la communauté internationale il y a effectivement pas mal de soucis concernant l'évolution politique du Burundi et de l'éventuelle instabilité du régime, ainsi que des éventuelles tendances autoritaires.
Comme il est mentionné ci-dessus, ceci est intensément délibéré, entre autres entre les États membres de l'Union, mais aussi avec des partenaires non-européens comme l'Afrique du Sud qui a quand-même joué un rôle essentiel dans le processus de transition au Burundi et dans la signature récente des accords de paix avec le FNL.
La Belgique est partisane de l'activation d'une telle concertation et insiste à ce qu'on soit d'une part, soucié de l'évolution politique dans laquelle il faut insister auprès des chefs burundais pour garantir un dialogue national, une franchise politique et la tolérance, mais où nous devons d'autre part tenir compte du fait que le Burundi a besoin de notre soutien, si l'on veut que le processus délicat de transition et de reconstruction soit mené à bien.
Les burundais on droit aux dividendes d'un processus difficile de paix et de démocratisation.
La communauté internationale semble convaincue, qu'elle — aussi après l'achèvement du processus de transition — ne peut perdre son attention pour le Burundi.
Les (peu de) donneurs du Burundi tentent de coordonner de manière efficace leurs efforts et l'UE envisage même d'élaborer pour le Burundi un « Governance compact », un document de base qui sera présenté aux autorités burundaises et dans lequel la communauté de donneurs voudrait présenter ses accents et efforts coordonnés par secteur.
La coordination des donneurs et des agences est également une question prioritaire au cours des négociations qui doivent mener à une résolution qui est à la base du BINUB.
5. Aussi bien dans le cadre de la Commission mixte que de la Peace Building Commission, notre pays donne des messages clairs, axé sur :
— une bonne gouvernance économique et transparence;
— le renforcement de l'État de droit et la réforme du secteur de la sécurité (armée — police — Justice);
— la détente politique, dialogue national et approche consensuelle;
— une attention pour les secteurs sociaux de base pour le développement rurale.
6. Comme mentionné ci-dessus, la Belgique vise en ce qui concerne le Burundi un engagement fort en raison des autres pays africains. Nous soutenons les efforts sud-africains qui visent à une mise en œuvre efficace de l'accord de paix avec le FNL et insistent à un grand rôle de l'« Initiative régionale » qui contient les pays avoisinant du Burundi.
La Belgique est positive face à l'initiative éventuelle de l'Union africaine pour contribuer à la stabilité du Burundi après le départ des forces de maintien de la paix des Nations unies, l'ONUB, et dans la ligne d'exécution des accords de paix avec le FNL.