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De voorzitter. - Ik stel voor deze mondelinge vragen samen te voegen. (Instemming)
Mme Jihane Annane (MR). - Vous avez déjà eu l'occasion, monsieur le ministre, de répondre aux journalistes qui vous ont interrogé sur votre tournée au Proche-Orient mais vous ne vous êtes pas encore exprimé devant une assemblée parlementaire, donc politique. C'est pourquoi j'aimerais vous poser une série de questions à ce sujet.
Après les États-Unis, l'Union européenne et les Nations unies viennent d'établir des contacts diplomatiques avec les ministres du gouvernement palestinien non membres du Hamas.
Vous revenez d'une tournée au Proche-Orient, monsieur le ministre, au cours de laquelle vous avez rencontré votre homologue, l'une des personnalités indépendantes du gouvernement d'union nationale.
Peut-on à moyen et long terme maintenir une distinction entre les ministres du gouvernement palestinien ? La Belgique est-elle disposée à traiter directement avec le premier ministre palestinien, et cela à quelle condition ? Estimez-vous que l'Union européenne garde toute son unité et toute sa cohérence dans ce dossier ?
Nous aimerions connaître votre analyse sur cet accord de gouvernement entre le Fatah et le Hamas, et les ambiguïtés sur lesquelles il repose. Ce gouvernement épouse-t-il les trois principes du Quartet : la renonciation à la violence, la reconnaissance des accords passés par l'OLP et la reconnaissance d'Israël ?
Nous aimerions également connaître la substance du message que l'émissaire de l'UE au Proche-Orient, Marc Otte, a délivré au ministre palestinien des Affaires étrangères. Celui-ci a-t-il insisté sur la fin de toutes les formes de violence contre Israël, sur la libération rapide du caporal Gilad Shalit et sur l'opportunité de reprendre des négociations sur le statut final des négociations israélo-palestiniennes ? Le ministre des Affaires étrangères a-t-il des compétences sur ce dernier dossier ou le président Abbas en a-t-il le monopole ?
Quelles sont les conditions nécessaires pour lever le blocus sur l'aide financière directe imposé au gouvernement palestinien par le Quartet ? Nous savons qu'un montant d'environ 1,2 milliard de dollars d'aide humanitaire étrangère est parvenu aux Palestiniens l'an dernier. C'est plus que l'année précédente. Les conditions de transparence dans lesquelles cette aide est délivrée vous satisfont-elles, sachant que celle-ci est majoritairement européenne ? Faut-il reprendre l'aide directe à l'Autorité palestinienne, par le biais du ministre des Finances, M. Salam Fayyad, ou faut-il poursuivre le mécanisme actuel ? Quelle sera la position de la Belgique lors du Gymnich de Brême à la fin du mois de mars ?
M. Pierre Galand (PS). - Ma question se situe tout à fait dans le prolongement de celle que Mme Annane vient de développer.
Vous avez posé un geste positif, monsieur le ministre, en renouant les contacts directs avec le gouvernement d'union nationale de Palestine. En rencontrant le nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Ziad Abou Amr, vous avez levé l'embargo à l'encontre de l'Autorité palestinienne. En outre, vous vous êtes dit ému par les conditions de vie déplorables des Palestiniens des camps de réfugiés lors de votre visite du vendredi 23 mars.
Dans le même temps, vous vous êtes prononcé pour le maintien de l'aide à la population palestinienne selon le « Mécanisme international temporaire » (TIM), visant à contourner le gouvernement issu des élections de janvier 2006, gouvernement qui a été remanié à la suite des accords de La Mecque.
Je me suis rendu sur place lorsque j'étais secrétaire général d'Oxfam et je peux vous assurer que, contrairement à ce que l'on dit, le TIM ne fonctionne pas. Il ne permet pas de fournir l'aide aux populations palestiniennes les plus fragilisées à la suite des contraintes et contrôles imposés par le gouvernement israélien. Même les responsables de la Banque mondiale font état des difficultés rencontrées dans l'application du TIM.
Monsieur le ministre, qu'attendez-vous pour lever les sanctions contre l'autorité palestinienne et rétablir l'aide directe à celle-ci, car c'est la seule manière de donner sa chance au gouvernement d'union nationale et de rendre espoir au peuple palestinien ? La commission des Affaires étrangères du Parlement européen s'est d'ailleurs exprimée en ce sens le 21 mars.
Il est urgent, monsieur le ministre, que la Belgique et l'Union européenne s'activent pour soutenir des négociations entre Israël et la Palestine, en vue d'aboutir, dans les plus brefs délais, à la reconnaissance de la Palestine, à la coexistence pacifique de deux États avec Jérusalem pour capitale. Le processus de négociation sur le statut final entre la Palestine et Israël devra nécessairement impliquer l'ensemble des partenaires euro-méditerranéens et prévoir une solution globale entre les pays arabes et Israël. La Ligue arabe vient d'ailleurs de se prononcer en ce sens.
Quelles initiatives la Belgique compte-t-elle prendre pour aider les gouvernements israélien et palestinien à reprendre les négociations pour trouver une solution durable au conflit du Moyen-Orient ?
M. Karel De Gucht, ministre des Affaires étrangères. - Je me suis en effet rendu au Proche-Orient la semaine dernière. Le conflit israélo-palestinien a été au centre de mon voyage, même si je me suis également penché sur la problématique libanaise. J'ai pu me rendre compte que la situation socio-économique et politique des Palestiniens s'était dégradée par rapport à mon dernier voyage en 2005. C'est pourquoi je continuerai à m'investir dans l'amélioration du sort des Palestiniens. Cependant, cela dépend en grande partie de l'évolution politique interne palestinienne. Dans mes contacts avec les Palestiniens, les Israéliens et autres acteurs, Marc Otte et l'ONU, nous avons essentiellement parlé de l'attitude de l'Europe vis-à-vis du nouveau gouvernement palestinien d'Unité nationale : d'une part, la politique des contacts et la reconnaissance du gouvernement palestinien et, d'autre part, la reprise de l'aide directe à l'Autorité palestinienne.
Ces points seront d'ailleurs à l'ordre du jour du Gymnich de Brême, qui aura lieu demain et après-demain.
J'en viens à la position que je défendrai auprès de mes collègues européens.
Concernant les contacts avec le nouveau gouvernement palestinien, ma position est claire puisque j'étais le premier ministre au sein de la communauté internationale à rencontrer un membre du gouvernement d'Unité nationale.
Selon moi, cette attitude est conforme à la politique que l'Union européenne a toujours suivie depuis l'élection du Hamas. Nous n'avons pas de contacts avec les hommes politiques du Hamas mais bien avec ceux du Fatah et autres figures indépendantes et modérées. Je plaide pour qu'on continue cette politique des contacts en attendant une évolution majeure de la part du Hamas. Je crois que cette politique a montré son efficacité : elle a marginalisé le Hamas et a contribué à pousser ce parti à former un gouvernement de coalition avec les modérés du Fatah et des indépendants.
Il est de notre intérêt stratégique de renforcer le poids des modérés. La communauté internationale doit montrer qu'elle dialogue avec les modérés car ce sont eux qui pourront faire pression sur le Hamas, cette fois à l'intérieur du gouvernement palestinien.
À terme, on pourra peut-être assister à une évolution de l'ensemble du gouvernement. J'estime, en effet, qu'il convient de continuer à faire pression pour que les deux autres composantes du Quartet puissent également être prises en considération dans un proche avenir.
Il faudra donc juger le gouvernement et le reflet des deux critères restants - reconnaissance du droit à l'existence d'Israël et renonciation à la violence - sur les actes.
La plupart des États membres jugent la reprise de l'aide budgétaire directe à l'Autorité palestinienne encore prématurée. Je suis également de cet avis car je ne crois pas qu'il y aura des avancées à Brême demain ou samedi.
En attendant, je plaide, avec la plupart des partenaires européens, pour le maintien du TIM. Contrairement à ce que vous prétendez, le TIM est efficace. Il apporte une aide essentielle au peuple palestinien. Les Européens, qui ont donné davantage en 2006 qu'en 2005, ne sont pas responsables de l'appauvrissement du peuple palestinien. Cet appauvrissement résulte de la retenue des taxes palestiniennes par Israël et de la faible solidarité des pays arabes de la région, qui n'honorent pas toujours leurs promesses.
Pour reprendre l'aide budgétaire directe à l'Autorité palestinienne, plusieurs éléments devront être réunis. Il faudra forcément un consensus européen ; ensuite, que le ministère des Finances se dise prêt le moment venu. Ce ministère est aux mains de Salam Fayyad, indépendant et apprécié de la communauté internationale. Nous sommes sûrs qu'avec lui, notre argent n'aboutira pas dans les caisses du Hamas. Il faudra surtout que le gouvernement palestinien prouve par ses actes qu'il reflète les conditions du Quartet. Le programme du nouveau gouvernement palestinien présente des éléments qui vont dans ce sens. Nous pouvons espérer que le gouvernement d'unité nationale poursuivra dans cette direction. Les actes qu'il posera feront toute la différence. Parmi les mesures importantes que le gouvernement peut prendre et qui changeraient la donne, je citerai : la libération du soldat israélien Gilad Shalit, l'arrêt des tirs de roquettes Qassam, la condamnation sans équivoque de tout acte de violence anti-israélien et l'intégration des différents services de sécurité et milices en une force de sécurité officielle responsable et contrôlant effectivement tous ces éléments.
Si nous reprenons un jour l'aide directe à l'Autorité palestinienne, il conviendra de repartir sur des bases plus saines et d'éviter l'effet « tonneau des Danaïdes » du passé. C'est la raison pour laquelle je suis partisan de garder le TIM. Il conviendra de réfléchir au moyen de l'étendre et de le faire évoluer, notamment sur le plan du capacity building des institutions palestiniennes. Puisque le TIM nous donne des garanties de contrôle de notre aide et qu'il bénéficie directement à la population, je ne suis pas disposé à l'abandonner car il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Enfin, je dirai quelques mots sur les perspectives politiques du processus de paix. M. Solana présentera au Gymnich de Brême les résultats du Sommet de la Ligue arabe des 28 et 29 mars à Riyad auquel il participe et où un plan de paix avec Israël est discuté. Les ministres arabes des Affaires étrangères, réunis deux jours plus tôt, ont mis au point ce plan de paix, reprenant et actualisant celui lancé à Beyrouth en 2002, qui implique une reconnaissance de l'État d'Israël et l'amorce d'une négociation pour une paix durable. La contrepartie sera le retrait des territoires occupés depuis 1967, la création d'un État palestinien et le retour des réfugiés palestiniens. À l'époque, ce plan avait reçu le soutien de l'Union européenne et l'appui mesuré des États-Unis. Israël demeure dubitatif. À l'époque, ses dirigeants avaient rejeté le plan mais, dans le contexte actuel, leur position semble moins négative. Cependant, la question des réfugiés reste un écueil pour Israël. Quant aux pays arabes, ils considèrent que des changements peuvent être faits lors des négociations mais pas avant. Selon le ministre jordanien des Affaires étrangères, les minafets arabes ont décidé la création de plusieurs groupes d'action pour entamer des contacts avec toutes les parties concernées par la paix, y compris Israël.
Je soutiens totalement ces nouveaux éléments concrets. Ces groupes d'action seraient une véritable nouveauté au Proche-Orient.
Enfin, une prochaine réunion du Quartette international se tiendra au Proche-Orient, si possible en y associant le Quartette arabe, qui regroupe l'Égypte, la Jordanie, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes.
La réunion du Quartet international devrait avoir lieu dans la seconde moitié d'avril à Charm el-Cheikh, en Égypte. Je soutiendrai entièrement le haut représentant Solana, qui nous représente au sein du Quartet.
M. Pierre Galand (PS). - Je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir pris l'initiative de ce contact.
Selon vous, le TIM est efficace. Or, les rapports de la Banque mondiale indiquent de graves problèmes d'application. Le rapport de l'envoyé spécial des Nations unies évoque une catastrophe. Les rapports des grandes ONG, qu'il s'agisse d'Oxfam International ou de l'Unicef, évoquent également une situation problématique. Contrairement à ce que vous croyez, l'argent n'arrive pas à destination, car le système bancaire international est bloqué par les États-Unis, sous prétexte que l'argent pourrait être intercepté par des terroristes.
Donc, les montants mobilisés sont importants, mais ils n'arrivent pas à destination.
Par ailleurs, vous vous dites favorable à ce type d'aide, mais il s'agit d'une aide humanitaire, alors que l'aide budgétaire était de nature structurelle, puisque destinée aux équipements. J'approuve l'idée d'exercer le même type de contrôle qu'en ce qui concerne le TIM, mais il faut vérifier que l'aide parvient vraiment à ceux qui en ont besoin et prendre conscience du fait que l'essentiel de l'aide structurelle a été détruit par les Israéliens. Ce sont eux qui ont bombardé le champ d'aviation et qui ont détruit les équipements envoyés par l'Union européenne pour construire un port en Palestine. Ce sont eux qui ont ainsi réduit à néant la plupart des investissements de longue durée réalisés dans cette région par l'Union européenne. On ne peut donc dire que l'argent a été mal utilisé ; il a été « détruit » par les Israéliens. Et jamais jusqu'à présent, l'Union européenne n'a eu l'idée de réclamer à Israël un remboursement pour les dégâts causés.
Vous devriez donc avoir une vision un peu plus nuancée de la question de l'aide. Vous prétendez, comme l'Union européenne, que l'aide arrive à destination. Malheureusement, cela ne se confirme pas sur le terrain.
Je vous soutiens quant à la libération du soldat israélien. C'est essentiel, mais j'aimerais alors que l'on demande également la libération des 10.000 prisonniers palestiniens détenus en Israël. Je pense particulièrement à nos collègues parlementaires, arrêtés de manière tout à fait inacceptable.
Quant à l'appui au plan arabe, je m'en réjouis. Les groupes d'action constituent une excellente proposition, qui mérite d'être soutenue.