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M. Pierre Galand (PS), rapporteur. - Le document législatif déposé au Sénat est un projet de loi portant assentiment à trois Actes internationaux relatifs au partenariat existant entre les États membres de l'Union européenne et le Groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).
Comme vous le savez, le 23 juin 2000, l'Union européenne et les 77 pays ACP ont signé l'Accord de Cotonou marquant une nouvelle étape dans les relations politiques et économiques qui les lient depuis près de 40 ans.
L'Accord de Cotonou qui fait suite à la Convention de Lomé, elle-même consécutive à l'Accord de Yaoundé, porte sur quatre axes :
Premièrement, le renforcement de la dimension politique de la coopération - le dialogue politique - notamment l'engagement des deux parties - Union européenne et ACP - à promouvoir un environnement politique stable et démocratique en matière de droits de l'homme, de bonne gouvernance, d'état de droit, etc.
Deuxièmement, l'amélioration de la participation des acteurs étatiques et non étatiques, c'est-à-dire l'approche participative.
Troisièmement, l'amélioration du système d'aide.
Quatrièmement, l'établissement d'un régime commercial compatible avec les règles de l'OMC à travers la négociation d'accords de partenariat économiques, APE. C'est certainement sur le plan commercial que l'Accord de Cotonou introduit le changement le plus radical dans les relations Union européenne-ACP. J'y reviendrai dans un instant.
Entré en vigueur le 1er avril 2003, l'Accord de Cotonou a été conclu pour une période de vingt ans et est révisable tous les cinq ans. La première révision quinquennale a pris fin récemment et a donné lieu à la signature, le 25 juin 2005, à Luxembourg, d'un « Accord modifiant l'Accord de Cotonou signé en juin 2000 ».
Cet « Accord de Cotonou révisé » constitue le premier des trois documents inclus dans le projet de loi qui est soumis aujourd'hui à l'assentiment du Sénat.
Comme le souligne le document législatif, cette révision ne remet pas en question l'acquis du partenariat ACP-Union européenne. Elle vise « à rencontrer des nouveaux besoins politiques et sécuritaires et à renouveler les instruments de coopération financière ».
Autrement dit, les principales modifications introduites par cet « Accord de Cotonou révisé », par rapport à l'original signé en 2000, ne concernent que trois des quatre axes principaux de l'Accord de Cotonou que j'ai cités précédemment, à savoir la coopération politique, la participation des acteurs étatiques et non étatiques et le volet aide au développement. Aucune modification ne porte sur le volet commercial.
Permettez-moi de citer les principales modifications apportées par cet accord révisé, et qui incluent notamment : la nouvelle procédure pour le dialogue politique, le nouveau rôle attribué aux parlements, les références aux Objectifs du Millénaire pour le Développement, à la Cour pénale internationale et à la lutte contre le terrorisme, ainsi que l'adoption d'une clause de non-prolifération des armes de destruction massive.
Un point positif concerne tout particulièrement la référence à la Cour pénale internationale, CPI. En effet, après des négociations difficiles, les pays ACP ont finalement accepté d'affirmer leur soutien à la CPI et cela, malgré le fait que les États-Unis aient menacé de représailles les États qui souscriraient au Statut de Rome.
Deux autres documents sont inclus dans ce projet de loi :
Tout d'abord, l' « Accord interne relatif aux procédures à suivre pour la mise en oeuvre de l'Accord modifiant l'Accord de Cotonou ». Cet Accord concerne les mesures transitoires couvrant la période allant de la date de signature à la date d'entrée en vigueur de l'accord révisé.
Enfin, le dernier document concerne l'Accord relatif au dixième FED, c'est-à-dire au financement des aides de l'Union européenne vis-à-vis des ACP pour la période 2008-2013.
Cet Accord, signé à Bruxelles le 17 juillet 2006, institue un dixième FED, doté de 22.682 millions d'euros, dont 21.966 millions sont alloués au groupe ACP. La Belgique y contribue à concurrence de 3,5%.
Cet accord interne financier comble ainsi une lacune de l' « Accord de Cotonou révisé », signé un an plus tôt, et qui ne fixe aucun montant pour le cadre financier pluriannuel.
Je voudrais à présent évoquer les accords de partenariat économiques, APE.
Je souhaiterais attirer votre attention sur un certain nombre de points qui, à mon sens, demeurent problématiques en ce qui concerne le volet « Aide et Commerce de l'Accord de Cotonou ».
Tout d'abord, en ce qui concerne le financement du développement, s'il convient d'appuyer la ratification du 10ème FED - c'est-à-dire l'enveloppe financière qui sera accordée aux pays ACP pour la période 2008-2013 -, le processus à travers lequel les secteurs de concentration de l'aide sont définis est fortement critiquable. En effet, la Commission est parvenue à plusieurs reprises, contre l'avis de leurs partenaires ACP, à imposer ses propres secteurs de priorité pour l'allocation de l'aide, à savoir la bonne gouvernance et la compétitivité, au détriment d'autres secteurs comme la santé, l'éducation et le développement rural. Or, la Commission entend par « bonne gouvernance » non seulement la promotion des droits de l'homme et de la démocratie mais également la mise en place de mesures visant à réguler l'immigration, à lutter contre le terrorisme ou l'application de politiques de libéralisation économique. Des pays comme le Cameroun et la Jamaïque se sont plaints très clairement de cette situation. En outre, 25% des aides, que la Commission appelle « tranche incitative », sont directement conditionnées au respect du principe de « bonne gouvernance ».
En ce qui concerne le volet commerce, il est inquiétant de constater que l'Accord révisé ne comporte aucune modification relative aux Accords de Partenariat Économique qui sont pourtant le volet le plus important de l'Accord de Cotonou. Ces Accords de partenariat constituent un virage radical par rapport au système de Lomé dans la mesure où ils introduisent le principe de réciprocité dans les relations commerciales entre l'Union européenne et les États ACP. Ils ont pour objectif la mise en place, à partir du premier janvier 2008, de programmes de réduction des tarifs douaniers qui doivent mener progressivement à la création d'une zone de libre-échange entre l'Union et les pays ACP. Si l'Europe considérait auparavant que le développement autocentré des pays ACP devait leur permettre d'intégrer à terme l'économie mondiale, elle fait aujourd'hui le pari que c'est au contraire en exposant rapidement ces pays à la concurrence internationale qu'ils atteindront leur développement économique et social.
Je ne vous cache pas, chers collègues, qu'il s'agit selon moi d'un pari fort risqué compte tenu de la différence de développement entre les deux régions. Les pays ACP sont d'ailleurs les premiers à exprimer leur crainte quant à une libéralisation prématurée de leurs économies. Depuis 2002, date à laquelle ont débuté les négociations des Accords de Partenariat Économique, ces pays ont demandé à plusieurs reprises une extension au-delà de 2008 du délai fixé pour la signature des APE. Malgré cela, la Commission européenne s'entête et exerce actuellement des pressions sur les régions ACP pour conclure les négociations avant la fin 2007.
Si elle tient réellement à promouvoir le développement économique et social des pays ACP, la Belgique devra utiliser tous ses leviers diplomatiques pour convaincre ses partenaires européens de demander à l'OMC un prolongement de la dérogation accordée par l'organisation internationale en 2001 qui autorise le maintien provisoire du régime préférentiel de Lomé.
Mme la présidente. - Les ratifications donnent le plus souvent lieu à des interventions convenues mais l'enthousiasme de M. Galand à l'égard de ce traité est contagieux. Je le remercie pour son brillant exposé.
-De algemene bespreking is gesloten.