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M. François Roelants du Vivier (MR). - La lutte contre les diamants du sang ou les diamants de la guerre revient au premier plan de l'agenda international, non pas uniquement à travers l'actualité cinématographique, mais par le fait que la Commission européenne préside depuis le 1er janvier le processus de Kimberley.
Malgré une querelle sur les statistiques, on évalue encore à 0,2% le pourcentage des diamants de contrebande servant à financer des conflits armés en Afrique. Cela peut paraître peu, c'est tout de même, malgré tout, 0,2% de diamants bruts sales sur un commerce mondial qui atteint 11 milliards de dollars par an. C'est trop.
La Commission européenne a déclaré son intention d'encourager l'industrie à s'autoréglementer de manière active, en s'appuyant sur le système européen d'autoréglementation des entreprises. Ce processus nécessite la poursuite d'universalisation du processus de Kimberley, qui ne représente que plus ou moins septante pays : quels sont les incitants à l'extension géographique ? Comment mieux sensibiliser l'industrie internationale du diamant à cette problématique ?
Que faire pour rendre le processus de Kimberley plus efficace en portant un coup d'arrêt au commerce illicite de diamants ? Comment renforcer les mécanismes de contrôle interne et la surveillance mutuelle de leur application ? Quelles sont les sanctions prévues à l'encontre d'un pays ou d'une entreprise qui ne respecte pas ses obligations ? Comment mieux protéger des vies innocentes et les moyens d'existence de tous ceux qui dépendent de l'industrie diamantaire en Afrique et ailleurs dans le monde ?
Comment valoriser notre présence au Conseil de sécurité en tant que membre non permanent pour favoriser la prise de décisions qui permettront un meilleur respect des embargos sur les diamants ? Je pense en particulier au Liberia et à la Côte d'Ivoire. Quelle est l'attitude du Congo face au processus de Kimberley ? Ne serait-il pas préférable d'intégrer cette problématique - élargie aux bois précieux et aux autres ressources minérales - dans les situations post-conflits ?
Comment évaluez-vous le travail du groupe d'experts créé par la résolution 1607 du Conseil de sécurité et dont le mandat a été prolongé jusqu'au 20 juin 2007 ? C'est précisément pendant ce mois que la Belgique exercera la présidence du Conseil de sécurité.
Monsieur le ministre, notre pays s'étant engagé, début novembre au Botswana, à promouvoir des mesures relatives au contrôle des mines de taille réduite, quelles sont vos ambitions et le calendrier que vous vous êtes fixé ?
M. Karel De Gucht, ministre des Affaires étrangères. - Le processus de Kimberley a le grand mérite d'exister et doit servir d'exemple pour d'autres matières premières.
Ce processus a été lancé en 2000, à l'instigation de l'ONU, pour lutter contre les diamants des conflits, aussi appelés « diamants du sang », c'est-à-dire des diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles ou leurs alliés afin de financer des conflits visant à renverser des gouvernements légitimes.
Les efforts des gouvernements, des industries diamantaires et des organisations non gouvernementales ont abouti en 2003 à la création d'un système de certification. Ce système requiert des pays participants un contrôle de la production et du commerce des diamants bruts. Sur la base de ces contrôles, les participants peuvent émettre des certificats du processus de Kimberley qui garantissent l'origine non conflictuelle des diamants bruts qu'ils exportent.
Actuellement, tous les grands centres de production, de taille et de commerce de diamants de quelque 70 pays participent au processus de Kimberley.
Le commerce de diamants avec des pays non participants qui n'appliquent pas les mêmes règles est interdit afin de préserver l'intégrité du commerce légal dans le cadre du processus de Kimberley.
Les résultats obtenus jusqu'ici sont très positifs : les diamants de conflits représentent aujourd'hui moins de 1% du commerce international de diamants bruts contre 4% dans les années 90. On peut estimer aujourd'hui que 99% des diamants sont « propres ». Ce mécanisme a contribué à la fin des conflits en Afrique de l'Ouest, en RDC et en Angola.
La véritable réussite du processus de Kimberley se mesure en réalité davantage par ses effets sur la vie des habitants de ces pays que par les données commerciales. La République démocratique du Congo, par exemple, a enregistré un niveau record d'exportation depuis la découverte de diamants en 1907, avec plus de 900 millions de dollars US en 2005. L'État congolais a ainsi récupéré par les taxes, grâce à l'application des règles du processus de Kimberley, des ressources qui lui échappaient auparavant.
Pour les pays participants, un système de sanctions a été mis en place. Si un pays membre ne respecte pas ses engagements, la sanction peut aller jusqu'à l'exclusion du processus de Kimberley et, par conséquent, du marché.
En vue de remédier à ce problème, plusieurs pays ont déjà été sanctionnés ou soumis à un régime temporaire et spécifique, à savoir le Congo-Brazzaville, le Liban et le Ghana. Les rapports des experts de l'ONU, examinés lors du sommet de Gaborone de novembre 2006, ont montré que des diamants provenant de Côte d'Ivoire étaient exportés illégalement via le Ghana. La dénonciation de ces faits a conduit le Ghana à cesser cette pratique.
Comme vous, je reconnais que le montant de 0,2% détourné par la contrebande et servant à financer des conflits armés en Afrique est encore trop élevé.
Le système tend nécessairement vers l'universalité. Sa réussite est un facteur d'attractivité pour les pays qui n'en sont pas encore membres. L'industrie diamantaire est très sensible à ce problème et coopère pleinement.
Le grand défi pour l'avenir est la mise en oeuvre, de la manière la plus efficace possible, des règles du processus. Le contrôle interne des pays producteurs doit être amélioré. L'objectif est, notamment, de faire passer les creuseurs de diamants de l'économie informelle à l'économie formelle. La Belgique recherche activement une solution en ce sens. Elle finance, à cet effet, une étude internationale sur le contrôle interne dont les premiers résultats seront présentés lors de la conférence qui aura lieu à Bruxelles, en novembre prochain, sur le processus de Kimberley.
La Commission européenne assure la présidence du processus de Kimberley durant l'année 2007. Les règles du processus sont mises en oeuvre par la Communauté européenne dans le cadre du règlement CE 2368/2002 qui définit les contrôles exercés sur les importations et les exportations de diamants ainsi que les règles d'émission des certificats du processus de Kimberley. Ce règlement définit clairement le système d'autorégulation des entreprises diamantaires. Les administrations nationales des États membres assurent la mise en oeuvre de ces règles en collaboration avec les industries du diamant et sous le contrôle de la Commission européenne.
Les objectifs de la commission pour l'année 2007 sont les suivants :
Notre pays occupe, pour deux ans, un siège non permanent au sein du Conseil de sécurité de l'ONU qui a déjà joué un rôle très positif en encourageant le processus. L'importance de la place d'Anvers dans l'industrie diamantaire et la présidence européenne du processus de Kimberley en 2007 expliquent pourquoi notre pays se sent particulièrement concerné par le suivi du processus de Kimberley à l'ONU.
M. François Roelants du Vivier (MR). - Je suis particulièrement satisfait de la réponse très complète du ministre qui indique, d'une part, la volonté du gouvernement de poursuivre dans la voie qu'il a tracée et, d'autre part, la collaboration de l'industrie diamantaire.
S'il plaît au destin que le ministre et moi-même soyons à la même place dans quelques mois, je l'interrogerai évidemment sur l'étude qui est actuellement en préparation et qui doit être présentée en novembre de cette année.