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14 DÉCEMBRE 2006
I. INTRODUCTION
Conformément à l'article 86, § 4, du Règlement du Sénat, le comité d'avis pour l'Égalité des chances entre les femmes et les hommes a décidé de rendre, de sa propre initiative, un avis à la commission des Affaires sociales sur les quatre propositions visant à promouvoir l'égalité de rémunération pour les femmes et les hommes.
Le comité d'avis a d'abord invité les représentants du ministre de l'Emploi et de l'Informatisation et du ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la politique des Grandes villes et de l'Egalité des chances à venir présenter l'état des lieux et les initiatives envisagées par le gouvernement pour remédier aux discriminations hommes-femmes existant en matière de rémunération.
Les réunions suivantes ont été consacrées à l'audition de professeurs et collaborateurs scientifiques:
— le 22 février 2006, Mme Karen Geurts, collaboratrice Steunpunt Werkgelegenheid, Arbeid en Vorming, rédactrice du genderzakboekje « Zij en hij op de arbeidsmarkt 2005 » et M. Tom Vandenbrande, collaborateur Hoger Instituut voor de Arbeid (HIVA);
— le 22 mars 2006, Mme Annie Cornet, Professeure, Hec-Ecole de gestion de l'Ulg, UER Management, service GRH et management des organisations, Responsable Unité de recherche EgiD (Études sur le genre et la diversité en gestion);
— le 17 mai 2006, M. Paul Windey, président du Conseil national du Travail;
— le 28 juin 2006, Mme Sile O'Dorchai, chercheuse au département d'Économie du Travail et de l'Emploi, ULB; Mme Van Varenbergh, présidente du Conseil de l'Égalité des chances entre hommes et femmes; Mmes De Vos et Peemans, membres du Comité de liaison des femmes.
Sur la base des éléments recueillis lors de ces auditions, le comité d'avis a élaboré un projet d'avis qu'il a discuté lors des réunions du 22 et 29 novembre, 6 et 14 décembre 2006.
II. AUDITIONS
II.1. Réunion du 1er février 2006
1. Exposé de Mme F. Yassir, collaboratrice Cellule stratégique de l'Emploi de M. Van Velthoven, ministre de l'Emploi et de l'Informatisation
L'égalité de rémunération pour les femmes et les hommes constitue sans aucun doute une priorité pour le ministre. Le problème est cependant très complexe, dans la mesure où il ne s'agit pas seulement des classifications de fonctions, mais aussi de la répartition sur le marché du travail et des différences individuelles entre hommes et femmes. De nombreuses différences objectives sont mises en évidence. Les femmes optent plus souvent pour le travail à temps partiel et plus souvent aussi pour certains secteurs déterminés. Est-ce une question de choix d'études ou de mentalité ? La question doit encore être étudiée. On constate également que les femmes progressent plus difficilement dans la carrière et que le fait de travailler à temps partiel pose problème à cet égard. Une étude menée aux Pays-Bas montre qu'après une interruption de carrière, les femmes éprouvent plus de difficultés que les hommes à relancer leur carrière. En outre, elles sollicitent moins souvent une promotion et posent moins souvent leur candidature à une fonction supérieure. Cela peut s'expliquer en partie par le fait qu'elles manquent de modèles. En effet, les femmes sont peu nombreuses dans les fonctions supérieures.
Des problèmes peuvent également se poser lorsqu'il s'agit de postuler à certaines fonctions. Le profil de la fonction est parfois à ce point détaillé qu'il semble véritablement taillé sur mesure pour un homme ou pour une femme. Mme Yassir évoque, à titre d'exemple, le profil d'une caissière. Du fait que les horaires de travail sont flexibles, qu'il s'agit souvent d'une fonction à temps partiel et que la plupart des collègues sont des femmes, le profil en question s'adressera avant tout à des femmes. La ségrégation sur le marché du travail est aussi bien horizontale que verticale. Les femmes se retrouvent souvent dans un secteur déterminé ou dans une certaine profession qui, de surcroît, est moins bien rémunérée, comme dans le secteur du bien-être. Une autre question est celle de savoir pourquoi les secteurs en question sont moins rémunérateurs. Est-ce précisément parce que ce sont surtout des femmes qui y travaillent ? Pourquoi une infirmière n'est-elle pas valorisée financièrement lorsqu'elle soulève de lourds malades, alors qu'un ouvrier de la construction l'est lorsqu'il soulève de lourdes briques ? Quant à la ségrégation verticale, elle ressort clairement du fait que les femmes n'accèdent que difficilement aux fonctions supérieures.
La classification des fonctions n'est donc qu'une petite partie du fossé salarial, bien que des discriminations puissent effectivement apparaître sur le plan de la pondération des fonctions. Des classifications de fonctions neutres du point de vue du genre permettraient de remédier à ce problème. Il est toutefois essentiel de travailler simultanément sur divers terrains, par exemple en encourageant les femmes à faire des choix d'études non traditionnels. Il est très important de faire évoluer les mentalités.
Concrètement, le ministre peut sensibiliser les partenaires sociaux au problème de la ségrégation sur le marché du travail. Une autre piste peut consister à élaborer des classifications de fonctions neutres du point de vue du genre. Une étude effectuée l'été dernier a montré que de très nombreux secteurs ne disposent pas encore d'une telle classification de fonctions. Le ministre souhaiterait affiner cette étude et également avoir une concertation à ce sujet avec les partenaires sociaux. Cette concertation se fera dans la discrétion, le but étant d'entendre le point de vue de chacun et d'élaborer une stratégie concrète.
Mme Yassir pense que la proposition visant à imposer des résultats après trois ans n'est pas réaliste. Le problème est trop complexe pour cela. Toutefois, la publication d'un rapport annuel pourrait être utile. En ce qui concerne la demande d'étude sur la différence entre le travail à temps partiel et le travail à temps plein, l'intervenante dit souhaiter une étude générale. Elle estime qu'il est très important de savoir quelle évolution peut avoir de l'influence sur une carrière, sur les opportunités de promotion, sur la réintégration, sur les possibilités de transition professionnelle, etc. Cela a également une influence indirecte sur les différences de rémunération. Elle pense en effet que les femmes éprouvent surtout des difficultés à évoluer dans leur carrière après avoir travaillé à temps partiel. Il est également frappant de constater que les femmes prennent généralement une interruption de carrière lorsqu'elles deviennent mères, donc pendant la construction de leur carrière. Les hommes, eux, travaillent généralement à temps partiel en fin de carrière, lorsqu'ils s'apprêtent à décrocher.
Au niveau flamand, il y aurait lieu d'examiner le problème de l'entrée sur le marché du travail. Cette entrée est directement liée au choix des études et au choix de la profession.
Enfin, Mme Yassir souligne qu'il existe suffisamment de moyens juridiques pour dénoncer les discriminations. Toutefois, une discrimination est très difficile à prouver, ce qui explique pourquoi si peu de cas donnent effectivement lieu à une action en justice. Faire imposer une adaptation de CCT par voie judiciaire ne semble pas réalisable.
2. Exposé de Mme S. Debunne, consultante dans le domaine de l'égalité hommes-femmes pour la cellule stratégique de M. Ch. Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances
La classification des fonctions figure aussi au rang des priorités du ministre Dupont. Le projet EVA qui est en cours depuis quelque temps comprend un volet consacré à une classification neutre en termes de genre, la mise en place d'un guide et d'un cd-rom relatif à cet outil et une étude quantitative et qualitiative de l'application du système de classification des fonctions analytique, réputé plus neutre. Des résultats seront disponibles sous peu.
La concertation avec les partenaires sociaux s'inscrit dans les objectifs de Pékin. Ses résultats pourraient figurer dans le rapport annuel sur la mise en œuvre de ces objectifs.
La charte sur le gendermainstreaming apporte un soutien aux actions menées dans ce cadre.
Comme Mme Yassir l'a indiqué, l'écart salarial est un élément des discriminations dont sont victimes les femmes. On ne peut apporter de solutions ponctuelles. Il faut un plan global et concerté, une approche multidimensionnelle prenant en compte les différents points de l'écart salarial. Le problème est complexe.
Le choix entre temps plein ou temps partiel n'est qu'un des éléments de l'écart salarial. Il serait donc intéressant de commander une étude plus large que celle prévue dans la proposition de résolution.
L'Institut travaille en ce moment avec le Conseil de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes en vue de rééditer une brochure mettant en exergue l'impact du choix du travail à temps partiel.
Il existe déjà énormément d'outils pour combattre les discriminations. Il s'agit surtout de connaître les instances chargées de lutter contre celles-ci. L'application correcte des mécanismes de lutte contre les discriminations dépend aussi d'une bonne concertation avec les partenaires sociaux. Dans le cadre de la sensibilisation aux structures existantes, l'Institut va lancer une campagne d'information sur ses compétences en matière d'écart salarial.
Inciter les entreprises à adopter sur le plan interne des mesures favorisant l'égalité constitue aussi la préoccupation d'un projet auquel travaillent les ministres de l'Égalité des chances et de l'Emploi. L'idée consiste à créer un label intégrant les différentes dimensions de la diversité, d'une part la diversité culturelle et, d'autre part, l'égalité hommes-femmes. Ce label est élaboré en concertation avec les régions et avec les partenaires sociaux. Il incitera les entreprises à élaborer des plans d'égalité et de diversité.
3. Échange de vues
Mme Van de Casteele remarque que la question des inégalités de salaires entre hommes et femmes est complexe. Elle était déjà épinglée il y a dix ans et on se heurte toujours aux mêmes réalités. En fait, le problème ne tient pas tant à une différence de salaires entre des hommes et des femmes qui exercent les mêmes fonctions dans une entreprise. Le vrai problème tient au fait que les femmes exercent des métiers différents et que ces métiers sont souvent moins bien cotés que ceux exercés par les hommes. Il n'est évidemment pas aisé de remédier à cette situation.
Par ailleurs, les femmes ont souvent une carrière plus courte, avec des interruptions. Dans le cadre du dossier sur les fins de carrière, le gouvernement a annoncé certaines initiatives.
Il faut dès le départ bien cerner le débat. Allons-nous discuter de la classification des fonctions, question très technique, ou abordons-nous l'ensemble de la problématique avec les choix du temps partiel, répartition inégale des charges ménagères au sein du couple, individualisation des droits en sécurité sociale, etc.
La sénatrice est d'avis que le mouvement de femmes a parfois commis une erreur en insistant sur le fait que les hommes et les femmes sont égaux. Or, les hommes et les femmes sont différents mais ils ont la même valeur et les fonctions qu'ils exercent ne doivent pas être les mêmes mais doivent être considérées de la même façon. C'est le point de départ qu'il convient d'adopter si l'on veut faire des progrès dans ce dossier.
Mme Anseeuw demande à Mme Yassir si un timing est prévu pour la concertation avec les partenaires sociaux.
Le ministre a-t-il l'intention d'instituer un droit à l'information pour un travailleur au sujet du salaire de son collègue s'il soupçonne que celui-ci est mieux rémunéré pour une fonction similaire ?
Mme Van de Casteele émet certaines réserves concernant ce dernier point. Elle se dit favorable à la possibilité de faire dépendre une partie de la rémunération de la motivation et de l'engagement du travailleur, mais cela complique évidemment toute comparaison neutre entre deux salaires.
L'intervenante souhaite en revenir au fait que Mme Yassir considère le délai de trois ans proposé dans la résolution comme irréaliste, vu la complexité du dossier. Elle entend cette réponse depuis de nombreuses années. Or, à un moment donné, il faut pouvoir fixer un agenda et s'engager. On ne peut pas se cacher indéfiniment derrière l'argument de la complexité d'un dossier.
Elle réagit par ailleurs positivement à l'idée de considérer toutes les discriminations sur le marché du travail comme un tout, plutôt que d'essayer de tout résoudre séparément. Cela ne signifie toutefois pas qu'il ne faille pas s'attaquer à des problèmes ponctuels tels que le choix des études chez les filles, le manque d'assertivité des femmes lors des négociations ou encore la problématique des carrières incomplètes. Mais dès lors qu'il s'agit de déterminer ce que les entreprises doivent faire sur le lieu de travail, l'intervenante est favorable à un plus large débat auquel il faut associer tous les groupes cibles.
Elle souligne en outre qu'on assiste aujourd'hui, dans la société, à une évolution irréversible vers une féminisation de certaines professions. Ainsi, on compte actuellement plus d'étudiantes que d'étudiants en médecine, ce qui entraînera automatiquement une féminisation de la profession. Il faut aussi, de ce fait, s'intéresser à d'autres questions, comme celle des possibilités de congé social pour les hommes. Mme Laloy a naguère proposé que l'on oblige les hommes à prendre leur congé de paternité. De telles mesures contribueraient à supprimer progressivement les différences entre les travailleurs et les travailleuses sur le lieu de travail. Le « risque d'absence » serait ainsi équivalent pour les deux catégories. Cela permettrait aux employeurs de mieux se rendre compte que tant les hommes que les femmes ayant des enfants en bas âge ont davantage besoin de flexibilité.
Mme Van de Casteele espère que le ministre voudra bien envisager de mettre au point un instrument qui permette de constater objectivement les discriminations indirectes sur le lieu de travail et de s'attaquer au problème, une tâche qui équivaut actuellement à une gageure. Elle souligne qu'elle reste favorable à l'idée de laisser l'employeur libre d'engager le meilleur candidat à une fonction donnée, étant entendu, cependant, qu'il ne doit pas s'agir systématiquement d'un homme. Une étude sur la valeur ajoutée que la femme peut apporter à l'économie belge pourrait aussi révéler des données intéressantes. Il n'existe actuellement pas assez d'informations permettant d'identifier les causes de certains problèmes.
Enfin, elle estime qu'il est important d'aborder ce débat sous une perspective globale. Le facteur « chance » est lui aussi important dans une carrière. La possibilité d'être présent pour les enfants ne peut pas toujours s'exprimer en termes purement financiers et en possibilités de carrière.
Mme Zrihen donne l'exemple du domaine médical pour lequel les écrits scientifiques doivent être publiés entre 28 et 35 ans pour bâtir une carrière. C'est précisément l'âge auquel les femmes se consacrent plus à leur famille. Elles souffrent donc d'un handicap dans la carrière scientifique.
D'une part, on affirme que les femmes comme les hommes doivent avoir une fin de carrière beaucoup plus proactive, soit quasiment commencer une nouvelle carrière au-delà de 55 ans. Mais d'autre part, on ne peut ignorer les handicaps avec lesquels les femmes se retrouvent à ce moment, par manque de formation ou d'expérience. Il convient de mettre en place des dispositifs particuliers pour permettre aux femmes de se réinsérer sur le marché du travail.
Il ne s'agit pas ici de demander des privilèges pour une classe de la société victime de discriminations. Il faut être attentif à l'évolution de la société et faire en sorte que tout individu qui prend la responsabilité d'assurer l'encadrement d'une famille ait les mêmes droits que les autres.
Il va y avoir des tensions avec la flexibilité et la mobilité qui sont demandées sur le marché de l'emploi. Les femmes risquent d'en être les victimes, à la fois pendant leur carrière, pendant les périodes d'inactivité professionnelle et pour leur pension. Les congés de maternité pour les femmes doivent cesser d'être assimilées à des périodes pour lesquelles les femmes ne cotisent pas et doivent entrer en considération pour le calcul de l'ancienneté.
Mme Pehlivan souligne que de plus en plus de jeunes femmes choisissent d'avoir moins d'enfants ou de ne pas en avoir pour ne pas amputer leur carrière ou compromettre leurs possibilités de promotion. Ce phénomène contribue à son tour au vieillissement de la société, avec tous les problèmes qui y sont liés. Il faut donc veiller à une répartition égale des fonctions entre les hommes et les femmes. En outre, les bonnes intentions ne suffisent plus; l'heure des réalisations concrètes a sonné.
Selon Mme Jansegers, les pays scandinaves ont une longueur d'avance dans le domaine du partage des responsabilités familiales. C'est la raison pour laquelle l'intervenante estime qu'il serait particulièrement opportun de disposer d'un aperçu des mesures prises dans ces pays en vue de mieux partager les responsabilités familiales entre l'homme et la femme, ainsi que des conséquences de ces mesures sur la représentativité sur le marché du travail.
Mme Laloy remarque que la pauvreté touche particulièrement les femmes, surtout les femmes seules avec enfants et qui sont sans emploi. À côté du label qui va être créé, le gouvernement envisage-t-il aussi des incitants financiers à l'égard des employeurs qui engageraient des femmes en situation précaire, avec charge de famille ? Il est temps de prendre des mesures concrètes pour appréhender ces discriminations.
II.2. Réunion du 22 février 2006
1. Exposé de Mme Karen Geurts, collaboratrice Steunpunt Werkgelegenheid, Arbeid en Vorming, rédactrice du genderzakboekje « Zij en hij op de arbeidsmarkt 2005 »
Le Steunpunt Werkgelegenheid, Arbeid en Vorming est une institution interuniversitaire flamande, dont la tâche principale est la mise à disposition de statistiques sur le marché du travail. Elle développe et traite des banques de données statistiques pour les rendre utilisables et interprétables par d'autres chercheurs, par l'administration, etc.
La source utilisée pour les chiffres présentés aujourd'hui est la banque de données de l'ONSS, un instrument unique qui reprend les données salariales individuelles de 91,3 % de tous les travailleurs salariés en Belgique.
L'unité avec laquelle on travaille est le salaire annuel brut moyen. Celui d'un emploi à temps partiel ne pouvant être comparé à celui d'un emploi à temps plein, le salaire moyen d'un travailleur à temps partiel est converti en salaire moyen d'un travailleur à temps plein.
Voici les chiffres du salaire annuel brut calculés en 2001 pour la Belgique.
Sur base annuelle, les femmes gagnent en moyenne 27 700 euros bruts et les hommes 33 600 euros, soit une différence de 5 900 euros. L'écart salarial mesuré en tant que rapport entre femmes et hommes est de 18 %. Cela signifie que les femmes gagnent 18 % de moins que les hommes.
Quelques explications sur la différence entre le rapport femmes/hommes d'une part et hommes/femmes d'autre part.
Si les femmes gagnent 800 euros et les hommes 1 000 euros, il y a une différence de 200 euros. Les femmes gagnent donc un cinquième de moins que les hommes. On en conclut que les femmes gagnent 20 % de moins que les hommes. Si l'on inverse ce rapport, il faut éviter un écueil. Si l'on aborde l'écart salarial par la situation des hommes, on voit que ceux-ci gagnent 25 % de plus. Dans les médias, on affirme par conséquent que les femmes gagnent 25 % de moins que les hommes mais ce n'est pas correct.
Nous travaillons avec la première interprétation de l'écart salarial, à savoir que les femmes gagnent un certain pourcentage de moins que les hommes.
Si l'on compare les salaires de 2001 avec ceux de 1995, il s'avère que les salaires des femmes ont augmenté de 17 % durant cette période, de même que ceux des hommes. L'écart salarial est donc resté stable durant cette période. Des données pour 2004 seront bientôt disponibles et l'on pourra mesurer l'évolution durant les trois dernières années.
Comment s'explique l'écart salarial ? Sur le plan théorique, deux courants s'opposent. Le premier explique l'écart par la discrimination. La cause se situerait du côté de la demande sur le marché du travail. Les employeurs opéreraient des discriminations dans le paiement de leurs travailleurs. L'autre courant affirme que la cause de l'écart salarial se situe du côté de l'offre. Les femmes feraient d'autres choix que les hommes, elles optent pour d'autres professions et d'autres secteurs que les hommes.
La Belgique dispose de trop peu d'études à ce sujet. Nous ne savons pas exactement quelle part de l'écart salarial doit être expliquée par quelles causes. Nous ne savons pas quelle part est due à la discrimination. On ne peut que citer une série de causes.
Une première cause pourrait être le niveau d'études. Un niveau d'études peu élevé est souvent moins payé qu'un niveau élevé. Ce facteur n'explique en tout cas pas l'écart salarial. En effet, les femmes sont en moyenne plus qualifiées que les hommes. Si les femmes âgées sont moins qualifiées, dans les tranches d'âge plus jeunes, les femmes sont un peu plus qualifiées que les hommes.
Un autre facteur d'explication objectif est l'âge. Les travailleuses sont en moyenne plus jeunes que les travailleurs. Les femmes sont plus représentées dans les tranches d'âge jeune, les hommes dans les tranches d'âge élevé. En Belgique les femmes sont arrivées assez tard sur le marché du travail. Elles ont en moyenne une moins grande ancienneté et donc un salaire moins élevé. Chez les hommes et les femmes du même âge, l'écart salarial est donc un peu plus réduit.
Il y a une autre raison encore pour laquelle l'ancienneté moyenne des femmes est moins importante que celle des hommes.
Les femmes font un autre type de carrière que les hommes. En général, les hommes travaillent à temps plein depuis leur jeunesse jusqu'à leur pension. Les femmes interrompent souvent leur carrière par le biais du crédit-temps ou d'autres formes d'interruption de carrière. Elles ont donc une moins grande ancienneté, de sorte que leur salaire moyen est moins élevé. En outre, elles font moins d'heures supplémentaires que les hommes et les heures supplémentaires sont comptabilisées dans le salaire annuel brut.
La discrimination verticale est aussi une explication de l'écart salarial. Plus on monte dans la hiérarchie, moins on rencontre de femmes, alors que les fonctions supérieures sont bien mieux payées que les fonctions moins élevées. Il faut donc favoriser l'accession des femmes aux fonctions supérieures.
Il y a encore une discrimination horizontale ou sectorielle. Les femmes travaillent plus que les hommes dans certains secteurs où les salaires sont souvent peu élevés. Dans les secteurs de l'électricité, de la chimie, de l'informatique, etc., où les salaires sont élevés, ce sont principalement des hommes qui travaillent. Dans le commerce de détail, l'industrie du vêtement, l'horeca, etc., où beaucoup de femmes travaillent, les salaires sont modestes. Cette discrimination sectorielle est donc une explication importante de l'écart salarial.
Que peut-on faire ? Au vu des choix d'études des jeunes, nous pouvons déjà entrevoir que notre marché du travail sera encore fort discriminatoire les cinquante prochaines années. En effet, les jeunes optent encore pour des modèles très sexistes, certainement dans l'enseignement technique et professionnel, mais aussi dans l'enseignement supérieur. Si nous voulons agir, nous devons d'abord travailler sur le plan du choix des études des filles et des garçons.
Certains secteurs connaissent encore un grand écart salarial entre les femmes et les hommes. Il peut être dû aux différentes professions exercées par les femmes et les hommes ou aux différents niveaux de fonction.
Dans les propositions de loi, on se demande également si le travail à temps partiel peut expliquer l'écart salarial. Il faut peut-être examiner cela plus avant. On pourrait mieux expliquer la différence de salaire entre des fonctions à temps partiel et à temps plein par tous les autres facteurs objectifs cités aujourd'hui, en combinaison ou non avec d'autres éléments.
Un autre aspect nuançant l'écart salarial est le fait que, selon des enquêtes internationales, les femmes choisissent davantage certains emplois que les hommes, et ce en raison d'avantages d'une autre nature. Les femmes devant généralement concilier le travail et la famille, elles accordent de l'importance aux conditions de travail, comme les horaires flexibles ou un milieu de travail moins stressant, ce qui représente une petite perte de salaire.
En conclusion, Mme Geurts estime que trop peu d'études ont été faites en Belgique pour pouvoir déterminer avec précision quelles parts de l'écart salarial sont dues à la discrimination d'une part et à d'autres facteurs pouvant être objectivés d'autre part. Les mesures à prendre dépendent de la part de l'écart salarial qui est déterminée par des facteurs objectifs. En tout cas, une série de mesures s'imposent pour réduire à l'avenir l'écart salarial. Cela peut aller d'un renforcement des moyens juridiques pour lutter contre la discrimination, à la sensibilisation des hommes à prendre davantage de responsabilités au sein de la famille, à la sensibilisation des jeunes à opter pour des orientations d'études moins axées sur des modèles sexistes ou encore à la promotion de l'accession des femmes à des fonctions supérieures. Bref, il n'y a pas de solution univoque pour combler l'écart salarial. Il faut réfléchir à une série de mesures politiques.
2. Exposé de M. Tom Vandenbrande, collaborateur Hoger Instituut voor de Arbeid (HIVA)
Il est important de savoir ce que l'on entend vraiment par écart salarial. Il s'agit de différences de rémunération: la différence entre tous les salaires payés aux femmes et tous les salaires payés aux hommes constitue l'écart salarial. Si nous suivons les indicateurs structurels de la Commission européenne, l'écart salarial est en moyenne de 15 % dans l'Union européenne. Pour la Belgique, il serait de 6 % et de 19 % pour les Pays-Bas. Il est évident que même cette source qui est quand même considérée dans tous les États membres comme l'indicateur essentiel, utilise les données chiffrées de manière un peu trop superficielle. La différence paraissant absurde entre les pourcentages belge et néerlandais, il semble clair que les Pays-Bas utilisent une autre méthode de calcul.
L'écart salarial ne concerne pas uniquement des différences de rémunération. De telles différences sont acceptables, par exemple pour des femmes qui sont plus jeunes, qui travaillent dans d'autres secteurs, dans d'autres fonctions. L'inégalité salariale constitue par contre un problème: un employeur ne peut rémunérer différemment un homme et une femme pour un même travail.
L'inégalité salariale est très souvent démontrée à l'aide de chiffres relatifs aux différences de rémunération. Les données relatives à l'inégalité salariale doivent tenir compte des différents aspects de la carrière: fonctions, entreprises, âge, ancienneté.
Les chiffres cités concernent le salaire horaire brut en tant que reward indicator. On ne tient donc pas compte de la rémunération totale (total remuneration) dans laquelle sont également repris tous les éléments variables et les avantages complémentaires tels que convenus dans le contrat de travail. La total remuneration englobe donc aussi un PC, un GSM, une voiture de société, une carte de carburant, etc. Les secteurs dans lesquels sont versés des salaires importants octroient également de nombreux avantages complémentaires. L'écart salarial est donc encore plus large si l'on tient compte de ces aspects.
Lors du calcul des différences de rémunération, on pourrait également tenir compte du total reward qui porte sur d'autres éléments encore, comme le contenu des tâches, l'horaire, la sécurité d'emploi, les conditions de travail, les possibilités d'apprentissage, le statut dans la société.
Les raisons pour lesquelles les hommes gagnent davantage que les femmes sont liées à des choix individuels relatifs à la formation, au plan de carrière, aux choix faits au cours de la carrière. Un salaire égal pour un travail égal doit être l'objectif.
Le projet www.votresalaire.be est un projet international. La partie belge est suivie par le HIVA, en collaboration avec un syndicat.
Son but est de recueillir de nombreuses informations sur les salaires et la qualité du travail par le biais d'une enquête internet à grande échelle. L'écart salarial ou les inégalités de rémunération seront calculés de manière objective à partir de ces données. Des recommandations seront également rédigées à l'intention des partenaires sociaux. En effet, il faut résoudre le problème non seulement en légiférant, mais également par le truchement de la concertation sociale.
Entre-temps, on a déjà reçu 15 000 formulaires, dûment complétés. Ceux-ci doivent encore être contrôlés et traités. L'objectif est de mesurer l'écart salarial chaque année en septembre, de manière à pouvoir se faire une idée de son évolution.
Le calcul s'effectuera sur la base d'un salaire horaire brut et consistera à diviser la rémunération des intéressés par le nombre d'heures de travail qu'ils accomplissent. Cela permettra de procéder aux ajustements nécessaires en ce qui concerne la différence entre le travail à temps partiel et le travail à temps plein. Le salaire horaire moyen s'élève à 17,2 euros, soit 18,5 euros pour les hommes et 15,2 euros pour les femmes. Les hommes gagnent donc 22 % de plus que les femmes ou, autrement dit, les femmes gagnent 18 % de moins que les hommes.
Quand on compare différentes études, il faut toujours tenir compte du point de départ. Pour pouvoir évaluer correctement cette différence de 18 %, il faut prendre en compte une série d'aspects supplémentaires, tels que les caractéristiques de la fonction exercée et l'entreprise où l'on travaille. Il ne subsiste finalement que l'écart salarial non explicable, qui constitue la discrimination effective.
Selon plusieurs études, l'écart salarial non explicable peut atteindre 50 %. Mais ces études ne tiennent compte que de quelques facteurs. La présente enquête tente de prendre en considération un maximum de facteurs, dont celui de l'ancienneté, par exemple. L'intervenant part du principe que 9 % de l'écart salarial est inexplicable.
L'écart salarial total équivaut à 18 %. Il existe une différence de rémunération en faveur des hommes mais elle est plus réduite dans certains groupes d'âge. Chez les plus jeunes, la différence tourne autour des 10 % et elle est d'environ 5 % chez les personnes plus âgées.
Il ressort des chiffres que, quel que soit le statut (ouvrier, employé, cadre ou fonctionnaire), il existe généralement un écart salarial. C'est uniquement chez les contractuels, des personnes la plupart du temps employées dans des services publics et sans doute souvent plus jeunes, qui n'ont pas reçu un contrat stable pour différentes raisons, que l'écart salarial est inverse et que les femmes gagnent plus que les hommes. Il est frappant que l'écart salarial soit le plus important chez les ouvriers. Sans doute est-ce une conséquence du rôle joué par l'âge.
Il ne ressort pas directement de la répartition entre les emplois à temps plein et les emplois à temps partiel qu'il existerait une discrimination à l'égard des emplois à temps partiel. Ces derniers gagnent bien entendu moins mais ils perçoivent un salaire similaire proportionnellement à leurs prestations. L'écart salarial chez les personnes travaillant à temps partiel et celles travaillant à temps plein est environ tout aussi important; les premières gagnent même un peu plus que les membres du personnel à temps plein.
La complexité de l'emploi a été examinée en sondant le temps qui est nécessaire pour se familiariser avec une fonction. Celui qui a besoin de six mois pour ce faire possède un emploi plus compliqué que quelqu'un qui s'adapte en quelques jours.
À l'exception de la catégorie « 3-6 jours », l'écart salarial augmente quelque peu au fur et à mesure que le travail devient plus complexe. Plus la complexité s'accroît, plus la rémunération augmente.
En ce qui concerne l'écart salarial, nous ne voyons guère de différences entre les entreprises comptant peu de femmes et d'autres qui en emploient beaucoup, à l'exception des sociétés qui emploient presque exclusivement des femmes. Dans leur cas, l'écart salarial est un peu plus important.
Une dernière constatation étonnante dans le lien entre l'écart salarial réel et la réponse à la question: « Pensez-vous que les hommes et les femmes reçoivent des chances égales au sein de l'entreprise ? ». L'écart salarial semble être plus grand dans le groupe qui estime que les hommes et les femmes sont traités de la même manière. C'est bien entendu très marquant et il s'agit à nouveau de la confirmation qu'il faut continuer à étudier ce point. Il est parfois dangereux de tirer des conclusions rapides sur la base de données brutes.
Quels sont les projets pour l'avenir ?
En premier lieu, on va tenter de bien cadrer toutes les données afin de disposer pour septembre d'une meilleure image de l'écart salarial et du traitement inégal. Sur la base des données collectées, le site fournit des informations, surtout destinées aux délégués des travailleurs — la CSC fait en effet partie du projet — mais aussi, plus largement, à tous les participants au dialogue social. Chacun peut toujours participer à l'enquête sur www.votresalaire.be. Les résultats et des informations plus générales sur les salaires, la fixation du niveau des salaires et les choix relatifs à la carrière sont aussi placés sur le site.
Durant les prochaines semaines, les chercheurs se pencheront sur les effets des choix relatifs à la carrière sur le salaire et la carrière.
En deuxième lieu seront mesurés l'écart salarial et la rémunération inégale.
En troisième lieu est envisagé un instrument intéressant pour s'attaquer réellement à l'écart salarial. Il existe de grandes différences entre les secteurs. Les données seront étudiées par commission paritaire et des fiches établies pour les secteurs les plus importants car durant les négociations salariales, les négociateurs ne consultent pas de grandes études. Ces fiches rassembleront les antécédents les plus importants d'éventuels écarts salariaux et indiqueront, pour la concertation sociale, les stratégies de solution éventuelles dégagées de l'étude.
Les deux derniers points sont des actions que l'HIVA et le syndicat mènent ensemble.
Dans des entreprises pilotes, des initiatives sont lancées afin de réduire l'écart salarial. Au cours des prochains mois sera élaborée la manière concrète de réaliser ces actions.
À la fin du projet, seront certainement organisées des rencontres d'experts et des initiatives de formation. Ce sera peut-être pour 2008.
3. Échange de vues
Mme Pehlivan, présidente, constate qu'il ressort des auditions que nous ne disposons pas encore d'études en suffisance pour découvrir la cause du problème. Le sujet doit à présent être évoqué dans le cadre de la concertation sectorielle et les pouvoirs publics pourront éventuellement apporter des corrections.
Mme Zrihen déclare que les informations reçues la confortent dans le fait que les statistiques que nous réclamons depuis des années ne sont pas inutiles. Nous ne pouvons développer des stratégies en vue d'obtenir un dispositif garantissant l'égalité salariale sans être au fait de la situation. La dimension du genre dans le domaine du travail n'est pas une annexe à toutes les propositions qui peuvent être avancées à l'échelon européen. Il s'agit en réalité d'un objectif fondamental. Il est impossible de se concerter au niveau du Conseil des ministres européens, de mettre l'Agenda de Lisbonne au cœur des prochains Conseils des ministres en passant sous silence la question de la place des femmes sur le marché du travail.
Nous ferions fausse route en nous contentant de fixer des quotas sans tenir compte de la qualité du travail. En agissant de la sorte, nous ferions fi de notre modèle social, qui est tout à fait particulier.
Les femmes, contrairement aux hommes, doivent répondre à trois exigences difficiles à concilier. Elles doivent structurer la vie familiale car, quoi que l'on en dise, elles sont toujours au centre du dispositif. En outre, les familles monoparentales sont de plus en plus nombreuses et les femmes y sont largement majoritaires.
Elles doivent avoir des enfants.
Enfin, elles sont fréquemment amenées à prendre en charge les parents âgés.
Le paradoxe, c'est que la société considère toutes ces fonctions comme étant subalternes, ce qui justifierait les inégalités salariales. La féminisation d'un secteur s'accompagne automatiquement d'un lissage des rémunérations et d'une perte en notoriété et en qualité.
En outre, tout ce que les femmes font en plus est disqualifié. À l'époque du service militaire, l'année passée sous les drapeaux était prise en considération pour le calcul de l'ancienneté des hommes. Il en va différemment quand les femmes mettent des enfants au monde. C'est inadmissible. La fonction reproductrice est quand même fondamentale pour la société.
Le fait que les structures autour de la vie familiale empêchent les femmes d'être plus disponibles les oblige à prendre des dispositions pour assumer des horaires flexibles et assurer une présence en famille. Quand des perspectives de promotion s'offrent à elles, les femmes évaluent d'abord leur impact potentiel sur la vie de famille et sur l'ensemble du réseau familial avant de les accepter, quelles que soient leurs compétences.
Parfois, un homme prendra la fonction, pour ensuite leur déléguer le travail à effectuer, et ce en raison de l'inégalité structurelle du travail qui règne au sein des administrations.
Il faut changer radicalement, dans les faits et au moyen d'un screening extrêmement précis, la manière de considérer l'égalité dans le travail, sans oublier que nous serons tenus, à l'avenir, de travailler jusqu'à 65 ou 68 ans pour nous aligner sur les critères européens. Sans cette modification radicale, les femmes qui auront des carrières interrompues et/ou à temps partiel parce qu'elles auront assumé des fonctions sociales, recevront des pensions qui n'en seront pas. Un dispositif de précarisation extrêmement grave serait ainsi créé. Le principe « À travail égal salaire égal » va bien au-delà d'une simple revendication d'égalité des chances. Il s'agit d'une question fondamentale pour la structuration d'une société qui veut assurer un véritable développement économique et une croissance où tous les acteurs ont leur place.
Nous ne pouvons que poursuivre dans la voie du lobbying et des pressions, pour résister à ceux qui nous opposent le surcroît de travail chaque fois que nous demandons de faire du gendermainstreaming dans les statistiques et les budgets. Il s'agit simplement de relever une erreur d'analyse présente au départ.
II.3. Réunion du 22 mars 2006
1. Exposé de Mme A. Cornet, professeure, HEC-École de gestion de l'ULG, responsable Unité de recherches EgiD (Études sur le genre et la diversité en gestion)
À titre de remarque préliminaire, il convient de distinguer l'égalité salariale de l'équité salariale.
L'égalité salariale (« À travail égal, salaire égal ») consiste à rémunérer de la même manière les hommes et les femmes qui occupent un même poste et fournissent le même travail.
L'équité salariale (« À travail équivalent, salaire équivalent ») suppose de rémunérer de la même manière les emplois de valeur égale, que ceux-ci soient occupés majoritairement par des hommes ou par des femmes.
L'équité salariale requiert que les systèmes de salaire soient contrôlés pour éliminer toute discrimination ou tout désavantage direct et systémique fondé sur le genre.
Quels sont les facteurs de discrimination ?
— Ségrégation horizontale: c'est la difficile question des « comparables »: comment établir un salaire de référence si le métier et/ou la fonction est exercé uniquement par des femmes ?
— Ségrégation verticale du marché du travail: c'est notamment pour les femmes cadres que les écarts salariaux sont les plus importants.
— Temps de travail: temps partiel, flexibilité.
— Type de carrière: les femmes interrompent plus souvent leur carrière que les hommes (pause-carrière et congé de maternité, retrait pour soutien à des personnes dépendantes), ce qui affecte leur carrière et leur progression salariale.
— Système de valorisation des compétences et de description de fonctions: les femmes occupent souvent des emplois où leurs compétences et leur contribution sont sous-évaluées.
— Influence d'autres facteurs sur le salaire net, par exemple les bonus, le salaire au rendement, les paiements en nature etc., la disponibilité pour des heures supplémentaires et certaines formes de flexibilité, qui profitent surtout aux hommes.
— Les femmes vont plus souvent que les hommes négocier des récupérations et/ou des jours de congé plutôt que des heures de travail supplémentaires rémunérées.
— Il apparaît aussi que les femmes disposent d'un moins grand pouvoir de négociation individuel (assertivité, affirmation de soi, capacité de négociation, valorisation des expériences antérieures et des compétences mises en œuvre) et collectif (peu ou pas soutenu par les syndicats) en matière de fixation des salaires.
Seront abordées six pistes d'action:
1. Disposer de données sexuées sur les salaires et plan d'équité en matière d'emploi
2. Introduction d'un système de classification analytique (projet EVA — Institut pour l'égalité des femmes et des hommes)
3. Révision des critères de classification de fonctions
4. Comparaison des salaires pour les fonctions majoritairement masculines par rapport aux salaires des fonctions majoritairement féminines
5. Temps de travail
6. Autres aspects de gestion des ressources humaines
1. Statistiques sexuées
Il est important de disposer de données chiffrées. En Belgique, il faut indiquer dans le bilan social le nombre d'hommes et de femmes qui travaillent dans l'entreprise. Il faudrait, en outre, un bilan des ressources humaines, avec publication de la répartition des fonctions par genre et par niveau de salaire.
On peut envisager la possibilité pour quelqu'un qui s'estime discriminé de demander le salaire d'un collègue.
2. La mise en place d'un système de classification analytique
L'hypothèse de départ est que la formalisation d'une description et d'une classification des fonctions à partir d'une grille d'analyse analytique va permettre de supprimer la part « d'arbitraire », de « subjectif », de stéréotype, qui peut déboucher sur des salaires différents pour des hommes et des femmes.
Il s'agit de passer d'un système arbitraire ou individualisant à un système objectivant. C'est important notamment pour les PME et pour les fonctions qui ne relèvent pas de conventions collectives de travail, notamment celles de cadres.
Remarquons que, si un tel système existe, il est très difficile de faire comprendre qu'il peut y avoir malgré tout un problème d'équité salariale.
Or, le problème peut se situer au niveau des critères de classification, de la surévaluation des fonctions majoritairement masculines à l'inverse des fonctions féminines ou des systèmes de rémunérations.
3. Biais sexistes dans le choix des critères et/ou leur valorisation — Révision des critères de classification des fonctions
— On peut s'interroger sur l'apparente objectivité de tout système de description et de classification, y compris le système analytique (choix et pondération des critères utilisés)
— Le sexisme peut survenir à différents points du processus: dans la collecte des renseignements sur les catégories d'emploi, la définition des facteurs et sous-facteurs d'évaluation, la pondération des facteurs et dans le processus même de l'évaluation (discrimination systémique)
— Les compétences liées à l'exercice de métier à prédominance féminine sont censées être « naturelles » aux femmes
— Certaines compétences ont tendance à occulter les autres compétences nécessaires pour l'exercice du métier. Par exemple, dans le métier d'infirmière, l'aspect relationnel sera mis en évidence au détriment des aspects techniques et des efforts physiques requis par le métier.
Des aspects oubliés du travail des femmes ?
— La motricité fine et rapide (saisie de données sur ordinateur, utilisation du clavier, utilisation d'une machine à coudre, etc.).
— La capacité à exercer plusieurs tâches en alternance rapide (regarder l'écran, consulter un document, répondre au téléphone et à un client au comptoir).
— La capacité à travailler dans un environnement psychologique difficile (avec des enfants, des clients hostiles, des personnes ayant une déficience intellectuelle, etc.).
Quand le Canada a commencé son programme d'équité salariale, on a constaté qu'un gardien de zoo obtenait un salaire supérieur à celui d'une institutrice maternelle.
S'occuper d'animaux était perçu comme un acte technique alors que veiller sur des enfants était considéré comme une tâche naturelle.
La commission de l'équité salariale de l'Ontario donne une liste plus précise de ces aspects les plus souvent oubliés.
4. Ajustement salarial pour les fonctions majoritairement féminines en regard de « l'équivalent masculin »
Cet ajustement va beaucoup plus loin que la classification analytique.
a) Au départ, il faut admettre que, historiquement, les fonctions majoritairement occupées par des femmes sont moins rémunérées que les fonctions occupées majoritairement par des hommes. Cela s'explique par plusieurs conceptions.
L'idée reste très ancrée que le salaire de la femme est un « second salaire ».
On a l'impression que les femmes mobilisent des compétences « naturelles » qui ne doivent donc pas être rémunérées (c'est simplement une extension de leurs compétences dans la sphère domestique).
De manière générale, on pense que les femmes sont moins « exigeantes » sur le salaire de base (il y a souvent un lien entre équité salariale et niveau du salaire minimum). La masculinisation d'une fonction s'accompagne d'ailleurs d'un effet de revendication qui modifie les salaires à la hausse.
b) Le processus suppose aussi que l'on admette qu'il y a eu des biais et qu'un réajustement salarial est nécessaire. On s'inscrit dans une logique de réparation.
Quatre facteurs ont été utilisés au Canada pour réaliser l'évaluation des emplois:
— Les qualifications requises (scolarité, expérience de travail, connaissance des langues, capacité rédactionnelle ...). Remarquons que la scolarité n'est pas le seul facteur car il pénalise parfois les femmes, surtout dans les filières techniques où les hommes ont accès à une fonction par leur diplôme et les femmes plutôt par des formations internes à l'entreprise;
— Les responsabilités réellement assumées (supervision du personnel, responsabilité vis-à-vis de la qualité des produits ...);
— Les efforts requis (effort physique, effort mental, complexité de la tâche, degré d'autonomie, concentration ...);
— Les conditions dans lesquelles le travail est effectué (environnement physique, environnement psychologique, rythme de travail, déplacements fréquents ...).
Quelques exemples concrets:
Dans un hôtel, l'emploi féminin de femme de chambre a été comparé à l'emploi masculin de portier. Dans une entreprise, l'emploi de commis-comptable (féminin) a été comparé à celui de vendeur de pièces (masculin) et celui de secrétaire-réceptionniste à celui de machiniste. Chez un concessionnaire, on compare directrice du personnel avec directeur des ventes.
Un problème se pose lorsque le secteur ou métier est majoritairement féminin, et qu'on ne dispose pas de fonctions majoritairement masculines de référence. Au Québec, on procède à des comparaisons très techniques entre entreprises et entre secteurs.
5. Influence du temps de travail
a) Valorisation ou non d'années d'ancienneté et d'expertise spécifique. Exemple: un séjour de huit mois de travail à l'étranger doit-il être comptabilisé comme huit mois ou davantage ? Souvent, l'ancienneté est prise en compte uniquement pour les travailleurs à temps plein ou pour les statutaires, les années prestées en tant que contractuels n'étant pas comptabilisées.
b) Primes liées à la flexibilité (heures supplémentaires) et aux horaires de travail. Exemple: dans le secteur de la distribution, les chefs de rayon masculins sont mieux payés (différentiel de 20 % !) parce que leur poste correspond à un régime de travail de 41 heures pour 38 heures dans les postes occupés par des femmes. Or, quand une femme est engagée, elle se voit systématiquement proposer le poste de 38 heures.
c) Impact des congés de maternité et des congés parentaux. Plusieurs propositions visent à prendre en compte ces congés dans le calcul de l'ancienneté.
d) Avantages accordés à certains types de travailleurs. Beaucoup d'avantages salariaux ne sont accordés qu'aux travailleurs à temps plein.
e) Poids de « l'absentéisme ». Le congé de maternité, par exemple, est calculé par les human ressources managers dans un indicateur d'absentéisme.
6. Autres facteurs influençant les rémunérations
a) Positionnement du salaire de base — catégorie de départ
A priori, hommes et femmes bénéficient du même barème. Or, il apparaît dans certaines entreprises que certains se sont vus proposer dès le départ une ancienneté fictive de trois ans.
Dans les communes, on constate qu'un homme sous contrat APE (« Aide à la Promotion de l'Emploi ») est directement considéré comme relevant d'une catégorie supérieure à celle de la femme sous le même contrat.
Ce genre de discriminations peut avoir énormément d'impact mais est évidemment très difficile à mettre en évidence.
b) Compétences et évaluation
Pour les cadres surtout, une grande partie du salaire est variable, en fonction des critères d'évaluation. Le choix des critères (exemple: flexibilité) ou les modalités de l'évaluation sont déterminantes.
c) Compléments salariaux
Qui a droit à ces avantages: uniquement les travailleurs à temps plein, ceux ayant un minimum d'ancienneté, un salaire minimum ... Cela concerne les assurances complémentaires, les épargnes-pension, voiture de société, gsm, portable, ...
d) Importance d'articuler l'équité salariale avec les autres dimensions de gestion et ressources humaines: il faut lier l'équité salariale à la classification de fonctions, à l'évaluation, aux règles de promotion.
Les difficultés et obstacles sont nombreux.
a) Il faut obtenir l'adhésion des acteurs sur l'existence d'une situation d'inégalité. Les employeurs, mais aussi parfois les syndicats, et les femmes comme les hommes, pensent que les différences sont dues à des facteurs objectifs.
b) Il est difficile de faire comprendre la différence entre égalité et équité, entre discriminations directes et discriminations systémiques.
c) Les associations d'employeurs pensent que les différences sont dues à des facteurs objectifs. Il y a des différences objectives entre le temps plein et le temps partiel. Il est donc normal que les travailleurs ne bénéficient pas des mêmes avantages.
d) Il n'y a pas de réelle volonté de changement dans le chef des employeurs, notamment par peur des coûts directs et indirects:
— Coûts du diagnostic (temps, prix des experts, ...)
— Coût direct et indirect (temps de travail) de la formation interne
— Coûts du réajustement
Le coût du réajustement ne doit pas être exagéré. Au Québec, les études montrent que les réajustements, même dans de grosses entreprises, ne représentaient que 2 à 5 % de la masse salariale globale, qui pouvaient par ailleurs être étalés sur cinq ans. Dans le dispositif le plus contraignant, le maximum de réajustement ne constituait donc que 5 % de la masse salariale.
e) Il n'y a pas toujours de demandes des employés (des hommes mais aussi des femmes): les différences salariales sont parfois perçues comme « normales ».
f) Le scénario existant est rentable et souhaité. La mise en place d'un processus d'équité salariale a pour effet de tirer les bas salaires vers le haut. Les employeurs ont évidemment intérêt à disposer d'une main d'œuvre qu'ils peuvent payer moins.
g) C'est un domaine très technique qui demande des compétences pointues.
h) On ne trouve pas toujours de comparables internes (distribution des salaires pour fonctions masculines).
i) La problématique renvoie à des rapports de pouvoir interne (ex: syndicat ouvrier majoritairement masculin) et externe.
j) Il est difficile de trouver des critères communs et objectifs pour des fonctions très différentes.
k) Le processus de diagnostic et de mise en place est long.
C'est un dossier très complexe et technique. Il mobilise des compétences en matière de systèmes et outils de la GRH, des compétences en genre, stéréotypes sexistes et rapports sociaux et des compétences en matière de processus de négociations collectives.
Quels sont les facteurs de succès ?
a) Un cadre législatif contraignant sur les dispositifs, notamment sur les statistiques à fournir
b) Des données fiables sur l'écart entre les salaires des hommes et des femmes
c) Une allocation de ressources spécifiques pour le développement d'un savoir-faire dans le domaine des bilans en matière d'égalité de rémunération (Au Québec, la commission d'équité salariale compte quinze personnes, expertes dans tous les aspects de la matière). De tels projets nécessitent des expertises spécifiques.
d) L'implication de toutes les parties à toutes les étapes du processus, donc employeurs, employés (hommes et femmes) et syndicats.
e) L'élaboration d'une liste de points à vérifier en matière d'égalité de rémunération pour aider les négociateurs à soutenir le processus de négociation collective.
f) La mixité des groupes de travail (hommes-femmes) et amélioration de la représentation des femmes dans les équipes de négociation collective. Inclure des femmes dans le processus est un facteur nécessaire mais pas suffisant, les femmes étant elles-mêmes porteuses de stéréotypes en la matière et devant elles aussi être formées aux principes de la description et de l'évaluation de fonctions
g) La disponibilité des outils dès le début: un logiciel qui vise à aider les petites entreprises qui ne peuvent ou ne veulent pas payer un consultant. Le logiciel facilite les étapes de la démarche: identification des catégories d'emplois, détermination de la prédominance sexuelle des emplois, évaluation des emplois, comparaison, pondération des facteurs et sous-facteurs, calcul de la rémunération globale. Il calcule automatiquement les écarts salariaux, les versements des ajustements et le calcul rétroactif de ces ajustements.
h) La formation dès le début les personnes impliquées (partenaires sociaux, experts, consultants, ...). L'idéal est une formation conjointe de l'employeur et des syndicats.
i) L'évaluation des coûts directs (revalorisations salariales) et indirects.
j) Un travail sur l'ensemble des postes de travail et choix d'une méthode analytique, la plus objective en matière de description et d'analyse de fonctions
k) Le recours à des listes de compétences dites « féminines ». Ce recours peut aider dans la mesure où ces listes rendent visibles des savoirs et compétences qui sont souvent peu pris en compte ou tenus comme « naturels » aux femmes.
2. Échange de vues
Mme Hermans constate que la problématique est tellement complexe qu'on n'arrivera jamais à une situation parfaite. Selon elle, il faut essentiellement donner des moyens d'actions aux femmes pour améliorer leur situation. Lors d'un entretien d'embauche ou de promotion, on n'a parfois aucune idée de ce qu'on peut exiger. Que pense l'oratrice de la possibilité de consulter de manière anonyme les salaires des autres travailleurs ? La sénatrice estime qu'il faut un système plus transparent mais qui garantisse une certaine anonymité mais comment l'organiser ?
Mme Cornet reconnaît que les pratiques de ressources humaines manquent en général de transparence. La classification des fonctions est déjà une étape vers davantage de transparence. L'accès aux salaires doit être discuté avec les employeurs. Certains pays l'ont instauré et cela donne des résultats. Néanmoins, c'est aussi une disposition à confronter avec la législation sur la protection de la vie privée.
Mme de Bethune demande s'il existe une étude comparative des écarts salariaux dans les pays de l'Union européenne et éventuellement au-delà et un relevé des stratégies qui ont donné des résultats à l'étranger.
Mme Pehlivan interroge également l'oratrice sur le contenu des propositions de loi ou de résolution à l'examen. Celles-ci rencontrent-elles aux yeux de Madame Cornet les objectifs poursuivis ? Y a-t-il des lacunes dans les stratégies proposées ?
Mme Cornet déclare que de nombreuses études comparatives ont été réalisées. Le Canada a produit des études à l'échelle mondiale. Il serait donc tout à fait superflu de commander une nouvelle recherche sur l'importance et les raisons des écarts salariaux.
Le problème actuel est de nature politique: il faut concevoir un dispositif législatif qui soit contraignant jusqu'au bout. Ainsi, au Canada, une entreprise qui n'a pas élaboré de plan d'équité salariale peut se voir exclue de toute soumission pour les marchés publics au sens large. Cette législation et les sanctions qui y sont attachées ont un impact énorme. En outre, les entreprises qui ne se sont pas mises en conformité vont se voir infliger des sanctions financières bien plus lourdes que ce que leur aurait coûté le plan d'équité salariale. La commission d'équité salariale exerce un contrôle récurrent.
Il faut en outre une compréhension du problème par toutes et tous, une adhésion à l'hypothèse de départ selon laquelle il existe des inégalités. Il faut convaincre les employeurs de tous les secteurs, privé et public, marchand et non marchand, qu'ils ont quelque chose à y gagner et arriver à ce que les acteurs influents de tous ces secteurs comprennent les enjeux du dossier et s'en saisissent.
Le travail de lobbying doit aussi s'exercer auprès des syndicats. Ceux-ci ont élaboré des systèmes qui se voulaient objectivants, mais ces systèmes sont dépassés, ils ont été développés par des hommes, avec une batterie de stéréotypes. Ces systèmes sont lourds et difficiles à faire changer. Il y a un fossé énorme entre le degré de conscience du problème chez certaines personnes dans l'appareil syndical et la pratique sur le terrain. Les délégués syndicaux n'ont jamais entendu parler du problème. Il n'a jamais été mis sur la table en 35 ans de négociations collectives !
Il faut réfléchir à des stratégies d'alliance pour que le dossier soit porté à la fois par le politique, le monde associatif et l'appareil étatique.
Enfin, l'oratrice insiste sur les efforts de vulgarisation car les femmes elles-mêmes ne connaissent pas le problème. Il suffirait de folders posant des questions telles que « Vous êtes-vous déjà demandé ce que votre collègue gagne ? ». Il est très difficile de convaincre que des systèmes présentés comme objectifs sont remplis de subjectivité et de stéréotypes.
II.4. Réunion du 17 mai 2006
1. Exposé de M. P. Windey, président du Conseil national du travail (CNT)
M. Paul Windey, président du Conseil national du travail (CNT), fait remarquer que les patrons comme les syndicats ont souhaité qu'il vienne aujourd'hui devant le comité d'avis exprimer l'engagement commun de ces acteurs. Il s'attachera surtout à décrire le cadre, tant européen que national, dans lequel les partenaires sociaux travaillent.
L'an passé, les partenaires sociaux ont créé au niveau européen un « Cadre d'actions sur l'égalité hommes-femmes ». L'important, c'est que les employeurs et les syndicats font ici une analyse commune des divers aspects de l'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes. Ce sujet va évidemment bien au-delà du seul aspect de l'écart salarial. L'on tente aussi de faire une analyse de l'évolution de la répartition des rôles entre les hommes et les femmes ainsi que des difficultés que nous rencontrons pour arriver à une complète égalité de traitement entre les hommes et les femmes. La culture, des habitudes profondément enracinées et des problèmes pratiques sont autant d'éléments qui jouent un rôle à cet égard. M. Windey retrouve les grandes lignes de cette analyse dans la proposition de loi à l'examen et dans les propositions de résolution. Il souligne l'importance de la reconnaissance formelle de cette analyse dans un accord entre les employeurs et les syndicats au niveau européen.
Un deuxième élément important est le constat que la législation n'a manifestement pas, à elle seule, conduit à une égalité parfaite en Europe. La Commission européenne publie chaque année une étude faisant le point de la situation sur le plan de l'égalité et contenant entre autres des données relatives à l'écart salarial. La dernière étude en date publiée confirme une fois encore l'existence d'un écart salarial. Mais les avis sont partagés en ce qui concerne le pourcentage exact de l'écart salarial qui ne peut pas être expliqué par d'autres facteurs. Cela est dû notamment à la grande diversité des formes de travail qui existent actuellement, par opposition au modèle traditionnel de l'homme, seul pourvoyeur de revenu du ménage, qui prévalait par le passé. Ces différences ne font que compliquer l'examen de l'écart salarial.
Le programme d'action européen des partenaires sociaux contient quatre priorités pour les cinq prochaines années: le rôle de l'homme et de la femme, la représentation des femmes dans le processus décisionnel, l'équilibre entre la vie professionnel et la vie de famille, et l'écart salarial entre les hommes et les femmes. Les partenaires sociaux sont tenus de rédiger un rapport annuel dans lequel ils indiquent les points sur lesquels ils ont enregistré des progrès.
Les partenaires sociaux ont aussi développé toute une série d'activités. Les syndicats ont engagé du personnel spécialisé pour traiter la problématique de l'égalité des chances et de la discrimination. Ils utilisent aussi « l'indicateur salarial » qui est un instrument de vérification objective de l'égalité salariale permettant aux travailleurs de vérifier sur une base objective l'existence d'une discrimination. Les employeurs se montrent aussi disposés à s'attaquer à cette problématique, mais M. Windey a l'impression qu'ils envisagent cette question plutôt dans le cadre plus vaste de la diversité. Ils essaient surtout de faire passer le message que la diversité est une nécessité payante dans la société moderne. Les employeurs voient cette problématique non pas comme une donnée individuelle, mais plutôt comme un volet de la politique des ressources humaines qui devrait permettre d'arriver à ce que l'on tienne compte uniquement des compétences, en faisant abstraction des préjugés sociaux.
Ce sentiment est également perceptible au niveau de la stratégie européenne pour l'emploi, dans le cadre de laquelle la Belgique a présenté jusque l'an passé un programme d'action nationale et, pour la première fois l'année passée, un programme national de réformes 2005-2008. Ce programme met en avant les points sur lesquels les autorités belges entendent mettre l'accent au cours des années à venir, avec l'appui des interlocuteurs sociaux. Il ressort de ces programmes que les efforts en vue d'atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes n'ont pas été intensifiées. M. Windey estime par conséquent que tant la déclaration de compétitivité et l'engagement pris par les interlocuteurs sociaux en Belgique, que le programme d'action européen des partenaires sociaux, doivent constituer l'un des éléments des négociations interprofessionnelles de cette année. Ils pourraient en outre servir de tremplin à une relance de la question de l'égalité dans la stratégie que suit la Belgique, notamment dans le cadre des objectifs de Lisbonne.
L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes pourrait aussi jouer un rôle. Il peut non seulement exercer une action de sensibilisation, mais aussi offrir des instruments très concrets aux syndicats et aux employeurs, qui leur permettraient d'épingler certaines situations et de faire apparaître certaines inégalités.
2. Échange de vues
Mme Anseeuw demande si des actions sont entreprises en matière de classifications des fonctions. A-t-on fixé un délai en la matière ?
Mme Van de Casteele fait remarquer que de nombreuses propositions de résolution sont déposées au parlement concernant l'égalité de rémunération. Son parti a demandé au ministre, à l'occasion de l'Equal Pay Day, de prendre des mesures. C'est surtout aux interlocuteurs sociaux qu'il convient toutefois d'adresser cette demande, car c'est sur le lieu de travail que l'on doit être attentif aux différences fondées sur le sexe.
Selon la sénatrice, le problème est double. Premièrement, il y a la rémunération différenciée d'un même travail selon qu'il est effectué par un homme ou par une femme. Deuxièmement, il y a toute la problématique du travail à temps partiel, celle des fonctions d'une autre nature, etc., dont l'influence n'est pas négligeable non plus. M. Windey pourrait-il préciser dans quelle mesure des différences subsistent dans la rémunération du travail, indépendamment des facteurs de temps partiel et autres ? Enfin, elle aimerait aussi avoir l'avis de M. Windey sur le fait que dans l'estimation d'une classification des fonctions, les éléments typiquement féminins sont évalués différemment des éléments typiquement masculins. Pourquoi la force physique est-elle par exemple mieux notée que l'intelligence émotionnelle ?
Mme de Bethune demande quels sont les rapports annuels des interlocuteurs sociaux qui peuvent être utilisés dans le cadre de la discussion et pour l'établissement de recommandations. Le deuxième point qu'elle soulève concerne le rôle du Conseil national du travail. Dans quelle mesure cette problématique y est-elle abordée ? Y existe-t-il une cellule d'expertise ? Les rapports des interlocuteurs sociaux sont-ils également examinés au CNT ? Elle souhaiterait avoir un meilleur aperçu des instruments dont dispose le CNT en tant qu'institution pour mettre cette question à l'ordre du jour. Existe-t-il aussi une interaction entre le CNT et le projet EVA ? Peut-être serait-il utile que l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes vienne expliquer au comité d'avis où en est le projet EVA. Le troisième point concerne les interlocuteurs sociaux. L'intervenante estime, comme Mme Van de Casteele, que la responsabilité revient au premier chef aux interlocuteurs sociaux. Mais si ceux-ci restent en défaut, les pouvoirs publics doivent intervenir. Elle aimerait savoir quel regard le CNT porte sur une initiative du législateur. Enfin, elle demande s'il existe des « bonnes pratiques » au sein de l'Union européenne. Peut-être y a-t-il au sein de l'UE des États où la dynamique a été plus grande et dont nous pourrions nous inspirer.
Mme Zrihen estime qu'il est non seulement essentiel que les femmes aient un emploi, mais aussi que celui-ci réponde à certaines exigences de qualité. Le CNT en tient-il compte ? Insiste-t-on pour que de telles conditions de qualité soient prises aussi en considération au niveau européen ? En second lieu, elle aborde les causes de l'écart salarial, qui sont effectivement très complexes. C'est ainsi que les femmes sont souvent occupées dans le secteur des services, tandis que les hommes travaillent davantage dans celui de la production. Il importe par conséquent, dans le cadre du dialogue avec les interlocuteurs sociaux, d'encourager les hommes et les femmes à ne pas se confiner dans les options traditionnelles. Le besoin de statistiques constitue un autre point essentiel. L'Equal Pay Day, la journée pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, montre très concrètement que pour bénéficier d'un même salaire, les femmes doivent travailler trois mois de plus que les hommes. C'est nécessaire car beaucoup sont convaincus qu'il n'y a plus d'écart salarial. Il faudrait donc dresser l'inventaire des données objectives permettant d'identifier un écart salarial. Le CNT semble l'instance la mieux à même pour ce faire. Mme Zrihen souligne enfin que le rapport annuel de la Commission européenne pourrait apporter un éclairage très intéressant sur cette problématique s'il ne se limitait pas à dresser un simple état des lieux de la situation dans les différents pays membres. Elle espère que le CNT et les partenaires sociaux s'efforceront de concilier deux objectifs: d'une part, permettre à un maximum de femmes de trouver un emploi, et d'autre part, veiller à ce qu'elles accèdent à des emplois de qualité. En effet, ignorer ce dernier objectif équivaut à déplacer purement et simplement le problème jusqu'au moment où toutes ces femmes seront pensionnées et constateront qu'elles ne parviennent pas à joindre les deux bouts.
Mme Pehlivan demande à M. Windey si l'élaboration d'un plan d'action annuel au niveau européen est obligatoire et quel rôle l'UE peut jouer en la matière. Elle estime en outre qu'il incombe bel et bien aux pouvoirs publics d'intervenir en la matière et d'exercer une forme de contrôle. Quelle est la position des employeurs par rapport à un tel contrôle ? Enfin, elle aimerait connaître les observations spécifiques concernant les propositions de résolution et la proposition de loi.
En ce qui concerne les classifications de fonctions, M. Windey répond que sur le plan formel, le CNT a transmis en 2001 une recommandation aux différents secteurs pour leur demander de rendre les négociations sectorielles les plus neutres possibles sur le plan du sexe. Le suivi de cette recommandation est en fait assuré par le projet EVA, qui a été mis sur pied par le Fonds social européen et a bénéficié du soutien et de la collaboration des partenaires sociaux. Ils doivent donner aux partenaires les instruments pour déterminer si une classification de fonction est neutre sur le plan du sexe. Le travail déjà accompli jusqu'à présent montre que les instruments existent et qu'ils peuvent être utilisés. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'en pratique, ils soient réellement utilisés. M. Windey pense qu'il y a encore des progrès à accomplir sur ce point.
Selon lui, la réduction de l'écart salarial est avant tout une question de budget. Il a déjà été proposé de consacrer une partie des augmentations salariales à réduire les écarts salariaux. Cela doit être négocié au niveau des commissions paritaires. Mais à l'heure actuelle, il y a bien trop peu de femmes au niveau décisionnel, ce qui constitue d'ailleurs un des points du programme d'action. Il est certain qu'à terme, l'accession de femmes au niveau décisionnel est bien plus importante que la réduction des écarts salariaux. Le CNT et les syndicats satisfont à la norme légale du 1 pour 3. Mais ce n'est pas encore le cas des négociations salariales proprement dites. Cela est du reste loin de couler de source et ne peut être réalisé du jour au lendemain.
Il souhaite également souligner que les classifications de fonctions ne représentent qu'une partie de la base de la rémunération octroyée. Elles portent sur les rémunérations minimales d'un certain nombre d'emplois, principalement dans l'industrie. Pour de très nombreux emplois du secteur tertiaire, l'employeur détermine encore individuellement le salaire d'un travailleur déterminé. Et ceci ne vaut pas seulement pour les fonctions de cadres supérieurs mais pour toutes les fonctions pour lesquelles les salaires sont plus élevés que les minima prévus par la commission paritaire. Sans disposer de chiffres concrets, l'intervenant présume que 30 à 40 % des travailleurs reçoivent plus que le salaire minimum. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'importance des avantages extralégaux. Bien que ne faisant pas partie d'une classification de fonctions, ces éléments sont très importants. Une classification de fonctions totalement neutre sur le plan du genre représenterait sans conteste une avancée mais il ne faut pas s'imaginer qu'elle résoudrait tous les problèmes.
Le CNT ne joue qu'un rôle indirect dans le projet EVA, vu que les partenaires sociaux participent eux-mêmes à ce projet. Certes, le CNT peut fixer son propre agenda en matière d'égalité des chances. La recommandation faite en 2001 aux organisations qui font partie du CNT était une initiative propre.
Pour l'établissement des rapports nationaux dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, le CNT occupe une place quasi unique en Europe parce qu'en tant que partenaire des pouvoirs publics, il participe au suivi et à l'exécution des activités liées à la stratégie de Lisbonne. Cette exécution passe par une concertation structurée entre tous les intéressés. Dans le cadre de l'égalité, ils surveillent le respect de tous les objectifs convenus au niveau européen, notamment l'augmentation du taux d'activité des femmes, pour le porter à 60 %, la réduction de moitié des écarts salariaux et la mise en place de structures d'accueil pour 90 % des enfants.
Le CNT ne joue aucun rôle direct vis-à-vis de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes. Mais les partenaires sociaux soutiennent les activités de l'Institut.
En ce moment, le CNT rassemble divers exemples de bonnes pratiques. Celles-ci existent déjà en partie au niveau européen.
En ce qui concerne l'observation de Mme Zrihen, M. Windey fait remarquer que la répartition actuelle des rôles résulte de nombreux facteurs, non seulement d'ordre culturel mais aussi d'ordre pratique et autre. La préparation des filles et des garçons dans le cadre de l'enseignement a également une influence, tout comme la politique des ressources humaines des entreprises. L'on part toujours de certaines idées établies qui participent au maintien des inégalités. Il faut mener un combat presque quotidien contre tous ces éléments pour arriver à plus d'égalité. Les écarts salariaux s'expliquent aussi par la place de la femme dans le processus décisionnel ou encore par le partage des tâches familiales entre l'homme et la femme. Les statistiques montrent qu'en Belgique, ces écarts sont toujours de l'ordre de 12 à 13 % et que la situation s'est dégradée entre 1999 et 2004.
Les rapports qui sont faits concernant l'exécution de l'accord européen correspondent à un engagement interne que les partenaires sociaux ont pris les uns envers les autres. Les pouvoirs publics ne sont pas partie prenante dans cet engagement et c'est aux partenaires sociaux qu'il incombe de le faire respecter.
Enfin, ce n'est un secret pour personne que les employeurs ne sont pas favorables à une intervention du législateur. Elle n'apporterait pas grand-chose de positif et il est même à craindre qu'elle aurait des effets pervers. Les syndicats ne sont pas convaincus non plus qu'on obtiendrait beaucoup d'améliorations en légiférant. Par contre, les uns et les autres demandent à être soutenus. Faire réaliser une expertise des classifications salariales par un bureau externe est coûteux. C'est pourquoi le CNT estime qu'il serait bon d'amener dans les PME les instruments du projet EVA ou les exemples d'initiatives positives, de telle manière que celles-ci puissent radiographier leur politique à un prix et selon une méthode accessibles. Cela pourrait se faire par le biais de l'Institut ou par la création d'un fonds.
Mme Van de Casteele est d'accord pour dire qu'il ne faut pas se focaliser sur les seules classifications de fonctions. La place de la femme dans le processus de décision est certainement aussi importante. Toutefois, il reste un long chemin à parcourir et l'on peut se demander si l'on en arrivera un jour à une participation égale. Les femmes opteront toujours plus que les hommes pour une solution flexible qui leur permette de concilier vie professionnelle et vie de famille. Il est donc important aussi que les hommes fassent en sorte que les femmes puissent gagner plus. Pour ce qui est d'une initiative législative, l'intervenante indique qu'elle non plus n'est pas favorable à une intervention immédiate. Le terme « immédiat » doit toutefois être relativisé car, comme on sait, la problématique en question est présente depuis plus de dix ans déjà. C'est pourquoi elle aimerait savoir dans quels secteurs on a déjà enregistré des avancées et dans quels secteurs on a pris les recommandations à cœur. Peut-être pourrait-on examiner, sur la base de ces résultats, pourquoi certains secteurs ont évolué et d'autres pas.
Selon M. Windey, le CNT peut très certainement voir dans quels secteurs on a déjà obtenu des résultats. Mais il serait inexact de dire qu'absolument rien n'a été fait au cours des dernières années. Il y a égalité absolue sur le plan juridique. La personne qui se sent lésée dispose de tout un arsenal de procédures. Le fait que ces procédures soient peu utilisées est un autre problème, qui montre plutôt qu'il existe encore certains seuils à franchir. Par ailleurs, on dispose désormais d'un indicateur des salaires. Il s'agit d'un instrument qui permet de vérifier si la fonction qu'on exerce est évaluée de manière discriminatoire. Chaque employeur et chaque travailleur peut disposer de cet instrument et ainsi analyser une rémunération.
Selon Mme Van de Casteele, il est très important de sensibiliser chacun à cette problématique. Les femmes ne réalisent pas souvent que les choix qu'elles font aujourd'hui auront aussi des conséquences dans l'avenir. Cette mission de sensibilisation incombe aux pouvoirs publics, mais tout autant aux partenaires sociaux.
Mme Zrihen n'est pas convaincue que les femmes n'aient pas conscience d'être désavantagées par rapport aux hommes à divers moments de leur carrière. Mais bien souvent, elles n'ont pas d'autre choix que d'accepter ce qu'on leur propose. L'intervenante attire également l'attention sur une étude de Mme Miet Smet qui a montré qu'une catégorie donnée doit disposer d'une représentation de 40 % pour pouvoir exercer une influence réelle sur le processus décisionnel. Il faudrait donc faire en sorte que la représentation des femmes au sein de tous les organes puisse atteindre ce pourcentage.
M. Windey explique que les employeurs abordent plutôt la problématique sous l'angle de la nécessité de trouver la personne qui convient le mieux pour une fonction donnée, sans se laisser influencer par des préjugés. Ils inscrivent donc cette démarche dans le cadre d'une politique générale de diversité qu'ils entendent instaurer afin d'élaborer des profils de compétences neutres.
Mme Pehlivan souligne que la commission des Affaires sociales envisage également cette problématique sous l'angle de l'emploi des allochtones. Elle aimerait savoir ce que les employeurs ont déjà réalisé concrètement dans ce domaine. Comment manifestent-ils leur bonne volonté ? Vont-ils chercher également dans les différents groupes ? Jusqu'où vont leurs efforts pour trouver l'homme ou la femme qui convient pour le poste qui convient ?
M. Windey répond que les cinq exemples d'entreprises qui ont été cités lors de la conférence de presse de la FEB montrent que les entreprises en question ont fait des efforts concrets pour déceler les compétences indépendamment de caractéristiques telles que la couleur de peau, le sexe, l'âge, etc.
Selon Mme Zrihen, toutes ces questions ne se posent pas en période de pénurie de main-d'œuvre. L'employeur est déjà tout heureux de trouver un travailleur et il ne s'intéresse pas à des éléments comme le sexe ou l'âge.
M. Windey confirme ces propos. L'on pourrait même envisager de tirer parti d'une pénurie temporaire ou d'une pénurie dans un secteur donné pour faire aboutir certaines revendications.
II.5. Réunion du 28 juin 2006
1. Exposé de Mme Sile O'Dorchai, chercheuse au département d'Économie du travail et de l'Emploi, ULB
Tout commence par une petite phrase insidieuse tant elle est évidente: « À travail égal salaire égal », alors que personne n'est jamais vraiment pareil et qu'il n'y a pas de travail égal. Cette expression s'est par la suite transformée en « salaire égal pour un travail de même valeur », ce qui n'a fait que déplacer le problème puisqu'il s'agit à présent de mesurer la valeur du travail. Tout se poursuit ensuite par l'observation évidente dans tous les pays, dans tous les domaines, dans tous les secteurs, dans toutes les professions, que les hommes gagnent plus que les femmes et cela malgré des législations qui imposent l'égalité de salaire. Les écarts de salaire ne se réduisent pas spontanément. Il n'y a pas de pente naturelle vers l'égalité, pour utiliser l'expression de Maruani.
Les écarts salariaux persistent alors que le taux d'emploi, l'offre de travail et le niveau d'éducation des femmes ont augmenté et égalent ceux des hommes dans plusieurs pays. De plus, on n'observe pas de lien évident entre l'ampleur des écarts et les taux d'emploi: dans les pays scandinaves, si souvent montrés en exemple, les écarts salariaux sont proches de la moyenne européenne et supérieurs à ceux observés dans certains pays du sud de l'Europe comme l'Italie et le Portugal.
Toute discrimination salariale entre hommes et femmes est interdite dans les différents pays européens. Toutefois, d'autres facteurs que la discrimination directe selon le sexe creusent l'écart salarial. Ceux-ci ont été identifiés dans un grand nombre de recherches sur les inégalités salariales:
— Les différences de rémunération selon le niveau d'étude, de la formation ou de l'expérience professionnelle;
— Les différentes orientations scolaires;
— La ségrégation ou la concentration sectorielle et professionnelle;
— L'importance du secteur public et le niveau relatif des salaires publics;
— La définition de la valeur égale: classification et évaluation des emplois;
— La durée du travail: temps plein ou temps partiel, heures supplémentaires;
— Les différentes formes de travail flexible;
— La structure de la rémunération: heures supplémentaires, ancienneté, rémunération en fonction de la performance, individualisation de la rémunération;
— Les difficultés d'accès aux hautes fonctions hiérarchiques;
— Le niveau et taux de couverture des relations collectives;
— L'existence et le niveau des salaires minima;
— L'accès à la formation interne et aux formations financées par les pouvoirs publics, l'organisation des temps de formation;
— L'organisation et la structure industrielle: la taille des firmes, la sous-traitance ...;
— La sous-représentation des femmes dans les syndicats, les associations d'employeurs et dans les organes de négociation ou de représentation.
Les bases de données harmonisées existant au niveau européen constituent un outil privilégié d'étude des écarts salariaux. Cependant, elles sont très différentes et présentent chacune leurs avantages et inconvénients.
L'ECHP (European Community Household Panel) concerne un panel de ménages qui couvre la période 1994-2001 mais la qualité des données récoltées sur les revenus est inégale et les valeurs manquantes sont nombreuses. Cette enquête est remplacée depuis 2004 par le SILC (Survey on Income and Living Conditions) qui n'assure pas la dimension panel mais qui fournit des données sur les revenus plus fiables.
L'ESES (European Structure of Earning Survey) est une base de données établie sur base individuelle, mais récoltée au niveau d'un échantillon d'entreprises du secteur privé, de plus de dix salariés uniquement. La fiabilité de ces données est élevée mais il n'y a rien sur le statut familial des salariés et seules deux années sont disponibles actuellement (2006), soit 1995 et 2002.
Si l'on se concentre sur les pays européens, les écarts salariaux variaient entre 6 % et 21 % en 2001 sur base des chiffres de l'ECHP et entre 11 et 30 % sur base de l'ESES. En Belgique on est à 12 % et 17 % respectivement.
Le calcul de l'écart salarial n'est pas identique dans toutes les études. Le choix du salaire féminin comme référence augmente la mesure de l'écart et permet de dire de combien de points de pourcentage il faudrait augmenter le salaire des femmes pour qu'il soit égal à celui des hommes au lieu de dire de combien il faudrait diminuer le salaire des hommes pour qu'il égale celui des femmes, comme c'est le cas quand le salaire masculin est la référence.
On part du calcul d'écarts de salaires bruts, écarts bruts qui peuvent être calculés en comparant des situations très différentes:
Qui ? On peut comparer tous les travailleurs, hommes et femmes, quels que soit leur statut et la durée de leur travail; on peut ne comparer que ceux qui travaillent à temps plein, se limiter au secteur privé, aux entreprises d'une certaine taille. On peut également corriger l'échantillon pour prendre en compte l'effet de découragement lié à des salaires trop faibles.
Quoi ? On peut comparer des salaires bruts, des salaires nets, inclure les avantages et les primes, des salaires horaires, des salaires mensuels ou annuels.
Quand ? Quelle durée du travail utiliser ?
On va donc dès le départ d'une étude produire des chiffres très différents avant même qu'aucun traitement statistique ou économétrique n'ait été appliqué.
De nombreux travaux d'économistes se sont attachés à mesurer d'abord, à expliquer ensuite les inégalités salariales de genre. L'essentiel de ces travaux se situent dans la lignée des développements théoriques de Gary Becker (théorie du capital humain, théorie de la discrimination) et des estimations d'équations de gain.
Elles sont de ce point de vue fortement imprégnées du cadre théorique néo-classique, la notion d'inégalité ou de discrimination salariale étant identifiée par ce qui ne correspondrait pas à une juste rémunération des capacités productives des hommes et des femmes.
Les décompositions des écarts salariaux de genre initiées par les travaux de Oaxaca sont devenues l'une des voies privilégiées de l'étude de ces écarts. L'objectif de la décomposition est d'identifier les caractéristiques individuelles susceptibles d'agir sur la productivité et développer une technique qui sépare les effets de la productivité des effets de la discrimination sur les écarts de salaires.
La décomposition scinde l'écart en deux composantes:
— la première représente les primes que le marché du travail attribue aux différences moyennes de caractéristiques entre les sexes;
— la seconde indique comment le marché du travail rétribue des travailleurs de sexe différent, elle sera assimilée à la discrimination pure.
.Traditionnellement, la discrimination est estimée par la distribution moyenne des caractéristiques et représente la discrimination dont est victime la femme moyenne en comparaison avec l'homme moyen.
En outre, dans une interprétation strictement néo-classique des résultats de ces décompositions, la partie expliquée serait en quelque sorte « justifiée », la partie imputable à des différences de return pour des caractéristiques identiques constituant la partie des écarts salariaux imputables à la discrimination de genre. Mais ces décompositions peuvent également être interprétées différemment, en considérant que ce que la littérature néo-classique considère comme dotation en « caractéristiques » productives est également le résultat de discriminations et d'inégalités de genre.
La polarisation entre composantes de l'écart est aujourd'hui dépassée. Les méthodes de décomposition n'impliquent pas nécessairement de considérer comme « justifiée » la partie de l'écart salarial expliquée par les différences de caractéristiques et de structure des hommes et des femmes en emploi.
Ceci implique qu'en matière d'indicateur d'inégalité salariale, une mesure ajustée n'a pas de sens: la partie expliquée par les différences de caractéristiques n'est pas moins discriminatoire que la partie expliquée par les différences de return.
Ce type d'analyse s'est développée dans le sens d'une prise en compte dans les modèles et les variables utilisées d'éléments constitutifs des inégalités de genre en matière de salaire: ségrégation verticale et horizontale, formation et distribution des salaires, niveau et organisation des négociations collectives, structure salariale. On s'est donc progressivement éloigné du modèle de base construit sur la théorie du capital humain.
La méthode de Oaxaca (1973) et Blinder (1973) est basée sur une série d'hypothèses et peut faire l'objet de différents traitements statistiques qui rendent l'interprétation et l'utilisation des résultats moins évidente.
Hypothèses
Comme indiqué, ce modèle est basé sur la théorie du capital humain selon laquelle les différences de salaires s'expliquent par un moindre capital humain et donc une moindre productivité des hommes et des femmes.
Mesure de la productivité
Dans la mesure où il n'existe pas de mesure objective de la productivité d'une personne, on utilise des variables « proxi » censées la représenter: caractéristiques observables de la personne comme l'éducation, l'expérience, l'ancienneté ...
Or, ces variables ne sont que des approximations et donc la part inexpliquée B de l'écart est due autant à l'omission de variables qu'à leur différence de rémunération selon le sexe c'est à dire à la discrimination. On fournit de la sorte une limite supérieure apparente à la mesure de la discrimination pure.
Assimilation de la discrimination à la part inexpliquée
L'assimilation de la discrimination pure à la part inexpliquée est basée sur l'hypothèse implicite du libre choix des femmes quant à leur participation au marché du travail, au choix d'une occupation, des études. Or, il ne s'agit pas nécessairement de libre choix: il peut déjà y avoir discrimination ou choix contraint à ces différents stades. Et donc les variables explicatives représentent elles aussi une part de discrimination.
Effets retours (feedback effects)
La discrimination sur le marché du travail peut donc être, elle-même, à l'origine de différences en termes de productivité observable. Ceci implique que des variables explicatives comme l'éducation, la participation et le temps de travail, le choix des occupations, sont en fait endogènes (effets de retour/feedback effects) ce qui indique que la discrimination du marché du travail peut être sous-estimée dans la décomposition de Oaxaca-Blinder.
Occupations et secteurs comme variables de contrôle
Une illustration du problème de l'effet de retour est l'introduction de la profession et du secteur d'activité comme variable de contrôle, ce qui augmente considérablement le pouvoir explicatif du modèle, menant à une forte réduction de la part inexpliquée de l'écart salarial. De même, plus la classification (des groupes de professions ou des secteurs) est détaillée, plus le pouvoir explicatif de ces variables est important. L'usage de classifications détaillées comme variables de contrôle peut masquer la discrimination dans l'accès aux professions et dans la progression des carrières.
Comparaisons internationales
Les comparaisons internationales de l'écart salarial de genre montrent que des facteurs comme les différences en termes de structure de l'emploi et des salaires affectent l'écart salarial d'un pays. Les différences de structure d'emploi entre pays résultent d'une part, des différences de structures productives et d'autre part, de celle des professions, tandis que la structure des salaires varie d'un pays à l'autre selon trois dimensions: (1) l'ampleur des écarts de salaire entre emplois, (2) la distribution des emplois selon le salaire et, (3) le système de fixation des salaires.
La décomposition de l'écart salarial développée par Juhn et al., (1991) permet de prendre en considération la dispersion des salaires, et donc le fait que l'emploi des femmes, à différents points de la distribution des salaires, est associé à une pénalisation ou à une prime de salaire qui diffère substantiellement d'un pays à l'autre.
La méthode développée par Brown et al. (1980) elle, suppose la profession des travailleurs comme étant déterminée de manière endogène.
Le choix des variables de contrôle dans les équations de salaires
Les variables explicatives sont censées reprendre des caractéristiques individuelles qui affectent la productivité. Si ce vecteur de variables est incomplet, cela aura pour effet d'augmenter la part des écarts attribuée à la discrimination. Par contre, si certaines variables explicatives n'ont pas de lien avec la productivité, la discrimination sera sous-estimée.
En pratique, le choix des variables est souvent dicté par la disponibilité des données. Les bases sont incomplètes ou contiennent des données étrangères à la productivité que l'on incorpore quelquefois faute de mieux. La tendance dans les études a été d'inclure de plus en plus de variables, ce qui a eu pour effet de diminuer la part non expliquée. Or certaines variables sont de mauvaises approximations, sont corrélées entre elles (âge et ancienneté, conditions de travail et travail à temps partiel) ou représentent elles-mêmes une partie de la discrimination.
L'aspect essentiel est donc de distinguer entre les variables qui influencent la productivité et celles qui sont simplement des facteurs explicatifs des différences de salaires qui sont elles-mêmes sources de discrimination.
Les variables explicatives que l'on retrouve le plus fréquemment sont: l'éducation, l'expérience, le statut marital, l'âge et le nombre d'enfants, les congés parentaux et autres, le secteur, l'industrie, l'occupation, l'âge, l'âge au carré, le type de contrat, la taille de l'entreprise, la région, le mode de rémunération.
Tous ces facteurs expliquent les développements ultérieurs de la technique d'Oaxaca-Blinder
La sensibilité des résultats au choix du groupe de référence
La décomposition conduit à deux spécifications distinctes selon que l'on prend le groupe des hommes (pure discrimination) ou celui des femmes (pur népotisme) comme référence, faisant varier ainsi la mesure de la discrimination. Les solutions les plus utilisées à ce problème du choix de la structure de salaire non discriminatoire consistent à définir une structure des salaires non discriminatoire à partir de la population dans son ensemble. La partie inexpliquée est alors décomposée en deux éléments: le désavantage imposé aux femmes et l'avantage dont bénéficient les hommes.
Prise en compte de la ségrégation professionnelle
Brown et al. (1980) ont mis au point une méthode de décomposition de l'écart salarial qui isole la part de l'écart due à la ségrégation professionnelle. Leur méthode apporte une solution au problème d'endogénéité entre occupation et discrimination.
Bayard, Hellerstein, Neumark, Troske (2003) ont utilisé des données croisées entre employeurs et employés pour estimer la part de la ségrégation dans la mesure globale de l'écart de salaire, pour des cellules d'occupation, d'industrie et d'établissement aux États-Unis.
Gannon, B., R. Plasman, F. Rycx, and I. Tojerow (2005) ont analysé, également à partir de données croisées harmonisées pour six pays de l'Union européenne (Belgique, Irlande, Italie, Danemark, Espagne et Royaume-Uni) les interactions entre les différentiels intersectoriels de salaire et les écarts salariaux de genre. Ils montrent que l'effet sectoriel explique 29 % de l'écart salarial de genre en Irlande, entre 14 et 16 % au Danemark et en Italie et environ 7 % au Royaume-Uni. Par contre, l'effet sectoriel ne contribue pas à expliquer l'écart salarial en Belgique et en Espagne.
En simulant ce que serait la distribution de l'emploi féminin selon les professions et secteurs si elle était similaire à celle des hommes, compte tenu des différences en termes d'éducation, d'ancienneté et d'expérience dans l'emploi, Plasman et Sissoko (2005) montrent que la part des écarts salariaux due à la ségrégation professionnelle est de 5,27 % en Italie, 13 % en Belgique, 20,2 % au Danemark et 26,7 % en Espagne.
Prise en compte de la structure des salaires
Le modèle développé par Juhn, Murphy et Pearce (1991,1993) permet de prendre en compte le rôle joué par la structure des salaires dans l'explication des écarts salariaux de genre.
Ce modèle a été adapté par Blau et Khan (1992) à l'analyse entre pays des inégalités salariales entre hommes et femmes. L'idée est qu'un niveau d'écart donné entre les caractéristiques observées des femmes et des hommes se traduira par un écart de salaire plus élevé dans un pays où l'inégalité des salaires est plus forte.
Toujours en utilisant l'Enquête européenne sur la structure des salaires de 1995, Plasman et Sissoko (2004) montrent que la distribution des salaires relativement plus concentrée en Belgique, au Danemark et en Italie qu'en Espagne ou en Irlande contribue significativement à expliquer les plus faibles écarts salariaux de genre dans ces trois pays.
Prise en compte du biais de sélection
Le fait qu'il existe un biais de sélection dû au fait que les femmes qui exercent un emploi n'ont pas les mêmes caractéristiques que celles qui ne travaillent pas a également fait l'objet de corrections: si les femmes qui travaillent présentent des caractéristiques associées à des salaires élevés, il pourrait y avoir une corrélation entre des faibles taux d'emploi féminin et un écart salarial de genre faible, simplement parce que des femmes qui gagneraient peu ne travaillent pas. Cette constatation a amené différents auteurs à corriger ce biais de sélection en calculant les écarts de salaires à partir de salaires potentiels imputés à ceux qui ne travaillent pas. Cette correction n'est toutefois possible que si l'on dispose de données relatives aux caractéristiques socio-démographiques des individus.
Prise en compte de la distribution de l'écart
Dans la décomposition de Oaxaca-Blinder, on explique l'écart entre le salaire moyen des femmes et des hommes, on compare la travailleuse moyenne et le travailleur moyen. On perd donc les informations qui permettraient d'observer la distribution de l'écart de salaire. Or il y a un intérêt évident à savoir quels groupes sont les plus touchés par la discrimination et avec quelle ampleur.
L'usage de la moyenne implique aussi que l'on attribue la même pondération à chaque individu quelle que soit le degré de discrimination dont il souffre.
Différents articles ont récemment proposé différentes techniques économétriques afin d'incorporer des aspects distributifs dans l'analyse comparative des distributions de salaires. Il s'agit des régressions par quantiles pour l'estimation des fonctions de salaire qui augmentent le nombre de points de la distribution des salaires pour lesquels l'écart salarial est estimé.
D'autres techniques estiment des distributions contre-factuelles des salaires qui sont comparées avec la distribution originale afin de quantifier les écarts sur toute l'échelle des salaires (Fortin, Lemieux 1998) (Bonjour, Gerfin 2001). Ces deux approches enrichissent la méthode classique sans toutefois prendre en compte la dimension individuelle de la discrimination.
Écarts salariaux de genre et formation des salaires
Les modes de détermination des salaires ne sont pas neutres du point de vue de leurs effets de genre. F. Rycx et I. Tojerow (2004) ont essayé de voir dans quelle mesure la prise en compte des profits des entreprises dans la détermination des salaires (hypothèse de partage de la rente) pouvait avoir un effet en matière d'écarts salarial de genre. Les résultats indiquent que les salaires horaires bruts individuels sont positivement et significativement corrélés aux profits par tête, même en contrôlant pour les caractéristiques individuelles des firmes et des individus, pour les différentiels salariaux sectoriels et l'endogénéité des profits. Les écarts salariaux de genre, de 23.7 % en moyenne dans l'échantillon utilisé, s'expliquent à concurrence de 14 % par le fait que les femmes sont plus fréquemment occupées dans des firmes où le profit par tête est moins élevé: c'est donc un effet de la ségrégation de l'emploi féminin.
Conclusion
Pour conclure, si l'on considère les pays européens, les USA et le Canada, la tendance générale sur les vingt dernières années est à la diminution lente de l'écart salarial de genre, à l'exception des pays dans lesquels l'écart était faible (Suède ou Danemark, selon les données utilisées).
Les écarts salariaux en Europe ne sont plus explicables majoritairement par des différences en terme de « capacités productives » entre hommes et femmes mais essentiellement par un niveau de rémunération inférieur à caractéristiques égales.
Tableau: Dynamique de l'écart salarial et de sa décomposition
Accroissement de l'écart salarial — Toename van de loonkloof | Diminution de l'écart salarial — Afname van de loonkloof | ||
Plasman et alii (2002) (Évolution 1994-1998; temps plein). — (Ontwikkeling 1994-1998, voltijds) | Diminution de la part non expliquée. — Afname van het onverklaarde gedeelte | Royaume-Uni. — Verenigd Koninkrijk | Irlande, Grèce, Portugal, Belgique. — Ierland, Griekenland, Portugal, België |
Augmentation de la part non expliquée. — Toename van het onverklaarde gedeelte | Espagne. — Spanje | Italie, Autriche, Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Luxembourg, France. — Italië, Oostenrijk, Duitsland, Denemarken, Nederland, Luxemburg, Frankrijk | |
Pissarides et alii (2005) (Évolution 1985-1998, temps plein). — (Ontwikkeling 1985-1998, voltijds) | Suède, Danemark. — Zweden, Denemarken | Italie, Finlande, Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas, Canada, USA. — Italië, Finland, Verenigd Koninkrijk, Frankrijk, Duitsland, Nederland, Canada, VS | |
2. Exposé de Mme M. Van Varenbergh, présidente du Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes
Le Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes est le seul organe consultatif fédéral qui a été créé dans le but de formuler des avis sur les matières en question à l'intention du monde politique.
Il est un fait qu'en matière de salaires, un problème continue de se poser en dépit des nombreuses études réalisées et de la législation particulièrement abondante qui existe dans ce domaine tant au niveau européen qu'au niveau national. Malgré cela, les choses n'ont guère évolué sur le terrain. La situation inspire à l'intervenante plus de pessimisme encore que n'en attestent les chiffres de l'ULB. L'avis nº 8 du 24 mai 1996 sur l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, consultable sur le site du Conseil (www.conseildelegalite.be), mentionnait également des chiffres concernant la situation de l'époque. L'intervenante ne peut que constater que le fossé salarial s'est encore creusé.
En théorie, la situation n'est pas mauvaise en Belgique. En effet, des mesures ont été prises. Il est donc surprenant que le fossé salarial soit toujours aussi marqué. Il a d'ailleurs tendance à se creuser à mesure que le niveau de formation augmente. Cela s'explique sans doute en partie par la composition différente de la corbeille salariale pour les fonctions supérieures. Il va de soi que les suppléments dont celles-ci bénéficient sont aussi difficiles à estimer.
Il existe de très nombreuses théories pour expliquer le fossé salarial et il ne fait aucun doute que chacune d'elles recèle une part de vérité. C'est la raison pour laquelle il est difficile d'entreprendre une action concrète. Il ne faudrait toutefois pas en tirer prétexte pour ne rien faire du tout. Il est illusoire de croire que le fossé salarial disparaîtra de lui-même. Vu la complexité du problème, il faut faire en sorte que tous les acteurs directement ou indirectement concernés soient associés au processus visant à éliminer les divergences salariales.
L'intervenante ajoute que dans les années soixante et septante du siècle dernier, on a également été attentif à la problématique du fossé salarial. Mais c'est la proclamation d'une journée de l'égalité salariale (« Equal Pay Day ») qui a réveillé les consciences. Aujourd'hui, l'attention se concentre essentiellement sur les classifications de fonctions. Loin de contester leur importance, Mme Van Varenbergh n'en estime pas moins que les divergences salariales ont des causes plus diversifiées. On ne peut nier qu'aujourd'hui encore, il existe une mentalité en vertu de laquelle on trouve normal de donner aux femmes des salaires inférieurs. Les pouvoirs publics n'ont d'ailleurs pas de leçons à donner dans ce domaine. Plutôt que de recruter le personnel sur une base statutaire, ils le recrutent sur une base contractuelle, qui ne permet pas de prétendre automatiquement au bénéfice des primes d'ancienneté. En outre, il est frappant de constater que ce sont surtout des femmes que l'on recrute sous contrat, et souvent pour un temps partiel, de surcroît. Cela prouve que les mesures ne doivent pas viser uniquement le secteur privé.
Au niveau européen aussi, on a remis le thème de l'égalité salariale sur la table. Dans la feuille de route qu'elle a élaborée pour la période 2006-2010, la Commission européenne s'engage explicitement à résorber le fossé salarial. Elle a promis aussi d'élaborer l'année prochaine une communication sur la base d'une étude visant à décrypter les divergences salariales entre les hommes et les femmes. Le Conseil européen a élaboré en mars 2006 un pacte européen pour l'égalité de genre et organisé une grande conférence à Bruxelles le 22 mai 2006 sur le thème des bonnes pratiques et des rémunérations.
Dans l'avis précité du Conseil de l'égalité des chances, de nombreuses mesures ont été proposées aussi bien pour le secteur privé que pour le secteur public. Il est navrant de constater que ces propositions n'ont pas du tout été suivies, hormis dans le domaine des classifications de fonctions. Mme Van Varenbergh est donc d'avis qu'une énième étude ou un énième avis ne seraient d'aucune utilité.
Des mesures de soutien lui semblent bien plus raisonnables. L'accord interprofessionnel 2007-2008 et ses négociations sont en vue. Le Conseil espère pouvoir présenter durant ces négociations des fiches donnant des chiffres éloquents, qui pourront être utilisées au cas par cas. En effet, le discours est différent selon qu'il s'agit de travail à temps plein ou de travail à temps partiel. Il faut aussi tenir compte des niveaux de formation. Peut-être faut-il aussi déjà prendre en considération les compétences acquises ailleurs. Les femmes peuvent certainement les faire valoir pour revendiquer un salaire égal, pour la simple raison que, bien plus que les hommes, elles s'aménagent des « périodes de pause » pour leur famille, mais n'en sont pas moins actives d'une autre manière et accumulent là aussi des compétences. Cependant, leurs carrières ne tiennent pas compte de ces compétences, ce qui devrait pourtant être envisageable. Le Conseil élaborera également des fiches rassemblant des exemples de bonnes pratiques constatées dans d'autres États membres. Il s'emploiera aussi à mettre au point un logiciel permettant de vérifier, après avoir encodé quelques données de base, l'existence d'un écart salarial, y compris en fonction de l'évaluation de l'emploi.
Le Conseil attend de la Chambre et du Sénat qu'ils suivent en permanence l'action du gouvernement et qu'ils l'interrogent entre autres sur l'état d'avancement du plan de diversité. Ce plan indique qu'un rapport sur l'écart salarial entre les hommes et les femmes sera rédigé pour la fin de cet été, qu'il sera procédé à une analyse de toutes les CCT actuelles et qu'un groupe de travail spécial sera créé sous la direction de l'Institut, afin de formuler des suggestions. Mme Van Varenbergh espère que le gouvernement sera interpellé après l'été sur ces engagements. Une autre mission concerne les engagements pris par la Belgique au niveau européen. Il ne suffit pas de faire des déclarations ronflantes, il faut qu'elles soient suivies d'actions concrètes. Le parlement doit en effet vérifier la transposition en droit belge du Pacte européen pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Durant la présidence belge de l'UE, la Belgique a pris l'excellente initiative de présenter des indicateurs de salaire égal. Il serait utile de connaître l'état de la situation.
Mme Van Varenbergh n'est pas favorable à la création de nouvelles instances. Actuellement, le citoyen ne s'y retrouve déjà plus. Les victimes de discriminations salariales ne savent pas à quelle organisation elles peuvent ou doivent s'adresser. La multiplicité des instances a aussi pour conséquence qu'elles se renvoient mutuellement la balle. Il y a toujours un petit détail pour lequel elle ne sont pas compétentes. En attendant, les victimes ne savent plus à quel saint se vouer. Le Conseil demande dès lors que l'on optimise les organisations existantes et que l'on exerce un contrôle très critique, vigilant et ponctuel sur les membres du gouvernement habilités, directement ou indirectement, à réduire les écarts salariaux.
3. Exposé de Mmes D. De Vos et H. Peemans-Poullet, membres du Comité de liaison des femmes
Le comité de liaison des femmes est une coordination de femmes francophones qui existe depuis 1980. Il s'est constitué à partir des questions d'allocations de chômage. Il regroupe des femmes des partis, des syndicats et des membres individuelles.
Le comité de liaison est spécialisé dans les questions économiques, sociales et fiscales et a mené des actions en justice pendant ses dix premières années d'existence. Le Conseil de l'égalité relaie les avis que le comité de liaison lui transmet, ce qui permet d'ouvrir la discussion au niveau national.
Dans la matière qui nous occupe, le comité de liaison est parti de l'idée qu'il fallait vérifier si les mesures proposées habituellement pour réduire les écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes correspondaient bien aux diagnostics posés sur ces écarts de rémunération. Le comité s'est basé sur trois études présentées par la Suède lors de sa présidence du conseil de l'Union européenne, ainsi que deux autres études réalisées dans la foulée du Conseil européen de Barcelone, visant à établir des comparaisons entre les divers États membres pour un certain nombre d'indicateurs.
La plupart des indicateurs étudiés montrent que les implications sur les écarts de rémunérations entre hommes et femmes se retrouvent dans presque tous les pays européens. Il y a néanmoins quelques exceptions notoires qui mériteraient d'être étudiées.
Les écarts de rémunération s'accroissent:
— avec l'âge du travailleur: ils deviennent plus importants au-delà de trente ans;
— avec le niveau de scolarisation. Le rendement d'un diplôme supérieur est beaucoup moins important pour une femme que pour un homme. En Suède qui présente les écarts les moins importants, la combinaison du facteur âge et scolarisation a pour conséquence que l'écart le plus grand se situe entre les hommes et les femmes universitaires âgés de 40 à 64 ans;
— avec l'expérience professionnelle. On analyse séparément l'expérience générale transférable d'une entreprise à une autre, l'expérience spécifique à l'intérieur d'une entreprise, souvent manifestée à travers l'ancienneté, et l'expérience due à la mobilité, soit la polyvalence. Beaucoup d'études ont aussi examiné l'impact de l'expérience hors marché du travail, ce qui est important pour les femmes au foyer. Quel que soit le type d'expérience, plus elle est grande, plus la discrimination s'accroît. On connaît en Belgique quelques pratiques illustrant ce propos: il s'agit de l'attribution d'une ancienneté fictive quand on est engagé dans une entreprise. Femmes et hommes se voient proposer une ancienneté tout à fait différente. Il en va de même quand le travailleur gravit les échelons de l'entreprise puisqu'il peut se voir aussi attribuer une ancienneté fictive dans le nouveau grade.
Tous les aspects individualisés des salaires sont fixés au détriment des femmes: primes, avantages et autres conditions de travail. Les femmes reçoivent moins souvent des primes et avantages extra-salariaux et ceux-ci sont moins importants. Beaucoup de discriminations diffuses sont organisées autour des conditions de travail. Le travail de nuit donne lieu à majoration de salaires: pour les hommes, il s'agit en général d'un doublement de la rémunération; pour les femmes, il s'agit de petites majorations pour travail inconfortable. Il y a aussi discrimination entre les heures supplémentaires et les heures complémentaires. Ces dernières sont payées à un tarif nettement majoré alors que les heures supplémentaires par rapport à un temps partiel sont payées au même tarif que les heures normales.
Une discrimination très importante sur laquelle personne n'insiste concerne la différence de statut civil et familial. Un homme marié avec charge d'enfants gagne plus qu'un homme célibataire sans enfant alors que c'est l'inverse pour une femme. L'écart maximum de salaire se situe entre l'homme marié avec enfants et la femme mariée avec enfants. C'est dû au fait que celui qui ouvre le droit aux allocations familiales a droit à des majorations. Or, c'est presque toujours un homme. Seuls deux pays en Europe, le Danemark et la Finlande, ne connaissent absolument pas cette situation.
L'écart entre hommes et femmes s'accroît avec le niveau occupé dans la hiérarchie professionnelle.
Dans tous les pays européens, l'écart est moins grand dans le secteur public que dans le secteur privé. En Italie, les femmes ont même une meilleure rémunération que les hommes dans le secteur public. Cela signifie que là où l'employeur n'est pas personnellement impliqué dans l'attribution de la rémunération, l'égalité est plus grande.
Mme De Vos passe ensuite en revue ce que le comité de liaison propose pour supprimer les discriminations et réduire les écarts nouveaux qui pourraient se produire. L'optique est d'utiliser au mieux les outils existants, sans en créer de nouveaux. Par expérience, l'intervenante a pu constater que le droit belge comme le droit européen en matière d'égalité des chances apportait peu de solutions sur le terrain.
La première piste consiste à faire contribuer les partenaires sociaux à l'établissement du diagnostic sur les écarts de rémunération. Lorsqu'ils négocient les salaires, les partenaires sociaux examineraient la présence d'écarts de rémunération entre les hommes et les femmes au niveau d'une commission paritaire, ou même d'une entreprise. Il faudrait ensuite consigner dans les conventions collectives une clause prévoyant la poursuite de la procédure si l'on constate des écarts: on demande alors aux employeurs de s'expliquer et de proposer eux-mêmes des remèdes.
Dans l'accord interprofessionnel en préparation, le comité de liaison demande qu'une partie de l'augmentation salariale autorisée soit réservée à la réduction des écarts. Il faut ensuite examiner au niveau des commissions paritaires comment procéder.
La deuxième grande recommandation vise à utiliser les différents critères énumérés pour mettre au point une méthode d'évaluation permanente et transparente.
Les résultats du travail fait en commissions paritaires devraient être transmis à un organe. Celui-ci viendrait ajouter des acteurs de la problématique aux partenaires sociaux: experts en égalité des chances, Institut pour l'Egalité, Inspection sociale. Baptisé Observatoire de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes, cet organe ferait un rapport annuel qui serait transmis au Parlement.
Le rôle de l'Inspection du travail doit être renforcé dans la mesure où c'est le seul organe qui peut avoir un effet sur le terrain, à la fois pour sanctionner mais aussi d'un point de vue pédagogique et de contrôle préventif.
Comme il y a eu très peu de plaintes pour inégalités en matière de rémunération, il ne faut pas s'attendre à en recevoir beaucoup plus. Néanmoins, il faut rappeler que l'Institut pour l'Egalité des femmes et des hommes a, entre autres, pour mission d'accueillir les plaintes, de les instruire et de représenter en justice. On peut imaginer aussi un système de plaintes anonymes, ce qui fournirait un surcroît d'informations sur ce qui se passe dans l'entreprise et permettrait d'alimenter l'analyse des discriminations sur le terrain.
III. DISCUSSION DU PROJET D'AVIS
Lors de sa réunion du 6 décembre 2006, le comité d'avis a examiné le projet d'avis présenté par les deux rapporteuses.
Au cours de cette discussion, plusieurs observations ont été formulées et le projet a subi quelques modifications.
Au point A.4.a), Mme de Bethune propose de remplacer le membre de phrase « car elles sont arrivées plus tard sur le marché du travail » par les mots « parce que les femmes interrompent plus souvent leur carrière que les hommes ». Elle pense en effet que l'ancienneté moindre des travailleuses est surtout due au fait que les femmes interrompent régulièrement leur carrière, par exemple après la naissance d'un enfant.
Mme Annane se rallie à l'observation de Mme de Bethune, mais pense que la différence d'ancienneté s'explique également en partie par le fait que les femmes commencent leur carrière plus tard. Il est notoire que les filles étudient plus longtemps que les garçons, ce qui se traduit bien entendu par une arrivée plus tardive sur le marché du travail. L'intervenante aimerait par conséquent garder la phrase initiale.
Mme de Bethune propose de formuler la phrase de la manière suivante: « Or on constate que les travailleuses ont moins d'ancienneté que les travailleurs, car elles sont arrivées plus tard sur le marché du travail et elles interrompent plus souvent leur carrière que les hommes. »
Tous les membres présents du comité d'avis se rallient à cette formulation.
Mme de Bethune souhaite ajouter au point A.4.e) la phrase suivante, qui contient des données factuelles supplémentaires: « Pour l'année 2006, une seule femme siège dans le groupe des 10 négociateurs de l'accord interprofessionnel ».
Tous les membres présents du comité d'avis approuvent cet ajout.
Dans le passage sur les exemples à l'étranger, et plus spécialement en France (point A.9.a), Mme de Bethune souhaite rectifier une inexactitude. Le texte proposé indique que la possibilité a été donnée aux partenaires sociaux de conclure un accord avant que le législateur n'intervienne. Elle fait remarquer qu'en France, il existe une obligation de négociation au niveau du secteur et de l'entreprise. Les entreprises doivent motiver tout rejet des revendications syndicales. La loi française est donc encore plus spécifique que ce qui ressort du projet d'avis.
Tous les membres présents du comité d'avis acceptent d'insérer ces phrases à l'alinéa 2 du point A.9.a).
Dans les recommandations en matière de mesures politiques (point B.2.), Mme de Bethune estime que l'alinéa 1er pose problème. Elle se félicite bien entendu de l'engagement pris par le gouvernement, mais regrette qu'il soit seulement intervenu en fin de parcours et reste provisoirement lettre morte. Pour souligner que le gouvernement aurait pu prendre des mesures plus tôt, elle aimerait insérer dans l'avis la phrase suivante:
« Le comité d'avis déplore que le gouvernement n'ait pris l'engagement de combler l'écart salarial qu'en fin de législature, alors qu'on avait adopté dès 1987 un arrêté royal offrant une première base légale pour remédier à la problématique de l'écart salarial. »
Mme Van de Casteele fait remarquer que Mme de Bethune se réfère à un arrêté royal de 1987. Il s'est donc écoulé plus d'une législature sans qu'aucune action soit entreprise et l'on peut donc à tout le moins parler d'une responsabilité partagée par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis cette date. L'intervenante ne peut que se réjouir de l'engagement pris par l'actuel gouvernement. De plus, ce sont souvent les interlocuteurs sociaux qui empêchent d'enregistrer des progrès. C'est pourquoi elle apprécie que l'opinion publique prenne progressivement conscience du problème et demande des solutions. Telles sont les raisons pour lesquelles elle ne peut pas soutenir le texte proposé par Mme de Bethune.
Une majorité des membres présents du comité d'avis ne souhaite pas que cette modification de texte soit insérée dans l'avis.
Les propositions suivantes de Mme de Bethune revêtent toutes un caractère général. C'est pourquoi elle souhaiterait les ajouter au point B.2 du projet d'avis.
Elle voudrait tout d'abord ajouter le texte suivant: « Le comité d'avis plaide pour des mesures politiques permettant de combler l'écart salarial à court et à moyen terme. Le comité d'avis estime que les interlocuteurs sociaux doivent être contraints ou, à tout le moins, encouragés à s'investir pour combler l'écart salarial. »
Les membres présents du comité d'avis acceptent d'insérer ce paragraphe au point B.2. des recommandations.
Mme de Bethune souhaiterait aussi insérer un paragraphe sur le rapport que prévoit l'arrêté royal du 14 juillet 1987, mais dont l'exécution est presque toujours restée lettre morte. Elle voudrait exhorter le gouvernement à assurer le suivi de cet arrêté royal ou à assortir son non-respect de sanctions.
Mme Van de Casteele trouve que l'arrêté royal de 1987 porte sur une matière beaucoup plus vaste que la seule égalité de rémunération. Elle n'est pas convaincue que cet arrêté royal prévoie un rapport sur l'égalité de rémunération. Elle attire l'attention sur la charge administrative que représenterait pour les entreprises l'obligation d'établir chaque fois des rapports distincts sur chaque aspect d'un problème. De plus, elle s'interroge sur l'opportunité de faire rédiger un rapport sur ces problèmes par chaque entreprise. Un rapport par secteur ne serait-il pas plus utile, de manière à donner un aperçu global ? C'est pourquoi elle souhaiterait disposer de plus d'informations avant de faire une recommandation à ce propos.
Selon Mme de Bethune, l'arrêté royal de 1987 oblige les entreprises à rédiger un rapport sur l'égalité des chances entre les femmes et des hommes, en ce compris l'égalité des rémunérations. Cette obligation n'est pas assez respectée pour l'instant, alors que de tels rapports constitueraient pourtant un instrument utile qui permettrait à l'entreprise de constater régulièrement pour elle-même où elle en est, quels sont les efforts qui ont déjà été faits et ceux qui pourraient encore être faits.
Mme van de Casteele n'est toujours pas convaincue. Elle souligne que comme les entreprises ont l'obligation de rédiger de plus en plus de rapports, elles risquent de considérer celui-ci comme une pure formalité. De plus, elle doute qu'un rapport sur l'égalité des rémunérations permette d'enregistrer des progrès concrets.
Mme de Bethune admet qu'il faudra évaluer ultérieurement la portée du rapport prévu par l'arrêté royal de 1987. Elle accepte de ne pas faire figurer dans le projet d'avis à l'examen la modification de texte qu'elle propose.
Comme dernière modification de texte, Mme de Bethune aimerait insérer une recommandation sur l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, qui mette l'accent sur l'utilisation, comme moyen stratégique, de la compétence légale de l'Institut habilitant celui-ci à assister les victimes présumées d'un traitement discriminatoire et à ester en justice. Elle espère que de cette manière, le phénomène de l'écart salarial deviendra plus apparent, ce qui devrait contribuer à le combler. Elle a la conviction qu'un procès bien mené peut être un moyen d'inscrire ce thème parmi les priorités de l'agenda politique.
Les membres présents du comité d'avis acceptent d'insérer cet ajout au point B.8. du projet d'avis.
IV. AVIS
A. Constatations
1. Historique
Quarante ans après la première grève des femmes de la FN Herstal, qui revendiquaient un salaire égal à travail égal, les femmes connaissent toujours, dans notre pays, un retard salarial considérable par rapport aux hommes. En dépit de la participation accrue des femmes au marché du travail, de diverses initiatives législatives et d'actions de sensibilisation comme l'Equal Pay Day, on constate encore un écart salarial entre les femmes et les hommes.
2. Quelques chiffres
Le comité d'avis constate qu'il existe diverses données chiffrées sur l'écart salarial, ainsi qu'une grande diversité de sources. Dans son Genderzakboek 2005, le Steunpunt WAV (Point d'appui Travail, Emploi, Formation) précise que la différence entre la rémunération annuelle moyenne brute d'un homme et la rémunération annuelle moyenne brute d'une femme est de 24 %. La FGTB fait état d'un chiffre identique. Une étude de A. Cattryse indique que les femmes gagnent en moyenne 27 700 euros brut sur base annuelle, contre 33 600 euros pour les hommes. L'écart salarial, mesuré comme étant le rapport entre les femmes et les hommes, s'élève à 18 %, ce qui signifie que les femmes gagnent 18 % de moins que les hommes. Le même constat ressort de l'audition de Mme Karen Geurts. Le comité d'avis ainsi que la CSC se basent dès lors, eux aussi, sur ce chiffre de 18 %. On ne tient pas compte ici de la rémunération intégrale, qui inclut toutes les composantes variables et les avantages complémentaires (PC, GSM, voiture de société, carte carburant, etc.). Si tous ces éléments étaient pris en compte, l'écart serait encore plus grand.
Le comité d'avis constate qu'il n'y a pas de réelle volonté de changement notamment par peur des coûts directs et indirects. Il est important de souligner que le coût de réajustement des salaires des femmes n'est pas insurmontable pour les entreprises. Au Québec, les études montrent que les réajustements, même dans de grandes entreprises, ne représentent que 2 à 5 % de la masse salariale globale.
3. Études et statistiques
Le comité d'avis constate que de très nombreuses études ont déjà été effectuées, mais estime qu'il est urgent de pouvoir disposer de données comparatives sur l'écart salarial.
Le comité d'avis constate le manque de statistiques concernant le marché du travail. Or les experts entendus se rejoignent pour affirmer que ces statistiques sont un outil essentiel dans la recherche des causes de l'écart salarial. L'Institut y est très attentif et produit déjà un certain nombre d'outils intéressants.
4. Les causes de l'écart salarial
Le comité d'avis conclut des auditions que les causes des discriminations salariales sont principalement les suivantes:
a) Âge
L’écart salarial augmente avec l’âge. Or on constate que les travailleuses ont moins d’ancienneté que les travailleurs, car elles sont arrivées plus tard sur le marché du travail et elles interrompent leur carrière plus souvent que les hommes. Leur moins grande ancienneté implique donc un salaire moins élevé.
b) Études-formation
Plus le niveau de formation est élevé, plus l'écart salarial est important. Dans l'Union européenne, le salaire des femmes titulaires d'un diplôme universitaire est de 32 % inférieur à celui des hommes possédant le même niveau de formation.
c) Carrière: expérience professionnelle et temps partiel
La carrière professionnelle des femmes n'a pas le même profil que celle des hommes. Les hommes travaillent généralement à temps plein dès le début de leur carrière jusqu'à l'âge de la retraite. Les femmes, elles, interrompent plus souvent leur carrière professionnelle en recourant au crédit-temps ou à d'autres formes d'interruption de carrière. Elles se constituent donc une ancienneté moindre et font aussi moins d'heures supplémentaires.
d) Statut civil et familial
Le statut civil a une influence sur l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Les hommes mariés avec enfants ont un salaire brut moyen qui est de 7 % supérieur à celui des hommes seuls sans enfants. Or, la différence est beaucoup moins importante entre les femmes mariées avec enfants et les femmes seules sans enfants. Inutile de préciser que c'est entre les hommes mariés avec enfants et les femmes mariées avec enfants que la différence est la plus grande.
La présence d'enfants a des effets opposés pour les hommes et pour les femmes quant à leur probabilité de participation au travail à temps plein.
e) Représentation des femmes dans les syndicats et dans les associations d'employeurs
Les femmes n'y sont pas suffisamment représentées alors que les partenaires sociaux ont un grand rôle à jouer en cette matière.
Le même constat peut être fait au niveau des instances de décision. Au sein du Conseil national du travail, on compte actuellement 24 membres effectifs, dont 20 hommes (83 %) et 4 femmes (17 %). Le CNT compte par ailleurs 2 membres associés effectifs féminins, 17 membres suppléants masculins (72 %) et 7 membres suppléants féminins (28 %). En ce qui concerne les membres associés suppléants, on compte un homme (50 %) et une femme (50 %).
Au sein des commissions paritaires, 5 796 mandats sont actuellement exercés par 3 045 personnes, dont 549 femmes (18 %) qui détiennent au total 1 009 mandats (17 %) (14 mars 2006).
Pour l’année 2006, une seule femme siège dans le groupe des dix négociateurs de l’accord interprofessionnel.
f) Ségrégation verticale (accès à de plus hautes fonctions hiérarchiques)
Les femmes sont systématiquement sous-représentées dans les organes de décision: elles représentent seulement 30 % des cadres, 10 % des membres des conseils de direction et 3 % des PDG ou fonctions équivalentes (1) . Une étude a montré qu'il subsiste toujours un plafond de verre qui complique l'accès aux fonctions supérieures pour les femmes. Or, les fonctions supérieures sont mieux rémunérées que les fonctions inférieures.
L'écart salarial entre les hommes et les femmes s'accentue à mesure que l'on grimpe dans l'échelle hiérarchique (étude Cattryse). L'écart le plus marqué se situe au niveau des fonctions de cadre et de direction (23 %) tandis que pour le travail hautement qualifié, il varie entre 19 et 20 %.
De nombreuses études ont démontré que promouvoir les femmes à des fonctions décisionnelles, c'est investir pour un environnement de travail plus productif, innovant et stimulant et pour de meilleures performances économiques.
Les entreprises ont une responsabilité claire à assumer pour veiller à ce que l'environnement général de travail favorise une participation plus équilibrée des femmes et des hommes dans la prise de décision
g) Ségrégation horizontale (ségrégation professionnelle et sectorielle sur le marché du travail)
Les femmes se retrouvent souvent dans un secteur déterminé ou dans des professions déterminées où, par surcroît, la rémunération est souvent moins élevée, comme le secteur du bien-être, le commerce de détail, l'industrie de l'habillement et le secteur horeca. La ségrégation sectorielle est l'une des principales explications de l'écart salarial. Le choix des études est très important à ce niveau. Les jeunes continuent à faire leur choix de manière très sexotypée. Rien que sur la base du choix des jeunes, on peut prédire dès à présent que notre marché de l'emploi comportera encore de nombreuses ségrégations durant les cinquante années à venir.
Historiquement parlant, les fonctions exercées par des femmes sont moins bien rémunérées que celles exercées majoritairement par des hommes.
Le comité d'avis constate un écart important entre le secteur public et le secteur privé. Dans tous les pays de l'Union européenne, l'écart salarial le moins marqué est celui que l'on rencontre dans le secteur public.
h) Systèmes d'évaluation des fonctions
La discrimination qui a lieu dans le cadre de l'évaluation des fonctions est responsable à elle seule du tiers de l'écart actuel en Belgique. Le sexisme peut se manifester à divers points du processus. Les aptitudes cachent d'autres aptitudes qui sont nécessaires à l'exercice de la profession. C'est ainsi que certains aspects du travail des femmes sont souvent oubliés.
La classification des fonctions n'est qu'un des éléments intervenant dans la détermination du salaire octroyé. Pour de très nombreux emplois du secteur tertiaire, l'employeur détermine encore individuellement le salaire d'un travailleur déterminé.
L'utilisation de systèmes d'évaluation des fonctions a un impact considérable. L'évaluation des fonctions vise principalement à les hiérarchiser de manière aussi objective que possible afin de justifier les différences de salaire. Une classification des fonctions établie sur la base d'une évaluation de celles-ci est donc un outil de discussion relative aux salaires correspondant aux fonctions et constitue la base de la structure des salaires. Les syndicats doivent être associés à l'ensemble du processus de classification. Un nombre croissant d'entreprises élaborent des systèmes d'évaluation des compétences dont elles considèrent qu'ils répondent mieux aux nouveaux besoins de l'entreprise. Le syndicat prône l'élaboration d'une classification analytique des fonctions comme base objective de la structure salariale. Le syndicat veut ainsi éviter toute forme d'individualisation.
i) Répartition des tâches ménagères
Les nombreux témoignages montrent que nous sommes encore loin d'une répartition égalitaire entre les femmes et les hommes des travaux ménagers et des soins parentaux. Avec tout ce que cela implique d'effets négatifs potentiels sur la carrière, le salaire, l'impact social, la retraite et le fait qu'elles sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel.
La participation des hommes aux tâches domestiques, y compris les soins aux enfants, est deux fois moins importante que celle des femmes (2) .
5. Rôle de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes
L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes est compétent pour assister les personnes en cas de présomption de traitement discriminatoire et pour ester en justice dans les litiges auxquels peut donner lieu l'application des lois pénales et d'autres lois ayant pour but spécifique de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes.
L'Institut a organisé d'ailleurs des séances d'informations à ce sujet, comme le symposium du 17 novembre intitulé: « Recherchons: plaignantes H/F discriminé(e)s sur la base du sexe ». Lors de cette rencontre, il est apparu que dans plusieurs États européens, le dépôt de plaintes pour discrimination salariale reste sensible, avec peu d'avancées (en France, en Hollande). Il n'est pas aisé de changer les points de vue en la matière. La situation belge semble par contre prometteuse avec le soutien de l'Institut pour l'Égalité des femmes et des hommes.
Bien que l'égalité de rémunération soit un acquis légal, elle ne se concrétise pas encore sur le lieu de travail. En ce qui concerne l'approche des écarts salariaux, on constate un décalage entre la situation juridique et la situation réelle. La travailleuse féminine est trop isolé du point de vue juridique pour pouvoir démontrer, par ses propres moyens, qu'une classification de fonctions donnée et la rémunération qui l'accompagne ont un caractère discriminatoire. En outre, l'élément émotionnel bride souvent le travailleur dans son envie d'assigner son employeur devant un tribunal.
Le comité d'avis constate que si de nombreux outils existent pour combattre les discriminations salariales, les intéressées ne sont souvent pas au courant de l'existence des instances chargées de lutter contre celles-ci. Or une sensibilisation aux structures existantes est l'une des clefs de voûte dans la lutte contre l'écart salarial. Le comité encourage dès lors l'Institut à renouveler régulièrement les campagnes d'information quant à l'aide qu'il peut apporter aux personnes préjudiciées en matière d'écart salarial.
Sur les 102 plaintes reçues par l'Institut en 2006, une seule portait sur une discrimination salariale et deux contenaient des questions sur la législation applicable en la matière. Aucune action en justice n'a été intentée dans cette matière.
Depuis 2001, l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes dirige le projet EVA en collaboration avec le Fonds social européen et les partenaires sociaux. L'Institut a organisé un séminaire de clôture du projet EVA qui s'est tenu le jeudi 9 novembre 2006 et qui était intitulé « À travail égal, salaire égal ? L'inégalité salariale entre femmes et hommes toujours bien réelle en 2006 ».
Le projet EVA est une étude de l'impact de la classification analytique sur l'égalité salariale, dirigée par l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes. Ses trois objectifs sont: revoir le paquet de formations et organiser des formations; examiner l'impact de la dimension du genre sur les salaires dans le cadre du développement et de l'instauration de méthodes analytiques et mettre au point une méthode analytique universelle et sexuellement neutre en vue d'analyser les fonctions.
Les premier et deuxième volets ont été réalisés (une recherche a été faite auprès des entreprises pour évaluer ce système). Il convient donc de tirer les conclusions de cette étude qui a débuté voilà cinq ans, le but étant de s'orienter vers une méthode analytique universelle. Le comité d'avis restera donc attentif aux conséquences de cette étude et veillera à ce que des résultats concrets soient atteints.
6. La politique en Belgique
a) Cadre légal
— les articles 10 et 11 de la Constitution belge;
— la loi du 7 mai 1999 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne les conditions de travail, l'accès à l'emploi et aux possibilités de promotion, l'accès à une profession indépendante et les régimes complémentaires de sécurité sociale (modifiant la loi du 4 août 1978 de réorientation économique);
— la CCT nº 25 du 15 octobre 1975 relative à l'égalité de rémunération entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, modifiée par la CCT 25bis du 19 décembre 2001, articles 3 et 5;
— la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination;
— l'arrêté royal du 14 juillet 1987 portant des mesures en vue de la promotion de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le secteur privé;
— le projet de loi (voté à la Chambre à l'unanimité le 16 novembre dernier) du ministre de l'Égalité des chances qui vise à insérer le « gender mainstreaming » dans tous les processus décisionnels et opérationnels.
b) Liste des principales politiques menées
— Note de politique générale du ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, doc. 51-2706/014;
— Note de politique générale du ministre de l'Emploi, compétent pour l'Informatisation, doc. 51-2706/001;
— Note de politique générale du ministre Van Velthoven intitulée Diversité sur le marché du travail, p. 9: le gouvernement s'engage à s'attaquer à l'écart salarial en passant les CCT au crible, en faisant rédiger un rapport comprenant des statistiques et des indicateurs affinés pour la fin de l'été, et en évaluant la CCT 25bis avec les partenaires sociaux;
— Les 10 travaux de Verhofstadt, plan d'action 2006-2007, 10 projets que le gouvernement veut encore faire aboutir avant la fin de la législature, parmi lesquels l'écart salarial;
— En 2004, la FGTB, la CSC et la CGSLB ont signé le manifeste « Égalité des femmes et hommes dans les syndicats »;
— Projet EVA: il s'agit d'une étude de l'impact de la classification analytique sur l'égalité salariale, confiée à l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes.
— Conseil des ministres des 20 et 21 mars 2005 consacré à la qualité de la vie: d'importantes mesures ont été prises, principalement au bénéfice des femmes, pour concourir à une meilleure articulation de la vie privée et professionnelle.
Depuis quelques années, la politique de l'égalité salariale en Belgique est axée sur les discriminations qui se produisent lors de l'évaluation des fonctions, sous l'impulsion du mémorandum européen relatif à l'égalité de rémunération pour un travail équivalent, qui met surtout l'accent sur l'usage de systèmes d'évaluation de fonctions « sexuellement neutres », peut-on lire sur le site www.monsalaire.be.
Le site www.monsalaire.be s'inscrit également dans le cadre d'un projet européen qui consiste en une enquête en ligne sur les salaires et qui permet ainsi à chacun de comparer son salaire à celui d'autres travailleurs qui exercent la même profession. Ces données anonymes sont ensuite recueillies dans une base de données européenne et seront utilisées dans des recherches scientifiques.
Le comité d'avis constate également que le ministre de l'Emploi, compétent pour l'Informatisation, M. Van Velthoven s'engage à s'attaquer à l'écart salarial dans sa note de politique Diversité sur le marché du travail: valoriser les talents. Le comité d'avis regrette cependant que le ministre annonce uniquement des mesures visant à lutter contre la discrimination concernant l'évaluation des fonctions. Une concertation est annoncée avec les partenaires sociaux ainsi qu'un examen approfondi des CCT sectorielles. Un groupe de travail a également été créé et la CCT 25bis sera évaluée et corrigée. Dans sa note de politique générale 2006/2007, (doc. 51-2706/001), le ministre de l'Emploi, compétent pour l'Informatisation, fait le bilan de l'année écoulée. Il constate que peu de progrès ont été enregistrés l'année passée. Le comité d'avis insiste auprès du ministre de l'Emploi, compétent pour l'Informatisation, pour qu'il joue le tout pour le tout et pour qu'il ne tarde plus à mettre les mesures en œuvre.
c) Concertation sociale
Dans l'accord interprofessionnel de 1999-2000, les partenaires sociaux ont convenu ce qui suit: « Les secteurs dans lesquels le système de classification des fonctions conduit à l'inégalité de chances entre hommes et femmes procéderont à une révision de ces systèmes au sein des commissions paritaires avec pour objectif de réaliser l'égalité de chances. Le cas échéant, ils demandent aux secteurs d'éliminer ces inégalités au moyen d'une révision analytique des classifications des fonctions ou au moyen d'un système jugé équivalent par les partenaires sociaux. » Dans les deux accords interprofessionnels suivants, les partenaires sociaux se sont engagés à poursuivre leurs efforts en plaidant vigoureusement en faveur des classifications analytiques de fonctions.
7. Politique européenne
L'Union européenne a toujours été le moteur de la lutte contre l'écart salarial entre les hommes et les femmes. L'Union européenne a énoncé le principe de « à travail égal, salaire égal » dès 1957, dans l'article 119 du Traité de Rome.
— Article 141 du Traité instituant la Communauté économique européenne (anciennement article 119), tel que modifié et coordonné par le Traité d'Amsterdam du 20 octobre 1997;
— Directive 75/117/CEE (articles 1, 2, 3, 4 et 6) du 10 février 1975 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins;
— Directive 76/207/CEE relative à la mise en œuvre de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (modifiée par la directive 2002/73/CE);
— Dans la « Feuille de route pour l'égalité entre les hommes et les femmes (2006-2010) », les États membres de l'UE s'engagent explicitement à combler l'écart salarial entre les femmes et les hommes. En 2007, la Commission européenne devrait faire une communication au sujet des différences de rémunération entre les hommes et les femmes;
— Le « Pacte de l'égalité des sexes » (mars 2005);
— Engagements dans le cadre des objectifs de Lisbonne (mars 2000):
Chaque gouvernement des États membres doit diminuer de moitié la différence des salaires pour 2010 et veiller à ce que cette disparité soit complètement éliminée pour 2020;
— Cadre d'actions sur l'égalité hommes-femmes, adopté le 22 mars 2005 au niveau européen entre les partenaires sociaux et concernant l'égalité entre les hommes et les femmes. L'important est que les employeurs et les syndicats y font une analyse commune des divers aspects de l'inégalité de traitement entre les hommes et les femmes;
— Mémorandum européen sur l'égalité des rémunérations pour un travail de valeur égale.
8. Droit international
— Article 23.2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 (Moniteur belge du 31 mars 1949);
— Article 14 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Moniteur belge du 19 août 1955 — erratum, Moniteur belge du 29 juin 1961);
— Article 4.3 de la Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 (Moniteur belge du 28 décembre 1990);
— Convention de l'Organisation internationale du travail nº 100 concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'œuvre masculine et la main-d'œuvre féminine pour un travail de valeur égale (Moniteur belge du 23 octobre 1952);
— Article 26 du Pacte international du 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Moniteur belge du 6 juillet 1983);
— Article 7 du Pacte international du 19 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Moniteur belge du 6 juillet 1983);
— Convention de l'ONU du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Moniteur belge du 5 novembre 1985).
9. Exemples à l'étranger
a) France
— Le label égalité a été introduit le 28 juin 2004. Il est décerné à des entreprises ou des organisations qui oeuvrent à la réalisation de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes;
— Le projet de loi de mobilisation pour l’emploi vise à ce que les entreprises appliquent effectivement le principe de l’égalité de rémunération dans un délai maximal de cinq ans. La possibilité a été donnée aux partenaires sociaux de conclure un accord avant que le législateur n’intervienne. Il existe une obligation de négociation au niveau sectoriel et au niveau de l’entreprise, mais les entreprises sont tenues de motiver tout refus des revendications syndicales. Des sanctions sont prévues pour le cas où les partenaires sociaux ne respecteraient pas la loi.
b) Royaume-Uni
La condition de divulgation (« Disclosure requirement ») a été introduite le 6 avril 2003. Tout travailleur a le droit d'obtenir des informations relatives au salaire d'un collègue de l'autre sexe, s'il a l'impression que ce collègue, qui effectue un travail égal ou équivalent au sien, perçoit un salaire supérieur au sien. L'employeur dispose d'un délai de huit semaines pour répondre à la demande d'informations du travailleur.
Les pouvoirs publics procéderont eux-mêmes, au sein de leurs départements, à des audits concernant l'égalité salariale (equal pay reviews) et élaboreront des plans d'action en vue de supprimer les écarts salariaux dans les deux ans.
Pour le secteur privé, il n'y a pas encore d'audits obligatoires.
Il est prévu d'octroyer des crédits d'impôt aux employeurs qui recrutent des femmes à des fonctions et dans des secteurs où elles sont fort peu nombreuses.
c) Canada
La loi sur l'équité salariale de 1997 vise à attribuer à des emplois traditionnellement occupés par des hommes un salaire égal à celui d'emplois traditionnellement occupés par des femmes.
Cette loi a permis de procéder dans certains secteurs à des rattrapages significatifs et oblige les entreprises à verser des ajustements salariaux. Le gouvernement canadien a aussi mis sur pied une commission de l'équité salariale (composée de deux entités distinctes et indépendantes, un Bureau et un tribunal) qui a, entre autres, pour mission d'assister les entreprises concernées dans la démarche d'équité salariale. La commission réalise des formations, des outils de sensibilisation et des outils de diagnostic.
Elle peut aussi remplir le rôle de conciliation pour un règlement des différends et des plaintes.
Cette loi sur l'équité salariale doit être évaluée pour fin 2006.
B. Recommandations
1. En matière de statistiques
Le Comité insiste auprès du gouvernement pour la poursuite de la mise à disposition annuelle de statistiques. En effet, il est impossible de développer des stratégies en vue d'obtenir un dispositif garantissant l'égalité salariale sans être au fait de la situation réelle.
Le comité d'avis insiste pour que le gouvernement fournisse chaque année des statistiques concernant des données salariales ventilées en fonction du sexe. En Belgique, le bilan social doit indiquer le nombre d'hommes et de femmes qui travaillent dans l'entreprise. De plus, il y a l'obligation d'établir un bilan de la répartition des fonctions par sexe et par niveau salarial.
2. En matière de mesures politiques
Le comité d'avis se réjouit qu'à l'occasion de la journée pour l'égalité salariale, le gouvernement fédéral ait pris l'engagement de prendre un certain nombre de mesures sur la base des propositions de loi et de résolution déposées aux chambres fédérales.
Le comité d'avis plaide en faveur d'un plan global et concerté entre tous les acteurs. Seule une approche multidimensionnelle qui prend en compte toutes les causes de l'écart salarial pourra arriver à mettre fin à cette discrimination.
Le comité d’avis plaide pour des mesures politiques permettant de combler l’écart salarial à court et à moyen terme. Il estime qu’il faut obliger ou, à tout le moins, encourager les partenaires sociaux à investir dans la suppression de l’écart salarial.
Le comité d'avis insiste en faveur de la mise en place d'une évaluation structurelle des politiques menées, à tous les niveaux de pouvoir, en matière d'égalité de salaires entre les femmes et les hommes. Cette évaluation devra être présentée au Parlement le 8 mars de chaque année et permettra de faire le point sur les progrès réalisés.
Le comité d'avis souhaite qu'une nouvelle méthode d'évaluation des classifications de fonctions, tant au niveau européen que belge, intègre les indicateurs suivants: l'âge, le niveau de formation, l'expérience professionnelle, le statut familial et civil, le statut professionnel, l'individualisation de la politique en matière de rémunération, la ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail et la discrimination au niveau des évaluations de fonctions. Pour chacun de ces indicateurs, il y aura donc des mesures appropriées à prendre.
3. En matière de mesures d'accompagnement
Dans la droite ligne des engagements de Barcelone, le comité d'avis souhaite que le gouvernement fédéral, en concertation avec les Communautés et les Régions, développe une politique de mesures d'accompagnement qui permettront, en particulier pour les femmes, de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Le comité d'avis pense tout particulièrement à l'amélioration des structures d'accueil et d'aide pour les enfants et les personnes dépendantes (âgées, malades ou handicapées).
Davantage de structures autour de la vie familiale permettront aux femmes d'être plus disponibles sur le marché de l'emploi et de pouvoir réduire une partie de l'écart salarial.
Le comité d'avis plaide en faveur de la prise en compte des congés de maternité et des congés parentaux dans le calcul de l'ancienneté et souhaite également que ces derniers ne soient plus considérés comme cause d'absentéisme.
4. En matière de concertation sociale
Le comité d'avis insiste pour que les partenaires sociaux fassent inscrire dans le prochain accord interprofessionnel la question de l'écart salarial et la possibilité d'utiliser une partie des augmentations salariales pour combler cet écart.
Le comité d'avis souligne avec insistance qu'il y a lieu d'associer toutes les parties concernées (employeurs, travailleurs et syndicats), dans toutes les étapes de la procédure, à la lutte contre les écarts salariaux.
Le comité d'avis soutient l'idée du Conseil de l'égalité des chances entre hommes et femmes de proposer aux négociateurs de l'AIP 2007-2008 un fil conducteur concret. Le Conseil établira des fiches reprenant les données significatives des thèmes abordés au cours des négociations, afin de pouvoir vérifier immédiatement, au cours des discussions, l'incidence de chaque mesure proposée sur les discriminations entre hommes et femmes. Le Conseil réalisera également des fiches donnant des exemples de bonnes pratiques appliquées en Belgique et dans d'autres États membres.
Le comité d'avis propose de dresser une liste des points à contrôler en matière d'égalité de rémunération afin de pouvoir aider les négociateurs lors des négociations collectives.
Le comité d'avis plaide également pour qu'on effectue, durant la concertation sociale, une évaluation du coût direct (augmentations salariales) et indirect à supporter pour combler l'écart salarial.
Le comité d'avis recommande de proposer aux intéressés (partenaires sociaux, experts, etc.) une formation sur la problématique de l'écart salarial.
Le comité d'avis souhaite encourager les organisations syndicales dans la mise en œuvre de leur Charte signée en septembre 2004 et dans laquelle ils s'engagent à faire des efforts liés au gendermainstreaming.
Le comité d'avis souhaite qu'après chaque accord professionnel, un rapport d'évaluation des avancées soit établi et remis au ministre compétent.
5. En matière de présence équilibrée d'hommes et de femmes
Peu de femmes sont présentes dans les organes décisionnels des commissions paritaires (où ont lieu les véritables négociations salariales). En ce qui concerne la nomination des membres du Conseil national du travail, l'attention des interlocuteurs sociaux est attirée sur le fait que pour chaque mandat, il convient d'introduire la candidature d'un homme et d'une femme au moins, conformément à l'article 2, § 1er, de la loi du 20 juillet 1990.
Le comité d'avis plaide pour une mixité des groupes de travail et pour une meilleure représentation des femmes au sein des équipes de négociation collective.
Le comité d'avis souhaite la prise de mesures structurelles pour corriger la sous-représentation des femmes au sein des organes de décision.
6. En matière de classification de fonctions neutre sur le plan du genre
Le comité d'avis plaide pour l'introduction d'un système de classification analytique et objectif, en tout cas pour les PME et pour les fonctions pour lesquelles il n'existe pas de conventions collectives de travail, comme les fonctions cadres.
Tous les postes de travail devront faire l'objet d'une classification. Le CNT devra fournir aux partenaires (par l'intermédiaire du projet EVA) les instruments nécessaires pour déterminer si une classification de fonctions est neutre du point de vue du genre. Bien que disponibles, les instruments d'évaluation ne sont pas utilisés dans la pratique. Il est nécessaire d'avoir des outils à disposition dès le début, par exemple un progiciel pour les petites entreprises qui ne peuvent ou ne veulent pas payer un consultant.
7. En matière de sensibilisation des hommes et des femmes
Les femmes doivent être mieux informées sur les conséquences de leurs choix de carrière (par ex travail à mi-temps) car ces derniers ont des répercussions négatives sur leur salaire et aussi sur leurs droits en matière de sécurité sociale.
Les partenaires sociaux ont une mission importante à jouer en abordant les rôles et stéréotypes masculins et féminins en matière d'emploi et sur le lieu de travail.
Le comité d'avis plaide en faveur d'une véritable sensibilisation des jeunes via les politiques d'enseignement et de formation de manière à rompre les stéréotypes encore présents et d'arriver à une répartition plus équilibrée des rôles de chacun entre le travail et la maison.
Le comité d'avis souligne le besoin de sensibiliser les hommes à la nécessité d'assumer davantage de tâches familiales.
8. En matière de renforcement des moyens juridiques et structurels afin de lutter contre les discriminations
Par analogie avec le Canada, on pourrait constituer une Commission (ou un organe) de contrôle de l'équité salariale. Il faut dégager des moyens pour développer un savoir-faire et une expertise.
Le comité d’avis demande à l’Institut pour l’Égalité des chances entre les femmes et les hommes de ne pas se borner à mener des études scientifiques et des actions de sensibilisation, mais aussi d’utiliser, comme moyens stratégiques pour attirer l’attention sur la problématique de l’écart salarial et la résoudre, sa compétence légale en matière d’assistance aux personnes s’il y a présomption de traitement discriminatoire, ainsi que son droit d’ester en justice en cas de litige.
9. En matière d'égalité salariale dans les entreprises
Il convient d'encourager et de soutenir les entreprises dans la mise en œuvre des plans pour l'égalité entre les hommes et les femmes comme le prévoit l'arrêté royal du 14 juillet 1987 portant des mesures en vue de la promotion de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le secteur privé.
Le comité d'avis plaide en faveur de la création au sein de l'Institut pour l'égalité entre les femmes et les hommes d'un observatoire de l'écart salarial qui serait responsable de la collecte des rapports annuels des entreprises sur l'état des mesures prises pour lutter contre l'écart salarial, et de la publication des noms des organisations qui n'ont pas remis ces données.
En parallèle, le comité d'avis souhaite la création d'un fonds pour la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes au sein de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes. Ce fonds aurait pour but de mener une politique incitative à l'égard des entreprises afin d'arriver à une représentation proportionnelle des femmes à tous les niveaux de fonctions et de parvenir à un niveau de rémunération équivalent.
Le comité d'avis est favorable à l'instauration d'un label égalité qui serait décerné aux entreprises, associations et administrations qui développent une véritable politique d'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.
V. VOTES
L'avis est adopté à l'unanimité des 11 membres présents.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 11 membres présents.
Les rapporteuses, | La présidente, |
Olga ZRIHEN. Sabine de BETHUNE. | Fatma PEHLIVAN. |
(1) Banque de données de la CE sur les femmes dans la prise de décision.
(2) Eurostat. Statistiques de la vie des femmes et des hommes dans l'Union Européenne. Mars 2006.