3-1872/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2006-2007

24 OCTOBRE 2006


Proposition de loi complétant le Code pénal en ce qui concerne l'utilisation d'armes à feu par les fonctionnaires de police qui prennent en flagrant délit l'auteur d'une infraction en possession d'une arme à feu

(Déposée par Mme Anke Van dermeersch)


DÉVELOPPEMENTS


Un État de droit moderne n'accorde pas le droit à ses citoyens de se faire justice, à l'exception des cas de légitime défense. L'État moderne monopolise le droit de recourir à la violence, par le biais des services de police. À une époque où les frontières s'ouvrent et s'estompent, il n'est pas rare que la police se retrouve face à des bandes de gangsters étrangers qui ne reculent devant rien. Il n'est plus tenable aujourd'hui d'obliger les fonctionnaires de police, dans de telles circonstances, à s'en tenir strictement aux règles de légitime défense qui s'appliquent aux particuliers. Récemment encore, cette triste problématique a fait l'actualité à l'occasion du procès d'assises pour « coups et blessures volontaires sans l'intention de donner la mort » portés sur le gendarme Marc Munte. À la suite de ce procès, le personnel de la police a notamment réclamé, à juste titre, un assouplissement de la législation sur l'utilisation des armes à feu par la police. La loi proposée vise à répondre à ces aspirations légitimes du personnel de la police.

La proposition prévoit qu'il y a nécessité actuelle de la légitime défense de soi-même ou d'autrui lorsqu'un fonctionnaire de police ayant pris en flagrant délit un auteur en possession d'une arme à feu, qui n'obéit pas immédiatement à l'injonction de jeter son arme, commet un homicide ou inflige des blessures ou porte des coups. Peu importe, en l'espèce, que l'auteur de l'infraction reste sur place ou tente de se soustraire aux forces de l'ordre.

Il en va de même lorsqu'un agent de police se trouve en présence d'une personne qui tient une arme à feu et ne donne pas immédiatement suite à l'injonction de jeter cette arme. Nous proposons à cet effet de compléter l'article 417 du Code pénal par un dernier alinéa 4 nouveau.

Conformément à l'article 2 du Code pénal, la loi proposée aura un effet rétroactif, puisqu'elle prévoit une peine plus légère. Cette loi pourra donc aussi être invoquée par les policiers qui ont eu recours à leur arme à feu avant son entrée en vigueur et qui auraient été punissables selon l'ancienne loi mais pas selon la loi proposée.

La loi proposée comporte également une mesure d'amnistie en ce qui concerne les policiers déjà condamnés qui n'auraient fait l'objet d'aucune condamnation si la loi proposée avait été en vigueur à l'époque.

Il est permis de se demander si la loi proposée est compatible avec l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet article capital dispose:

« Art. 2. — Droit à la vie

1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire:

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;

c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. ».

La réponse de l'auteur à cette question est claire: l'article 2 de la CEDH doit en tout état de cause être respecté. La section de législation du Conseil d'État pourra rendre à cet égard un avis précieux qui informera le législateur sur les limites de ses compétences.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

S'agissant de l'article essentiel de la loi proposée, il a déjà été suffisamment commenté dans les développements.

Article 3

Cet article accorde l'amnistie aux policiers (en ce compris les anciens gendarmes, les membres de la police judiciaire et les douaniers) qui ont été condamnés, avant l'entrée en vigueur de la loi proposée, pour des faits qui, conformément à la loi proposée, n'auraient pas été punissables.

Anke VAN DERMEERSCH.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 417 du Code pénal est complété par un alinéa 4, libellé comme suit:

« Si l'homicide a été commis, si les blessures ont été faites, si les coups ont été portés par un fonctionnaire de police surprenant, en flagrant délit, l'auteur d'une infraction, armé d'une arme à feu, et qui, après en avoir reçu l'ordre, ne laisse pas immédiatement tomber cette arme, et ce, que l'auteur s'immobilise ou tente de se soustraire au bras de la loi. Il en va de même lorsqu'une personne est surprise, dans n'importe quelle circonstance, une arme à feu à la main, par un fonctionnaire de police et qu'elle ne donne pas immédiatement suite à l'ordre de laisser tomber l'arme. ».

Art. 3

L'amnistie est accordée à tous les fonctionnaires de police, y compris aux anciens gendarmes, membres de la police judiciaire et douaniers, qui ont été condamnés avant l'entrée en vigueur de la présente loi pour des faits qui, aux termes de la présente loi, ne sont pas punissables.

La demande d'amnistie doit être envoyée par l'intéressé au procureur général près la cour d'appel de son domicile, par lettre recommandée à la poste. La lettre doit faire état de l'infraction pour laquelle l'amnistie est demandée et, dans le cas d'infractions ayant déjà donné lieu à des condamnations, de la date de celles-ci et de l'instance judiciaire qui les a prononcées.

Pour le surplus, la demande d'amnistie est instruite comme la réhabilitation et, en particulier, conformément aux articles 630 à 632 du Code d'instruction criminelle.

Lorsque l'amnistie est accordée, l'amende versée à l'État est remboursée, majorée de l'intérêt légal à dater du paiement de l'amende.

L'amnistie ne peut être invoquée contre les droits de tiers. Les dommages et intérêts payés à des tiers sont cependant remboursés par l'État, majorés de l'intérêt légal à dater du paiement des dommages et intérêts.

Les frais de la procédure visant l'obtention de l'amnistie sont à charge de l'État lorsque l'amnistie est accordée; dans le cas contraire, ils peuvent être mis totalement ou partiellement à charge du requérant lorsque la demande est téméraire ou vexatoire.

L'amnistie fait cesser, pour l'avenir, dans la personne du condamné, tous les effets de la condamnation, c'est-à-dire qu'elle fait cesser les incapacités qui résultaient de la condamnation, elle empêche que cette décision serve de base à la récidive, fasse obstacle à la condamnation conditionnelle ou soit mentionnée dans les extraits du casier judiciaire et du registre matricule militaire. Elle restitue au condamné les titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont il a été destitué et elle le relève de l'indignité successorale.

20 octobre 2006.

Anke VAN DERMEERSCH.