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6 JUIN 2006
I. INTRODUCTION
La proposition de résolution relative à la position des femmes âgées a été déposée le 23 février 2006. Lors de sa réunion du 15 mars 2006, la commission des Affaires sociales l'a envoyée pour avis au Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes et au Groupe de travail « Vieillissement de la population ».
Le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes et le Groupe de travail « Vieillissement de la population » se sont réunis les 22 mars 2006, 18 avril 2006, 3 mai 2006, 16 mai 2006, 28 juin 2006, 5 et 6 juillet 2006.
Lors de la réunion du 22 mars 2006, le Comité d'avis et le Groupe de travail ont décidé de rendre un avis commun à l'intention de la commission des Affaires sociales. Il a également été décidé d'annexer au rapport le rapport du séminaire qui a eu lieu au Sénat le 5 octobre 2005, dont le thème était le suivant: « Vieillissement de la population: place et rôle des femmes ». Mmes Hermans et Zrihen ont été désignées comme rapporteuses.
Au cours des réunions des 18 avril 2006 et 16 mai 2006 ont été tenues les auditions suivantes:
• 18 avril 2006:
— OOK-Vlaamse Ouderenraad: M. Oswald Van Ootheghem et Mme Mie Moerenhout
— Coordination des associations des seniors (CAS): Mme Renée Coen
— Nederlandstalige Vrouwenraad: Mme Herlindis Moestermans
— Conseil des Femmes francophones de Belgique: Mme Marie-Noëlle Vroonen-Vaes
• 16 mai 2006:
— Steunpunt voor allochtone meisjes en vrouwen: Mme Khadija Aznag
— Groupe Féminin Pluriel: Mme Nouzha Bensalah
— Commission Femmes Maghrébines: Mme Rachida El Idrissi.
Au cours des réunions du 28 juin, 5 et 6 juillet 2006, des amendements ont été discutés (voir doc. Sénat, 2005-2006, nº 3-1589/3 et 4), ainsi qu'une proposition d'avis.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE MME CHRISTEL GEERTS, AUTEUR PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Il est normal que le Sénat se penche plus particulièrement sur la position des femmes âgées dans la société, et ce, pour toute une série de bonnes raisons:
1º Pour des raisons démographiques, le vieillissement est une thématique féminine. 80 % des nonagénaires sont des femmes. Les femmes vivent plus longtemps que les hommes et, proportionnellement, elles sont partout plus nombreuses dans les institutions de soins. Du point de vue quantitatif, de nombreux indicateurs montrent clairement que le vieillissement est surtout une thématique féminine.
2º Les autorités font part de leur souci de ne pas traiter la catégorie des femmes âgées comme un groupe homogène unique; il s'agit là d'un groupe très diversifié, qui comporte presque trois générations. La grand-mère de 95 ans, sa fille de 75 ans et la petite-fille de 50 ans. Les conditions de vie dans lesquelles elles vivent concrètement ainsi que la formation qu'elles ont reçue diffèrent considérablement. L'image que la société s'en fait ne tient pas assez compte de ces différences. Dans notre société, la conception de la vieillesse est plus négative que celle de la jeunesse, et il en va de même a fortiori à l'égard des femmes âgées.
3º Si l'on compare les conditions de vie des femmes âgées à celles des hommes de la même catégorie, on constate, sur la base d'un certain nombre d'indicateurs (par exemple les revenus), que les femmes âgées ont, dans les grandes lignes, une vie plus difficile que les hommes âgés.
4º En dépit des nombreux efforts faits par les organisations de femmes et de seniors pour que les statistiques tiennent également compte de la question du genre, force est de constater que le résultat n'est pas encore satisfaisant. La conséquence en est que l'on ne dispose pas de suffisamment de statistiques pour mener une politique axée sur les femmes âgées.
C'est donc ici que réside l'intérêt de la résolution: si l'on parvenait à améliorer les connaissances de la vie et de la situation des femmes vieillissantes, on pourrait mieux cibler ce groupe dans la politique suivie.
La proposition de résolution donne un aperçu par thème et par domaine de vie des préoccupations existantes en ce qui concerne les femmes vieillissantes.
Dans la deuxième partie de la résolution, ces préoccupations se traduisent par une série de remarques et de questions.
A. Imagerie sociale
Des questions se posent concernant:
— l'imagerie sociale en général: on consacre beaucoup d'attention à la beauté physique et à l'apparence; on considère beaucoup trop que la jeunesse et les valeurs qui y sont liées constituent la norme. Cela aboutit à une série d'images stéréotypées susceptibles de faire obstacle à l'acceptation du vieillissement des femmes. On renvoie à cet égard au concept anglais d'« âgisme ».
— En outre, l'idée que l'on se fait des femmes âgées est beaucoup plus sévère que celle des hommes de la même catégorie. C'est pourquoi on dit parfois que les femmes sont confrontées à une double discrimination, l'« âgisme » d'une part et le « sexisme » d'autre part.
B. Position sociale
La résolution reconnaît l'existence, dans le groupe des personnes âgées, de plusieurs points qui méritent réflexion, mais elle tient à souligner que certains indicateurs sont quand même fortement influencés par la problématique du genre qui, le plus souvent, ne joue pas en faveur des femmes. Voici quelques-uns de ces indicateurs:
B1. Formation et diplômes
On indique, chiffres à l'appui, que le degré de formation des personnes âgées est généralement faible en comparaison de celui des jeunes, mais si l'on observe de plus près le groupe des personnes âgées, le degré de formation est encore plus bas chez les femmes âgées que chez les hommes âgés.
Le degré de formation est pourtant un facteur décisif pour le statut sur le marché du travail, les possibilités de carrières professionnelles et la situation financière à un âge plus avancé.
Ce qui est positif, c'est que lorsqu'on prend en considération le segment des formations professionnelles, on constate qu'il n'y a pas de différenciation des genres. Les travailleurs âgés ne participent généralement pas assez aux formations professionnelles, mais on n'a pas retrouvé ici d'importantes différences en fonction du genre.
La fracture numérique est pourtant réelle: les personnes âgées souffrent d'un retard manifeste. La Belgique n'enregistre pas assez de progrès dans la résorption de la fracture numérique. Il y a un lien avec la formation, le sexe et l'âge.
B2. Place sur le marché du travail
Cette partie aborde les thèmes suivants:
1º le groupe des femmes de plus de 50 ans reste, lui aussi, de plus en plus présent sur le marché du travail;
2º très récemment encore, on a découvert dans les discours relatifs aux travailleurs âgés et aux pensions que des femmes âgées font également partie de ce groupe cible;
3º on souligne non seulement l'accroissement du taux d'activité de génération en génération, mais aussi la baisse du taux d'activité au fur et à mesure que l'âge augmente, et cette évolution est encore plus prononcée chez les femmes que chez les hommes;
4º les caractéristiques des carrières professionnelles des femmes âgées sont, elles aussi, observées à la loupe: elles occupent souvent des emplois moins valorisants, des postes où les conditions de travail sont moins bonnes, ...
En d'autres termes, il y a des différences entre les femmes âgées et les hommes âgés sur le marché du travail, et ce, sur le plan tant quantitatif que qualitatif.
Non seulement les femmes quittent le marché du travail plus tôt, mais en outre, elles empruntent des trajectoires différentes: par exemple, les femmes ont plus souvent recours au système de l'interruption de carrière, elles bénéficient moins des formules lucratives de sortie du marché du travail (sans doute y ont-elles plus difficilement accès); les chiffres du chômage révèlent que chez les femmes, le chômage est très étroitement lié au niveau d'éducation.
C. Situation économique
L'ancienne génération dispose de revenus inférieurs à ceux des jeunes générations. Pourtant, on dit parfois qu'une importante manœuvre de rattrapage s'est produite à cet égard ces dernières années. Les femmes ont généralement un revenu inférieur à celui des hommes, un phénomène qui s'observe tant pour les revenus dont bénéficient les isolées que pour les revenus de l'épargne (propriété et investissement), ...
Dans ce domaine, les facteurs de risque sont plus nombreux chez les femmes âgées que chez les hommes âgés. Chez les retraités aussi, le risque de pauvreté de longue durée est plus élevé pour les femmes âgées que pour les hommes. 80 % des bénéficiaires du revenu garanti et de la garantie de revenus sont des femmes.
D. Relations des femmes
En raison de la dynamique de l'espérance de vie, le risque de devenir un isolé à un âge plus avancé est beaucoup plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Il s'agit souvent d'une génération de femmes âgées qui n'ont encore jamais vécu seules. C'est la raison pour laquelle elles vivent la situation d'isolée comme une sérieuse épreuve.
Les femmes âgées sont beaucoup plus dépendantes d'autrui que les hommes en matière de mobilité. Le groupe des jeunes seniors doit faire face à un taux de divorce croissant et à des problèmes financiers qui sont dus à l'aspect spécifique de leur situation professionnelle.
Il ressort des données relatives aux soins qu'une large proportion des femmes âgées isolées sont intégrées dans un réseau de soins. La place qu'elles occupent dans ce réseau fait le plus souvent d'elles des dispensateurs de soins primaires ou secondaires. Lorsqu'on parle de soins à domicile et de prestations de soins, il s'agit principalement de femmes.
Le point « Violence et sentiments d'insécurité » commence par la constatation suivante: il est difficile de rassembler des données à ce sujet, en raison du fait que quand on ventile les données statistiques, on le fait selon l'âge ou selon le sexe, mais trop rarement en combinant les deux.
Il importe de noter que si l'on observe de plus près le phénomène de la violence et de l'insécurité, il faut éviter de se focaliser exclusivement sur la vie publique et prendre avant tout en compte la situation en matière de soins et la situation à domicile des personnes âgées.
En outre, il est établi de longue date que le sentiment d'insécurité croît sensiblement lorsqu'il est associé à la sécurité effective, par exemple sur la base du moniteur de sécurité.
E. Participation
Les femmes mûres sont sous-représentées au sein de divers organes de décision et d'avis. Un tiers à peine des membres des conseils consultatifs locaux de seniors sont de sexe féminin.
Les faits montrent que la féminisation du parlement est surtout un rajeunissement. Alors que plus de la moitié des sénateurs masculins et des représentants flamands masculins ont plus de 50 ans, moins d'un cinquième des représentantes de la Chambre sont âgées de plus de 50 ans.
F. Santé
L'accent est mis principalement sur la démence, non pas parce que les femmes seraient plus vulnérables que les hommes à la démence, mais bien parce qu'elles ont la « malchance » de vivre si longtemps qu'elles courent plus de risques d'être affectées par cette maladie.
Il n'existe qu'un nombre limité de données relatives à la différence de consommation dans le secteur de la santé: les femmes âgées vont plus souvent chez le médecin et suivent plus de traitements médicaux que les hommes.
Mais il y a aussi d'autres sons de cloche: les femmes âgées sont souvent plus consciencieuses en ce qui concerne la prise de médicaments et le suivi des consultations pour leur entourage qu'elles ne le sont pour elles-mêmes.
G. Facteur soins
Ce sont très souvent des femmes d'âge moyen qui sont confrontées à une diversité de demandes de soins.
Au vu des soins donnés dans les établissements résidentiels ou les structures d'accueil pour personnes âgées, les plus grands consommateurs sont les femmes, en raison de leur plus grande espérance de vie.
III. AUDITIONS
1. Auditions du 18 avril 2006
1.1. Exposés introductifs
1.1.1. M. Oswald Van Ooteghem, trésorier, et Mme Mie Moerenhout, directrice, OOK-Vlaamse Ouderenraad
M. Van Ooteghem constate que ce thème intéresse assez peu les sénateurs de sexe masculin.
L'intervenant constate en outre que le texte à l'examen est une proposition de résolution qui traduit uniquement un engagement moral de la part de ses signataires. La proposition de résolution à l'examen ne peut cependant pas être considérée comme un moyen d'apaiser les personnes âgées, hommes ou femmes. L'intervenant souligne qu'il est en tout cas un fait que la Belgique est le pays où les retraites sont, et de loin, les plus modestes en comparaison des autres pays d'Europe.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad applaudirait dès lors sans réserve à une proposition de loi visant à relever le montant des pensions les plus basses. Une fois qu'ils ont payé leur loyer et les autres charges, les bénéficiaires du revenu garanti aux personnes âgées n'ont plus pour vivre que 8,70 euros par jour.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad se félicite de l'économie générale de la proposition de résolution, mais formule néanmoins une série d'observations:
1º la pauvreté chez les personnes âgées est un problème qui ne touche pas exclusivement les femmes. Il y a aussi des hommes âgés qui en sont réduits à vivre dans des conditions de grande pauvreté.
2º les statistiques citées dans les développements de la proposition de résolution concernant les centenaires ne sont plus à jour: notre pays compte aujourd'hui 1400 personnes qui ont franchi le cap des 100 ans, dont 15 % sont des hommes.
Mme Moerenhout commente le point de vue de l'OOK-Vlaamse Ouderenraad comme suit:
L'OOK et le Vlaamse Ouderenraad remercient le groupe de travail et le comité d'avis de leur offrir l'occasion d'exposer leur point de vue sur la situation évoquée par la proposition de résolution: dès l'instant où l'on parle des personnes âgées ou que l'on prend des décisions les concernant, il faut absolument que les intéressés aient l'occasion de se faire entendre. Il en va de même pour les femmes ou pour les femmes âgées: on ne peut pas parler d'elles sans les associer à la discussion, sans entendre ce qu'elles ont à dire.
D'où l'importance qu'il convient d'accorder à la création du Conseil fédéral des aînés. Il s'agit d'un organe de concertation et de codécision, qui permet aussi d'assurer une présence équilibrée des hommes et des femmes dans ces processus. Mais cela ne peut pas se faire au détriment de la qualité. Il s'agit en effet parfois de matières très spécifiques et spécialisées, telles que les thèmes qui sont abordées au sein du Comité consultatif pour le secteur des pensions. Or, c'est parfois là que le bât blesse actuellement: les femmes âgées ont tendance à avoir un niveau de formation, de recyclage et d'expérience professionnelle plus bas. Cependant, ce problème ne sera, semble-t-il, que temporaire. À mesure que le temps passe, le nombre de femmes âgées ayant suivi une formation de niveau supérieur ira croissant.
Le contenu de la proposition de résolution à l'examen élargit le débat sur le vieillissement. L'OOK-Vlaamse Ouderenraad se réjouit de cette évolution. Au départ, le débat sur le vieillissement se limitait en effet aux pensions et à la sécurité sociale ainsi qu'à la viabilité financière des deux systèmes. Reste toutefois à savoir si seules les femmes doivent y être associées. L'OOK-Vlaamse Ouderenraad préconise de mener une politique inclusive lorsque c'est possible, par catégorie chaque fois que c'est nécessaire. La proposition de résolution s'inscrit donc dans cette approche, une approche que l'OOK-Vlaamse Ouderenraad voudrait étendre à une politique des femmes et des hommes vieillissants, en mettant l'accent sur les femmes âgées s'il y a lieu.
La prémisse selon laquelle le vieillissement est un thème spécifiquement féminin est donc trop rigide. Mais lorsqu'une question telle que celle des pensions des femmes âgées réclame une attention explicite, il faut la lui accorder.
Il y a encore d'autres problèmes spécifiques qui frappent surtout les femmes âgées:
— pensions de retraite souvent plus modestes;
— plus souvent accaparées par des tâches d'assistance;
— mobilité moindre;
— davantage de risques de problèmes de santé (multiples);
— un sentiment d'insécurité plus fréquent.
Les organisations d'aînés regroupent à la fois des hommes et des femmes, sauf lorsqu'il existe un groupe distinct pour les femmes âgées au sein d'une organisation plurigénérationnelle (c'est le cas, par exemple, de la KVLV). Il n'est pas dans les habitudes de l'OOK-Vlaamse Ouderenraad de faire des distinctions selon le sexe. Il est vrai que les fonctions de direction sont le plus souvent assumées par des hommes, malgré le nombre plus élevé de femmes dans les catégories d'âge en question.
Même une organisation comme l'OOK-Vlaamse Ouderenraad peine à atteindre une composition paritaire. Une formation moins poussée, moins de repères issus de la carrière professionnelle, des tâches familiales accaparantes, l'image de soi, ...sont autant de facteurs qui influencent la répartition.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad s'efforce néanmoins de remédier à cette situation et d'équilibrer sa composition. On a établi comme règle, pour la constitution du Vlaamse Ouderenraad, qu'un tiers au moins de ses membres devaient être de l'autre sexe. Un effort supplémentaire des principales organisations d'aînés a permis d'atteindre cette proportion.
Pour la désignation des experts, on a même appliqué la règle plus stricte de la parité de manière à obtenir une représentation égale des hommes et des femmes, favorisant nettement de la sorte les femmes par rapport aux hommes vu le nombre de candidats (3 femmes, 9 hommes).
La plupart des femmes âgées ont assumé pendant leur vie diverses tâches d'assistance: elles se sont souvent occupées des enfants, plus tard de leurs parents et petits-enfants, parfois aussi d'autres membres de la famille ou de tiers extérieurs à leur famille.
Dispenser également des soins aux femmes âgées lorsque cela s'avère nécessaire ou leur donner accès aux soins professionnels adéquats, y compris lorsque leur situation financière est précaire, est donc une question de solidarité. Peut-être faudrait-il prévoir davantage de mesures d'encouragement.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad est préoccupé par l'impact qu'ont sur les jeunes gens les informations relatives aux effets néfastes qu'aura sur leur pension de retraite une interruption de carrière ou une réduction partielle de leurs prestations de travail. Les besoins et nécessités du moment priment dans leur esprit l'âge de la retraite et une éventuelle perte de revenus très éloignée dans le temps. Ne prend-on pas en l'espèce des mesures contradictoires (on encourage, on donne des possibilités — on dissuade) ?
On pourrait modifier le rapport de connexité entre la planification de carrière, le planning familial et la planification de périodes d'arrêt de travail, sans pour autant oublier les personnes qui ne peuvent pas se prévaloir d'une carrière professionnelle « officielle ». Les normes actuelles sont conçues pour des ménages à deux revenus ayant effectué des carrières complètes à temps plein. Une autre approche serait bénéfique aux femmes âgées d'aujourd'hui et de demain.
Par la vie qu'elles ont menée, les femmes âgées restent plus effacées que les jeunes femmes: c'est ainsi qu'auparavant, la recherche était non seulement réalisée essentiellement par des hommes, mais aussi taillée sur mesure pour eux au niveau du contenu. En ce sens, la recherche offre une occasion unique de mieux comprendre et de mieux pouvoir agir là où il le faut, dans la mesure où elle fait systématiquement apparaître les similitudes et les divergences. L'hétérogénéité est ainsi davantage mise en évidence.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad considère comme positive la demande formulée dans la résolution de ventiler davantage les statistiques par catégorie d'âge et par sexe.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad partage le point de vue selon lequel il faut reconnaître les capacités des femmes et valoriser leurs compétences.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad a aussi été un pionnier en l'espèce: voici 6 ans que l'OOK (et aujourd'hui l'OOK-Vlaamse Ouderenraad) est présidé par une femme sans grandes qualifications, qui a tout appris « sur le tas ». Elle s'est toujours engagée dans des associations ou en tant que bénévole et a suivi diverses formations de sa propre initiative.
Davantage de femmes devraient avoir de telles opportunités.
Comme le souligne la résolution, beaucoup reste à faire au niveau des médias et de la publicité.
Les personnes âgées, et peut-être surtout les femmes âgées, demandent qu'on les montre telles qu'elles sont, au milieu de leurs occupations. Pas uniquement celles qui sortent du lot, pas uniquement le sensationnel. Il y a aussi de belles personnes parmi les femmes âgées, comme celle de la publicité pour Dove. Il existe en revanche aussi des exemples de très mauvais goût, comme la publicité faite par Vastiau-Godeau « getrouwd met een oud meubel ? » (marié à un vieux meuble ?), qui présentait une femme âgée sur un divan. C'était certes le meuble qui était visé ... mais tout de même.
En général, les médias et la publicité véhiculent des images sociales négatives à propos de la vieillesse et surtout des femmes âgées. Celles-ci sont présentées sous un aspect négatif plus rapidement que ne le sont les hommes âgés.
Il faut que la société se défasse de cette imagerie négative mais, pour cela, il faut sensibiliser les médias et la publicité car ceux-ci n'ont pas pour habitude de véhiculer une image réaliste et correcte.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad a lui aussi déjà consacré un mémorandum à la problématique des femmes et des hommes âgés dans les médias.
Le débat sur les pensions et sur le vieillissement ne peut pas porter que sur l'avenir. Il y a dès à présent des mesures à prendre, en particulier en faveur des femmes qui ont été moins favorisées, qui survivent à leur partenaire, qui sont confrontées à davantage de problèmes de santé, qui ont bénéficié de moins d'opportunités dans le circuit officiel du travail et ne perçoivent dès lors qu'une modeste pension.
La fracture numérique est plus marquée chez les femmes âgées que chez les hommes âgés.
On tombe trop vite dans le piège et la fracture numérique s'accroît, non seulement parce que les aptitudes et les connaissances de base font défaut mais aussi parce que l'information est diffusée exclusivement ou plus largement par Internet.
C'est pourquoi l'OOK-Vlaamse Ouderenraad a demandé au Nederlandstalige Vrouwenraad de ne pas communiquer les activités de son groupe de travail « Femmes âgées » exclusivement par Internet et ce, afin d'atteindre le groupe cible le plus large possible.
L'OOK-Vlaamse Ouderenraad souhaite élargir le dialogue préconisé par la résolution entre les responsables politiques compétents en matière d'égalité des chances et de politique des personnes âgées. La plupart des politiques ont un impact sur les personnes âgées.
Il est important que les femmes âgées fassent entendre leur voix dans les processus décisionnels, mais l'OOK-Vlaamse Ouderenraad estime que cela ne doit pas spécifiquement se faire dans le cadre des organisations de femmes âgées. Celles-ci sont en effet peu nombreuses. L'OOK-Vlaamse Ouderenraad accorde lui aussi une grande importance aux points prioritaires suivants formulés dans la résolution:
— la violence et la maltraitance envers les personnes âgées et, en particulier, les femmes;
— bien que les femmes âgées soient moins victimes d'actes de violence, nombre d'entre elles ressentent un fort sentiment d'insécurité: la promotion du dialogue, comme le propose la résolution, revêt une importance cruciale à cet égard;
— la formation des thérapeutes doit être davantage axée sur les personnes et les femmes âgées;
— l'enseignement général doit accorder davantage d'attention au processus du vieillissement.
1.1.2. Mme Renée Coen, vice-présidente de la Coordination des associations des seniors (CAS)
Mme Coen présente le point de vue de la Coordination des associations de seniors qui est l'équivalent francophone de l'OOK. Cette coordination a vu le jour il y a un an et demi. Elle représente entre autres l'Association francophone des universités de tous âges, la Confédération des pensionnés socialistes, Espace seniors (des mutualités socialistes), la Fédération indépendante des seniors, la Ligue libérale des pensionnés, l'Union chrétienne des pensionnés, la Ligue des familles.
La CAS partage un grand nombre des considérations formulées par l'OOK. Elle se réjouit de la création d'un Conseil consultatif des aînés. La problématique des femmes âgées est importante et la CAS salue la qualité de l'étude préparatoire qui a été réalisée. Néanmoins, les hommes sont aussi concernés et les solutions doivent être élaborées avec eux. La mixité est le leitmotiv de l'association.
Les problèmes spécifiques aux femmes âgées ne naissent pas du jour au lendemain. Comme l'oratrice précédente, Mme Coen estime que la préoccupation de genre doit être présente dès l'école. On n'attache pas assez d'importance, dans l'enseignement, aux questions de rôle, d'image de l'homme et de la femme, et des personnes âgées. Les programmes d'éducation devraient inclure des rencontres intergénérationnelles. Il faudrait apprendre très tôt à décoder les messages publicitaires et mettre les publicitaires devant leurs responsabilités dans l'image qu'ils véhiculent de la femme, en particulier de la femme âgée. Cette dernière est d'ailleurs quasiment absente ou seulement utilisée pour choquer.
Mme Coen partage aussi les préoccupations exprimées au sujet de la fracture numérique. Il n'est pas toujours nécessaire de lancer de grands projets. Prenons l'exemple des micro-crédits le plus souvent octroyés aux femmes dans les pays en voie de développement et qui fonctionnent remarquablement bien. En Belgique aussi, il faudrait soutenir de petites initiatives.
L'idée qu'à tout âge, on peut apprendre est fondamentale. On peut apprendre à se servir d'un gsm, d'un ordinateur à tout âge. On n'imagine pas l'impact de ce genre de petite formation sur les personnes âgées qui peuvent ainsi communiquer avec leurs petits-enfants, qui se sentent valorisées parce qu'elles maîtrisent une technique, etc. La CAS souhaite qu'on encourage les initiatives locales, également parce qu'il est important pour les seniors de faire partie d'un réseau.
La CAS se réjouit d'une meilleure organisation du volontariat car c'est aussi un moyen pour les seniors de rester actifs et de se sentir utiles.
Enfin, Mme Coen rappelle que 22,5 % des électeurs ont plus de 65 ans, soit un électeur sur quatre. C'est un groupe important et on ne peut que se réjouir de l'attention qui lui est portée.
1.1.3. Mme Marie-Noëlle Vroonen-Vaes, vice-présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB)
Le CFFB, par l'intermédiaire de sa commission « Vieillissement », apprécie beaucoup la résolution pour son analyse fouillée de la situation des femmes âgées et il en remercie les auteurs.
Dans son ensemble, le CFFB formule quelques remarques:
1º il faudrait définir la population de femmes âgées concernées par le texte, soit en adoptant la définition des Nations unies (c'est-à-dire les femmes de plus de 65 ans), soit en visant une population de plus de x années selon les situations vécues, ce qui permettrait de les mettre en comparaison avec l'ensemble de la population selon les cas (statistiques et indicateurs);
2º la résolution traite dans le désordre d'une problématique observée dans plusieurs groupes de population plongés dans des situations bien différentes:
— les seniors actives professionnellement, en fin de carrière ou en manque d'emploi;
— les seniors actives autonomes, ayant terminé leur vie professionnelle, assumant ou souhaitant assumer leur rôle social;
— les seniors plus passives et en dépendance financière, physique ou psychique. La notion de dépendance mériterait une approche beaucoup plus nuancée.
En résumé, les besoins et les situations sont très différents, comme les causes d'inégalités. Les sujets devraient donc être triés et renvoyés aux diverses autorités compétentes.
Concernant les vingt demandes adressées au gouvernement fédéral dans la résolution:
Les demandes 1 à 5 sont légitimes et importantes parce qu'elles donneront une meilleure visibilité au vécu des femmes âgées et aux problématiques qui les concernent. Le texte n'est cependant pas explicite concernant les missions spécifiques des femmes âgées. L'âge n'a pas d'incidence sur le droit au rôle social. Seul l'état de santé peut jouer. Quant au dialogue, il faut y inviter aussi les personnes concernées de tous âges, et pas seulement les élus politiques et les responsables d'institutions.
Concernant les problématiques liées à l'emploi, au chômage et à l'insertion professionnelle, le CFFB insiste sur le fait qu'elles ne sont pas réservées aux seules personnes âgées et concernent beaucoup de groupes fragilisés. Il y a danger à faire des sous-groupes « à risque » et à prendre des mesures qui risqueraient de discriminer d'autres catégories de travailleurs. Cette politique doit être étudiée dans son ensemble. Pour la formation continue, au point 6, le CFFB demande plus d'explications sur la notion « apprentissage complet ». Concernant la remise au travail, le CFFB propose de rassembler les points 7, 9 et 10. Le CFFB est prêt à préparer un texte martyr si le Groupe de travail le souhaite.
Concernant le plan de carrière (point 11), il serait bon de recommander un calcul du quota d'années, modulable, formule qui profiterait aussi aux hommes, avec des réductions ou augmentations d'horaires selon les périodes prestées, accompagnée de cotisations de remplacement pendant les périodes « sans emploi ».
Le point 20 semble important et mérite d'être approfondi. Les femmes qui choisissent le travail « familial » le font rarement en toute liberté. Elles semblent désignées pour le faire. D'autres interrompent leur carrière ou y renoncent sans connaître les répercussions de ce choix. Elles doivent effectivement être mieux informées. Le CFFB répète l'utilité de travailler à l'individualisation des droits pour offrir une continuité aux parcours de vie de chaque individu.
Concernant la situation des seniors qui désirent continuer à participer à la vie sociale, notamment par la prise de décision, le CFFB note avec plaisir une demande concernant les « autoroutes de l'information » (point 8). Ce pourrait être aussi les autoroutes de l'informatique si les moyens financiers suivaient. Qu'envisage-t-on comme efforts supplémentaires ?
Deux autres points en faveur des réseaux associatifs (points 13 et 14) sont positifs, pour autant que des animateurs de qualité soient mis à disposition et que l'on considère aussi les associations qui s'occupent de toutes les femmes. Le grand âge se prépare et nous sommes toutes et tous coresponsables de notre futur.
Par contre, l'impact de la sécurité sociale et celui, inégal, des pensions sont abordés trop succinctement (point 12). L'expression « spécificités de la carrière des femmes » ne recouvre pas une réalité unique. Il y a toutes sortes de carrières ou pas de carrière. Mais la question est: de quels revenus la femme âgée va-t-elle vivre ? Le CFFB ne retrouve aucun appel à réformer la sécurité sociale et à tendre à l'individualisation des droits afin de pouvoir tenir compte du parcours personnel de la femme (et de l'homme) de A à Z et lui donner l'assurance d'une retraite décente.
En matière de santé (points 18 et 19), les femmes de tous âges sont concernées. Le CFFB note seulement que les polypathologies sont plus fréquentes dans le grand âge.
À signaler encore, quelques demandes importantes concernant la sécurité (point 16), la maltraitance (point 15) et l'attention aux situations de démence (point 17). Pas de mention du phénomène croissant de suicides. Si l'on pointe du doigt avec raison la nécessité de former les personnes qui sont en contact avec les plus âgés, il faudrait y ajouter une remise à niveau et une révision des statuts de ces personnes afin qu'elles se sentent reconnues dans leur travail et motivées pour le faire. La qualité des soins dépend aussi des conditions de travail et de la motivation, pas uniquement d'une mentalité positive.
Après lecture, le CFFB ne trouve aucune demande concernant la mobilité (sujet qui concerne aussi les autres catégories de la population), ni concernant les pratiques commerciales imposées à la clientèle, procédés qui mettent les personnes âgées à l'écart du groupe social en leur imposant l'utilisation d'outils techniques (ou un langage codé) que cette génération n'a pas appris à maîtriser (documents administratifs, bancaires, d'assurances — paiements et retraits automatisés — législation et pratiques évoluant sans cesse et peu expliquées — diminution drastique des guichets d'accueil).
Enfin, plus fondamentalement, il manque un appel en faveur de la multiplication de logements accessibles et adaptés au grand âge, mais aussi de structures d'accueil et de prise en charge temporaire des personnes âgées. Actuellement ces lieux sont trop peu nombreux et trop peu diversifiés. Cette politique doit s'intégrer dans la question du logement en général, le développement des équipements de quartier et des services collectifs. Pour que chacune puisse choisir son lieu de vie, l'État devrait stimuler la créativité dans ce domaine et soutenir davantage financièrement les associations qui prônent l'intégration des aînés dans le cadre social.
1.1.4. Mme Herlindis Moestermans, collaboratrice du Nederlandstalige Vrouwenraad (NVR)
Tout récemment, un groupe de travail « Personnes âgées » a été créé au sein du NVR. Par le passé, ce dernier s'est déjà penché sur le thème des personnes âgées et a d'ailleurs formulé des recommandations en 1999. Toutefois, il est apparu que le mieux était de réexaminer ce thème afin de l'actualiser et de formuler ensuite des recommandations.
Le NVR a donc besoin de davantage de temps pour commenter la résolution point par point.
Le groupe de travail « Personnes âgées » du NVR s'est déjà réuni à deux reprises. À cette occasion, il a notamment dressé une liste de thèmes prioritaires, qui sont très semblables à ceux développés dans la résolution.
Le NVR propose d'ajouter dans la résolution les nouveaux thèmes figurant ci-après:
— la mobilité;
— le logement;
— la discrimination d'âge.
Si le NVR a décidé de réexaminer le thème des personnes âgées, c'est en raison des discussions sur la fin de carrière et le pacte de solidarité entre les générations qui ont eu lieu au cours du second semestre de 2005.
Le NVR a donc entamé ses travaux en examinant la problématique de la fin de carrière et du pacte entre les générations.
Le NVR a intégré sur son site Internet un dossier « Personnes âgées », de même que plusieurs documents concernant la fin de carrière et le pacte de solidarité entre les générations (1) .
Il a analysé plusieurs paragraphes du pacte, qui aura, selon lui, des conséquences différentes pour les femmes et pour les hommes. Dans son dossier consacré aux personnes âgées, le NVR a également présenté les positions des diverses organisations de femmes et demandé instamment de ne pas renoncer aux points prioritaires.
Le Vrouwenraad suivra de près les conférences sur les femmes et les pensions mises sur pied par le ministre des Pensions, M. Bruno Tobback.
Le Vrouwenraad estime que plusieurs mesures inscrites dans le pacte de solidarité entre les générations profiteront surtout aux hommes âgés, comme par exemple:
— la possibilité pour les travailleurs de plus de 45 ans qui exercent une profession pénible d'exercer un travail moins lourd;
— la possibilité donnée aux personnes qui continuent à travailler au-delà de 60 ans de se constituer des droits à la pension supplémentaires par le biais d'un système de bonus;
— le régime fiscal plus avantageux dans le deuxième pilier des pensions;
— le crédit-temps à 4/5e pour les travailleurs de 55 ans et plus.
Le Vrouwenraad note toutefois quelques mesures positives en faveur des femmes âgées:
— il sera tenu compte des années de travail à temps partiel pour le calcul de la pension minimum;
— un montant de 15 millions d'euros sera débloqué pour la mise en œuvre de mesures visant à améliorer la pension des personnes ayant une carrière atypique;
— on redéfinira la notion de « travail lourd », ce qui donnera des possibilités aux femmes.
Toutefois, le Vrouwenraad constate que les mesures se concentrent essentiellement sur la fin de la carrière alors que les inégalités surviennent tout au long de celle-ci. Il estime dès lors que l'on ne peut se contenter de prendre des mesures qui concernent uniquement le début et la fin de la carrière.
Il plaide donc en faveur de la mise en œuvre d'une politique mieux intégrée visant à améliorer les conditions permettant à chacun de mieux combiner la vie familiale et la vie professionnelle dans divers domaines. Cela aura aussi des retombées positives pour la problématique des personnes âgées, tant il est vrai qu'il faut également avoir une vision à long terme. Ainsi, il faut prendre dès maintenant des mesures en faveur des jeunes afin d'éliminer à long terme les inégalités qui frapperont les personnes âgées.
En matière d'emploi, par exemple, le Vrouwenraad propose:
— de prendre des mesures visant à une extension de l'emploi des hommes et des femmes;
— de prendre des mesures en vue de supprimer l'écart salarial entre les hommes et les femmes;
— de réexaminer la définition de la notion de travail à temps plein;
— de prendre des mesures en matière de sécurité sociale en ce qui concerne les droits individuels: il s'agirait d'instaurer des droits individuels pour chaque diplômé, reposant sur un système dans lequel un certain nombre de brèves périodes de congé donnent droit à un certain nombre de jours assimilés. Le système des droits dérivés serait ainsi amené à s'éteindre. On pourrait faire de même pour l'impôt sur le revenu en ce qui concerne le quotient conjugal.
Des mesures générales ayant des effets à long terme sont à prendre au niveau de l'offre de services, par exemple, renforcer les structures d'accueil des enfants sur le plan quantitatif et qualitatif, promouvoir l'accueil extrascolaire des enfants, les équipements de soins pour les personnes âgées, les services de proximité, etc.
Mme Moestermans souhaite aussi attirer l'attention sur les problèmes liés à la discrimination d'âge.
Le Vrouwenraad y a également consacré un dossier.
Pour ce faire, il s'est fondé sur la réglementation en vigueur en la matière:
— l'article 13 du Traité instituant la Communauté européenne (2) ;
— la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi;
— les articles 10 et 11 de la Constitution; la loi du 25 février 2003 tendant à lutter contre la discrimination et modifiant la loi du 15 février 1993 créant un Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.
Dans le pacte de solidarité entre les générations du 11 octobre 2005, il est expressément stipulé qu'il faudra à court terme prendre les initiatives législatives nécessaires pour revoir la législation antidiscrimination. Il est également précisé que le législateur national devra définir les conditions d'âge pouvant justifier les différences de traitement entre personnes, comme le prévoit l'article 6 de la directive CE de 2000.
Le Vrouwenraad est d'avis que le paragraphe en question du pacte de solidarité entre les générations devra de toute façon faire l'objet d'un suivi.
Le droit du travail comporte, lui aussi, un certain nombre de dispositions interdisant la discrimination fondée sur l'âge:
— la loi du 13 février 1998 portant des dispositions en faveur de l'emploi prévoit, entre autres, l'interdiction de fixer une limite d'âge maximale lors du recrutement et de la sélection du personnel, le droit de bénéficier d'une mesure de reclassement à partir de 45 ans, des mesures de protection en faveur des travailleurs âgés en cas de suspension du contrat de travail, etc.
Au niveau flamand, il existe une réglementation similaire.
Mme Moestermans informe les personnes présentes qu'une étude a été menée en Flandre par le Steunpunt Gelijkekansenbeleid Vlaanderen de l'Université d'Anvers et de l'Université du Limbourg, qui a pour titre: « Meerwaarde en knelpunten van leeftijdsgrenzen in Vlaamse regelgeving en hun effect op oudere personen ».
Elle porte sur plusieurs mesures prises en Flandre en faveur:
— de la population flamande;
— du personnel de l'administration flamande;
— des mandataires.
L'étude constate que, si l'utilisation de critères d'âge pose un certain nombre de problèmes, elle peut générer aussi une certaine valeur ajoutée.
Cela étant, la conclusion est que, là où des limites d'âge engendrent des discriminations d'âge, elles devront en tout état de cause faire place à d'autres critères.
Le Vrouwenraad recommande de réaliser une étude analogue au niveau fédéral.
Enfin, Mme Moestermans indique qu'à l'heure actuelle, le Vrouwenraad prépare encore d'autres dossiers, comme le dossier « Pensions », par exemple.
Le Vrouwenraad demande explicitement que, comme la résolution met essentiellement l'accent sur les pensions légales, l'on se penche également sur le problème des pensions complémentaires et celui du deuxième pilier des pensions. Il existe en effet, dans ces secteurs également, des inégalités manifestes entre les hommes et les femmes. Pour le troisième pilier des pensions, les chiffres font manifestement défaut; il faudrait dès lors établir des statistiques dans ce domaine.
1.2. Échange de vues
Mme Geerts, présidente du groupe de travail « Vieillissement de la population », concède que la valeur d'une résolution est certes limitée, mais elle ajoute qu'une résolution peut jouer une rôle de sensibilisation et constituer une source d'inspiration pour le législateur. En outre, il n'est pas possible d'apporter d'emblée une réponse législative à chacune des recommandations.
Mme Geerts est d'accord avec les intervenants pour dire que la pauvreté est essentiellement, mais certainement pas exclusivement, un problème de femmes. Il existe toutefois une série d'indices qui justifient une approche spécifiquement orientée vers les femmes âgées.
Cela reste évidemment un point de discussion: soit on élargit le débat, soit on se focalise sur un groupe, mais il faut de toute façon préciser que d'autres groupes peuvent aussi être confrontés à ce genre de problèmes.
L'intervenante reconnaît qu'il faudrait peut-être insister plus explicitement, dans la proposition de résolution, sur certains aspects tels que les éventuelles inégalités qui existent dans le deuxième et le troisième pilier des pensions.
Enfin, Mme Geerts souligne que certains points ne figurent pas dans la proposition de résolution, parce qu'ils relèvent de la compétence des communautés. Il appartient aux parlementaires de rechercher d'autres canaux pour aborder ces problèmes.
Mme Zrihen remercie les orateurs pour leur contribution à la discussion. Elle rappelle que la création du Conseil consultatif des seniors (3) est pour son groupe très importante et il serait important que dans ce concept de Conseil consultatif des seniors, on puisse instituer une commission particulière et spécifique et qui pourrait avoir une transversalité.
La difficulté actuelle est de gérer une situation où il y a déjà eu tellement de lacunes qu'on doit essayer de compenser au mieux pour les générations qui les subissent. En même temps, nous devons être prospectifs parce que dans la situation économique actuelle, des dispositifs, tel que les titres services, les temps partiels, et les systèmes de deuxième et troisième piliers pour les pensions, mettent les femmes dans des situations qui vont être terribles, d'autant plus que nous sommes toutes conscientes que la structuration actuelle de la société fait qu'il y a de nombreuses familles nonoparentales où ce sont les femmes qui assument principalement les responsabilité familiales. Par ailleurs, elles sont une des cibles particulières du plan d'accompagnement des chômeurs. On les oblige à reprendre du travail mais dans des conditions telles qu'elles se retrouvent dans des situations de précarité, parce que nous n'avons toujours pas de systèmes d'encadrement, d'accompagnement du travail des femmes, qu'elles doivent souvent constater qu'elles perdent énormément d'avantages sociaux lorsqu'elles se remettent à travailler. Par conséquent, dans les années à venir, la situation pourrait être encore plus grave.
Il est important d'expliquer par une résolution que la situation des femmes est un point particulier et qu'il faut absolument être attentif l'ensemble du pacte de solidarité entre les générations parce que le volet qui concerne les femmes doit être suivi pas à pas.
Mme Zrihen est d'avis que les exigences reprises dans la résolution ne sont pas sans effet. D'où la nécessité de se limiter aux compétences fédérales.
Une proposition de résolution doit être suffisamment précise pour qu'il y ait un suivi et surtout pour que nous puissions un jour faire un évaluation, par exemple dans deux ans.
Le travail à effectuer doit être mixte: il faut que les hommes et les femmes, en fonction de leur âge, s'engagent résolument pour créer cette nouvelle génération.
Mme Zrihen souligne qu'il y a, actuellement, des femmes à qui on dit froidement sur le marché du travail: « Madame, à 45 ans, vous êtes trop âgée. » Aux hommes du même âge, on dit: « Monsieur, nous avons encore besoin de votre expertise ».
Mme Vroonen-Vaes constate qu'il y a plusieurs sujets dans la résolution qui relèvent des compétences régionales et communautaires: une partie de la santé, la formation, la recherche d'emploi, les associations culturelles, ...
Mais le CFFB s'est permis d'en parler parce qu'il pense qu'il faut attirer l'attention du gouvernement fédéral sur la collaboration avec les communautés et les régions pour avoir une bonne politique de la post-retraite.
L'objectif doit être de travailler dans le sens d'un développement durable. Actuellement il n'y a dans la société pas assez de respect vis-à-vis des femmes âgées.
Mme Coen se réjouit du fait que le texte de la résolution parle de « proactivité ». Elle a apprécié aussi que le texte parle de créativité. Elle se réjouit aussi que dans les cours sur l'utilisation du gsm et de l'informatique, organisés par la CAS, la grande majorité sont des femmes.
Mme Moerenhout demande s'il serait possible d'encore ajouter au texte de la résolution un paragraphe concernant les femmes âgées qui vivent seules. Celles-ci sont confrontées, plus que les autres, à des problèmes en matière de soins de proximité, de réseaux, de mobilité, ...
L'intervenante enchaîne en précisant que le Nederlandstalige Vrouwenraad (NVR) souhaite également accorder, au sein de son nouveau groupe de travail, une attention spécifique aux femmes âgées allochtones et aux personnes âgées homosexuelles, lesbiennes et bisexuelles.
Mme Geerts souligne à cet égard que le Sénat a adopté l'année dernière une résolution « visant à reconnaître les problèmes spécifiques auxquels sont confrontées en Belgique les personnes âgées gay, lesbiennes et bisexuelles » (doc. Sénat, nº 3-703/4).
M. Van Ooteghem propose de remplacer, dans le préambule de la résolution, les mots « le vieillissement est résolument une thématique féminine » par les mots « le vieillissement est essentiellement une thématique féminine ».
Mme Geerts remercie M. Van Ooteghem pour son intervention, mais elle souligne que, si le texte des recommandations proprement dites peut être amendé, il n'en va pas de même pour le texte des développements. Quoi qu'il en soit, elle prend acte de la suggestion de M. Van Ooteghem pour l'avenir.
2. Auditions du 16 mai 2006
2.1. Exposés introductifs
2.1.1. Mme Khadija Aznag, Steunpunt allochtone meisjes en vrouwen
Le Steunpunt allochtone meisjes en vrouwen a constaté que tous les thèmes évoqués dans la proposition de résolution s'appliquent également aux femmes âgées allochtones et aux seniors allochtones en général.
Il y a pourtant une série de problèmes qui sont propres aux minorités ethniques. Sont visés ici non seulement les minorités culturelles et ethniques connues, comme les Marocains et les Turcs, mais aussi les femmes latino-américaines et les autres nouveaux venus.
Le Steunpunt voor allochtone vrouwen en meisjes aurait souhaité que la résolution contienne un point consacré à cette question.
L'intervenante parcourt ensuite le texte de la proposition de résolution qu'elle commente point par point:
CONTEXTE
La constatation que la proportion des femmes âgées dans la société augmente, mais que leur « visibilité » n'en demeure pas moins relativement limitée, s'applique encore davantage — si c'est possible — aux femmes âgées allochtones.
Il s'agit en effet du groupe des immigrés de la première génération, qui est généralement moins accessible et qui est aussi plus ancré dans une structure familiale dont les femmes âgées allochtones ne sortent pas.
Du point de vue de l'aide, on constate les deux phénomènes suivants: soit les femmes âgées allochtones sont prises en charge par la famille et il n'est quasiment pas fait appel à une aide externe, soit elles se retrouvent seules, comme c'est le cas des veuves surtout.
Ce nouveau phénomène n'a pas encore fait l'objet d'une étude scientifique. C'est pourquoi le Steunpunt voor allochtone vrouwen propose que les pouvoirs publics collectent des statistiques concernant les conditions de vie des personnes de plus de 65 ans d'origine allochtone.
Jusqu'à ce jour, les organisations allochtones n'ont pas encore manifesté d'intérêt (suffisant) pour la problématique des personnes âgées. Elles s'intéressent surtout aux jeunes et à la population active. Le seul endroit où les musulmans âgés se rencontrent par exemple, c'est à la mosquée. Et la seule action ciblée sur ce groupe de personnes dans les mosquées est de nature religieuse. Il s'agit surtout de l'organisation de pèlerinages à la Mecque et de tout ce qui concerne le rapatriement des défunts vers le pays d'origine.
COMMENTAIRE PAR THÈME
A. Imagerie sociale
Les femmes allochtones âgées ne sont pas présentes dans l'imagerie véhiculée par les médias ou la publicité.
B. Position sociale
B1. Formation et diplômes
Près de 99,9 % des femmes allochtones âgées sont analphabètes et ne connaissent pour ainsi dire pas le français ni le néerlandais.
B2. Place sur le marché du travail
Près de 99,9 % des femmes allochtones âgées n'ont jamais eu de place sur le marché du travail. À quelques exceptions près, elles étaient toutes femmes au foyer. Elles ne se sont donc pas constitué de droits à la pension.
Celles de ces femmes qui ont travaillé, y ont été contraintes, par exemple à la suite d'un divorce ou du décès de leur conjoint. Elles n'ont donc fait leur entrée sur le marché du travail qu'à un âge plus avancé. Rares sont cependant les données dont on dispose à cet égard.
Selon le Steunpunt, la phrase « les Belges travaillent énormément à l'âge adulte » qui figure dans la résolution (doc. Sénat, nº 3-1589/1, p. 4) est formulée de manière assez malheureuse. Cette affirmation vaut tout autant pour les non-Belges et certainement pour les immigrés de la première génération qui ont souhaité conserver la nationalité de leur pays d'origine pour des raisons de principe.
C. Situation économique
C1. Revenus et C2. Pensions
Étant donné que nombre d'immigrés ne peuvent pas justifier d'une carrière complète, ils n'ont souvent pas droit à une pension complète. Beaucoup doivent se contenter du revenu garanti aux personnes âgées.
Mais pour pouvoir prétendre au bénéfice de ce revenu garanti, le demandeur doit satisfaire à maintes obligations administratives (4) .
Or, le respect de ces obligations administratives n'est pas une sinécure, surtout pour les femmes allochtones âgées qui ont toujours été femmes au foyer et qui se retrouvent veuves.
Un problème spécifique que rencontrent les personnes âgées d'origine allochtone est la condition selon laquelle les bénéficiaires du revenu garanti aux personnes âgées ne peuvent pas séjourner à l'étranger plus de 30 jours par an (5) .
Or, les personnes âgées d'origine allochtone préfèrent souvent passer davantage de temps dans leur pays d'origine. Le cas échéant, les bénéficiaires du revenu garanti aux personnes âgées seront tenus de rembourser le revenu perçu pendant chaque mois civil excédant la période autorisée de 30 jours.
Pour beaucoup de personnes concernées, cela représente une ponction financière désagréable et souvent inattendue.
Des litiges à ce sujet ont déjà été traités par le tribunal du travail qui a considéré que les services administratifs compétents n'avaient qu'à passer des accords avec les intéressés afin d'éviter les récupérations a posteriori.
La charge administrative a même amené plusieurs bénéficiaires concernés à faire savoir qu'ils préféraient encore renoncer à ce revenu garanti aux personnes âgées.
Comme les personnes allochtones âgées et certainement les femmes allochtones âgées ne sont pas membres d'organisations émanant de la société civile, elles ne connaissent pas bien leurs droits et obligations et il n'y a pas d'association qui puisse défendre leurs intérêts.
Les communes ne sont pas assez proactives pour informer chaque bénéficiaire parmi leurs administrés de tous les droits et dispositifs existants. La plupart du temps, elles ne prennent contact qu'avec les groupements d'intérêts. Pour le reste, les personnes âgées n'ont qu'à s'adresser elles-mêmes aux services communaux.
C'est ainsi que les personnes âgées d'origine allochtone sont mieux informées en province du Limbourg, par exemple grâce aux clubs des seniors pour anciens mineurs, ...
Les femmes âgées d'origine allochtone qui se retrouvent seules doivent, pour la première fois de leur vie, aller frapper à la porte de diverses instances pour connaître leurs droits et leurs obligations. Comme ces femmes se heurtent encore à la barrière de la langue, elles ne parviennent pas à obtenir les informations pertinentes.
Aucune information n'est disponible pour ce groupe cible auprès des organisations émanant de la société civile.
Les intéressées ont encore souvent des liens administratifs avec leur pays d'origine (certaines ont par exemple encore un domicile dans le pays d'origine ou se sont constitué des droits à la pension dans le pays d'origine par le biais des activités professionnelles de leur conjoint), mais ne disposent généralement d'aucune information à ce sujet.
En tout cas, il y a une demande manifeste, de la part des femmes âgées d'origine allochtone, de cours de langue, que ce soit le néerlandais ou la langue de leur pays d'origine.
Les structures régulières ne donnent pas suite à la demande de plus de cours de néerlandais parce que leur action est centrée avant tout sur les jeunes et les nouveaux arrivants. Même pour ces derniers, il y a déjà des listes d'attente.
D. Relations des femmes
D1. État civil et réseaux
Le Steunpunt voor allochtone vrouwen en meisjes souscrit pleinement au paragraphe suivant:
« La situation de vie de bien des femmes, leur espérance de vie plus élevée, leur niveau de formation plus faible et leur situation plus défavorable en termes de revenus influencent considérablement les opportunités qui se présentent à elles et le risque qu'elles courent de rencontrer des difficultés dans le domaine de l'intégration sociale, de la participation et des autres aspects sociaux » (doc. Sénat, nº 3-1589/1, p. 9).
Un problème corollaire pour les femmes âgées d'origine allochtone est celui de la solitude qui touche surtout celles d'entre elles dont l'ancrage familial est moins solide. Le Steunpunt capte par exemple des signaux en provenance du Limbourg indiquant que certaines femmes turques âgées qui se sont retrouvées seules à un âge plus avancé rencontrent des problèmes d'autonomie.
De plus, l'ancrage dans la structure familiale n'offre pas que des avantages pour les femmes âgées d'origine immigrée. Certaines vivent dans une situation de tension avec leurs belles-filles venant du pays d'origine, tandis que d'autres sont carrément mises à l'écart par leur famille qui décide qu'elles doivent aller vivre de leur côté.
Le taux de divorce chez les femmes âgées d'origine allochtone est assez faible, mais il ne faut pas oublier le problème de la répudiation. Certaines femmes n'apprennent leur répudiation qu'au décès de leur mari. Les autorités belges se heurtent alors à toutes sortes de problèmes relevant du droit international privé.
Beaucoup de femmes âgées d'origine allochtone sont devenues mères très jeunes. Cela signifie qu'il y a beaucoup d'arrière-grands-mères de soixante-cinq ans.
De plus, on fait encore très souvent appel à elles pour assurer l'accueil et l'éducation des petits-enfants et des arrière-petits-enfants.
Des études ont ainsi révélé que plus de 35 % des grands-parents allochtones assurent l'accueil de leurs petits-enfants qui suivent l'enseignement primaire.
C'est au point que lorsque les parents ont une vie professionnelle très active, les enfants vont habiter chez leurs grands-parents, auxquels les services compétents versent alors les allocations familiales.
Une telle situation présente des avantages (les intéressés se sentent utiles) comme des inconvénients (sollicitation excessive, tensions intrafamiliales, ...).
D2. Violence et sentiments d'insécurité
Au Limbourg, les refuges ont en outre recensé plusieurs cas de femmes âgées d'origine allochtone qui s'y sont présentées pour cause de violence psychologique intrafamiliale.
Comme des cas de violence domestique sont signalés de temps à autre, il est opportun d'étudier le phénomène plus avant.
La grande majorité des femmes âgées d'origine allochtone n'ont pas de permis de conduire et sont totalement dépendantes de leurs proches et des transports en commun pour ce qui est de la mobilité.
E. Participation
Il n'y a pas de participation des femmes âgées d'origine allochtone dans les diverses structures.
En revanche, il y a des formes de participation de la part des hommes âgés d'origine allochtone dans les organisations syndicales, les entreprises et les clubs sportifs (notamment de football).
F. Santé
La barrière de la langue constitue aussi le principal problème en l'espèce, surtout dans la relation avec les prestataires de soins. C'est surtout le cas pour les fréquentes affections psychosomatiques. À cela s'ajoute que les migrants de la première génération ne sont pas ouverts à une approche médico-psychologique de leur problème, mais préconisent bien davantage une approche religieuse ou spirituelle.
Les dispositions de la résolution relatives à l'accès à l'aide médicale sont parfaitement applicables aux femmes âgées d'origine allochtone.
Les campagnes d'information sur la ménopause n'atteignent pas suffisamment ces femmes.
G. Le facteur soins
Les femmes âgées d'origine allochtone angoissent très fort à l'idée de devenir dépendantes de leurs enfants et petits-enfants. Il s'ensuit que certaines d'entre elles choisissent de rentrer dans leur pays d'origine, ce qui nécessite de nombreuses formalités administratives. Les intéressées ne sont pas suffisamment informées à ce sujet. La seule procédure qu'elles connaissent bien est celle du rapatriement de la dépouille en cas de décès, pour laquelle elles ont souscrit une assurance. Cela peut s'expliquer par le fait que la première génération de migrants garde encore un lien étroit avec le pays d'origine.
Beaucoup de femmes âgées d'origine allochtone soignent leur époux. Les soins infirmiers à l'extérieur sont dès lors souvent refusés pour des motifs de tradition et de culture.
Au cas où les femmes âgées d'origine allochtone deviennent à leur tour dépendantes, on considère que les filles ou belles-filles se chargeront de prodiguer les soins nécessaires.
Le Steunpunt voor allochtone vrouwen en meisjes invite les services de soins à domicile à s'ouvrir davantage aux valeurs culturelles des allochtones âgés.
En guise de conclusion, Mme Aznag souligne que les femmes âgées d'origine allochtone sont malgré tout confrontées à des problèmes spécifiques. Vu le jeune âge auquel elles se sont mariées, ces grands-mères voire arrière-grands-mères méritent en tout cas d'être valorisées au sein de notre société, que ce soit par le mérite qu'elles tirent de l'accueil de leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants, ou par leur rôle de soutien au sein de la famille dans d'autres domaines, ...
Lorsqu'elles sortent du cercle familial, ces femmes sont souvent confrontées à la barrière de la langue. Les établissements de soins devraient tenir compte des aspects interculturels dans leurs rapports avec les allochtones âgés.
Il importe aussi que l'on réponde aux aspirations d'émancipation des femmes âgées d'origine allochtone qui réclament à cet effet des cours de langue en néerlandais et dans la langue de leur pays d'origine ainsi que des cours d'utilisation de l'Internet.
Enfin, il faut accorder une attention particulière aux fréquentes affections psychosomatiques de ces femmes.
Souvent, les veuves d'origine allochtone sont aussi confrontées à de nombreux problèmes juridiques liés au droit international privé, notamment en matière de droits de succession, de répudiation, ...
2.1.2. Mme Nouzha Bensalah, Groupe Féminin Pluriel
Le Groupe Féminin Pluriel est une structure fédéraliste réunissant des associations de première ligne travaillant avec les femmes issues de l'immigration.
Les développements de la proposition de résolution balaient assez largement les grandes questions qui touchent au vieillissement des femmes. Par contre, tous les points devraient être développés davantage au regard de la problématique spécifique des femmes âgées issues de l'immigration.
Voici quelques éléments de réflexion pour mieux comprendre la spécificité de ces femmes.
Il est fait une seule fois référence aux femmes des milieux immigrés qui sont désignées par le qualificatif « allochtones ». Il convient de bien définir les termes utilisés. Une femme âgée marocaine arrivée en Belgique à l'âge de cinq ans est-elle allochtone ? Une jeune femme de vingt ans née en Belgique de parents marocains est-elle allochtone ? Il est préférable d'utiliser les termes « d'origine étrangère » ou « issue de l'immigration du travail ». Cette dernière formule a l'avantage d'inscrire les femmes dans un héritage sociologique et culturel qu'elles ont en commun avec toutes les femmes du pourtour méditerranéen qui sont venues en Belgique dans le cadre d'un processus économique. Toutes ces femmes viennent de sociétés conçues sur un modèle patriarcal.
Le groupe des femmes âgées est hétérogène. C'est aussi le cas du groupe des femmes âgées issues de l'immigration. Cette hétérogénéité est due au pays d'origine, à la culture, à la religion mais aussi à la trajectoire migratoire, c'est-à-dire à l'expérience que les femmes ont eue de la société belge. Certaines femmes ont été relativement protégées alors que d'autres ont été très rapidement confrontées en première ligne aux difficultés du marché de l'emploi, à l'éducation de leurs enfants, à la délinquance et à la toxicomanie.
Le vieillissement des femmes au sein des communautés issues de l'immigration est une problématique très peu visible. Ces femmes ont surtout investi la sphère privée, familiale. Cet effacement donne peu d'indications sur ce qu'elles ont vécu et vivent aujourd'hui.
Dès le départ, les femmes de ces milieux ont été des actrices de seconde zone, dont les droits ont été et restent subordonnés au statut qui a été celui de leur mari. Cette position entraîne une importante fragilité pour les femmes et le moindre accident dans leur parcours pèse lourd.
« Les processus migratoires, les cultures et les rapports sociaux des sexes ne constituent pas trois éléments indépendants qu'on peut traiter de façon isolée, se contentant ensuite de les rassembler. Il s'agit en effet de rapports qui s'entrecroisent et se renforcent mutuellement. Le statut des femmes immigrantes est indissociable des rapports sociaux ethniques et des rapports de sexes et notre manière d'envisager la culture dite immigrée ou ethnique est liée au processus qui lie les milieux majoritaires et les milieux minoritaires. » (Extrait du colloque « Les femmes de l'immigration: des clés pour l'égalité », ministère de l'emploi et du travail, 2001).
Dans la façon d'envisager la vieillesse des femmes immigrées, il ne faut pas oublier que la vie de ces femmes s'est déroulée dans l'immigration. On ne peut les renvoyer à des schémas culturels qui risquent de les couper des parcours sociaux et culturels qui sont les leurs. L'articulation entre le social et le culturel est fondamental.
Séparation, divorce, décès de l'époux constituent des événements dramatiques dans le parcours de ces femmes. S'y ajoutent la polygamie et la répudiation. Elles n'ont pas la capacité de revendiquer quoi que ce soit dans les biens laissés au pays.
Le peu d'études réalisées sur les femmes issues de l'immigration montrent qu'elles ont été massivement présentes et actives dans le travail atypique, non déclaré. Cela en fait les premières exclues du chômage. Leur accès au marché du travail a été souvent écourté. Âgées, elles se retrouvent dans des situations d'extrême pauvreté, d'isolement, avec la difficulté de prendre en charge les problèmes de leur famille proche.
Dans la représentation qu'on se fait des sociétés méditerranéennes, les personnes âgées sont prises en charge par les jeunes générations. Or, des travaux réalisés notamment à l'UCL indiquent que, face à la difficulté pour les jeunes d'obtenir un emploi, une formation, un logement, ce sont encore les anciennes générations qui s'occupent de leurs descendants, voire même des descendants de leurs descendants.
Avec la perte de fonctionnalité sociale de l'immigration du travail depuis les années septante, la société ne veut plus voir la présence de ces populations. Il y a presque un déni d'existence de ces personnes et de ce qu'elles vivent. Sur le plan social et politique, une reconnaissance de ces populations, de leur présence et de leurs droits s'impose.
Dès les années soixante, la présence des femmes en Belgique est vue comme une transgression. Il s'agit d'une immigration du travail. La Belgique est la société du travail, et donc des hommes. Les femmes n'ont leur place qu'en périphérie.
La montée du communautarisme et du religieux dans l'actualité amène à un reconditionnement et à une disqualification de l'islam populaire, dont sont précisément porteurs les personnes âgées. Toutes les représentations qu'on a des personnes âgées dans les sociétés traditionnelles ne sont plus d'actualité.
Cette première génération de l'immigration est vulnérable, encore plus dans la vieillesse. Les femmes sont les premières marginalisées. Elles sont insécurisées. Il y a un travail d'information énorme à effectuer en direction de ces populations. Comme elles ne maîtrisent ni la langue ni les institutions du pays, elles doivent se raccrocher à leurs proches et, à défaut, aux structures communautaires telles que mosquées, cafés, etc. Il est important pour elles de vivre dans les quartiers populaires à proximité de ces structures.
Cependant, le communautaire a un revers. Lorsque la femme vit une situation de rupture, divorce, répudiation, les différents cercles communautaires sont là pour lui rappeler l'obligation d'obéissance et de soumission. Rompre avec ces cercles ne semble possible que si la femme entre en contact avec des associations extérieures.
2.1.3. Mme Rachida El Idrissi, Commission Femmes Maghrébines
L'oratrice travaille en première ligne au centre familial belgo-immigré à Saint-Gilles.
Les femmes de la première génération d'immigrés n'ont pas eu accès à l'apprentissage de la langue, ce qui constitue à l'évidence le premier problème qu'elles rencontrent. Elles sont en outre analphabètes. Elles dépendent donc des services sociaux pour toutes les formalités administratives.
La santé, physique et mentale, est un autre secteur problématique. Une fois les enfants mariés, le conjoint parfois décédé, les femmes se retrouvent seules. Leur seul lien reste le service social du quartier qui est à leur écoute. Comment se faire soigner par un médecin ou un psychiatre lorsqu'on ne parle pas la même langue ?
Souvent, ces femmes vivent grâce à la garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA), ce qu'elles considèrent comme injuste au regard de leur parcours. De plus, ce revenu est subordonné à leur présence sur le territoire. Elles ne peuvent quitter le pays que 25 jours par an. C'est pour elles une forme d'emprisonnement.
La mort est une préoccupation importante liée à leur culture. Ces femmes souhaitent être ensevelies dans leur pays, selon la coutume musulmane par exemple. Elles n'ont pas toujours les moyens de payer une assurance pour les frais des funérailles.
Même si les enfants veulent s'occuper de leurs parents âgés, ils n'ont pas toujours les moyens de le faire. Il faut donc faire appel à des structures communautaires. Or, comme les écoles et les employeurs, les maisons de repos rechignent à accepter des personnes immigrées par crainte de dévaloriser l'institution.
Au niveau politique, il faut reconnaître l'existence et l'apport des communautés issues de l'immigration. Les femmes âgées s'inquiètent de la mémoire qui restera de leur communauté.
On a beaucoup parlé d'interculturalité à l'école mais c'est aussi un phénomène dans le vieillissement de la population. La population immigrée n'a pas accès aux informations sur le vieillissement, les maladies liées à l'âge, les réponses qu'on tente d'y apporter.
Les femmes issues de l'immigration marquent une grande réticence à l'idée de faire appel à une aide-ménagère même si elles ne sont plus en mesure de faire le ménage. Elles se sentent diminuées et le vivent très mal.
Dans les institutions de soins, on ne tient pas compte des spécificités culturelles de ces femmes qui sont honteuses de se faire laver par un homme infirmier, par exemple. On ne tient pas compte de leurs besoins, comme celui de célébrer les fêtes religieuses. Il y a un réel travail de sensibilisation à effectuer à destination des professionnels, en particulier dans les structures d'accueil.
2.2. Échange de vues
La présidente du groupe de travail « Vieillissement » et auteur principal de la résolution, Mme Geerts, remercie les intervenantes pour leur contribution.
Elle déclare qu'elle souhaiterait apporter une précision en ce qui concerne le point B2 de la résolution relatif à la place sur le marché du travail, où il est dit que les Belges travaillent énormément pendant une période très courte.
L'objectif était de faire une comparaison entre les travailleurs belges et les travailleurs d'autres pays européens. Mme Geerts admet que cette formulation est un peu malheureuse et qu'il eût sans doute été préférable de dire qu'en Belgique, on travaille beaucoup pendant une période limitée.
Mme Zrihen remercie les intervenantes pour leur importante contribution. Elle déclare qu'en tant que rapporteuse, elle sera personnellement très attentive à la reformulation terminologique de la résolution de manière que toutes les sensibilités soient correctement exprimées.
Elle comprend la position délicate dans laquelle se trouvent les femmes âgées d'origine allochtone. Elles n'ont pas pu s'intégrer dans leur pays d'accueil comme l'ont fait les jeunes générations. C'est d'autant plus pénible lorsque la jeune génération n'est plus en mesure de s'occuper de ces femmes âgées ou n'a pas suffisamment de temps pour cela.
Mme Zrihen déclare être favorable à l'ajout, dans la résolution, d'une disposition spécifique concernant les « femmes issues de la migration et de l'immigration ».
Elle plaide aussi pour que l'on crée une commission spécifique pour les femmes âgées d'origine allochtone au sein du Conseil consultatif fédéral des aînés.
Elle estime en outre que la proposition de résolution doit mettre l'accent sur la nécessité qu'il y a de prendre des mesures à court terme en vue de changer la situation des femmes âgées d'origine allochtone. Il faut aussi réfléchir dès maintenant aux mesures qu'il y a lieu de prendre pour changer la situation dans les 10 à 20 années à venir. Toute personne a droit à une vieillesse conforme à la dignité humaine, y compris lorsqu'elle séjourne en institution de soins.
La présidente du Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, Mme Pehlivan, remercie à son tour les intervenantes.
Selon elle, l'une des principales conclusions à tirer est qu'il faut de toute façon rassembler des données scientifiques concernant le phénomène des femmes âgées d'origine allochtone.
Elle propose qu'un paragraphe relatif à la situation des femmes âgées d'origine allochtone soit inséré dans la résolution. Elle se rallie à la proposition faite par Mme Zrihen, rapporteuse, de créer une commission spécifique au sein du Conseil consultatif fédéral des aînés.
Mme Pehlivan estime en effet que les problèmes qui se posent aujourd'hui pour les femmes âgées d'origine allochtone de la première génération ne feront que s'amplifier. En effet, les femmes actuellement âgées de 50 ans ont le même profil que celles qui ont 65 ans et plus: elles sont peu qualifiées, analphabètes, ne connaissent pas le français ou le néerlandais, etc.
Mme Hermans, rapporteuse, déclare être consciente du fait que les femmes âgées d'origine allochtone sont confrontées à des problèmes, mais elle dit avoir le sentiment qu'ils sont souvent similaires à ceux que rencontrent les femmes âgées d'origine autochtone. Elle n'est donc pas favorable à l'insertion dans la résolution d'une disposition spécifique sur les femmes âgées d'origine allochtone. Elle n'en voit pas la nécessité. Elle est d'avis que ce serait un recul dans le processus d'intégration, même si elle comprend très bien les difficultés auxquelles se heurtent les femmes âgées allochtones de la première génération. Quant aux femmes de la deuxième et de la troisième génération, elles sont censées savoir à présent que notre système social est ouvert à quiconque réside sur le sol belge. Les meilleures mesures que l'on puisse prendre en faveur des femmes âgées sont celles qui intéressent toutes les femmes âgées, sans distinction.
Mme Geerts déclare comprendre le raisonnement de l'intervenante précédente, mais estime que, dans la résolution, il faut éviter de traiter les femmes âgées comme un groupe homogène. Elles ne le sont assurément pas. Elles forment au contraire un groupe très hétérogène. C'est pourquoi elle propose d'insérer, dans la résolution, un point spécifique à propos de l'hétérogénéité de la catégorie des femmes âgées dans notre société, qui se marque au niveau de l'âge, de l'origine ethnique, de l'orientation sexuelle (cf. proposition de résolution visant à reconnaître les problèmes spécifiques auxquels sont confrontées les personnes âgées gay, lesbiennes et bisexuelles), etc.
Mme Aznag (Steunpunt voor allochtone vrouwen en meisjes) indique qu'il est très difficile d'obtenir des données d'enquêtes sur la problématique à l'examen, d'autant plus qu'un grand nombre d'immigrés sont naturalisés. Les statistiques ne font sans doute pas la distinction entre les Belges et les nouveaux Belges. Toutefois, le Steunpunt voor allochtone meisjes en vrouwen reçoit un grand nombre de signaux de plus en plus marqués de la part des organisations actives sur le terrain. Le problème en ce qui concerne les femmes âgées d'origine allochtone est qu'elles appartiennent à la première génération d'immigrés qui se sont le moins manifestés jusqu'à présent auprès de la collectivité et des pouvoirs publics. À l'heure actuelle, c'est un groupe qui subit sa situation et n'est pas organisé. C'est ce qui explique que, parfois, les problèmes n'apparaissent au grand jour qu'à la faveur d'une situation de crise (cf. le problème des femmes âgées réfugiées dans des maisons d'accueil en raison de conflits avec leurs belles-filles).
Si l'intervenante est d'accord pour dire qu'il n'y a pas lieu d'insérer un paragraphe spécifique sur les femmes âgées d'origine allochtone dans chaque disposition de la résolution, elle estime néanmoins qu'il faut mettre en exergue la diversité du groupe des femmes âgées. Cela implique qu'il faut aussi tenir compte des femmes âgées ayant une autre origine ethnique et culturelle. Ces femmes ont probablement des besoins spécifiques qui sont méconnus à ce jour. Bon nombre d'entre eux sont liés à des problèmes linguistiques et aux problèmes administratifs qui en découlent. L'intervenante estime important de consacrer davantage d'attention à ce groupe cible plutôt que de prendre des mesures à moyen terme.
Mme Zrihen estime que les femmes âgées issues de l'immigration sont doublement victimes par rapport aux autres femmes: le fait d'avoir immigré est un handicap supplémentaire. Or, elles ont été aussi présentes que n'importe quelle femme dans la mesure où elles ont soutenu leur famille et les capacités de production de travail de leur famille par leur activité de femme au foyer.
Mme Zrihen est d'avis qu'il ne faut pas systématiquement souligner dans le rapport la spécificité de ce groupe de femmes, mais il ne faut pas nier la problématique.
Il faut une étude statistique portant spécifiquement sur les femmes issues de l'immigration. Il faut ensuite veiller à prendre en compte l'interculturalité sur notre territoire et ce jusqu'au bout. L'interculturalité n'est pas un monopole des jeunes (femmes), elle vaut aussi pour les femmes âgées.
Mme de T' Serclaes est très frappée par les différentes interventions: les problèmes qui ont été exposés sont identiques à ceux rencontrés par toutes les femmes âgées. S'y ajoute un très grand isolement dû au manque d'insertion dans un milieu professionnel et à la non-connaissance de la langue. L'apprentissage de la langue pour ces femmes est fondamental mais, malheureusement, les cours d'apprentissage de celle-ci ne les atteignent pas. Actuellement ces femmes sont trop dépendantes de leur époux, leurs enfants, leurs amies, ...
Certains allochtones font venir leurs parents plus âgés en Belgique via le regroupement familial. Ce déménagement est encore plus difficile à vivre pour les femmes, qui sont complètement déracinées par rapport à toute leur vie. Ce problème n'est-il pas méconnu ?
Traditionnellement, dans les communautés turques, maghrébines, africaines, les personnes âgées font l'objet d'un grand respect, beaucoup plus que dans nos cultures d'Europe occidentale. Cette tradition de respect disparaît-elle sous l'influence des coutumes belges ?
Mme Bensalah (Groupe Féminin Pluriel) explique que les personnes allochtones qui sont âgées actuellement sont des pionnières dans tous les domaines. Ce sont les premières femmes arrivées, les premières grands-mères, les premières femmes sur le marché de l'emploi, qui ont subi le chômage, l'exclusion, ... Ce sont aussi les premières à éprouver la vieillesse. On n'a donc pas encore de réponses aux différents cas de figure et aux différentes problématiques qui se posent.
La société éprouve une détresse face à ses « vieux ». La société en général est en train d'improviser et d'inventer les réponses à des difficultés concrètes. Les associations ont dès lors besoin de moyens supplémentaires pour y faire face.
Mme Bensalah insiste sur la nécessité d'études statistiques sérieuses. Elle salue la création par l'Université Libre de Bruxelles d'un Centre d'études d'immigration à partir du genre.
Mme Bensalah ajoute qu'on peut aussi à moindre coût tirer les conclusions des résultats des études qui ont été menées en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas et en France sur le vieillissement des populations ouvrières immigrées.
Enfin, Mme Bensalah est d'avis qu'il faut aussi faire le point sur ce qui existe, notamment du côté des associations. Les associations bricolent des réponses. Peut-être certaines initiatives mériteraient-elles d'être encouragées.
Le propos n'est pas d'introduire des discriminations positives, mais dans toute démocratie, il faut respecter les droits de tous les citoyens, même de ceux qui ne sont pas informés de leurs droits. Il faut diffuser l'information auprès de ces personnes via différents canaux.
Plusieurs sénateurs rétorquent que, parmi les Belges autochtones, de très nombreux aînés ne sont pas informés de leurs droits.
Mme de T' Serclaes estime qu'il faut veiller à ce que les femmes allochtones apprennent en tout cas la langue de leur pays d'accueil.
Ce qui la frappe le plus, c'est qu'il existe des femmes qui, ayant appris la langue du pays d'accueil ou de leur nouvelle patrie lorsqu'elles étaient jeunes, finissent par ne plus connaître cette langue après un certain temps, en raison de leur isolement social.
Mme Bensalah confirme que l'on rencontre effectivement ce genre de situation. Ainsi, il est bien connu qu'au sein de la communauté italienne de Wallonie, certaines personnes âgées retournent au dialecte de leur pays d'origine et finissent par ne plus pouvoir parler ni l'italien, ni le français. Ce phénomène de régression participe apparemment du processus de vieillissement. L'intervenante souligne toutefois que les dispensateurs de soins locaux parlent généralement la langue de leurs patients et de leurs clients.
IV. DISCUSSION
Mme Pehlivan fait remarquer qu'elle constate tout de même une lacune dans la résolution: le texte ne contient aucune référence au groupe sans cesse croissant des femmes âgées allochtones. Il faudrait combler cette lacune. Parmi les migrants de la première génération, on rencontre aussi de plus en plus de femmes âgées confrontées au veuvage.
L'intervenante demande que l'on ajoute dans la résolution quelques paragraphes concernant ce groupe cible spécifique.
Mme Van de Casteele propose que l'on ajoute un point concernant spécifiquement les femmes âgées allochtones. Elle souligne néanmoins que les femmes de cette catégorie, par exemple, peuvent encore compter beaucoup plus sur la solidarité intrafamiliale.
Mme Geerts précise que la proposition de résolution à l'examen a été élaborée, en quelque sorte, en guise de synthèse d'un travail plus vaste concernant les femmes qui avancent en âge. On s'est toujours efforcé de vérifier le plus largement possible de quelles informations on disposait. Peut-être existe-t-il des études consacrées plus spécifiquement au groupe des femmes âgées allochtones. L'une des grandes recommandations formulées dans la résolution vise à différencier encore davantage les données, de manière que l'on puisse mettre l'accent sur l'hétérogénéité au sein du groupe des « femmes âgées ».
L'intervenante se dit prête à ajouter à la résolution un volet distinct concernant les femmes âgées allochtones.
Quant à savoir s'il est opportun ou non de déposer des amendements à la résolution, Mme Van de Casteele estime qu'il ne serait pas judicieux d'amender l'ensemble des développements. On n'amende en principe que le texte des recommandations de la résolution.
Mme Van de Casteele suggère que l'on indique dans les considérations préalables que le groupe de travail et le comité consultatif sont conscients du fait que la résolution aborde de très nombreux thèmes qui relèvent également des compétences des communautés et des régions, mais qu'ils respectent évidemment les compétences de chaque niveau de pouvoir au sein de notre État fédéral. Pour ces matières, on pourrait recommander que le gouvernement aborde les thèmes en question avec les communautés et les régions.
A. Image sociale
Mme Van de Casteele estime que l'image sociale qui est dépeinte au point A de la résolution ne correspond plus à la réalité. À l'heure actuelle, la majorité des femmes sexagénaires paraissent plus jeunes que les hommes de la même tranche d'âge. L'imagerie sociale fait toutefois apparaître que les hommes d'un certain âge ont souvent une partenaire plus jeune, ce qui est beaucoup moins fréquent chez les femmes âgées.
Mme Geerts peut souscrire à la remarque de Mme Van de Casteele, mais elle ajoute qu'une étude scientifique a montré que l'on met la barre plus haut pour les femmes, en particulier pour les plus âgées. Tel est le message qu'elle a voulu faire passer.
C. Situation économique
Mme Van de Casteele constate que personne n'aborde la problématique des héritages. La génération actuelle de « femmes âgées », justement, n'a pas pu se constituer un revenu par voie d'héritage, parce que les familles étaient nombreuses ou qu'elles n'ont pas connu la prospérité. La génération suivante sera donc mieux lotie sur le plan de la transmission de patrimoine.
Mme Geerts précise qu'elle ne dispose pas encore de statistiques à ce sujet, mais elle examinera le problème plus avant, afin de pouvoir éventuellement intégrer dans le rapport une série de données sur le « saut d'héritage ».
D. Relations des femmes
Mme Van de Casteele regrette l'absence, dans la résolution, d'une disposition relative aux lesbiennes âgées.
Il est décidé d'examiner s'il est possible d'ajouter une disposition dans la résolution, sur la base des données qui ont été présentées en la matière durant les auditions en commission des Affaires sociales. (voir: proposition de résolution visant à reconnaître les problèmes spécifiques auxquels sont confrontées en Belgique les personnes âgées gay, lesbiennes et bisexuelles; doc. Sénat, nos 3-703/1-4).
Mme Van de Casteele se réfère principalement au témoignage suivant:
« Les lesbiennes âgées forment une minorité dans la minorité.
Les femmes de ma génération ou des générations antérieures ont pratiquement toutes été mariées. La plupart ont donc des enfants et des petits-enfants, ce qui crée des problèmes particuliers. Elles n'osent ou ne veulent souvent pas exprimer leur nature par crainte de la réaction de leur famille.
Lorsque ces femmes se rendent compte sur le tard de leur nature et prennent la décision de divorcer, elles se retrouvent souvent isolées au plus bas de l'échelle sociale. La plupart des femmes n'ont pas fait d'études dans leur jeunesse, ont souvent peu travaillé, et ont dû se contenter des emplois les plus mal payés et les moins intéressants. Cela n'est pas sans conséquence pour leur salaire et pour leur pension. La détresse financière est bien plus courante chez les lesbiennes âgées que chez les hommes homosexuels, quoique je ne conteste pas les problèmes financiers des hommes séparés débiteurs d'aliments.
Dans les maisons de repos et de soins, la sexualité au sens le plus large reste encore toujours un tabou.
On trouve déjà inopportun qu'un homme hétérosexuel âgé porte une attention à une vieille dame, mais que ne pense-t-on pas, alors, lorsque deux personnes âgées de même sexe veulent nouer une relation. Dans les maisons de repos, on souhaite le calme, peut-être parce qu'on y manque de personnel. Mais ce dernier problème n'est pas à l'ordre du jour aujourd'hui.
Il serait dommage que des personnes qui, toute leur vie, ont vécu ouvertement selon leur nature, doivent la renier rien que parce que leur entourage les regarde de travers. Qui a besoin de soins ou d'assistance, met en effet de l'eau dans son vin. Cela vaut pour les personnes en maison de repos et de soins mais aussi pour celles qui font appel à une aide à domicile » (doc. Sénat, nº 3-703/3, p. 6).
E. Santé
Mme Van de Casteele indique que, pour les femmes âgées, il y a quand même aussi plus de problèmes en matière de prévention.
Les femmes âgées d'aujourd'hui ont pratiqué beaucoup trop peu d'activités physiques. À cet égard, si un mouvement de rattrapage s'opère souvent chez les hommes âgés, en revanche, chez les femmes, c'est nettement moins le cas.
Mme Geerts ajoute qu'une étude a effectivement été consacrée à l'analyse des activités physiques dont on a besoin quotidiennement. Elle a montré qu'il y a plus de femmes âgées que d'hommes âgés qui n'atteignent pas les normes requises. Elle propose de faire figurer les données de cette étude dans le rapport.
Mme Bousakla attire l'attention sur la problématique du cancer du sein.
En effet, en dépit de campagnes réitérées, on ne parvient pas à atteindre les femmes allochtones afin qu'elles se soumettent au dépistage du cancer du sein.
Cela s'explique aussi par le fait que les femmes âgées allochtones sont souvent des immigrées de la première génération qui dépendent de leurs enfants pour l'information. Et ce sont des problèmes que l'on n'aborde généralement pas avec les enfants.
En outre, les femmes allochtones de la première génération sont souvent analphabètes.
V. AVIS
Le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes et le groupe de travail « Vieillissement de la population »,
après avoir pris connaissance:
— de la proposition de résolution relative à la position des femmes âgées de Mme Christel Geerst en consorts (doc. Sénat, nº 3-1589/1),
— des positions défendues par les organisations faîtières des associations des femmes et des associations des seniors,
— des positions adoptées par le Steunpunt allochtone meisjes en vrouwen et par le Groupe Féminin Pluriel;
après avoir discuté des différentes positions;
après avoir constaté quela proposition de résolution n'indiquait pas avec suffissamment de précision quelle autorité était compétente pour chaque mesure proposée,
Recommande à la commission des Affaires sociales d'amender la proposition de ésolution dans le sens proposé par l'amendement nº 1 de Mme Van de Casteele et consorts (doc. Sénat, nº 3-1589/3) et les amendements nos 2 à 11 de Mme Zrihen (doc. Sénat, nº 1589/4) et d'adopter ensuite la proposition de résolution amendée de manière à ce que la séance plénière puisse se rallier dans tarder à la nouvelle proposition de résolution.
VI. VOTES
L'avis concernant la proposition de résolution relative à la position des femmes âgées a été adopté à l'unanimité des 9 membres présents du Comité d'avis et du groupe de travail.
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimié des 9 membres présents.
Les rapporteuses, | Les présidentes, |
Margriet HERMANS. | Fatma PEHLIVAN. |
Olga ZRIHEN. | Christel GEERTS. |
JOURNÉE D'ÉTUDE
Vieillissement de la population: place et rôle des femmes
(Sénat — 5 octobre 2005)
1. PROGRAMME
14h00-14h20 Présentation des accents « genre » dans le Livre Vert « Face aux changements démographiques, une nouvelle solidarité entre générations » par Mme Anne-Sophie Parent, directeur AGE
14h20-14h40 Présentation du projet MERI par Mme dr. Karin Stiehr, coordinatrice MERI, Institut für Soziale Infrastruktur, Frankfurt-am-Main
14h40-15h00 Présentation des activités de Older Women's Network Europe par Mme Elizabeth Sclater, OWN-Europe et Social Inclusion and Equalities Manager, London Borough of Lewisham
15h00-15h30 Présentation des activités du Subcommittee on older women of the NGO-CSW in New-York, par Mme Nancy Lewis, Immediate past Co-Chair of the Sub Committee on Older Women of the NGO/CSW in New York, membre de l'Executive Committee of the NGO Committee on the Status of Women at the UN in New York, membre de l'ONG Committee on Ageing at the UN in New York et AARP Voluntary UN Representative
15h30-16h45 Débat forum avec les réprésentants du monde associatif et le public, modéré par les sénatrices Annemie Van de casteele et Nathalie de T' Serclaes
Interventions de: Conseil des femmes francophones de Belgique, Conseil de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, Nederlandstalige Vrouwenraad, Coordination des associations de seniors, ...
16h45-17h00 Conclusions par Mme Christel Geerts, sénatrice et présidente du Groupe de travail « Vieillissement de la population »
17h00-17h30 Discours de clôture de M. Christian Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances, et de M. Armand De Decker, ministre de la Coopération au Développement
2. RAPPORT
Mme Anne-Marie Lizin, présidente du Sénat. — Mesdames, messieurs, je voudrais d'abord saluer la présence, parmi nous, de Mme Leduc, qui est présidente de la questure du Sénat et gère avec fermeté tout ce qui concerne le budget. Depuis un an en effet, tant la présidence du Sénat que celle de la questure est confiée à une femme. Mme Leduc et moi sommes de partis différents mais, ensemble, nous donnons au Sénat une direction féminine.
Ces hautes fonctions, peu connues, que nous exerçons et qui assurent la solidité de l'institution belge, nous permettent également d'accéder aux demandes du comité d'avis présidé par Mme Pehlivan ou du groupe de travail « Vieillissement de la population » présidé par Mme Geerts.
Le vieillissement est une question fondamentale pour les pays européens tant sociologiquement que budgétairement parlant. Dans les années qui viennent, le coût de ce vieillissement sera le poste qui croîtra le plus dans le budget de l'État. Lorsqu'on parle de cet équilibre de la sécurité sociale que le gouvernement cherche en ce moment, on parle aussi des effets du vieillissement de la population. Or, nous devons savoir que plus de 80 % des dépenses de santé réalisées au bénéfice des personnes âgées le sont pour des femmes. Bien sûr, nous devons revendiquer une politique de santé qui tienne compte de nos intérêts. Par exemple, le contrôle des produits de beauté est-il efficace ? Cela peut paraître superficiel, mais ce ne l'est pas. On faisait tout à l'heure l'inventaire des tâches encore à réaliser, en voilà donc une.
J'ai participé à toutes les conférences des Nations unies sur les femmes, depuis la première à Mexico en 1975, et j'ai eu l'occasion, avec d'autres sénatrices, de me rendre à New York pour les conférences Pékin+5 et Pékin+10. Or, à cette conférence de Mexico, il était au départ question de déclarer une année « année de la femme ». Mais d'emblée, il a paru nécessaire pour résoudre les problèmes d'obtenir non une année de la femme mais une décennie. Trente ans plus tard, trois décennies plus tard, nous sommes toujours là.
L'ONU a un service femmes, UNIFEM. Dans chaque pays, il y a des organismes qui s'occupent de cette matière, et pourtant, à New York, j'ai ressenti comme un manque de souffle. Peut-être n'osons-nous pas dire clairement que, par rapport à Mexico, nous avons affermi nos revendications parce qu'il s'est développé, depuis, un monde qui pose comme principe l'inégalité entre les hommes et les femmes, le monde musulman. Il ne s'agit pas d'un monde ennemi mais d'un monde qui véhicule comme principe l'inégalité. C'est extrêmement dangereux. C'est par crainte d'une friction fondamentale avec ce monde musulman que nous sommes devenues un peu frileuses dans nos revendications. Or il vaut mieux, je crois, affronter ce monde.
Par exemple, hier, se sont terminés les jeux olympiques pour les femmes musulmanes: toutes les athlètes étaient voilées. C'est invraisemblable. La Charte olympique a pour but de mettre tout le monde sur le même pied. La compétition olympique n'a de sens que si elle est ouverte mondialement aux hommes et aux femmes. Malgré cela, pour faire plaisir à d'aucuns, on continue à prétendre qu'une ségrégation qui consiste à obliger des athlètes à porter des vêtements inadaptés pour réaliser des prestations sportives, n'est pas significative. Pourtant, ces athlètes féminines ne peuvent que faire moins bien que les hommes si elles sont voilées ou si elles portent des pantalons larges. Aujourd'hui, le problème est aussi médiatique, le sport étant largement médiatisé. On a créé cette petite « case » pour les femmes musulmanes pour des raisons d'inégalité, de refus de l'égalité.
Il faut être clair: nous sommes pour une égalité à vocation universelle. Ce point-là est un des points clefs de l'avenir et il doit nous permettre ainsi qu'aux femmes du monde musulman de trouver un second souffle. La question est en effet essentielle pour des millions de femmes qui vivent une situation inacceptable, non seulement des femmes du monde arabe mais aussi d'une grande partie de l'Afrique noire.
Mme Anne-Sophie Parent. — Il m'a été demandé de présenter aujourd'hui le Livre vert de la Commission européenne sur les changements démographiques. Un livre vert est un processus de consultation lancé par la Commission européenne afin d'évaluer la nécessité de faire des propositions plus concrètes sur des sujets particuliers.
Mes premiers contacts avec la présidente Mme Geerts remontent déjà à un certain temps, et je suis très heureuse de vous voir toutes et tous réunis aujourd'hui, car le travail réalisé par le groupe de travail « Vieillissement de la population » du Sénat a été pour nous un sujet d'un grand intérêt. Nous avons constaté que la question du défi du vieillissement était prise très au sérieux à l'échelon national.
Mme Lizin a souligné le travail réalisé par les Nations unies à propos des femmes, et j'aimerais profiter de l'occasion pour souligner en préambule à la présentation du Livre vert tout le travail effectué aussi au niveau des Nations unies sur le plan stratégique en ce qui concerne le vieillissement, notamment lors de la grande assemblée qui a eu lieu à Madrid en 2002. Je vous informe que le gouvernement espagnol organise, du 16 au 18 novembre 2005, une conférence pour voir comment il est possible de relancer ce processus et y faire davantage participer les États de l'Union européenne. Il conviendrait, madame la présidente, que votre groupe de travail et nous toutes prenions contact avec les Espagnols afin de voir comment introduire dans leur réflexion le travail mené ici.
Je représente le réseau AGE dont je suis la directrice. AGE est un réseau européen qui regroupe plus de 160 fédérations européennes et associations nationales de personnes âgées à travers les 25 États membres de l'Union européenne et les pays candidats. Nous représentons plus de 22 millions de personnes âgées de 50 ans et plus, et notre mission est de défendre les intérêts des 150 millions de seniors qui vivent en Union européenne. Actuellement, nous représentons à peu près un tiers de la population. Notre rôle est de suivre toutes les politiques qui se développent au niveau européen, d'en informer nos membres et de les aider à mieux participer au processus de décision puisque toute politique européenne est en fait une politique nationale et locale.
J'en viens à la présentation du Livre vert sur les changements démographiques. Comme cela m'a été demandé, je mettrai l'accent sur la dimension « genre » de ce livre. Le titre parlant de « changements démographiques » et de « liens intergénérationnels », on peut immédiatement supposer que la dimension genre est très forte dans tous les sujets abordés.
AGE a accueilli avec plaisir ce Livre vert qui est sorti au printemps. En 2004, l'année des élections européennes et de la mise en place de la nouvelle Commission, nous avions fait campagne pour qu'un commissaire européen soit spécifiquement chargé de suivre toutes les politiques mises en place pour répondre au défi démographique. À défaut d'un commissaire, nous avons obtenu un Livre vert. Ce n'est pas ce que nous voulions mais le processus et la consultation sont lancés. Il nous appartient maintenant de veiller à ce que le débat ne s'arrête pas là. En effet, nous ne savons pas vraiment ce que la Commission compte faire avec le résultat de cette consultation. C'est un grand point d'interrogation pour l'instant.
Dans ce Livre vert accessible sur le site de la Commission, cette dernière présente les changements démographiques comme résultant de trois facteurs qui, tous, touchent de très près les femmes.
L'allongement continu de la durée de la vie. On sait effectivement que les femmes vivent plus longtemps que les hommes.
L'accroissement du nombre de seniors, c'est-à-dire les gens de 60 ans et plus. Pourquoi s'en inquiéter ? Parce que cela implique l'accroissement du nombre d'inactifs. J'estime que ce terme est très mal choisi pour nommer des gens qui, en fait, sont généralement très actifs et contribuent au bien-être général que ce soit à titre de soignants familiaux ou de bénévoles. Nous devrions faire campagne pour que l'on abandonne ce terme. Le terme « inactif » signifie « qui n'a pas d'emploi rémunéré ».
Le troisième facteur est un faible taux de natalité presque partout en Europe. Les femmes y ont de moins en moins d'enfants, plus assez en tout cas pour assurer le renouvellement de la population. Nous savons toutes, parce que nous ou nos filles l'avons vécu, que les raisons sont diverses. La difficulté croissante de concilier vie familiale et vie professionnelle, l'allongement des études des femmes. C'est une bonne chose en soi que les femmes étudient au moins aussi longtemps et aussi bien que les hommes car l'on sait qu'il existe un lien direct entre niveau d'études et taux de pauvreté. Or, le taux de pauvreté des femmes étant beaucoup plus élevé, on espère que l'élévation de leur niveau d'études permettra de résoudre partiellement ce problème. Toutefois, des études plus longues entraînent un recul de l'âge des parents à la première naissance. Quand on est femme et que l'on veut avoir des enfants, il faut, au préalable, se lancer dans sa carrière avant de pouvoir se permettre le « luxe » d'établir une famille.
Cette consultation lancée par la Commission soulève ensuite une série de questions qui ont forcément une forte dimension genre et auxquelles AGE a essayé d'apporter des éléments de réponse. Nous essayons, dans nos réponses, de prendre la perspective des personnes âgées d'aujourd'hui, mais également de demain — c'est-à-dire finalement tout le monde, y compris les enfants —, de faire particulièrement attention à la dimension genre mais également aux autres groupes vulnérables, c'est-à-dire les personnes handicapées, les personnes d'origine étrangère — les migrants — et d'autres groupes qui présentent un risque particulier de vulnérabilité.
D'autres réseaux européens ont été consultés, comme le Forum jeunesse, le lobby européen des femmes et le réseau antiracisme. Vous constaterez en effet que les questions soulevées dans ce Livre vert touchent également de près des sujets qui sont importants pour eux.
Une des questions traite de l'égalité hommes-femmes. Comme l'a indiqué Anne-Marie Lizin, nous y travaillons depuis trente ans et, malheureusement, aujourd'hui, nous n'avons toujours pas atteint nos objectifs. À travail égal, les femmes disposent généralement d'un salaire inférieur. En outre, le risque de pauvreté est plus élevé chez les femmes que chez les hommes en raison de divers facteurs: difficulté à combiner travail et vie familiale, conditions de travail moins favorables et plutôt taillées sur mesure pour des hommes, interruptions de carrière, soins familiaux aux personnes dépendantes qui ne sont pas reconnus. Les femmes ne sont donc toujours pas sur un pied d'égalité avec les hommes.
À nos yeux, cette inégalité persistante est effectivement la cause du déclin du taux de natalité puisque les femmes n'ont plus le choix, qu'elles doivent se défendre pour elles-mêmes et essayer d'acquérir les mêmes droits à la pension et les mêmes droits sociaux que les hommes. Tout cela les oblige à adopter des comportements plutôt masculins, en tout cas en ce qui concerne leur participation au milieu du travail.
Dès lors, AGE recommande que des mesures concrètes soient prises pour favoriser une réelle égalité des chances entre hommes et femmes. Le travail réalisé au niveau européen présente l'avantage de permettre de réaliser des comparaisons entre États membres, permettant parfois de tirer des conclusions assez pertinentes.
Par exemple, la mise en parallèle du taux d'emploi des femmes dans les différents États et du taux de places en crèches et des services de prise en charge des personnes dépendantes, permet de constater un lien direct entre ces paramètres. Ce sont dans les pays qui proposent un nombre élevé de places en crèches et de bons services pour personnes dépendantes que le taux d'emploi des femmes, notamment des femmes âgées, est le plus élevé.
Cela semble évident pour vous mais pas nécessairement pour nos politiciens ! Il suffit de comparer les pays nordiques — les mieux notés — avec des pays comme l'Allemagne ou la Suisse où les femmes doivent choisir entre travail et famille. Il ne s'agit pas seulement de places en crèches; les pays qui développent une vraie politique de soutien aux familles, comme la France, la Finlande, la Suède et le Danemark, obtiennent un meilleur score en ce qui concerne le taux de natalité. Si certains ne reconnaissent pas ce lien, pour nous, c'est une piste qui mérite d'être explorée.
Le Livre vert met également l'accent sur les jeunes. AGE soutient fermement cette approche. En effet, nous ne nous battons pas seulement pour les personnes âgées d'aujourd'hui mais également pour celles de demain. Pour nous, il convient de mettre l'accent sur les mesures visant à favoriser l'entrée sur le marché du travail et l'insertion des groupes vulnérables. Cette approche devrait être développée au niveau européen avec l'aide de tous les instruments existants. Selon le Livre vert, pour répondre au défi démographique, il faut augmenter le taux d'emploi général, c'est-à-dire le taux d'emploi chez les plus jeunes et chez les plus âgés, les deux tranches où le taux de chômage est le plus élevé.
Dans certains pays, des jeunes doivent même faire face à des taux de chômage de plus de 30 %, situation plutôt dramatique. Parmi les seniors, travailleurs de 50 ans et plus, en raison des différentes formules existantes, on ne connaît pas exactement le nombre de personnes qui souhaiteraient travailler au-delà de 50 ans.
Une autre piste proposée par le Livre vert pour répondre au défi démographique est la migration économique. Antérieurement, la Commission avait lancé un autre Livre vert sur la migration économique et la façon d'organiser une politique. AGE avait quelques réserves à formuler, notamment sur la proposition visant à importer des migrants pour répondre au manque de personnel dans certains secteurs, par exemple celui des soins. En effet, si l'on tente de résoudre les problèmes des secteurs des soins, notre crainte est de voir apparaître des citoyens de deuxième classe compte tenu d'un statut médiocre, de salaires peu intéressants et de conditions de travail extrêmement difficiles. Il vaut mieux répondre aux réels défis que posent ces secteurs et offrir des conditions qui permettent d'y maintenir les personnes formées en Europe. Cela dit, nous pensons qu'il faut une politique de migration juste pour tous, c'est-à-dire qui offre aux migrants, notamment aux femmes, de réelles possibilités de bénéficier de droits sociaux en Union européenne.
Un projet, appelé « AGE + », va se terminer. Il traite de l'âge, du genre, de l'origine ethnique et met à jour des exemples concrets de lois, de systèmes de protection sociale très défavorables aux femmes migrantes âgées. Cela montre que ce groupe est encore plus vulnérable que les femmes âgées du pays.
Une autre piste vise à développer l'emploi. Nous soulevons en particulier le problème spécifique des femmes âgées. Je pense à la fameuse génération sandwich. Nous savons tous que le taux d'emploi des femmes âgées est le plus bas; il est également inférieur à celui des hommes de la même tranche. En effet, les femmes doivent souvent s'occuper de leurs petits-enfants et de leurs parents très âgés et dépendants pour permettre à leur fille d'entrer sur le marché du travail. Il reste énormément à faire à ce niveau. Les mesures développées en vue d'accroître l'emploi des travailleurs âgés visent de nouveau essentiellement les hommes et ne tiennent pas compte des barrières qui empêchent les femmes de travailler plus longtemps.
Le Livre vert aborde ensuite la tranche d'âge des 65-80 ans. La Commission considère les seniors comme étant bien établis, ayant accumulé suffisamment de ressources pour leurs vieux jours, bénéficiant de conditions de vie et de revenus bien supérieurs à ceux de la génération précédente. Mais le réseau AGE ne partage pas son optimisme à ce sujet car si ce tableau est vrai pour certaines personnes, ce n'est pas le cas pour toutes et notamment pour les femmes. Ainsi, le taux de pauvreté des femmes de 65 ans et plus reste élevé, y compris dans certains pays de l'ancienne Europe. En Irlande, par exemple, il s'élève à 51 %. Par conséquent, il subsiste de sérieux problèmes structurels.
Les femmes sont confrontées à des problèmes de pension. Elles disposent de pensions moindres car elles ont souvent dû interrompre leur carrière ou n'ont tout simplement pas travaillé. Dans certains pays, dont la Belgique, il faut quinze ans pour ouvrir les droits à la pension de premier pilier. Des femmes qui ont travaillé pendant dix ans avant d'avoir leurs enfants et de mettre un terme à leur vie professionnelle sont exclues. La fixation d'un tel seuil est préjudiciable aux femmes. Bon nombre de femmes doivent se contenter de droits dérivés à la pension. Or, la pension de survie est sensiblement réduite quand le mari vient à décéder. Il faut aussi compter avec les pertes de droit en cas de divorce. Des femmes ayant consacré vingt ans de leur vie à leur époux se retrouvent sans pension quand celui-ci les abandonne. Selon nos membres, ce cas de figure serait particulièrement pénible aux Pays-Bas.
Les droits des femmes migrantes sont souvent encore plus limités que ceux de leurs homologues masculins. Il faut avoir passé 35 ans aux Pays-Bas, entre 15 et 65 ans, pour avoir droit à la pension de base. Cette exigence exclut de fait de nombreuses femmes migrantes, arrivées dans le pays à l'âge adulte à la suite de leur mari.
Le Livre vert passe ensuite aux personnes très âgées. Nous nous en réjouissons car, jusqu'à présent, la Commission estimait qu'elle n'avait pas à s'en préoccuper en vertu du principe de subsidiarité. La Commission a enfin compris que cette matière relevait du domaine européen. Pour ces personnes, nous ne croyons pas qu'il faille davantage de services à l'avenir. Les services devront simplement devenir de plus en plus performants mais nous avons la conviction qu'il y a moyen de faire beaucoup mieux avec une enveloppe budgétaire identique. Pour cela, il faudra développer l'autonomie, ce qui impliquera une révision en profondeur de la société pour l'adapter à une population vieillissante.
Dans sa réponse au Livre vert, AGE préconise de lancer un processus à l'échelle européenne. Les progrès entrepris par les États membres dans des domaines aussi divers que la protection sociale, la santé, les pensions, l'inclusion, l'urbanisme, les transports, la recherche, les nouvelles technologies, devraient faire l'objet d'un rapport annuel, suivi d'une table ronde à laquelle participeraient activement le Parlement européen et les parlements nationaux.
Mme Karin Stiehr (en anglais). — Le projet « MERI » (Mapping Existing Research and Identifying knowledge gaps concerning the situation of older women in Europe — Recueil de données et identifications des lacunes de connaissances concernant la situation des femmes âgées en Europe) a été la concrétisation des requêtes de scientifiques, de représentants d'associations et de gouvernements nationaux qui ont assisté en 2001 à une Conférence européenne ayant pour thème « L'Égalité des chances pour les femmes âgées ».
Quelle était la situation avant le lancement du projet MERI ?
Il y a 10 ans, il était très dificile de répondre à la simple question de savoir combien de femmes âgées de 50 ans ou plus il y avait en Europe ? ».
Aujourd'hui, davantage d'informations sont disponibles pour le public. Toutefois, pour trouver la réponse à la simple question « Combien de femmes de plus de 50 ans vivent en Europe ? », il faut se la procurer en l'achetant sur la page Eurostat de la Commission européenne.
En Europe, près d'une personne sur cinq ou sur six est une femme âgée de 50 ans ou plus.
En conséquence, on peut affirmer que les femmes de plus de 50 ans constituent un groupe marginal en Europe.
Lorsque mes collègues et moi-même avons commencé à nous pencher sur cette problématique il y a 10 ans, nous avons constaté que nous ne disposions d'aucune information de base ni de données statistiques. Nous n'avions d'autre choix que celui d'émettre une hypothèse afin de pouvoir répondre à la question « Comment les femmes âgées vivent-elles en Europe ? ». Nous avons réalisé des études sur les femmes âgées à l'échelon local et, ensuite, nous avons émis des hypothèses.
Des connaissances ont été rassemblées, mais pas de manière systématique. Sur la base des études et des statistiques compilées par MERI, MERI a conclu que les femmes âgées sont confrontées à des difficultés spécifiques pour les raisons suivantes:
— Elles ont un niveau d'études relativement plus bas et une formation professionnelle moindre en comparaison des hommes de leur génération.
— Dès lors, du fait du degré d'instruction plus faible des femmes, force est de constater qu'elles ont plus difficilement accès à des emplois bien rémunérés.
— Elles sont exposées à un risque plus élevé de se voir exclues de manière anticipée du marché du travail.
— Elles risquent d'être davantage confrontées à la pauvreté, en raison des trois premiers facteurs évoqués et du fonctionnement des systèmes de pension. Il s'agit d'un effet de cumul. Si les trois facteurs s'avèrent exacts, il est clair qu'il y a un risque accru de pauvreté.
— Les femmes âgées ont des charges de travail plus importantes dues aux responsabilités au niveau familial. Ce travail est non rémunéré.
Les femmes âgées sont aussi tout particulièrement vulnérables pour les raisons suivantes:
Risque accru de se voir isolées du fait de leur plus longue espérance de vie. Avoir une espérance de vie plus longue est une chose très agréable, mais il faut attirer l'attention sur le fait que les années de vie supplémentaires des femmes âgées ne sont pas nécessairement synonymes de bonne santé et de vie en famille. Bien au contraire, nombreuses d'entre elles sont isolées sur le plan social.
Implication limitée dans la prise de décision et au niveau de la représentation politique.
Au sein des organisations féminines, l'on se concentre essentiellement sur des questions relatives à la vie des jeunes femmes. Les femmes âgées ne pensent pas que les jeunes femmes devraient être écartées des questions qui leur sont propres. Par contre, typiquement, les jeunes femmes ne soutiennent pas activement les femmes âgées et leurs problèmes spécifiques, tandis qu'au sein des organisations de seniors, ce sont souvent les hommes qui occupent les fonctions à pouvoir décisionnel et les femmes qui sont traitées de manière secondaire.
Cette fracture de compétence et de responsabilité au niveau associatif s'est également refletée au sein des structures gouvernementales, ce qui a occasionné de graves problèmes lors de la mobilisation de fonds pour un projet de recherche sur les femmes âgées, pas seulement en Allemagne, mais aussi dans d'autres pays européens. Le département chargé de la condition féminine et le département chargé des seniors ont tous deux affirmé qu'il s'agissait d'un projet intéressant, mais que l'autre département devrait s'occuper d'un tel projet.
Il a fallu plusieurs années pour réunir des fonds en vue de réaliser le projet de recherche qui a finalement été financé à l'échelle européenne. La Commission européenne a financé l'organisation MERI et un projet commun à 3 pays, à savoir, l'Autriche, la France et l'Allemagne, a été créé. La première étape a été la mise sur pied du site Internet www.sophia-net.org.
Une part non négligeable de ce site est consacrée à la présentation d'initiatives de et pour des femmes âgées. On y trouve également un forum de discussion qui a pour objectif de laisser les femmes âgées s'exprimer et échanger des informations et des expériences.
Dans les trois pays participants, MERI a rassemblé des exemples d'actions qui pourraient être entreprises par rapport à la situation particulière des femmes âgées et des exemples de ce que les femmes âgées pourraient faire pour elles-mêmes.
Une seconde étape a consisté à organiser une Conférence européenne intitulée « Égalité des chances pour les femmes âgées au niveau politique et social », à l'attention de scientifiques, de représentants d'associations et de responsables politiques issus de toute l'Europe, de la Norvège, du Liechtenstein et de l'Islande.
La conférence a entre autres permis de comprendre que la situation des femmes âgées varie considérablement d'un pays européen à l'autre.
Les responsables politiques des pays nordiques affirment qu'il n'y a pas le moindre problème et qu'en Norvège, il y a une égalité des chances entre les femmes âgées et les hommes âgés.
Parallèlement à la Norvège, les responsables politiques des pays méditerranéens ont présenté des chiffres relatifs au nombre de femmes âgées illettrées dans leurs pays.
Lors de cette conférence, un argument a été mis en avant, selon lequel les différences au niveau des situations que vivent les femmes dans différents pays d'Europe seraient peut-être imputables à l'introduction du droit de vote pour les femmes dans les États membres européens. Il a fallu près de 80 ans pour établir ce droit civil pour les femmes dans les pays européens, du Nord au Sud. Le Liechtenstein a été le dernier endroit en Europe à établir ce droit. Aujourd'hui encore, le Liechtenstein continue de mener des campagnes d'information visant à informer les femmes que non seulement elles sont autorisées à voter, mais qu'il est aussi légal de voter pour une candidate féminine. Lorsqu'une société considère une femme comme faisant partie intégrante de cette société, cela fait une différence considérable.
Un autre aboutissement de la Conférence européenne a été l'adoption d'une résolution adressée entre autres aux Nations unies, à la Commission européenne, ainsi qu'aux gouvernements nationaux en Europe. Cette résolution réclamait des avancées décisives en ce qui concerne:
— la situation sociale des femmes âgées en Europe
— la promotion du travail de recherche sur tous les aspects pertinents liés à la vie des femmes âgées et
— un accent sur une distinction entre « âge et sexe », pas seulement « âge » ou « sexe », mais bien « âge et sexe ».
Le projet MERI s'est voulu la concrétisation de ces demandes. Il avait pour objectif de « recueillir les données existantes et d'identifier des lacunes de connaissances concernant la situation des femmes âgées en Europe », en ce compris les « zones de silence ».
Les résultats du projet MERI ont clairement mis en évidence le fait qu'il y a encore un manque de données sur les femmes âgées en tant que groupe cible distinct. Seule une minorité d'études se concentre sur les femmes de plus de 50 ans. Un travail profond d'investigation est encore nécessaire afin de découvrir la situation des femmes âgées.
Le déclin nord-sud a une nouvelle fois mis au jour les différences relatives aux connaissances disponibles dans les différents pays européens étudiés. Alors que dans les pays nordiques, l'on traite en profondeur les informations concernant la situation des femmes âgées, l'on se trouve encore face à un sérieux manque de connaissances dans les pays sud-européens. En Grèce par exemple, la situation des femmes âgées peut être considérée comme terra incognita.
MERI a dressé une liste détaillée des domaines dans lesquels il est encore nécessaire d'effectuer des recherches, pour tous les pays européens situés dans des zones de silence. Ces domaines sont:
— les femmes âgées en tant que victimes de crime ou d'abus
— la représentation des intérêts des femmes âgées avec un accent particulier sur leurs processus décisionnels formels et informels
— leur intégration dans la société
— les aspects qui concernent l'éducation, comme la formation professionnelle et l'acquisition continue du savoir
— les aspects liés à la santé et spécialement les soins médicaux en institutions
— la sortie du marché du travail des femmes âgées
— leur situation matérielle en termes de consommation de biens et de services
— les aspects de l'intégration et de la participation sociales, surtout les relations intergénérations, la sexualité, l'amitié, les réseaux de proximité et associatifs, le bénévolat, l'âgisme et les autres types de discrimination.
L'on en sait beaucoup trop peu sur ces questions.
Par ailleurs, dans la plupart des pays concernés, il y a une lacune énorme au niveau des connaissances relatives aux conditions de vie des femmes âgées issues de minorités ethniques immigrées.
Après avoir examiné tous les pays impliqués dans le projet MERI, il a été prouvé que les femmes âgées affichent fréquemment un degré d'instruction moins élevé que les hommes.
Diverses indications montrent que l'on peut encore trouver un taux d'illetrisme élevé parmi les femmes âgées de certains pays méditerranéens, comme par exemple l'Espagne, le Portugal et la Grèce.
D'autres femmes issues de minorités ethniques immigrées, surtout d'origine non européenne et provenant de pays non industrialisés, présentent également des niveaux très faibles d'éducation dus aux rares études qu'il est possible d'entreprendre.
Les domaines et conditions de travail des femmes âgées et les attitudes vis-à-vis des travailleurs âgés ne sont à bien des égards pas bien couverts par les recherches et les statistiques officielles. Toutefois, dans tous les pays MERI, les conclusions suffisent à mettre en avant les points suivants:
— les femmes âgées actives exercent souvent des professions typiquement féminines, par exemple, travailleuses sociales,
— elles sont sous-représentées dans des postes de supervision et des postes intermédiaires, en comparaison avec et les hommes âgés et les jeunes femmes,
— elles sont davantage susceptibles que les hommes âgés de travailler ou d'avoir travaillé dans le cadre d'emplois mal rémunérés,
— elles sont davantage susceptibles que les hommes âgés de travailler ou d'avoir travaillé à mi-temps,
— elles ont de plus grands risques de connaître des problèmes de santé ou d'être invalides et ce, en raison de conditions de travail plus mauvaises.
Les attitudes à l'égard des femmes âgées actives font partie des recherches effectuées dans certains des pays qui participent au projet MERI. Par exemple, en Finlande, les femmes âgées subissent une double discrimination. Outre la discrimination sexuelle, elles sont également confrontées à la discrimination fondée sur l'âge.
En Autriche, l'on s'attend à ce que les femmes âgées actives quittent plus tôt leur poste de travail, en raison de leur prétendue capacité à passer facilement au rôle de femme au foyer ou de pensionnée.
Dans tous les pays, l'âge ordinaire de la pension pour les hommes et les femmes influence de manière décisive leur sortie du marché du travail. D'autres facteurs qui jouent un rôle sont les régimes nationaux de retraite anticipée ou l'accessibilité à des allocations d'invalidité.
D'après les informations disponibles, les femmes âgées quittent plus tôt le marché du travail que les hommes. En réalité, les femmes sont particulièrement touchées par un laps de temps qui se situe entre la fin de leur vie professionnelle et le début de leur pension.
La situation en matière de revenus est plus mauvaise pour les femmes âgées que pour les hommes âgés. On a constaté que les veuves étaient particulièrement vulnérables dans la plupart des pays européens. Il faut savoir que les habitudes de consommation reflètent la disponibilité d'un revenu. Ainsi, les femmes âgées dépensent plus d'argent pour des produits et des dispositifs médicaux, ainsi que pour des journaux, des livres et de la papeterie, tandis que les hommes âgés dépensent davantage d'argent pour des boissons alcoolisées, du tabac, du matériel audiovisuel et informatique, ainsi que pour des hôtels, des cafés et des restaurants.
Pour ce qui est du travail non rémunéré au sein de la famille, on a déclaré, comme on le savait déjà, que les femmes âgées constituent une sorte d'aide sociale dans les familles pendant les périodes difficiles.
Lorsqu'une famille est confrontée à de graves maladies ou à un décès, ce sont alors les femmes âgées qui aident leur famille et la soutiennent financièrement, dans la mesure du possible.
À ce jour, l'on dispose de très peu d'informations et de données relatives à la participation politique des femmes âgées dans la société. Cette question n'a jusqu'à présent pas été convenablement étudiée. Néanmoins, à différents échelons nationaux, il y a des indices selon lesquels les femmes âgées comparées aux hommes âgés:
— sont moins intéressées par la politique que les hommes,
— usent moins de leur droit de vote,
— votent de manière plus traditionnelle,
— sont moins souvent des candidates politiques,
— ont tendance à voter pour des hommes,
Ces points semblent s'appliquer à la majorité des femmes âgées actuelles, mais il y a une nouvelle génération de femmes âgées qui arrivent à ce stade de leur vie. Et force sera de constater que la prise de décision au niveau politique va connaître un changement radical avec l'arrivée de cette nouvelle génération de femmes âgées.
Du point de vue du MERI, il est nécessaire de faire encore davantage de recherches et de prendre encore plus de décisions au niveau politique pour améliorer les conditions de vie, tant des femmes âgées que des hommes âgés. L'organisation MERI va continuer à élargir ses connaissances à propos des conditions de vie et des problèmes des femmes âgées et va également continuer à encourager de nouvelles recherches sur les femmes âgées, tout en sensibilisant aussi le grand public à la situation des femmes âgées.
Mme Elizabeth Sclater (en anglais) — Imaginez que vous avez 85 ans, c'est votre anniversaire. Où serez-vous à cette occasion ? Qui sera là pour fêter avec vous votre anniversaire ? Ferez-vous quelque chose à l'extérieur, dans un café à Bruxelles ou dans votre ville natale ? Serez-vous en compagnie d'autres membres de la famille qui vous auront invité chez eux ? Si la fête se fait chez vous, qui sera là ? Les personnes présentes seront-elles celles qui vous dispensent des soins ? Comment seront-elles arrivées chez vous ? Parviendront-elles à entrer dans votre maison ? Quel plat aimeriez-vous manger à cette occasion ? Qui va le préparer ? Comment le mangerez-vous ? Cela vous plaira-t-il ? Aurez-vous encore la faculté de goûter ?
Songez à toutes ces questions pendant un moment.
Le principal motif qui se cache derrière l'existence du Older Women's Network Europe (« Réseau européen des Femmes âgées ») est d'attirer l'attention des responsables politiques et des professionnels sur les conditions de vie des femmes de 50 à 100 ans et plus.
Les femmes ne constituent pas un groupe homogène, elles sont en effet très différentes. C'est également le cas pour les femmes âgées. Des différences existent: en termes de fourchettes d'âge, de race, en termes de foi et de religion, ainsi qu'en termes d'invalidité et de sexualité.
En tant que réseau, il est important de garantir que ces différences, la sensibilité des politiques et la manière dont les professionnels appliquent ces politiques seront respectées dans notre vie quotidienne.
Le rôle du Older Women's Network est d'influencer l'élaboration et le changement d'orientation des politiques et aussi de surveiller les conséquences d'une telle évolution.
Le Older Women's Network Europe a vu le jour à partir d'un projet de l'Union européenne qui a été financé de 1991 à 1993. Nos partenaires étaient du personnel du gouvernement local en faveur de l'égalité, ainsi que des groupes locaux et nationaux de bénévoles issus à la base de trois, puis de cinq, et enfin, de huit États membres des 12 à l'époque.
Nos objectifs étaient de partager et d'échanger les bonnes pratiques en rapport avec l'âge et le sexe et d'émettre des recommandations visant à changer les choses, pas seulement au niveau local, mais également à l'échelle nationale et internationale.
Nous encourageons les femmes âgées à se faire entendre de manière directe, que ce soit à propos d'un aspect de leur environnement, de leur logement, de l'éclairage dans leur rue, de la collecte des déchets, des soins de santé, du niveau de leurs pensions ou encore des écoles locales.
Cela ne se limite pas aux facteurs qui influencent nos vies dans l'immédiat. En effet, de nombreuses femmes âgées s'occupent de leurs petits-enfants et, dès lors, il leur importe de savoir si ceux-ci fréquentent des écoles de qualité. Il est important à leurs yeux aussi de savoir ce qui se passe au niveau économique pour leurs enfants, à savoir s'ils ont du travail ou pas.
En tant que femmes âgées, nous sommes soucieuses de la vie dans son ensemble et de nos propres vies également. Quelques-uns des impacts qu'a eus le Older Women's Network Europe ont consisté à garantir que les questions des femmes âgées sont reconnues au sein de l'Union européenne.
En 1994, il y a eu un Livre vert sur la politique sociale. Pour la première fois, ce Livre vert ne mentionnait pas simplement l'âge, mais comportait également une section spécifique qui traitait de la reconnaissance des besoins des femmes âgées. Cette évolution a été en partie influencée par la réussite du projet que nous avions mis sur pied.
C'est ainsi que le Réseau a vu le jour à partir d'un projet. Le Réseau a contribué de manière significative et essentielle au forum des ONG à Beijing. En menant nos actions au niveau des Nations unies, pour atteindre notre objectif, nous pouvons travailler en partenariat non seulement avec d'autres femmes en Europe, mais aussi avec des femmes issues du monde entier.
Le Réseau a également mené à bien un projet consacré à fixer l'âge et le sexe à l'ordre du jour en ce qui concerne la politique d'exclusion sociale de l'Union européenne.
Le Réseau est convaincu qu'il est très important de travailler en partenariat et non de manière isolée. Ainsi, le Réseau agit avec d'autres structures à l'échelle européenne, en vue d'atteindre son objectif. Il est du reste crucial de travailler avec les responsables politiques et avec les gouvernements, non pas uniquement au niveau international, mais également au niveau local, avec des élus locaux et ce, dans le but d'améliorer la qualité de vie des femmes âgées.
Les membres du Réseau ont à leur actif de nombreuses réalisations à l'échelon local et national.
Un exemple de réalisation au niveau local est un groupe de femmes âgées vivant à Lewisham, un arrondissement de Londres. À cet endroit, les femmes âgées locales qui faisaient partie du projet d'origine de 1991 à 1993, étaient actives à l'époque et le sont encore maintenant dans le domaine de la recherche de leurs propres besoins en tant que femmes âgées.
Elles ont récemment publié un rapport basé sur leurs besoins en matière de logement. Leurs recommandations ont été reçues et intégrées dans les plans de service du département du logement et du département des affaires sociales de l'autorité locale. Il s'agit là d'un résultat très concret et direct: recherches, recommandations et action.
À l'heure actuelle, elles sont dans une phase d'examen et sont sur le point de publier les résultats des recherches consacrées à leurs besoins en matière d'acquisition continue du savoir. Un rapport intermédiaire est paru en mai de cette année. Au Royaume-Uni, il y a des problèmes considérables en ce qui concerne le financement de l'éducation pour les adultes, surtout si le cours ne mène pas à une qualification visant à travailler. En effet, les ressources relatives à l'éducation pour les adultes qui ne débouche pas sur des qualifications sont sur le point de disparaître. Ce rapport a été transmis au Conseil national d'apprentissage et d'aptitudes (National Learning and Skills Council) qui a été largement impressionné par ce document et qui en fera un exemple de ce que les femmes âgées peuvent réaliser en ce qui concerne leurs besoins dans une vie.
Au niveau national, en Allemagne, nos collègues, dont Gisela Notz, travaillent avec des organisations nationales visant à promouvoir le travail, l'influence et la contribution des femmes âgées vis-à-vis de leurs communautés. En tant que citoyenne d'Allemagne de l'Est qui a de bonnes relations avec l'Europe de l'Est, Gisela Notz a monté un projet dans le but de travailler avec des femmes âgées en Pologne et en Slovaquie. Ce projet vise à soutenir et à donner le courage aux femmes âgées de ces pays de créer leurs propres réseaux et d'exprimer leurs propres sources d'inquiétude à leurs gouvernements respectifs.
Gisela Notz travaille également à une Conférence nationale sur les femmes âgées qui se tiendra en 2006 en Allemagne.
En Irlande, le Older Women's Network est très actif via le groupe local et national. En effet, ils ont réussi à travailler en collaboration avec le gouvernement et à recevoir des fonds de celui-ci, mais il s'agissait d'un financement qui ne représentait pas ce que quelqu'un aurait été en droit d'attendre de la part d'un service de la Santé et des Affaires sociales. Dès lors, les groupes du Réseau se sont adressés au Département des Affaires communautaires, de la Langue irlandaise et des Affaires rurales. Ils disposent d'une somme d'argent garantie pour des projets visant à communiquer des informations du gouvernement à des femmes âgées dans des communautés rurales et ce, dans le but de les aider à comprendre des questions relatives au recyclage, aux frais en matière de coûts environnementaux, à la manière dont elles peuvent se faire entendre et travailler avec des politiciens (en ce compris des sénateurs à la retraite), à la manière dont elles peuvent faire pression sur les autorités et à la manière de présenter leurs arguments concernant des sujets qu'elles souhaitent développer.
Le Older Women's Network Ireland a surtout affiché une belle réussite dans son travail avec d'autres organismes de lutte contre la pauvreté. Il constitue en Irlande l'un des 10 groupes de lutte contre la pauvreté reconnus par le gouvernement.
Le Older Women's Network Ireland s'est aussi démené pour faire changer une proposition visant à supprimer les allocations accordées aux veuves qui travaillent, lorsque celles-ci sont malades. Le gouvernement irlandais avait en effet l'intention d'interrompre le paiement des allocations de veuve en périodes de maladie, du fait qu'il ne souhaitait pas que les veuves bénéficient de deux allocations, à savoir l'allocation de veuve et l'allocation maladie. En faisant pression aux côtés d'autres organisations, le Older Women's Network Ireland est parvenu à modifier cette proposition avant qu'elle ne devienne loi.
En Irlande, il faut savoir que le Réseau siège au Forum national économique et social qui constitue un groupe de contact clé pour le gouvernement en ce qui concerne l'encouragement à l'indépendance. Il fait aussi partie du Conseil national des femmes.
À l'échelle européenne, nous travaillons avec Age Platform. Nous avons par ailleurs soutenu le Age+Project, tout spécialement pour les aspects liés à l'âge et à l'appartenance ethnique. Aux Pays-Bas, notre groupe représente une véritable source d'expérience en matière de migration. Ce groupe a contribué de manière formidable à mettre en lumière les réalités des vies des femmes âgées migrantes.
Ce goupe a fermement soutenu notre travail et nous a permis à nous et aux organisations de personnes âgées, ainsi qu'aux organisations féminines, de prendre au sérieux la question de la race et de la discrimination raciale.
Pour ce qui est de la question de la technologie, le Réseau a travaillé avec d'autres organisations en faveur de l'égalité des sexes, lors du Sommet mondial des Technologies de l'information. Lors des réunions préparatoires, ma collègue Marianne Seger (Allemagne) travaillait sur les dernières préparations de la Conférence qui s'est tenue à Genève la semaine dernière et qui précède la grande réunion à Tunis qui aura lieu en novembre de cette année.
Lors de ces réunions, Marianne reprendra les points de vue des femmes âgées. Elle s'assurera aussi que ce à quoi nous avons travaillé au sein de la Plate-forme d'action de Beijing — à savoir, mentionner les femmes de tous les âges, mentionner le vécu, sensibiliser les gens au fait que ce qui nous est arrivé plus tôt dans la vie se cumule à notre vie par la suite — soit repris dans les réunions qui auront lieu en novembre.
Pour conclure, notre Réseau est constitué de femmes de groupes locaux qui travaillent à l'échelon local, régional, national ou international par le biais de notre propre organisation ou par le biais d'autres organisations.
Nous souhaitons travailler en collaboration avec les gouvernements. Le message que nous adressons au gouvernement, que ce soit à l'échelon national ou local, est que notre réussite est d'autant plus grande lorsque nous tendons la main à des femmes difficilement accessibles, comme l'illustre l'exemple de l'Irlande.
Nous travaillons à l'échelle européenne avec le projet MERI qui vise à influencer les programmes de l'Union européenne. Nous sommes également actifs à l'échelle internationale avec nos collègues au sein du Sub-Committee on Older Women (Sous-comité sur les Femmes âgées). Nous vivons notre vie au niveau local, alors travaillons ensemble main dans la main pour faire en sorte que les fêtes données à l'occasion d'un 85e anniversaire soient véritablement un moment inoubliable et agréable.
Mme Nancy Lewis (en anglais). — L'année 1999, désignée comme l'« Année internationale des personnes âgées » par l'Assemblée générale des Nations unies, a permis aux femmes âgées d'être reconnues comme un groupe à part. Lors de la réunion « Commission des NU sur le Statut des Femmes » qui s'est tenue en mars de cette année-là, un groupe de travail sur les femmes âgées a vu le jour. Notre vif intérêt pour les femmes âgées a fait l'objet d'un débat. Cette activité a rapidement conduit à un « Groupe parlementaire sur les Femmes âgées » dont l'objectif est de se concentrer sur la pauvreté et le caractère « invisible » des femmes âgées en tout lieu.
Du reste, d'autres efforts d'intervention en faveur des femmes âgées ont été accomplis auparavant — la Older Women's Tent de Beijing est l'action la plus connue — mais il faut noter qu'il n'y a pas vraiment eu un effort organisé et continu jusqu'en 1999, lorsque l' « Année internationale des personnes âgées » a permis de parler tant du vieillissement que des femmes.
La principale inquiétude exprimée alors par le Sous-comité et qui est toujours valable aujourd'hui est le fait que toutes les sociétés établissent une discrimination sur la base de l'âge avancé. Partout dans le monde, les femmes âgées sont susceptibles d'avoir connu au cours de leur vie des préjudices comme:
— une alimentation pauvre, tout en étant en même temps les principales sources d'approvisionnement des besoins nutritionnels de leurs familles sur plusieurs générations,
— le fait d'être les plus pauvres des pauvres dans leurs sociétés, après avoir enduré toute une vie la dépendance financière et l'extrême pauvreté.
Dès le départ, l'objectif du Sous-comité n'a pas seulement été d'informer et de sensibiliser les organisations gouvernementales et non gouvernementales à propos des besoins spécifiques des femmes âgées, mais aussi de souligner leurs précieuses contributions à leurs familles et à leurs communautés.
En 1999, le Sous-comité a fait pression pour obtenir l'introduction de termes relatifs au vieillissement dans la Déclaration des NU — termes qui concernaient tout particulièrement les femmes âgées. Ces efforts se sont concrétisés lorsque les « femmes sont devenues des femmes de tout âge ».
Après l'« Année internationale des personnes âgées », le groupe de travail sur les femmes âgées est devenu un Sous-comité du Comité sur le statut des femmes. L'un des coprésidents a été nommé par le Comité sur le vieillissement et l'autre, par le Comité sur le statut des femmes. Lorsque le groupe de travail est devenu un Sous-comité, les choses ont réellement pris leur envol.
Une base de données reprenant les femmes âgées qui avaient assisté aux réunions du Sous-comité a été constituée. Un groupe internet a vu le jour afin de faciliter la communication dans le monde entier.
Les membres ont été rassemblés et l'on s'est concentré sur des domaines de travail spécifiques. Le Sous-comité a passé en revue les missions des Nations unies dans divers pays en vue de parler des femmes âgées et de lutter pour leurs droits à tous les niveaux.
Chaque membre du Sous-comité voyageant à l'étranger a organisé des réunions avec des groupes concernés dans le but de parler de l'« Année internationale des personnes âgées » et de susciter le soutien de cette cause, en mettant l'accent tout particulièrement sur les femmes âgées.
J'ai parlé avec des personnes au ministère des Affaires étrangères en Équateur et j'ai été invitée en Chine par le Conseil national sur le Vieillissement en vue d'examiner les programmes et les moyens pour les personnes âgées, avec un accent tout particulier sur les femmes.
En faisant des recherches pour un discours que j'étais invitée à prononcer lors d'une réunion du Conseil national sur le Vieillissement en Afrique du Sud en septembre 2001, j'ai réalisé non seulement à quel point les femmes âgées sont vulnérables, mais également combien leurs contributions ont été et sont importantes pour leurs familles, leurs communautés et leurs sociétés.
Le Sous-comité s'est montré résolu à mettre en évidence l'importance de ces contributions à la survie de toutes les sociétés, rendant de ce fait « visibles » les « femmes âgées invisibles », dans toute leur diversité et leur force et en combattant l'idée selon laquelle elles sont dépendantes et ne présentent plus aucune utilité.
En examinant les problèmes qui font partie de la réalité de la vie des femmes âgées, on s'est rendu compte qu'il s'agissait de questions liées aux droits de l'homme, dans leur forme la plus flagrante.
Le Sous-comité a décidé de se servir de ce contexte et de concentrer essentiellement son attention et ses efforts sur les sessions de la « Commission annuelle des Nations unies sur le statut des femmes » et sur le processus de « Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes » (CEDAW).
Le Sous-comité a étudié par lui-même les problématiques relatives aux droits de l'homme et a exprimé des messages simples. Nous sommes intervenus lors de réunions en posant la question suivante: « Oui d'accord, mais qu'en est-il pour les femmes âgées ? »
Nous avons poussé le personnel des NU à prendre en compte les femmes âgées et nous avons cherché un appui parmi les délégués gouvernementaux. Nous avons pris en charge notre mission, à savoir l'éducation de chacun, tant en ce qui concerne la contribution des femmes âgées à la société que concernant les besoins actuels des femmes âgées.
Nous avons fait appel aux talents, à la compétence et à l'énergie de l'ambassadrice du Surinam, Mme Irma Loemban Tobing-Klein, qui a mis en lumière en octobre 2001 la situation critique des femmes âgées, au cours d'une intervention prononcée devant l'Assemblée générale. Elle a présenté une résolution intitulée « La situation des femmes âgées dans la société », dont 38 pays sont devenus signataires.
À noter que cette résolution a été adoptée par l'Assemblée générale lors de sa 88e session, en décembre 2001.
En février 2005, lors de la réunion de la « Commission sur le statut des femmes » aux Nations unies, le Sous-comité sur les femmes âgées (SCOW) a présenté un atelier ayant pour titre « Les femmes âgées et le sexe: mythes et réalités vers l'émancipation », sous la direction du Dr. Els Messelis (Belgique). Cette démarche a constitué une première avancée vers ce qui allait être une tentative plus importante d'examiner le sujet.
La CEDAW (« Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard des femmes ») est devenue un grand point de convergence des efforts du Sous-comité.
Nous avons étudié la Convention CEDAW dans le but de nous concentrer sur la terminologie en rapport avec les femmes âgées — ou sur l'absence de terminologie en la matière. Nous avons ensuite rédigé et distribué des documents d'information qui étaient propres à chacun des articles de la Convention, ainsi qu'aux 12 sujets critiques de préoccupation de la Plate-forme d'action de Beijing.
Avant le début de chaque session de la CEDAW les membres du SCOW passent en revue les missions des NU des pays qui dressent un compte rendu. Par ailleurs, ces membres apportent aussi leur aide en informant les pays du fait que les questions relatives aux femmes âgées seront posées à leurs représentants.
En mars 2002, la présidente du Comité CEDAW, Mme Charlotte Abaka (Ghana), a fait mention des femmes âgées dans son rapport à l'occasion de la 46e session de la Commission qui suit la session de la CEDAW. En janvier 2003, le SCOW a eu l'occasion exceptionnelle de s'adresser directement aux experts CEDAW, au nom des femmes âgées.
Cela a constitué un fait totalement exceptionnel, étant donné que d'ordinaire, c'est à une ONG que l'on octroie cette possibilité. Dans ce cas, la demande s'est orientée vers un membre du SCOW.
Les efforts de lobbying du SCOW en collaboration avec des experts CEDAW ont été tout spécialement récompensés lorsque l'expert, Mme Krisztina Morvai (Hongrie), a organisé une réunion en janvier 2005 entre tous les experts CEDAW et le SCOW, afin de débattre de la nécessité d'une « Recommandation générale sur les femmes âgées » pour la CEDAW. Si adoption il y a, il sera exigé de tous les pays qui dressent un compte rendu qu'ils incluent les questions relatives aux femmes âgées dans leurs comptes rendus. Le SCOW a vivement conseillé de rédiger un papier sur les femmes âgées.
Cette recommandation générale élargirait les normes utilisées dans la surveillance du comportement des États parties, de telle sorte que la situation des femmes âgées soit reconnue et que l'on puisse y remédier.
Le moment est venu d'inclure dans le travail du Comité CEDAW les questions relatives aux femmes âgées comme l'un des critères de surveillance en matière de discrimination à l'égard des femmes.
Tout au long du travail du SCOW avec la Commission sur le statut des femmes et la CEDAW, le SCOW a rapidement appris que les recherches liées aux femmes de plus de 50 ans sont quasiment inexistantes dans la plupart des régions du monde. L'on peut en effet constater que les informations concernant les femmes âgées font défaut dans la plupart des documents officiels et des directives en matière de politique. Ce manque de recherches ainsi que le morcellement des données, ont constamment renforcé le caractère invisible de la population exclue socialement, à savoir les femmes âgées. Cela complique le discours en faveur de ce groupe de personnes. Néanmoins, le SCOW est allé de l'avant et est tout spécialement encouragé et réconforté par des efforts comme le projet MERI qui a examiné l'état des recherches sur les femmes âgées en Europe. Il est à espérer que ce type d'efforts sera une source d'inspiration pour d'autres études dans le monde.
La prochaine étape capitale serait de partager ces résultats avec les États parties qui adressent un rapport à la CEDAW, ainsi qu'avec chaque expert CEDAW qui passera en revue les rapports et questionnera les représentants du gouvernement.
L'objectif du SCOW est de « sensibiliser ». Les termes et les expressions que le SCOW a introduits dans les débats et dans les rapports sont désormais fréquemment utilisés dans les coulisses des NU, comme « les filles et les femmes de tout âge » et le « morcellement des données relatives au sexe et à l'âge ». Ces expressions sont faciles à lire et faciles à retenir. D'autres groupes et structures ont également réagi à la demande du SCOW d'insérer ces quelques expressions dans leurs propres documents et prises de position.
Pour ce qui est de l'avenir, on prévoit une réunion sur les Femmes âgées animée par le SCOW, lors d'une conférence annuelle de la « Fédération internationale sur le vieillissement » qui se tiendra au Danemark en juin 2006. Cette réunion permettra au SCOW de faire passer son message à des professionnels concernés issus du monde entier.
Les efforts du SCOW ont rendu plus « visibles » les questions relatives aux femmes âgées « invisibles ». Du reste, le SCOW va continuer à faire de la sensibilisation en ce qui concerne les difficultés auxquelles les femmes âgées sont confrontées dans leur vie quotidienne.
DÉBAT FORUM
Mme Annemie Van de Casteele, sénatrice. — Pour le débat forum sur la place de la femme dans le vieillissement de la population, nous avons invité des représentants de la société civile qui nous feront brièvement part de leur point de vue. Le public aura ensuite l'occasion de s'exprimer.
Le groupe de travail « Vieillissement de la population » a énormément travaillé sur ce sujet. Nous avons essayé de souligner également les aspects positifs du vieillissement. Comme l'a déjà dit Mme Parent, nous devons nous réjouir de pouvoir vivre plus longtemps. Cependant il subsiste des points sensibles qui concernent plus spécifiquement les femmes. Il faudra les étudier dans la mesure du possible. Nous devons à présent surtout vérifier comment nous pourrons, dans les prochaines années, faire de la proportion vieillissante de la population, en particulier des femmes, un atout pour la société.
Mme Moerenhout. — Beaucoup d'hommes siègent au Vlaams Ouderen Overlegkomitee (OOK) que je représente ici, mais un jour tel que celui-ci, une femme a le droit de prendre la parole. J'apprécie d'ailleurs énormément la présence d'hommes dans notre assemblée. Hommes et femmes doivent en effet chercher ensemble un équilibre.
L'ASBL Vlaams Ouderen Overlegkomitee a été créée en tant que plate-forme des organisations de personnes âgées. Depuis peu, nous avons une mission en Flandre en tant que Conseil flamand des seniors. Nous espérons qu'un conseil similaire sera créé aux autres niveaux politiques.
Je me réjouis que le groupe de travail « Vieillissement de la population » souligne les atouts des aînées. On se focalise trop sur les pensions et les soins de santé en la matière. Le vieillissement relevant à de nombreux égards de la politique générale, nous demandons que le débat soit élargi à tous les aspects de la vie. Le débat sur le vieillissement et la fin de carrière est mené sans les aînés.
Le fait que les intéressés puissent participer au débat sur la fin de carrière et sur les pensions est de nature à enrichir les discussions.
Dans le groupe de travail « Vieillissement de la population » et à l'occasion de cette journée d'étude, les aînés sont enfin entendus. C'est la première fois et c'est pourquoi l'OOK tient à remercier tout particulièrement Mme Geerts. Nous espérons qu'à l'avenir aussi nous serons associés à part entière aux débats portant sur ces matières.
L'espérance de vie plus élevée et le nombre supérieur de femmes sont des données connues. C'est pourquoi il importe que les femmes soient suffisamment associées à la politique qui est élaborée pour elles.
Nous constatons qu'en général, les aînés sont représentés de façon minimale aux différents niveaux de pouvoir et sont quasiment absents aux plus hauts niveaux. Les personnes de plus de cinquante ans peuvent continuer à travailler mais pas au-delà de soixante ans. Les femmes plus âgées surtout sont peu attirées par les rôles représentatifs ou se voient rarement assigner un tel rôle. Il s'agit de pouvoir se remettre en question. Dans les organes consultatifs de seniors, on trouve étonnamment peu de femmes présidentes, à peine 18 %. Au niveau local, dans les conseils consultatifs d'aînés, les hommes sont également en majorité. Dans les organes de gestion du Ouderen Overlegkomitee, on ne compte que 27 % de femmes à tous les niveaux, ce qui n'est pas négligeable mais insuffisant puisque les femmes plus âgées sont plus nombreuses que les hommes. Depuis six ans, le président de l'OOK est une femme. Elle a été acceptée par les différentes tendances de l'OOK car elle est conciliante, à l'écoute et qu'elle tient compte de tout le monde.
L'OOK s'étant vu attribuer la fonction de conseil flamand des seniors et compte tenu de la tendance, nous aspirons à une répartition équitable hommes-femmes. La tâche est énorme car les femmes s'investissent surtout dans les soins de santé et restent à l'arrière-plan dans la vie publique.
Pourquoi les femmes sont-elles moins représentées ? Comme elles ont fait moins longtemps du travail rémunéré et qu'elles ont eu des activités moins lucratives, elles ont une pension plus réduite et dès lors moins d'argent à investir dans des organisations et des activités.
Les femmes de la tranche d'âge la plus élevée, moins scolarisées, doutent de leurs compétences. De manière générale, elles hésitent à entreprendre, à diriger ou à prendre la parole. L'exception confirme la règle: notre présidente n'est allée à l'école que jusqu'à seize ans.
Au fil du temps, cette dame s'est toutefois formée et a appris à parler en public, de sorte qu'elle a finalement pu assumer un poste à responsabilités. Aujourd'hui elle peut participer au plus haut niveau de notre organisation.
Notre organisation peut envoyer vingt représentants au Comité consultatif pour le secteur des pensions. Il est très difficile de trouver des délégués féminins. La proportion de femmes n'atteint jamais la moitié, à peine le tiers. Nous communiquons des noms mais les femmes en question, jugeant leurs connaissances de base insuffisantes pour pouvoir débattre de matières fort techniques, espèrent ne jamais devoir faire acte de présence. Il faut quasiment avoir travaillé dans ce domaine toute sa vie pour pouvoir suivre et il est difficile de rattraper son retard.
De plus, l'image qu'on se fait des aînées n'est pas très bonne. Elles ont souvent une petite pension, des conditions de logement peu attrayantes et des contacts limités. Tous ces éléments sont sources de soucis pour les aînées, dont la présence est dès lors moins visible dans la vie sociale, mais il ne s'agit nullement de désengagement.
Quelques groupes d'aînées sont particulièrement invisibles à l'échelon social: les allochtones, les lesbiennes, les malades et les handicapées restent à l'arrière-plan.
L'organisation OOK veut défendre toutes ces femmes et traite habituellement certaines problématiques en termes généraux. Lorsque des divorcées, des lesbiennes ou des veuves ont des revenus peu élevés, nous situons leur problème dans le cadre de la question des personnes à bas revenus.
Il reste beaucoup à faire pour favoriser la participation des aînés et des femmes âgées, y compris dans les associations de seniors et dans les organes de participation.
Nous espérons corriger le tir dans le futur. Nous devons nous y atteler tous ensemble. Nous disposerons de certains atouts si nous rajeunissons les associations de seniors, autrement dit si nous établissons des contacts avec des femmes de cinquante à soixante ans qui ont bénéficié d'une formation supérieure et ont eu plus d'occasions sur le marché de l'emploi. C'est cette carte que nous devons jouer.
Mme Nathalie de T' Serclaes, sénatrice. — Avant de passer la parole à Mme Renée Coen, qui représente Coordination des Associations des Seniors (CAS), je voudrais rappeler que cette notion de senior s'applique à une grande diversité de profils — personnes seules ou mariées, personnes handicapées, etc. — et d'âges. Devient-on senior dès que l'on passe le cap des cinquante ans ? Les problèmes sont-ils les mêmes quel que soit l'âge ? Par le passé, senior signifiait personne âgée. Aujourd'hui, on semble considérer que l'on devient senior dès qu'on ne travaille plus. Se pose donc la question des travailleurs qui ont atteint la cinquantaine et dont on ne veut plus sur le marché du travail parce qu'on les considère comme vieux. Le groupe de travail sur le vieillissement de la population s'est intéressé à toutes questions en étant attentif à la diversité qui se cache sous l'appellation « vieux ».
Mme Renée Coen. — J'ai le plaisir de vous annoncer la naissance de la CAS, Coordination des associations de seniors francophones, l'équivalent en Communauté française de l'OOK, qui fêtera son premier anniversaire le 25 octobre. Nous partageons le point de vue exprimé par ma collègue Mie Moerenhout avec laquelle nous travaillons en coordination. Nous disposons donc enfin d'une coordination de toutes les associations de seniors. Font notamment partie des fondateurs la Confédération des pensionnés socialistes, la Fédération indépendante des seniors, Espace-Senior des mutualités socialistes, dont je suis d'ailleurs responsable, la Ligue libérale des pensionnés, l'Union chrétienne des pensionnés, Vie féminine, le Conseil des femmes francophones, l'Université des femmes, l'Action catholique rurale des femmes, la Ligue des familles, les Universités du troisième âge, etc.
Je ne compte pas répéter ici nos objectifs qui sont les mêmes que ceux de l'OOK. Nous pensons représenter les seniors de 55 à 115 ans, cette derrière limite semblant rassurer tout le monde. Comme l'a souligné Mie Moerenhout, ce moment est important parce que c'est l'une des premières fois que nous sommes partie prenante de ce qui se passe pour les seniors. L'une des grandes difficultés est précisément que nous ne sommes que très rarement impliqués et que très souvent les décisions se prennent sans nous. Je demande donc que, de plus en plus souvent, les personnes du terrain soient impliquées et que leur avis soit écouté. Le terme de non-actif est tout à fait erroné. Je connais peu de personnes aussi actives que celles qui sont prépensionnées ou pensionnées.
La population est très variée et nous devons nous préoccuper de tous les aspects et de tous les âges.
Les femmes ont un rôle prépondérant à jouer, mais il n'est pas encore suffisamment mis en lumière. Certes, des progrès sont régulièrement accomplis et nous devons espérer que les choses avancent dans le bon sens.
J'ai été sidérée d'apprendre en quelle année le droit de vote a été accordé aux femmes. Notre pays n'était en tout cas pas précurseur en la matière. Depuis quelques dizaines d'années, il y a une prise de conscience du fait que les femmes ont un rôle important à jouer.
La bataille pour l'égalité tant des sexes que des âges et des races est loin d'être gagnée mais de plus en plus de gens s'en préoccupent.
Personnellement, je vis d'espoir.
Mme Herlindis Moestermans. — Le thème du vieillissement ne figure que depuis l'automne à l'ordre du jour du « Nederlandstalige Vrouwenraad ». Cette journée d'études est donc, à cet égard, un peu prématurée. Nous espérons pouvoir proposer de nouvelles recommandations d'ici la fin de l'année. Nous considérons en effet que le vieillissement doit être un atout pour tout le monde.
Je voudrais aussi évoquer les limites d'âge et la discrimination liée à l'âge. En Flandre, le Centre pour l'égalité des chances a récemment publié une étude sur la discrimination fondée sur l'âge. On a vérifié à quelles discriminations les limites d'âge présentes dans les réglementations flamandes pouvaient mener. Plusieurs problèmes sont apparus à cette occasion. De telles limites peuvent déboucher sur l'exclusion de certaines personnes. En outre on partirait de groupes homogènes qui peuvent être séparés sur la base d'une limite d'âge. Autre problème, on applique la limite d'âge de manière assez stricte et arbitraire pendant une longue période sans tenir compte de l'évolution du contexte social. Le recours aux limites d'âge risque de déboucher sur la caractérisation stéréotypée des personnes âgées comme pauvres, vieilles et nécessiteuses.
Les limites d'âge peuvent toutefois aussi apporter une plus-value. En effet, l'âge est un critère objectif facile à utiliser et peut dans certains cas contribuer à la sécurité juridique et à l'égalité. Il peut aussi protéger certains groupes plus faibles.
L'étude scientifique en question recommande notamment une grande prudence de la part des autorités dans l'utilisation des limites d'âge. Lorsqu'ils prennent des mesures, nos dirigeants doivent pouvoir justifier pourquoi telle limite d'âge est un critère ou pourquoi, dans certaines situations, d'autres critères ne sont pas pris en considération. Je pense par exemple à l'ancienneté ou à l'indigence.
Le Vrouwenraad propose qu'une telle étude soit également menée à l'échelon fédéral, en incluant d'autres aspects, comme le genre et l'ethnicité.
Bien entendu, nous pensons tout d'abord à la question de l'âge de la pension. On tend actuellement à aligner l'âge de la pension pour les femmes et pour les hommes. Dans les années nonante déjà, les mouvements féministes ont protesté contre cette tendance car c'est finalement la femme qui paie la facture. En effet, c'est elle qui doit faire le plus de sacrifices. Il serait donc bon que d'autres critères encore soient pris en compte.
Mme Annemie Van de Casteele, sénatrice. — Le parlement a déjà débattu de ce sujet. Bien que le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme puisse se prononcer sur des plaintes pour discrimination, le ministre Dupont, qui a en charge l'égalité des chances, nous a assuré en commission qu'à ce jour aucune plainte n'avait encore été déposée. Le débat qui sera mené prochainement à ce sujet sera sans aucun doute très compliqué car tous les aspects liés à l'âge y seront abordés. Le fait que le Conseil national des femmes étudie cette question me paraît positif. Nous suivrons l'évolution de ce dossier avec grand intérêt.
Mme Magdeleine Willame-Boonen. — J'aimerais, en guise de remarque liminaire, citer cette phrase de Pablo Picasso que j'aime beaucoup: « On met longtemps à devenir jeune. »
Je voudrais souligner que parmi tous les débats qui ont eu lieu jusqu'ici, celui-ci me déprime quelque peu car j'ai l'impression qu'on ne fait pas suffisamment de distinction entre la femme — ou l'homme de 50 ans — et les centenaires.
Si je vous en parle, c'est parce que le Conseil des femmes francophones de Belgique vient de vivre une expérience assez extraordinaire que je voudrais vous raconter très brièvement.
Comme notre Conseil commémorait ses 100 ans, nous avions décidé de fêter les femmes centenaires. Il nous semblait logique, après avoir fait l'histoire des femmes en cent ans, de voir toute leur évolution, de savoir ce qu'étaient devenues ces femmes nées en 1905 et qui avaient donc connu deux guerres. La pilule était arrivée dans les années soixante, à une époque où « cela ne les intéressait plus énormément ».
Nous sommes donc parties à la recherche de ces femmes. Il faut savoir que la Belgique compte 1163 centenaires dont 800 femmes, des chiffres plus parlants que toutes les statistiques. Sur ces 800 femmes, il y a à peu près 400 néerlandophones et 400 francophones.
Nous avons demandé à ces dernières qui accepterait de répondre à des questions concernant son vécu.
Finalement, parce que leur état de santé ne le leur permettait plus ou parce qu'elles refusaient de répondre à un questionnaire, ce que je puis tout à fait comprendre, il nous en est resté une vingtaine à interroger.
Nos pérégrinations à travers les différents homes nous ont laissé un message fantastique d'optimisme. Les femmes que nous avons rencontrées étaient particulièrement pétulantes. Elles nous ont transmis un message de grande joie et fait montre d'un goût immense pour la vie.
L'une d'entre elles, que j'ai interrogée la semaine dernière, m'a déclaré avoir passé la moitié de sa vie comme agricultrice et l'autre, comme femme de ménage à l'hôtel Plaza, place Rogier. À la question de savoir lequel des deux métiers elle avait préféré, elle m'a répondu que c'était celui de femme de ménage parce que le métier d'agricultrice était « trop chaud en été » et « trop froid en hiver ».
Tout ceci m'amène à cette considération: lorsqu'on dit qu'à partir de 50 ans, la vie devient très compliquée, je me demande si ce n'est pas plutôt notre société qui fonctionne mal. Quand je vois à quel point, dans les pays d'Afrique, plus on prend de l'âge plus on acquiert de la « valeur ajoutée » — si vous me permettez ce terme affreusement commercial —, je me demande si notre société ne se trompe pas dans sa manière de penser, si elle n'est pas en train de mettre brutalement à la retraite une série de personnes, à des âges plus ou moins conventionnels, suivant ce qui l'arrange, en fonction de considérations purement économiques.
Je me demande également si, dans cette société qui prône le « tout, tout de suite », il ne faudrait pas quelque peu réhabiliter la mémoire. Et seuls les gens de plus de 50 ans ont la mémoire des faits.
Que fait très concrètement le Conseil des femmes francophones ? Non seulement il fête son centenaire mais il vient aussi de créer un groupe de travail sur le vieillissement. Nous allons donc réfléchir à tous ces problèmes qui ont été abordés cet après-midi.
Le 14 juin, à l'occasion du dépôt, avec le Nederlandstalige Vrouwenraad, de nos cent revendications, nous avons essentiellement parlé de la situation des personnes âgées disposant de revenus insuffisants. Cela reste un problème très important. Nous nous sommes également penchées sur l'énorme problématique de la maladie d'Alzheimer. Elle touche les femmes directement parce qu'elles vivent plus longtemps mais aussi indirectement, car ce sont elles qui soignent les personnes atteintes par cette maladie, c'est-à-dire les hommes aussi.
Mme Myriam Van Varenbergh. — Les organismes de coordination qui font partie du Centre pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et qui ont contribué à la formulation des avis en matière de vieillissement de la population ont déjà débattu des questions prioritaires. Je ne les approfondirai donc pas.
Le Centre a du mal à accepter la limite d'âge de cinquante ans. L'approche du vieillissement doit être plus positive. Dans le monde de la consultance, on met tout en œuvre pour pouvoir inscrire dès que possible les mots senior consultant sur sa carte de visite. En politique, en économie et dans la vie sociale, le mot « senior » a toutefois une résonance négative.
Le Centre répartit ses avis en deux catégories, sur la base d'un certain nombre de constats: les avis destinés aux femmes de 50 ans et plus et ceux destinés à celles de 60 ans et plus. Mme de T' Serclaes a insisté à juste titre sur la nécessité d'accentuer cette division: les plus de 50 ans, les plus de 60 ans, les plus de 75 ans et les personnes très âgées.
Comme vous le savez, le cap des 50 ans est un moment important pour la plupart des femmes. Elles entament alors la seconde moitié de leur vie, ce qui s'accompagne de toutes sortes de changements psychologiques, sociaux et physiques. Elles sont confrontées au syndrome du nid vide, deviennent grands-mères, doivent consacrer plus de temps à leurs propres parents et supporter des changements physiques comme la ménopause, une morphologie différente, une mobilité réduite et l'ostéoporose. De plus, elles se trouvent devant d'importants choix de vie: que vais-je faire à présent, où en suis-je, qu'ai-je accompli ? Pour couronner le tout, on plaide dans les débats politiques pour écarter ce groupe de femmes du marché de l'emploi alors que souvent elles sont encore très actives et souhaitent rester disponibles pour le marché de l'emploi. Nombreuses sont celles qui veulent le réintégrer.
C'est pourquoi nous plaidons dans nos avis pour qu'une plus grande attention soit accordée aux femmes de cette tranche d'âge. Il faut augmenter les possibilités d'encadrement pour permettre leur réinsertion qui contribuera d'ailleurs à résoudre le problème de la sécurité sociale.
La Belgique n'est pas seule à cet égard. D'autres pays européens ont déjà pris des initiatives en la matière. Le gouvernement néerlandais offre ainsi la possibilité aux travailleurs plus âgés de prendre des vacances plus longues et de faire un travail moins stressant. En Grèce, le gouvernement accorde des subsides pour le recrutement de travailleurs plus âgés. En Autriche, des mesures sont prises pour favoriser la mobilité et la flexibilité sur le marché de l'emploi. Au Danemark, on a progressivement raccourci le temps de travail. Dans notre pays, le groupe important des femmes à carrière incomplète et qui ne peuvent profiter de telles mesures n'a apparemment pas été inclus, et nous le regrettons, dans le débat sur la fin de carrière.
Nous avons aussi constaté que les plus de 50 ans n'étaient pas toujours informés de leurs droits et de la façon de compléter leur pension. Pour le Centre, les autorités doivent multiplier les campagnes d'information et mieux vérifier si les femmes ne peuvent pas rester plus longtemps au travail moyennant une adaptation de leurs conditions de travail. Les travailleurs plus âgés sont souvent des travailleurs satisfaits. Il faut utiliser cette donnée. Et ils ne coûtent pas toujours trop cher. L'âge est compensé par un trésor d'expérience que d'autres n'ont pas toujours.
Nous avons également émis des avis sur les plus de 60 ans. Cela concerne souvent des femmes moins scolarisées et dont la carrière est moins régulière. Elles occupent dès lors une position plus faible sur le marché de l'emploi et leurs moyens financiers sont moindres. Souvent elles ne savent pas si elles pourront aller dans une maison de repos, ni ce qu'elles pourront y faire, ni s'il existe des aides financières. Là aussi l'État doit mener des campagnes de prévention et d'information. On trouve l'information sur l'Internet mais il existe aussi d'autres canaux pour distribuer des brochures d'information, tels que les centres médicaux, les pharmaciens, les travailleurs sociaux et les syndicats.
Les femmes âgées sont fréquemment confrontées au problème des maisons de repos, une solution souvent coûteuse et donc problématique, surtout quand on sait que 4,1 % des personnes âgées vivent seules et au-dessous du seuil de pauvreté. Le centre a demandé qu'une étude soit faite sur ce sujet, de façon à ce que l'État puisse faire un choix. Soit il diminue le coût de l'hébergement en maison de repos pour qu'il ne soit pas répercuté sur la famille, d'ailleurs parfois inexistante. Soit il décide d'augmenter les minima pour le troisième âge.
Nous réclamons aussi une plus grande attention pour l'accueil psychologique — et pas uniquement médical — dans les maisons de repos. Ces maisons sont surtout occupées par des femmes. Il serait dès lors utile de donner une touche plus féminine aux activités, à la gestion et au fonctionnement des maisons de repos.
Nous avons publié un avis sur l'abus des personnes âgées. Nous avons été consternés de lire dans de nombreuses études que parmi les plus de 75 ans, une personne sur dix était abusée financièrement par sa famille ou par des personnes apportant une aide à domicile. Il faut s'efforcer de prévenir de tels actes, d'autant plus qu'un même pourcentage de personnes âgées est soumis à des violences psychiques. Elles n'ont nulle part où aller. On a déjà réagi à la violence au travail par de bonnes initiatives, des campagnes d'information et la désignation de personnes de confiance. De telles initiatives sont aussi nécessaires pour les personnes âgées victimes de violence psychique ou verbale ou de négligence active. Il reste beaucoup à faire dans ce domaine.
Le centre se réjouit que le Sénat ait pris l'initiative de mener ce débat en y impliquant la société civile. Nous espérons que cela se poursuivra, afin de pouvoir vérifier si l'exécution politique des avis est adaptée à l'évolution de la société.
Mme Annemie Van de Casteele, sénatrice — Je remercie Mme Van Varenbergh qui a fait des recommandations très concrètes au nom du Conseil pour l'égalité des chances. Nous nous engageons, la présidente du groupe de travail et moi-même en qualité de présidente de la commission des Affaires sociales, à prendre ces avis à cœur. Un débat sur les maisons de repos est déjà prévu dès la semaine prochaine avec le ministre Dupont. Il faut effectivement s'occuper d'urgence des pensions alimentaires sur lesquelles nous avons également interrogé le ministre.
M. Luc Jansen. — Je suis entre autres président du Comité consultatif pour le secteur des pensions qui est l'organe officiel représentatif de tous les pensionnés du pays. Je voudrais d'abord corriger ce qui a été dit tout à l'heure et rappeler qu'il existe un organe officiel pour la Région wallonne: le Conseil consultatif du troisième âge qui est présidé par mon confrère Pierre Rondal. Il ne faut donc pas comparer l'OOK, qui vient d'être reconnu le 2 septembre dernier en tant qu'organe représentatif de la Communauté flamande, avec le CAS, car c'est le Conseil consultatif du troisième âge qui est l'organe officiel représentant les pensionnés de la Région wallonne.
Je voudrais attirer l'attention sur une difficulté que l'on rencontre pour la représentation des femmes dans les conseils consultatifs. Je vais pour ce faire recourir à un exemple concret que je vis malheureusement. Je dois désigner une femme pour représenter notre comité à la Commission des pensions complémentaires, c'est-à-dire au deuxième pilier de pensions qui est l'organe officiel créé par la loi Vandenbroucke. Or, il n'a pas été possible d'en désigner une à l'OOK. Un homme a donc été choisi, avec toutes les difficultés que cela représente car le quorum prévu dans la loi — un tiers de femmes dans les organes consultatifs — n'était plus atteint. J'ai donc dû me livrer à une gymnastique afin d'obtenir notamment des procurations. C'est une situation que je déplore. Le problème se présente à nouveau actuellement car je dois désigner une femme francophone. J'espère que, pour le 19, on me présentera une candidature féminine. Il n'est pas toujours facile de trouver une femme disponible pour siéger dans un organe officiel.
Il a par ailleurs été proposé de développer des structures permettant aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle. Des décisions politiques doivent être prises pour octroyer les moyens financiers pour développer de telles structures. On parle beaucoup du problème des jeunes femmes qui doivent placer leurs enfants dans des crèches ou des garderies pendant qu'elles exercent leur activité professionnelle. Nous devons toutefois être conscients que nous serons confrontés, au cours des années à venir, aux dames de cinquante ans qui rencontrent des difficultés pour s'occuper de leurs parents âgés. Le problème est le même. Il faut dès lors que les Régions consacrent des moyens pour développer des infrastructures de jour pour les personnes âgées. Cela fait l'objet de discussions au sein des états généraux de la famille. J'espère que cela débouchera sur des décisions politiques concrètes.
Mme Christiane Robert. — Notre association, l'ASBL SeniorFlex, a été fondée en 2003 pour défendre et promouvoir les seniors qui désirent rester actifs.
Dans le débat sur la fin de carrière, il est étonnant que l'on envisage de régler le sort d'un tiers de la population sans lui demander son avis. Il ne suffit pas de dire aux seniors qu'on va les obliger à travailler plus longtemps et supprimer les prépensions. Il vaudrait mieux essayer de leur faciliter la vie. Personne jusqu'à présent n'a signalé l'existence de plafonds qui interdisent de gagner plus qu'un minimum minimorum en plus de la pension, quelle que soit l'insuffisance de cette dernière. Or, la différence entre le dernier salaire et la pension est en Belgique une des plus grandes des pays de l'OCDE.
Par ailleurs, je rappelle à toutes les femmes ici présentes que la pension de veuve est soumise à ces mêmes plafonds alors que ces pensions n'ont rien à voir avec l'âge. Vous pouvez perdre votre mari à vingt ans. Comme vous avez généralement une profession, l'État empoche donc votre pension de veuve. C'est un scandale que je dénonce. Je voudrais que cette notion de plafond disparaisse de notre horizon avant même de dire aux gens qu'ils doivent travailler plus longtemps. S'ils doivent travailler plus longtemps pour ne rien gagner, il ne sert à rien d'essayer de les y obliger !
Mme Nathalie de T' Serclaes, sénatrice. — Plusieurs propositions de loi ont été déposées depuis de nombreuses années visant à supprimer ces plafonds, mais elles se heurtent systématiquement à des impératifs budgétaires. Les gouvernements les ont systématiquement refusées. Cependant, on avance grâce à des associations comme la vôtre mais aussi sous la pression du public des pensionnés.
Ce débat a eu lieu au sein du groupe de travail sur le vieillissement de la population et nous avons pu constater que ce point de vue ne fait pas l'unanimité. Il faut donc continuer à insister. Ce dossier évolue dans la bonne direction mais vous avez parfaitement raison de revenir sur cette question.
Mme Alice Bakker Osinga — Quand j'avais des petits enfants, j'ai été active pendant huit ans à la Nederlandse Vereniging voor Vrouwenbelangen et ensuite, pendant huit autres années, dans CDA Vrouwen, pers en publiciteit. Si j'étais encore jeune, j'aborderais la vie tout autrement. Ce qui manque au débat, c'est l'attention à la vie de famille, les bons exemples d'un père et d'une mère. Ce qui me manque ici, en Occident, ce sont des hommes qui donnent le bon exemple, qui parlent d'autre chose que de structures et d'argent et qui ont une vision de l'avenir de la société.
Très jeune, je me suis rendue en Europe de l'Est. En Pologne, j'ai été impressionnée par le régime communiste que je trouvais terrible. Lorsque je suis retournée à Varsovie en 1990, juste après la « libération », il y régnait une ambiance très spéciale. Ce que les gens réclamaient, c'était qu'on s'intéresse à la culture, aux racines, à l'histoire, à la collectivité, à l'avenir.
Nous devrions penser de façon bien plus intégrale. J'essaie de combiner science, vie politique et vie des entreprises. J'ai ma propre fondation, Osinga Agens pour l'intégration de l'Europe de l'Est et de l'Europe de l'Ouest. J'ai un splendide projet de Saint-Jacques-de-Compostelle à Kiev via Regia. Ce projet est déjà développé depuis l'Allemagne de l'Est et j'espère pouvoir le développer à Bruxelles. C'est très difficile car tout le monde s'occupe de procédures. Je voudrais demander aux dames du Sénat de continuer à se battre pour que Bruxelles reste la capitale de la Belgique et de l'Europe et d'être fières de Bruxelles. Le président de l'Union européenne Barroso et de nombreux autres chefs de file de l'Union européenne ne savent plus où donner de la tête. Les femmes peuvent peut-être donner plus de rayonnement au projet.
L'histoire de l'Europe est riche. Dans un monde globalisé, il est bon de reconnaître la spécificité d'un pays, d'une ville et d'une culture et d'en être fier.
Je suis Néerlandaise et cela fait presque dix ans que j'habite en Flandre. J'en suis heureuse mais je trouve que les gens qui vivent ici pourraient être plus satisfaits des valeurs de ce pays et leur donner davantage de rayonnement.
Mme Christiane Labare. — Je représente la commission Wallonie du Conseil des femmes. Je partage tout ce qui vient d'être dit avec beaucoup d'enthousiasme, mais je voudrais revenir sur l'intervention des porte-parole des seniors en région francophone, et plus spécifiquement en Région wallonne. Il est vrai que nous ne nous connaissons pas toujours très bien. Je suis membre, avec un mandat du Conseil des femmes francophones, du CWEHF, le Conseil wallon de l'égalité entre hommes et femmes francophones, dont la mission est, d'initiative ou en consultation, de rendre des avis.
Je relayerai bien entendu à mes collègues les propos que j'ai entendus aujourd'hui, et je lance la balle à ces porte-parole. S'ils ont besoin de représentantes au sein du comité consultatif, nous leur en trouverons. S'il faut établir des liens avec les quelques membres qui représentent l'associatif au sein du Conseil wallon de l'égalité entre hommes et femmes, mes collègues et moi-même sommes à leur disposition.
Mme Yvette Makilutila. — Vous avez parlé aujourd'hui des gens du sud et de l'immigration. Bon nombre de ces personnes sont, comme moi, devenues des Belges, des Européens. Nos parents qui n'ont pas travaillé ici, n'ont pas droit à une pension. Nous sommes très inquiètes pour elles. Quelle sera leur vieillesse ? Souvent, les gens paient la maison de repos avec leur pension. Que vont devenir ceux qui ne pourront le faire ?
En ce qui me concerne — je crois que c'est le cas de bon nombre d'entre nous — je n'ai pas beaucoup travaillé. Nous avons travaillé à mi-temps et nous n'aurons pas de revenus dans notre vieillesse. Qu'allons-nous devenir ?
Mme Van de Casteele a annoncé qu'une réunion allait avoir lieu dans une semaine avec le ministre Dupont. Il faut aborder ce problème lors de cette réunion.
Je fais partie d'une association qui vient en aide à toute personne en difficulté, pas seulement aux Africains. L'année dernière, nous avons travaillé avec des seniors africains pour leur expliquer la manière dont nous vivons ici.
Nous leur avons assuré que nous allions organiser une fête en leur honneur le 3 décembre prochain. Nous inviterons également à cette occasion des seniors turcs, marocains et belges. Je lance toutefois un appel en faveur de notre association. Nous manquons réellement de moyens. Le Conseil des femmes ayant créé une commission sur le vieillissement, je compte prendre contact avec sa présidente pour voir de quelle manière nous pouvons fêter ces personnes âgées, surtout africaines, qui ne connaissent pas la Saint-Nicolas. Le 3 décembre, saint Nicolas sera un noir et le père fouettard un blanc ! Nous avons besoin de votre aide. Vous pouvez me contacter par le biais du Conseil francophone des femmes ou de la commission Femme et Développement. Je vous en remercie déjà.
Mme Claudine Ruelle. — Je suis artiste peintre et ex-enseignante. C'est à ces deux titres que j'interviens.
Je n'ai guère entendu parler d'échanges culturels; or la musique ou la peinture permettent à des femmes de diverses origines de communiquer directement, au-delà des langues et des différences. En Belgique ou en France, de grands projets sont mis sur pied, d'énormes musées qui coûtent très cher, mais on laisse macérer les artistes du pays. Des ponts pourraient être construits entre des femmes peintres et des musiciennes. Les musées sont nécessaires mais ils ont un coût. D'autres problèmes doivent être réglés. Des élèves passent cinq ans sur les bancs de l'Académie et ils doivent ensuite encore prouver qu'ils sont artistes. Parfois, ils se retrouvent au chômage et ne peuvent exposer ou très peu. Ils se retrouvent souvent dans des impasses. On est en train de négliger un potentiel créatif plein de richesses au nom de projets prestigieux, qui ont certes leur utilité. Soyons donc attentifs à tout ce qui nous entoure.
Mme Marie-Thérèse Mulanga. — Je suis experte indépendante. Je m'occupe de recherche en matière de genre — on parle souvent de manque de données ou de statistiques concernant la société migrante. Il s'agit de donner un aperçu de la façon dont les personnes âgées d'origine africaine vivent en Belgique. Je m'occupe de cette étude depuis trois ans, mais jusqu'à présent, je n'ai pu trouver des subsides pour la financer.
Il a été question de « discriminations ». En tant que Belges d'origine africaine, nous sommes également victimes d'une discrimination liée à notre origine. Même si nous avons obtenu des diplômes universitaires en Belgique et quelles que soient nos compétences, il nous est difficile de trouver un emploi. L'âge n'est donc pas le seul critère pris en compte. Nous aimerions apporter nos compétences à notre patrie d'adoption. Personnellement, je me sens en effet aussi Belge que Congolaise. Comment s'intégrer à une société si on ne peut lui faire partager les compétences que l'on a accumulées et qui sont en train de se perdre ?
Mme Martine Kapita Kamba. — Je représente le collectif des femmes de Louvain-la-Neuve. Nous ne sommes pas restées insensibles à la problématique du vieillissement. Depuis deux ans, nous organisons une formation d'auxiliaire gériatrique. Parmi nos stagiaires, 80 % sont d'origine africaine. En Afrique, il est de tradition d'accorder de l'importance aux personnes âgées. Après enquête, nous avons remarqué que les personnes d'origine africaine sont de ce fait très appréciées dans les maisons de repos.
Cette année, nous en sommes à la deuxième promotion, qui verra 44 personnes parvenir au terme de la formation. Parmi les stagiaires, il y a aussi des épouses d'étudiants. Elles sont sur la touche alors qu'un grand nombre de pensionnaires dans les maisons de repos auraient besoin de leur soutien. Je vous demande donc, à vous qui êtes femmes et qui portez le poids du vieillissement de la société, de trouver une solution pour que ces femmes puissent elles aussi travailler. Les lois sont faites par les hommes. Ces lois, les hommes peuvent aussi les changer. Si vous voulez engager des gens pour s'occuper des personnes âgées, nous pouvons vous fournir de la main-d'œuvre.
Mme Anne-Marie Lizin, président du Sénat. — La population d'origine africaine mérite certainement une étude spécifique étant donné son importance croissante. À cet égard, M. Dupont est sans nul doute l'interlocuteur idéal. Je crois savoir qu'il est sur le point de nous rejoindre. Je vous invite dès lors à lui faire part de vos suggestions.
Je puis en tout cas attester de la disponibilité et de l'empathie dont font preuve ces personnes vis-à-vis des pensionnaires des maisons de repos. Bien sûr, pour travailler, il faut avoir des papiers en règle. Les agences accréditées pour la délivrance de titres-services peuvent permettre à des personnes qui n'ont pas accès à la qualification de s'investir en ce sens.
Mme Christel Geerts, sénatrice. — En conclusion de cette journée d'étude, nous pouvons affirmer que le vieillissement est bien un thème féminin.
Tout d'abord, les femmes ayant une espérance de vie plus longue que les hommes, il y a plus de femmes âgées que d'hommes et cela a de grandes conséquences dans notre société.
Le vieillissement est également un thème féminin parce que la situation des femmes vieillissantes est généralement plus difficile que celle des hommes vieillissants. Les femmes ont davantage de facteurs de risque que les hommes.
Le vieillissement est aussi un thème féminin parce que les normes et valeurs de notre société sont plus sévères pour les femmes que pour les hommes. Je pense notamment à l'idéal de beauté physique.
Le problème des soins nous amène également à conclure que le vieillissement est un thème féminin. Les soins sont surtout prodigués par des femmes mais, dans les maisons de repos, les femmes sont plus nombreuses que les hommes.
Les informations qui nous ont été données dans chacun de ces domaines nous permettent d'affirmer que le vieillissement est bel et bien un thème féminin.
Il est également apparu que la dénomination « femmes vieillissantes » ne peut s'appliquer à toutes les catégories de femmes. Le groupe des femmes est très hétérogène, comme l'ont à nouveau montré les questions posées par le public. Des arrière-grands-mères de 95 ans et leurs petites-filles de 55 ans n'ont pas toujours grand-chose en commun.
Nous continuerons à réclamer l'attention du Sénat pour ce groupe, non seulement parce que les femmes plus âgées ont plus de difficultés, mais aussi parce que des jeunes seniors féminines auront une importante fonction de levier à jouer dans notre société.
Mme Sclater a regardé vers l'avenir, dans trente ou quarante ans. Pour ma part je voudrais faire un petit retour en arrière.
Nous sommes en 1950-1955. De nombreux bébés naissent partout dans le monde. Rock around the clock de Bill Haley résonne dans les salles à manger. Aux États-Unis, les heureux propriétaires d'une télévision font la connaissance d'un chauffeur de camion, Elvis Aaron Presley. Les jeunes filles vont connaître les tumultueuses années soixante. Elles seront fans d'Elvis, des Beatles, des Rolling Stones et de Bob Dylan. Les plus hardies d'entre elles chanteront même The times they are a-changin. Elles brûleront leur soutien-gorge et les plus téméraires fumeront même un joint.
Cette génération de femmes a probablement signifié davantage pour l'émancipation de la femme que toute autre génération. Il est bizarre que ce soient précisément ces femmes qui constituent le groupe des femmes âgées. Comme il est aussi bizarre de citer l'exemple de la chanteuse pop Madonna, la fille de Like a virgin, qui fêtera ses 50 ans dans trois ans.
Nous commettons cette erreur tous les jours. Nous collons indifféremment des étiquettes sur ces femmes énergiques issues du flowerpower: elles seraient moins attrayantes, auraient moins envie de sexe et goûteraient moins la vie.
Nous devons casser cette image. La réalité est bien plus nuancée. Le revue américaine Good housekeeping voulait récemment exhiber en couverture une photo retouchée de Jane Fonda. Celle-ci s'est opposée, appuyée par la rédactrice en chef, contre le gommage de ses rides. Elle trouvait que la pression pour avoir l'air belle était bien trop forte.
Lorsqu'elle va faire des emplettes à Beverly Hills, elle trouve que toutes les femmes se ressemblent. L'histoire et l'expérience, qui devraient normalement se lire sur un visage, ont été gommées. Cela Jane Fonda ne le veut pas. Les femmes peuvent avoir 50 ou 60 ans mais, d'un autre côté, elles ne peuvent quand même pas le montrer.
J'ai mis l'accent sur le groupe des filles de la génération flowerpower nées en 1950. Cette génération influencera la manière dont nous vieillirons à l'avenir. Ces femmes extraordinairement fortes sont à présent mères et grands-mères. Elles s'occupent des enfants, des petits-enfants, des parents. Elles ont passé leur vie à accumuler de l'expérience. Ces flowerpower sont à présent le granny power. Il est illusoire de penser que ce groupe se laissera mettre de côté.
C'est sur cette note d'espoir que je voudrais clôturer.
M. Éric Mercenier. — Madame la présidente, je voudrais tout d'abord excuser l'absence de M. le ministre Dupont, qui regrette de ne pas avoir pu participer à ce colloque. Mme Koninckx, qui fait partie de son cabinet, a toutefois assisté à la séance de cet après-midi. Il avait été convenu que M. le ministre formulerait quelques conclusions concernant les travaux de cette journée. Je voudrais donc exposer brièvement les points que le gouvernement fédéral souhaite approfondir pour faire progresser la situation dans la lignée de la Conférence mondiale des femmes de Pékin et de toutes les avancées enregistrées depuis lors, notamment dans le cadre de l'Assemblée générale « Pékin+10 » et du Sommet de New York.
Nous avons attendu la fin de la 23e session extraordinaire de l'Assemblée générale Pékin + 10 pour soumettre aux chambres nos rapports concernant les améliorations à apporter au cadre législatif. Nous avons donc retardé quelque peu le processus, mais le résultat est satisfaisant puisque nous avons pu enrichir le texte et convaincre l'ensemble des partenaires gouvernementaux d'opter pour un type de rapports plus intéressant, moins contraignant dans le temps, mais plus contraignant sur le plan du contenu.
Nous soumettrons donc au parlement un projet de loi améliorant le mode de « rapportage » concernant Pékin+10.
Nous avons d'ores et déjà pu convaincre le Conseil des ministres d'adopter certains principes. Celui-ci a ainsi décidé, en juillet dernier, que le rapport « Pékin 2004-2005 » vous serait présenté sous forme d'un document unique, qui synthétisera les rapports des ministres concernés, ce qui améliorera la lisibilité et l'utilisation de cet instrument.
Ce rapport contiendra des données statistiques et budgétaires, demande formulée depuis la première conférence de Pékin, ainsi qu'un calendrier de mise en œuvre et d'évaluation.
Par ailleurs, le Conseil des ministres a déjà accepté les principes d'amélioration de la loi de 1996. Le cabinet du ministre de l'Égalité des chances s'est engagé à présenter ce projet avant la fin de cette année. Il sera finalisé d'ici à quelques semaines. Le but est donc d'améliorer la qualité des rapports présentés au parlement, mais aussi d'institutionnaliser, au travers de ce texte, le processus de gendermainstreaming dans toutes les politiques fédérales.
Ces décisions vont évidemment dans le sens des recommandations de « Pékin+10 », mais les dispositions seront formulées de façon un peu plus contraignante dans la future loi.
Nous allons particulièrement améliorer la collecte, l'analyse et l'utilisation des statistiques ventilées par sexe et l'usage des indicateurs de genre pertinents dans l'ensemble des compétences fédérales.
L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes compte publier, dès le mois de mars prochain, une brochure — réactualisée tous les deux ans — qui présentera les différences entre hommes et femmes dans les principaux domaines d'action politique. Il s'agit d'une brochure pilote. Plusieurs États européens disposent déjà de cet instrument; nous nous basons sur ces initiatives extérieures pour prouver qu'une telle brochure est aussi réalisable qu'intéressante, et pour lancer le mouvement.
Nous travaillerons également en collaboration avec l'ensemble des administrations qui diffusent des statistiques, pour accroître la visibilité des différences hommes/femmes. L'institut engagera ensuite, sur la base de ces travaux, un partenariat officiel — officieusement, il est déjà mené — avec l'Institut national des Statistiques dans le but de remédier aux carences en matière de genre dans les statistiques, relatives notamment aux ménages et à la fiscalité.
Toujours dans le cadre de ce projet-pilote, nous prévoyons de mettre sur pied, en automne 2006, un colloque ouvert au grand public pour faire la synthèse des expériences réalisées. Nous utiliserons pour ce faire les conférences-débats lancées par l'Institut pour l'Égalité des femmes et des hommes, sur les droits et libertés sexuels et reproductifs, l'égalité dans l'entreprise, le groupe de travail sur les femmes et les religions, le groupe de travail sur la traite des êtres humains, le groupe de travail sur les femmes en politique, les instruments spécifiques de correction des inégalités hommes-femmes. Ce colloque sera donc la première occasion de faire le point sur les engagements renouvelés lors de la conférence de New York.
Telle est la courte synthèse des engagements politiques et législatifs que nous prenons. Rendez-vous est fixé dans maximum un an, avec un texte qui, je suppose, sera en cours de finalisation au parlement.
Vous avez traité, cet après-midi, d'un problème d'une actualité criante: le vieillissement et, dans ce cadre, l'égalité des genres. Il est assez difficile de se prononcer sur des travaux en cours. Nous attendons tous le résultat des négociations avec les partenaires sociaux.
Le ministre Dupont tenait absolument à souligner ici que, dès le début des toutes premières négociations, nous avons fait valoir la caractéristique particulière que présente la condition des femmes âgées. Plus de 80 % des femmes de plus de 55 ans sont inactives sur le plan professionnel même si elles ont des activités. Bien entendu, ce faible taux d'emploi signifie un retrait anticipé de la vie sociale et aggrave le problème de la pauvreté mais ce n'est pas le seul problème — et de loin. Ce phénomène a également un effet négatif sur la pension des femmes, tributaires des interruptions de carrière.
Cette dimension a été mise en évidence dans les travaux préliminaires à la note qui a finalement été présentée aux partenaires sociaux. Il faut espérer que cette préoccupation sur laquelle bon nombre d'acteurs ont mis l'accent sera rencontrée.
Nous assistons à une accélération d'un processus lent, essentiellement basé sur l'évolution des mentalités, y compris des hommes, mais des lois doivent accompagner cette évolution. Il est relativement novateur que le ministre de l'Égalité des chances que je représente soit un homme; cet aspect semble d'ailleurs intéresser la Commission européenne. Un séminaire a d'ailleurs été mené par l'Institut sur le rôle des hommes dans cette dimension, notamment sur la nécessité d'une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie privée. Dans cette optique, il est probable que soit organisée, dès 2006, une réflexion au niveau européen à ce sujet.
C'est tous ensemble que nous pourrons faire évoluer cette cause. Nous restons à votre écoute, non seulement lors de ces journées, mais également d'une manière générale. C'est avec l'aide de la société civile représentée ici que nous pourrons faire avancer les choses.
Le ministre que je représente comptait très sincèrement être avec vous aujourd'hui, notamment pour vous entendre. Malheureusement, cela ne fut pas possible; il vous prie de l'en excuser.
M. Armand De Decker, ministre de la Coopération au Développement. — Madame la présidente, madame la présidente du Sénat, mesdames les rapporteuses, mesdames, messieurs, je voudrais d'abord vous remercier de m'avoir convié à votre important séminaire consacré à l'analyse des progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Déclaration et de la Plate-forme d'action de la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin, dix ans après.
Je voudrais aussi remercier le représentant de mon collègue Christian Dupont d'avoir bien voulu synthétiser la position du gouvernement belge dans cet élément important de la politique de notre gouvernement fédéral.
Si je suis quelque peu en retard, c'est que je sors à l'instant d'une réunion consacrée au commerce équitable au cours de laquelle j'ai remis la croix de Commandeur de l'Ordre de la Couronne au Père Francisco Van der Hoff, le fondateur du label Max Havelaar et un des pères spirituels du commerce équitable.
La rencontre avec Francisco Van der Hoff et avec les artisans de la promotion du commerce équitable dans le monde est venue renforcer ma conviction qu'aucun développement durable important n'est possible sans une participation beaucoup plus active des femmes. Ce sont elles souvent qui, dans les champs, cultivent le café ou d'autres plantes vivrières. Ce sont elles souvent qui gèrent les rapports avec les coopératives. Ce sont elles toujours qui négocient les microcrédits qui leur permettent, ainsi qu'à leur famille, d'envisager l'avenir avec plus d'espérance et d'assurance.
Ce combat des femmes pour leur « empowerment », pour leur « autonomisation » économique et sociale s'inscrit dans une lutte plus générale pour la reconnaissance de leurs droits dans tous les domaines.
J'ai évoqué le microcrédit. Chacun sait en Belgique, depuis que Muhammad Yunus, le fondateur de la Grameen Bank au Bangladesh a été proclamé lauréat du Prix international Roi Baudouin pour le développement, que l'institution d'un système de microcrédit a d'abord et avant tout été créée pour aider les femmes à s'approprier leur droit au développement économique, à devenir ainsi actrices de leur propre vie et à acquérir, avec la dignité que ce rôle entraîne, l'assurance de réclamer et de proclamer leurs droits et ceux de leurs enfants.
La semaine dernière, je recevais à nouveau à Bruxelles l'ancien ministre malien de l'Administration territoriale et des Collectivités, Ousmane Sy, le père de la décentralisation malienne et un des concepteurs de la décentralisation politique en Afrique, élément indispensable à l'appropriation par les populations africaines de leurs propres institutions et au succès du développement en général. Il a, lui aussi, été honoré du Prix Roi Baudouin pour le développement.
Ici aussi, le rôle de la femme est essentiel et la décentralisation, c'est-à-dire le rapprochement de l'administration du citoyen, passe naturellement par une plus grande prise en considération par les autorités de l'importance des femmes dans la gestion locale des problèmes, leur permettant donc d'influencer et de participer équitablement et activement à la décision politique, ainsi qu'à la gestion des affaires publiques.
Si j'ai évoqué Ousmane Sy, Muhammad Yunus et Francisco Van der Hoff, c'est que j'ai voulu souligner que le combat pour la libération des hommes et des femmes des affres de la pauvreté et du sous-développement se déroule tant en Afrique, qu'en Asie ou en Amérique latine, dans ces pays où notre Coopération au développement est active.
J'aurais pu, puisqu'il s'agit d'un séminaire qui porte sur le suivi de la Conférence sur les femmes, vous parler de l'exemple d'Asma Jahangir, autre lauréate du Prix international Roi Baudouin, qui au Pakistan fut l'âme de la défense des droits humains et en particulier de la défense des femmes, dont les conditions de vie restent très pénibles dans ce pays.
J'aurais pu vous parler aussi de Wangari Matthai, Prix Nobel de la paix, fondatrice du Green Belt Movement au Kenya et championne du droit à une gestion durable de l'environnement ou encore de Rigoberta Menchu Sum, également prix Nobel de la paix, combattante infatigable des droits des populations indigènes.
Mais si j'ai choisi d'évoquer aussi des hommes comme exemples de la lutte pour l'émancipation des femmes, c'est que ce combat appartient à la croisade universelle pour la promotion et la défense des droits humains et plus particulièrement les droits à la justice sociale qui sont si centraux dans les recommandations de la Conférence de Pékin.
Quelles leçons devons-nous tirer du rapport qui vous a été présenté aujourd'hui à propos de la 49e session de la commission des Nations unies sur la condition de la femme ?
La première leçon, c'est vous-mêmes qui l'avez suscitée, c'est votre mobilisation à toutes et à tous en faveur de la mise en œuvre des recommandations de Pékin.
Je crois que sans votre engagement, sans celui de tant d'organisations non gouvernementales, de la société civile, les progrès que nous avons réalisés n'auraient pas été significatifs.
Dans le domaine du développement, je voudrais particulièrement saluer la commission Femmes et Développement dont la mobilisation constante a été essentielle pour bien préparer la 49e session de la commission des Nations unies sur la Condition de la femme. Ce n'est certes pas un hasard puisque cette commission est aussi jeune que la Conférence de Pékin et a fêté en 2005 ses dix ans d'existence.
J'aimerais préciser dans quels domaines la coopération internationale belge s'efforce de promouvoir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.
Je me félicite de voir que le rapport est assez élogieux sur le travail réalisé par la coopération belge depuis Pékin. Nous avons en effet pu inscrire dans la loi sur la coopération internationale que le principe de l'égalité des chances doit nous guider dans toutes nos actions.
J'ai évidemment bien noté les critiques qui accompagnent les éloges, et la nécessité de mieux établir à l'avenir ce mainstreaming du genre dans l'ensemble de nos politiques et de nos programmes, de même que la nécessité de développer un système d'indicateurs permettant de mesurer les progrès réalisés à cet égard.
Mon administration y travaille, notamment en concertation avec le Gender Network du Comité de l'aide au développement de l'OCDE, mais également avec la Commission femmes et développement. Peut-être pourrais-je profiter de cette tribune pour vous inviter à aller de l'avant et à nous formuler des propositions rapidement.
Les trois domaines prioritaires de mon action concernent l'éducation des filles, les droits sexuels et reproductifs et la santé, y compris la lutte contre le VIH/SIDA, ainsi que la mise en œuvre de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité, intitulée « Femmes, Paix et Sécurité », plus particulièrement dans ses aspects relatifs à la lutte contre la violence sexuelle.
Mon collègue, le ministre Christian Dupont, a éloquemment évoqué ces priorités dans le discours qu'il a prononcé à New York devant la 49e session de la Commission sur la Condition de la femme, et je l'en remercie.
Ces thèmes sont plus que jamais d'actualité. À titre d'exemple, en matière d'éducation, j'évoquerais le programme multilatéral Fast Track Initiative Education for All auquel participe la Belgique, avec un intérêt particulier pour l'Afrique subsaharienne et pour l'éducation des petites filles.
En matière de santé et de droits sexuels et reproductifs, y compris la lutte contre le VIH/SIDA, nos programmes sont passés de 17,5 millions d'euros en moyenne par an à 30,5 millions en 2004. Notre contribution au Global Fund, qui est de 5 millions d'euros cette année passera à 8 millions en 2006 et à 12 millions en 2007. Dans deux jours, nous participerons à un séminaire important à Bruxelles sur les microbicides, dont le développement, si indispensable aux femmes, se heurte à des difficultés scientifiques et les tests, à des problèmes éthiques.
Je voudrais également insister sur l'importance de la continuation de notre collaboration avec l'International Centre for Reproductive Health de l'Université de Gand. J'attends avec grand intérêt les résultats de leurs recherches en cours, visant à élaborer un outil pour l'analyse des Poverty Reduction Strategy Papers (Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté), en particulier en RDC.
Sur le plan de la lutte contre la violence sexuelle envers les femmes et les enfants, la coopération belge soutient notamment un vaste programme en République démocratique du Congo, dont l'objectif est d'agir à plusieurs échelons, tant en matière de prévention et de soins qu'en matière de justice et de réinsertion des victimes, afin d'améliorer la prévention et la prise en charge des cas de violence sexuelle.
Il me paraît important de souligner que ce programme initié par la Belgique a permis l'établissement d'un partenariat stratégique entre plusieurs agences des Nations unies et des ONG locales, dont bien entendu de nombreuses organisations de femmes.
Toutes ces politiques s'inscrivent dans la volonté de notre pays de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement. L'importance de ces objectifs pour éradiquer la pauvreté a encore une fois été réaffirmée le mois dernier à New York lors du Sommet du millénaire +5.
Certes, nous savons que les objectifs résultent d'un consensus minimum, mais la réalité internationale est telle que leur affirmation et surtout leur réalisation sont et seront déjà de grands progrès.
Pour sa part, le gouvernement entend poursuivre sa politique d'accroissement des moyens mis à la disposition de la coopération au développement afin d'atteindre en 2010, comme l'a rappelé le premier ministre à New York voici quinze jours, un niveau de 0,7 % du revenu national brut consacré à l'aide au développement. Nous passerons en 2005 de 0,40 à 0,45 % et je suis persuadé que tous et toutes ici poursuivront leurs efforts afin que cette mobilisation des moyens budgétaires puisse se réaliser.
Le Sommet de New York ne s'est évidemment pas limité à réaffirmer les objectifs du Millénaire; il a aussi permis des avancées importantes dans le domaine de la défense des droits de l'homme et dans celui tout aussi crucial du maintien et de la consolidation de la paix.
Parmi les réformes adoptées, trois, voire quatre d'entre elles me paraissent nous interpeller davantage en ce qui concerne la promotion de l'égalité des chances entres les femmes et les hommes.
La première réforme est en fait l'affirmation d'un principe puisque la déclaration finale adoptée par le Sommet de New York voici quinze jours souligne de façon solennelle le lien entre paix et développement.
Cette reconnaissance me paraît fondamentale car elle permet entre autres de réaffirmer l'importance des femmes et des mouvements de femmes dans le développement mais aussi dans la recherche de la paix.
La décision d'instaurer une Commission pour la consolidation de la paix prise au cours de ce sommet des Nations unies est, elle aussi, primordiale. Certes, les modalités de fonctionnement de cette nouvelle commission doivent être établies — elles le seront avant la fin de l'année par l'assemblée générale — et ses relations avec le Conseil de sécurité et l'assemblée générale doivent encore être précisées.
Ce qui importe, est que ce nouvel organe intergouvernemental sera chargé d'aider les pays sortant d'un conflit armé, pays particulièrement fragiles, au-delà des mesures d'accompagnement des opérations de maintien de la paix qui existent déjà.
Je m'efforcerai, dans les travaux qui s'ouvriront prochainement pour définir les modalités d'action de cette commission, d'obtenir que le rôle des femmes dans la restauration de la paix et de l'État de droit soit reconnue et reçoive même une signification particulière.
Il conviendra aussi, me semble-t-il, de poursuivre cet objectif de gender mainstreaming actif, lorsque nous serons appelés en 2007-2009 à siéger au Conseil de sécurité.
L'instauration d'un Conseil des droits de l'homme sera également l'occasion de veiller à un respect plus grand des droits des femmes et à ce que les recommandations de Pékin relatives à l'émancipation et l'autonomisation des femmes reçoivent toute l'attention qu'elles requièrent.
À ces trois décisions du sommet des Nations unies d'il y a quinze jours, je voudrais en ajouter une quatrième qui n'est pas directement liée au rôle des femmes et à leur statut mais dont elles comprendront bien évidemment l'importance.
C'est la raison pour laquelle à mes yeux, même si les observateurs n'ont pas voulu le voir à sa juste mesure, le dernier sommet en date des Nations unies est un sommet historique.
C'est l'introduction, dans la déclaration finale, et donc dans les principes qui forment la base juridique du droit international depuis ce sommet, de la responsabilité de protéger.
Celle-ci est aujourd'hui inscrite dans le droit international et impose à chaque État d'assurer et de protéger la vie et la cohabitation pacifique de tous ceux qui vivent sur son territoire. Ce principe, introduit pour la communauté internationale, doit être respecté par tous. Cette disposition autorise donc la communauté internationale, si ce n'est pas le cas, à intervenir, y compris par la voie militaire.
En d'autres termes, en instaurant la responsabilité de protéger, tout le drame auquel nous avons été particulièrement sensibles parce que nous en étions partiellement responsables — je parle du génocide rwandais —, ne pourrait plus se produire dans les mêmes conditions: il n'aurait pas été question de quitter le Rwanda quand le génocide commençait, et les Nations unies auraient été dans l'obligation d'envoyer des troupes pour y mettre fin.
Le fait qu'on ait introduit, dans les documents de l'ONU, la responsabilité de protéger, l'obligation de protéger, est donc une véritable révolution de droit international. C'est la raison pour laquelle je dis que ce sommet du Millénaire +5 d'il y a quinze jours est un sommet historique.
Madame la présidente, mesdames et messieurs, ce n'est pas sans satisfaction que nous pouvons considérer les dix années écoulées depuis la conférence de Pékin.
Beaucoup de progrès ont été réalisés mais plus encore reste à faire. « Chaque nuit, dit l'écrivain Edmond Jabès, est la promesse d'une aube » et nous sommes toutes et tous résolus à continuer sur la voie tracée par ces dix premières années.
Il nous faut chaque jour nous mettre au travail et, chaque jour, recommencer avec honnêteté et détermination, allant vers cette véritable égalité grâce à laquelle l'homme et la femme seront certes, comme l'écrivait le poète René Char, « la part de mystère de l'autre, mais aussi sa part de chance et de bonheur ».
(1) Voir: www.vrouwenraad.be
(2) « Le Conseil (...) peut prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race ou l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. »
(3) Texte adopté par le Sénat le 18 mai 2006 et transmis à la Chambre des représentants, doc. Chambre, 2005-2006, no 512503/1.
(4) Voir l'arrêté royal du 23 mai 2001 portant règlement général en matière de garantie de revenus aux personnes âgées.
(5) Voir l'article 63 de l'arrêté royal du 29 avril 1969 portant règlement général en matière de revenu garanti aux personnes âgées, remplacé par l'arrêté royal du 30 décembre 1991 et l'arrêté royal du 22 janvier 2002: « Art. 63. Est considéré comme ayant en Belgique sa résidence réelle visée à l'article 1er, § 2, de la loi du 1er avril 1969 instituant un revenu garanti aux personnes âgées, le bénéficiaire qui y a sa résidence principale et qui y séjourne en permanence et effectivement. En vue du paiement du revenu garanti est assimilé à un séjour permanent et effectif en Belgique: 1o le séjour à l'étranger pendant moins de trente jours, consécutifs ou non, par année civile; 2o le séjour à l'étranger pendant trente jours ou davantage, consécutifs ou non par année civile, suite à l'admission occasionnelle et temporaire dans un hôpital ou dans un autre établissement de soins; 3o le séjour à l'étranger pendant trente jours ou davantage, consécutifs ou non par année civile, pour autant que des circonstances exceptionnelles justifient ce séjour et à condition que le Comité de gestion de l'Office national des pensions ait donné l'autorisation pour celui-ci. Lorsque la période visée à l'alinéa 2, 1o, est dépassée et sans préjudice des dispositions du même alinéa 2, 2o, le paiement du revenu garanti est suspendu pour chaque mois calendrier au cours duquel le bénéficiaire ne séjourne pas de façon ininterrompue en Belgique. Le bénéficiaire du revenu garanti qui quitte le Royaume est obligé d'en aviser au préalable l'Office national des pensions en indiquant la durée de son séjour à l'étranger. Le contrôle des dispositions prévues aux alinéas précédents est effectué par la demande de renvoi de certificats de résidence adressés tous les mois de façon aléatoire à cinq pour cent des bénéficiaires pour lesquels le revenu garanti est payé sur un compte personnel ouvert auprès d'un organisme financier, à l'exclusion toutefois des ayants droit qui sont accueillis dans une maison de repos, une maison de repos et de soin ou une institution de soins psychiatriques. »