3-1774/4

3-1774/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

10 JUILLET 2006


Projet de loi-programme


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR

MME KAPOMPOLÉ


I. INTRODUCTION

Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé à la Chambre des représentants par le gouvernement le 31 mai 2006 (doc. Chambre, nº 51-2517/1).

Il a été adopté en séance plénière le 29 juin 2006 par 85 voix contre 42, et 3 abstentions.

Il a été transmis le 30 juin 2006 au Sénat, qui l'a évoqué le 3 juillet 2006.

En application de l'article 27.1, alinéa 2, du règlement du Sénat, la commission des Finances et des Affaires économiques, saisie des titres Ier, II et IV, chapitres IV et V, a entamé la discussion de ce projet de loi avant le vote final à la Chambre des représentants.

La commission a examiné le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport au cours de ses réunions du 28 juin et des 5 et 10 juillet 2006.

II. TITRE II: FINANCES

II.1. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA MODERNISATION DES FINANCES ET À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

Le Conseil des ministres du 31 mars 2006 a approuvé la notification résultante du contrôle budgétaire de mars 2006. Le Titre des Finances de la loi-programme de mai 2006 contient entre autres dès lors les différentes mesures législatives proposées pour lutter contre la fraude fiscale et améliorer le recouvrement des impôts dont un accord avait été conclu sur les principes lors du conclave budgétaire.

CHAPITRE 1

Réforme de certaines dispositions en matière de procédure fiscale (Artt. 2 à 13)

SECTION PREMIÈRE

Code des impôts sur les revenus 1992

L'alinéa 2 de l'article 318 CIR92 confie désormais au ministre des Finances la compétence de désigner les fonctionnaires compétents pour octroyer l'autorisation d'enquêtes en banques.

L'article 3 modifie l'article 327, § 1er, alinéa 2, en insérant le procureur fédéral pour l'autorisation de communication d'actes, pièces, registres, documents ou renseignements relatifs à des procédures judiciaires. Ceci résulte des modifications de la fonction et des compétences du procureur fédéral suite à l'intégration verticale du ministère public, du parquet fédéral et du conseil des procureurs du Roi.

L'article 4 vise à étendre d'un an le délai d'imposition particulier applicable lorsque des renseignements récoltés dans un État étranger suite à une enquête ou un contrôle font apparaître que le contribuable n'a pas déclaré des revenus imposables au cours de l'une des cinq années qui précèdent celle au cours de laquelle l'administration belge a pris connaissance de ces renseignements. Cet article entre en vigueur le 1er jour qui suit celui de sa publication au Moniteur belge. Une règle transitoire est instaurée à l'article 6 qui prévoit que, lorsque le délai d'imposition prévu par l'ancienne loi n'est pas expiré à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle règle, le délai spécial d'imposition se calcule conformément à la loi nouvelle.

L'article 7 a pour objet l'allongement du délai de réclamation en matière d'impôt sur les revenus pour le porter à six mois à compter de l'envoi de l'avertissement extrait de rôle. La trop grande brièveté de ce délai est unanimement partagé vu la longueur des délais (trois ans, voire cinq ans en cas de fraude) dont dispose l'administration pour établir l'impôt. Cet article entre en vigueur au 1er jour du mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge. L'article 9 consiste en une règle transitoire et prévoit que lorsque le délai de réclamation prévu par l'ancienne loi n'est pas expiré au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, le délai de réclamation est de six mois (conforme à la loi nouvelle).

SECTION II

Code de la Taxe sur la valeur ajoutée

L'article 10 modifie l'article 58, § 4, 7º, dernier alinéa, du Code TVA en vue de l'aligner à l'article 60, § 1, du présent Code. Pour les livraisons relevant du régime particulier, les documents qui justifient le droit à déduction doivent être conservés pendant 7 ans à partir de l'année au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance.

L'article 11 amende l'article 62bis du Code TVA pour la détermination des fonctionnaires compétents pour octroyer l'autorisation d'enquêtes en banque. Cette désignation est désormais confiée au ministre des Finances.

L'article 12 introduit une disposition (nouvel article 90 du Code TVA) qui autorise les fonctionnaires compétents en matière de TVA à représenter l'État devant les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire, et ce dans le but de les responsabiliser et d'aligner le Code TVA et le Code CIR92.

L'article 13 modifie l'article 93quaterdecies, § 1er, alinéa 3 du Code TVA en insérant le procureur fédéral pour l'autorisation de communication d'actes, pièces, registres, documents ou renseignements relatifs à des procédures judiciaires. Ceci résulte des modifications de la fonction et des compétences du procureur fédéral suite à l'intégration verticale du ministère public, du parquet fédéral et du conseil des procureurs du Roi.

CHAPITRE 2

Responsabilisation des dirigeants d'entreprises (Artt. 14 à 16)

En analogie avec l'article 36 de la loi des Pays-Bas relative au recouvrement et avec les article 266-267 du Livre des procédures fiscales de droit français, le présent chapitre vise à instaurer à charge des dirigeants une responsabilité solidaire en cas de défaut de paiement du précompte professionnel ou de la TVA dus par la société dont ils assument la gestion. Le texte respecte les principes de sécurité juridique et de proportion. La présomption de faute que prévoit le texte en cas de non-paiement répété sera susceptible d'être renversée, et que, après consultation préalable obligatoire, seul un tribunal pourra condamner un dirigeant fautif.

Les dispositions contenues au présent chapitre visent ainsi à mettre un terme aux incertitudes jurisprudentielles et doctrinales relative à la responsabilité des gérants et administrateurs à l'égard de l'administration fiscale en prévoyant une responsabilité solidaire des dirigeants lorsque le défaut de paiement résulte d'une faute dans la gestion de l'entreprise (faute aquilienne).

La responsabilité est, d'abord, solidaire: chacun des dirigeants de la société ou de la personne morale pourra donc être tenu au paiement de l'ensemble de la dette fiscale, en principal et accessoire.

Cette responsabilité s'exerce ensuite en cascade: elle concerne, au premier chef, les dirigeants chargés de la gestion journalière auxquels dans le cadre de leur mandat, incombent les tâches de déclarer et d'acquitter le précompte professionnel dû sur les rémunérations des salariés et des dirigeants de l'entreprise. Elle peut être étendue aux autres dirigeants de la société ou de la personne morale lorsque l'absence de paiement du précompte professionnel dû est la conséquence d'une faute commune à plusieurs dirigeants ou de fautes concurrentes dans le chef de ces dirigeants.

La mauvaise foi ne pouvant, en règle, se présumer, c'est à l'administration qu'il appartiendra de prouver que le dirigeant dont la responsabilité est mise en cause a commis la faute dans la gestion de l'entreprise.

Aux termes du § 3 de l'article en projet, il n'y a pas présomption de faute, lorsque le non-paiement provient de difficultés financières qui ont donné lieu à l'ouverture de la procédure de concordat judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire. Dans tous les cas, il reviendra au juge de se prononcer (du tribunal de commerce ou du tribunal de première instance).

Ensuite, il est encore prévu un mécanisme préventif en vertu duquel l'administration a l'obligation d'avertir préalablement le ou les dirigeants dont elle entend engager la responsabilité. Ce mécanisme préventif constitue une condition préalable obligatoire à l'action en responsabilité visée à l'article 442quater du Code des impôts sur les revenus 1992.

Enfin, ce chapitre se justifie encore par les raisons suivantes:

— la TVA et le précompte professionnel ne peuvent pas être considérées comme faisant partie des moyens financiers de l'entreprise;

— le non-paiement du précompte professionnel ou de la TVA a un impact négatif sur la position concurrentielle des entreprises qui acquittent leurs dettes fiscales dans les délais;

— le non-paiement du précompte professionnel ou de la TVA affecte incontestablement les ressources de l'Autorité dans la mesure où ces prélèvements constituent une part non négligeable des deniers publics.

CHAPITRE 3

Recouvrement du précompte professionnel (Art. 17)

Ce chapitre complète l'article 298 du CIR 92 par un nouvel alinéa relatif aux dispositions introduites aux articles 14 à 16.

À défaut de paiement, l'administration adresse, dans tous les cas et par le biais d'un système automatisé, un rappel qui prend la forme d'une sommation administrative. En l'absence de réaction à cette sommation, le précompte professionnel est enrôlé et un avertissement extrait de rôle est adressé au redevable.

Cet article complète l'article 298, § 2, CIR 92 en vue de préciser qu'en ce qui concerne le précompte professionnel enrôlé à défaut de paiement, les fonctionnaires chargés du recouvrement ne sont pas tenus d'adresser un rappel par voie recommandée au moins un mois avant le commandement qui sera fait par le huissier de justice.

CHAPITRE 4

Taxe sur la valeur ajoutée: Mesures destinées à combattre les pratiques abusives et à instaurer une solidarité lors du non-paiement de la taxe (Artt. 18 à 22)

Le chapitre définit tout d'abord la notion de pratique abusive en insérant un § 10 dans l'article 1er du Code TVA. « Il y a pratique abusive lorsque les opérations effectuées ont pour résultat l'obtention d'un avantage fiscal dont l'octroi est contraire à l'objectif poursuivi par le présent Code et les arrêtés pris pour son exécution et que leur but essentiel est l'obtention de cet avantage. » Cet article fixe ainsi des limites à la faculté de choix de la voie la moins imposée.

Tout assujetti est, par un nouveau § 4 à l'article 51 du Code TVA, solidairement tenu d'acquitter la taxe avec la personne qui en est redevable si, au moment où il a effectué une opération, il savait ou devait savoir que le non-paiement de la taxe, dans la chaîne des opérations, est commis ou sera commis dans l'intention d'éluder la taxe. Cette mesure ne peut porter atteinte à l'opérateur de bonne foi qui ignore qu'il se trouve placé dans une chaîne d'opérations plus vaste destinée à échapper à une obligation fiscale.

Comme mentionné dans l'arrêt de la CJCE du 21 février 2006, l'administration fiscale a le devoir de procéder à des enquêtes en vue de prouver l'existence de toute infraction ou tout abus de droit aux dispositions du Code TVA.

Suite à une constatation de l'existence d'une pratique abusive, la CJCE remarque qu'il faut rectifier la situation fiscale de l'assujetti concerné en rejetant les avantages fiscaux que celui-ci a retiré des opérations et en lui imposant de reverser à l'État les sommes ainsi déduites.

CHAPITRE 5

Sociétés de liquidités (Art. 23)

L'État belge est privé d'importantes recettes fiscales par les constructions frauduleuses des sociétés de liquidités vu qu'elles visent à créer par définition des sociétés sans aucun actif.

Bien que depuis le 1er mai 2003 une cellule nationale « sociétés de liquidités » ait été constituée au sein du SPF Finances avec comme objectif spécifique de mettre en œuvre des actions judiciaires contre les parties concernées par la construction afin d'accomplir un recouvrement réel, sa création ne suffit pas pour plusieurs raisons. En outre, il est constaté sur le terrain qu'une initiative législative est nécessaire pour faciliter les possibilités de recouvrement.

Le chapitre est inspiré de l'article 40 de la loi néerlandaise du recouvrement de 1990 et rend les actionnaires détenant au moins 33 % des titres d'une société, de plein droit solidairement responsables pour les dettes d'impôts et accessoires de cette société. L'actionnaire précité est seulement responsable si:

— il cède ses titres, totalement ou bien partiellement à concurrence de 75 % au moins, au plus tard dans une période de 1 an;

— l'actif de la société est constitué pour au moins 75 % de créances, d'immobilisations financières, de placements de trésorerie et/ou de valeurs disponibles le jour du paiement des titres.

Cette responsabilité ne s'applique pas aux cessions d'actions ou parts d'une société cotée ou d'une entreprise soumise au contrôle de la Commission bancaire, financière et des assurances.

CHAPITRE 6

Titrisation des créances fiscales de l'État (Artt. 24 et 25)

Le présent chapitre s'inscrit dans la politique du gouvernement de continuer à opter pour un équilibre budgétaire tout en réduisant progressivement la charge de la dette publique. Ceci est réalisé par le prolongement de l'opération de titrisation des créances en matière d'impôts sur les revenus effectuée avec succès en 2005 à une opération de titrisation avec une partie de l'arriéré d'impôts en matière de TVA.

L'article 24 modifie premièrement l'article 43 de la loi-programme du 11 juillet 2005 afin de permettre la cession sous forme de vente des créances fiscales en matière de TVA.

L'article 24 insère ensuite un § 7 à l'article 43 de la loi-programme du 11 juillet 2005 qui garantit l'absence d'effet de l'opération de titrisation sur les ressources dont disposent ou disposeront diverses personnes de droit public ou divers fonds auxquels sont affectés une partie des recettes TVA. Cette garantie est justifiée afin d'éviter que la validité de la vente puisse être contestée au motif qu'une partie du produit de la T.V.A soit affecté.

Dans l'hypothèse où, suite à la cession des créances, le produit de la taxe sur la valeur ajoutée devient inférieur à la somme des montants affectés aux Communautés; à l'ONSS et diverses subventions, un montant compensatoire à charge du Trésor leur sera assuré.

CHAPITRE 7

Caisse nationale des Calamités Publiques (Artt. 26 et 27)

Un Fonds d'attribution avait été prévu dans la loi-programme du 27 décembre 2005 afin de permettre à la Caisse Nationale des Calamités Publiques de rembourser ses emprunts pour 2006 (pour 2006 seulement). Il était prévu, et il est toujours prévu, que le fonds est alimenté de 26 700 000 euros à partir des recettes de la taxe sur les opérations d'assurance. L'objet des articles 26 et 27 est de préciser les modalités de paiement du Fonds afin d'en permettre la mise en œuvre.

CHAPITRE 8

Garantie du service public et cession d'immeubles domaniaux (Artt. 28 à 30)

Le présent chapitre s'inscrit dans la politique du gouvernement afin d'optimaliser la gestion de son patrimoine immobilier tout en poursuivant la politique de maintien d'un équilibre budgétaire entamée il y a de nombreuses années.

Il s'inscrit, en particulier, dans le cadre de l'opération, largement répercutée dans la presse, de constitution d'une société d'investissement immobilière à capital fixe (Sicafi) détenant des biens occupés par l'État. Ramenée à l'essentiel, l'opération se présente comme un transfert d'immeubles par l'État belge à cette Sicafi, dans laquelle l'État belge détiendra une partie du capital. Le solde des actions sera réparti entre un partenaire immobilier privé avec lequel l'État s'associera pour créer la Sicafi (désigné par une procédure de marché public), et les personnes qui participeront à l'introduction en bourse de cette société. Le transfert des biens immobiliers par l'État à la Sicafi sera accompagné de baux par lesquels la Sicafi mettra les bâtiments cédés à la disposition de l'État.

Outre l'effet budgétaire positif de l'opération, la prise en location de biens dont l'État était auparavant propriétaire permettra une plus grande flexibilité dans l'organisation immobilière de l'État, ainsi qu'une répercussion sur le secteur privé des charges et des risques inhérents à la propriété.

Le présent chapitre prévoit la possibilité que des immeubles appartenant à l'État, pour autant qu'ils soient spécialement aménagés en vue de l'exercice de certains services publics, peuvent être vendus, apportés ou donnés en emphytéose, à la condition que la vente, l'apport soit concomitant à la conclusion d'un bail auquel s'appliqueront, de manière impérative, les dispositions protectrices de la loi en projet. Ces dispositions prévoient au profit de l'État, aussi longtemps que le bien loué reste affecté au service public, le droit d'obtenir le renouvellement du bail, ainsi que celui d'exercer un droit de préemption en cas de décision du bailleur de vendre l'immeuble.

II.2. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Kapompolé voudrait connaître l'avis du secrétaire d'État concernant la controverse relative à la création d'une entreprise dans 3 jours et l'écueil possible qu'il y aurait par rapport à ce délai en matière de carrousels TVA.

Le secrétaire d'État, en ce qui concerne l'annonce gouvernementale de la création d'entreprises en 3 jours, explique qu'il a participé à une des étapes, notamment l'enregistrement TVA. Dans le cadre de l'enregistrement TVA par le biais d'un guichet unique, il est mis en place un dispositif tel que les risques ne devraient pas augmenter dans la mesure où l'on pourrait le craindre. Il y a en matière de TVA et en matière d'impôts des secteurs dits à risque. Pour ces secteurs, il est probable que l'on ne pourra pas établir son entreprise en 3 jours. La grande majorité des entreprises ne sont pas problématiques à la base. S'il y a des raisons de craindre, au niveau de l'inscription TVA, qu'il s'agit d'une entreprise active dans un secteur à risque du point de vue des carrousels à la TVA, ou que, pour d'autres raisons, l'administration fiscale ne veut pas accorder un numéro de TVA sans vérification approfondie, cette entreprise ne pourra pas prendre son envol dans les 3 jours.

Toutefois, le gouvernement ne veut pas sanctionner l'immense majorité des entreprises respectueuses de toutes les règles parce que quelques-unes opèrent dans des secteurs à risque. Même dans les secteurs à risque, la plupart des entreprises ne sont pas frauduleuses.

En ce qui concerne la question de Mme Zrihen sur les risques de la multiplicité des sièges entre sociétés soeurs ou filiales d'un même groupe, le secrétaire d'État voit deux risques particuliers.

Le premier a trait aux carrousels TVA. Notre juridiction porte sur toutes les filiales, toutes les sociétés qui sont inscrites en Belgique. Là, l'administration est particulièrement attentive. Il faut savoir aussi que l'on s'inscrit dans un processus communautaire. Il y a tout un paquet TVA qui est en train de se négocier au niveau européen. Il risque de révolutionner en grande partie tous les fonctionnements de la TVA. À l'exception de trois pays membres de l'Union européenne, — il s'agit de l'Allemagne, du Luxembourg et du Portugal — il y a une tendance manifeste à vouloir mettre sur pied des règles qui pourraient enrayer quasiment le processus de carrousels TVA si elles étaient bien organisées.

Un deuxième problème est lié au transfert des prix. Des sociétés d'un même groupe installées dans différents pays parfois échafaudent la politique qui vise à jouer sur les prix et à bénéficier uniquement des avantages de tous ces pays respectifs en faisant des transferts. En transférant des bénéfices, elles bénéficient dès lors des régimes fiscaux les plus intéressants. De la sorte, elles font du commerce dans des conditions non concurrentielles pour des entreprises qui travaillent correctement.

Pour contrer ce problème, à partir du 1er juillet 2006, il est mis sur pied une nouvelle cellule fiscale « Transfer Pricing ». Une dizaine d'agents fiscaux auront comme seule tâche d'enrayer ce phénomène qui porte sur des sommes fort importantes.

À la demande de Mme Kapompolé, le secrétaire d'État précise qu'il y a 6 ou 7 secteurs à risque. Il s'agit des secteurs du pétrole, du commerce électronique, du transport (certains types), des pièces de voitures d'occasion, de l'horeca. Cette liste est reprise dans une circulaire. Elle détermine notamment l'obligation de déclaration mensuelle ou trimestrielle à la TVA.

Cette liste qui regroupe en effet les secteurs à risques se trouve notamment à l'article 18 de l'arrêté royal 1 du Code TVA (secteurs à risques nécessitant de déposer des déclarations mensuelles):

« AR 1/Art. 18

§ 1er. La personne tenue au dépôt de la déclaration visée à l'article 53, § 1er, alinéa 1er, 2º, ou à l'article 53ter, 1º, du Code, doit la remettre au service indiqué par le ministre des Finances, au plus tard le vingtième jour qui suit la période à laquelle elle se rapporte.

§ 2. Par dérogation à l'article 53, § 1er, alinéa 1er, 2º, du Code, l'assujetti qui détermine le montant de l'acompte visé à l'article 19, § 1er, conformément à la règle énoncée à l'article 19, § 2, est autorisé à ne remettre qu'une déclaration trimestrielle au plus tard le vingtième jour du mois qui suit chaque trimestre civil, lorsque:

a) le chiffre d'affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée, n'excède pas 1 000 000 euros pour l'ensemble de son activité économique;

b) le chiffre d'affaires annuel, hors taxe sur la valeur ajoutée, n'excède pas 200 000 euros pour l'ensemble des livraisons des biens suivants:

— les huiles minérales visées à l'article 3 de la loi du 22 octobre 1997 relative à la structure et aux taux des droits d'accise sur les huiles minérales;

— les appareils de téléphonie mobile et les ordinateurs, ainsi que leurs périphériques, accessoires et composants;

— les véhicules terrestres munis d'un moteur soumis à la réglementation sur l'immatriculation ».

En outre, dans le cadre de son plan d'action 2006-2007 de lutte contre la fraude fiscale (chantier 9), le secrétaire d'État adopte une approche sectorielle. Les 6 secteurs prioritaires de ce plan d'action sont: la construction, le télécom, le commerce électronique (avec notamment la grande distribution), les jeux et paris, le transport et les résidences secondaires.

II.3. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 7

M. Roelants du Vivier souligne que dans le droit fiscal belge, le délai de réclamation était de trois mois. Il est étendu à six mois. L'intervenant s'en réjouit puisque les contribuables n'avaient pas toujours la possibilité de vérifier à temps leur avertissement-extrait de rôle. En effet, le calcul et les règles sont tellement compliqués qu'ils doivent faire appel à un spécialiste, ce qui nécessite du temps.

M. Roelants du Vivier demande au gouvernement de réfléchir aussi à la possibilité de pouvoir étendre la notion d'écrit (la réclamation doit se faire par lettre recommandée à la poste, etc.) à des moyens d'écriture plus modernes. Il songe à la télécopie, au courrier électronique, etc. Pour l'instant, cette notion d'écrit est interprétée de façon très restrictive par la jurisprudence et par les directions régionales des contributions.

Le secrétaire d'État déclare que quant aux possibilités de recours, le gouvernement pense au potentiel de la carte d'identité électronique. Toutefois, il en fera une réflexion globale pour toutes les communications au niveau des services publics.

CHAPITRE II

Responsabilité des dirigeants (Artt. 14 à 16)

M. Steverlynck dépose trois amendements qui visent à supprimer chacun des articles du chapitre en question (voir doc. Sénat, nº 3-1774/2).

L'auteur dit ne pas voir d'un bon oeil la responsabilité solidaire qui est créée en l'occurrence pour les dirigeants en ce qui concerne les dettes de TVA et du précompte professionnel. Les dispositions en projet contiennent une dérogation de principe au droit commun. En principe, aucune présomption de responsabilité solidaire ne pèse sur le patrimoine d'un tiers, en l'occurrence le dirigeant.

Par ailleurs, les dispositions sont également applicables aux dirigeants d'ASBL. Une association est en principe responsable des fautes susceptibles d'être commises par ses organes ou ses préposés. Les dirigeants eux-mêmes n'ont donc en principe aucune obligation personnelle en ce qui concerne les engagements pris par l'association, ce qui est d'ailleurs souvent stipulé en toutes lettres dans les statuts.

Les dispositions à l'examen visent à élargir désormais considérablement la responsabilité des dirigeants. En même temps, la personnalité juridique est quelque peu mise à mal. Sur la base d'une présomption légale de faute, les dirigeants, y compris les dirigeants de fait, partagent solidairement la responsabilité d'une série de dettes de l'association à l'égard du fisc.

Actuellement, le fisc dispose déjà de plusieurs moyens pour défendre ses droits, comme les privilèges généraux, les hypothèques légales, la compensation après concours, la saisie-arrêt simplifiée, divers pouvoirs d'investigation, etc. À tout cela vient maintenant s'ajouter encore la responsabilité présumée dans le chef des dirigeants. Cela semble un peu excessif.

Il en résulte en outre un renforcement de la suprématie du fisc par rapport aux créanciers chirographaires, qui sont de moins en moins en mesure de se défendre.

Ce n'est pas seulement pour des raisons de principe que les dispositions en question posent problème au groupe politique de M. Steverlynck. Sur le plan légistique également, de très nombreuses remarques s'imposent. Tout cela a été largement évoqué à la Chambre, y compris par des membres des groupes de la majorité. Les termes utilisés ne sont pas toujours précis, ce qui entraîne des problèmes d'interprétation. Les termes utilisés ont parfois une signification différente selon qu'on se situe dans le domaine du droit des sociétés ou dans celui du droit fiscal. Leur traduction, elle non plus, n'est pas toujours judicieuse.

Ainsi, la notion néerlandaise de « bestuurder » ne correspond pas vraiment à la notion française de « dirigeant ». Cette dernière correspond plutôt au terme néerlandais « bedrijfsleider », alors que « bestuurder » équivaut à « administrateur ».

Selon M. Steverlynck, la référence à l'article 32 du Code des impôts sur les revenus 1992 n'est pas pertinente. Là, il s'agit d'une responsabilité pour faute des dirigeants, donc d'une dérogation au Code des sociétés et à la loi sur les ASBL. Des règles analogues ont également été instaurées pour les dettes ONSS, mais on a, pour ce faire, modifié le Code des sociétés et non l'une ou l'autre loi relative à l'ONSS.

On ne s'est pas non plus suffisamment attardé sur la notion de « sociétés ». Si celle-ci est définie de manière autonome dans le Code des impôts sur les revenus, il n'en va pas de même dans le Code de la TVA. Cela signifie que les petites ASBL relèvent elles aussi de la notion de « sociétés » pour autant qu'elles soient assujetties à l'impôt des sociétés, bien que le but soit de ne viser en la matière que les grandes ASBL.

Il est question, dans le texte néerlandais, de « bevoegdheid » (compétence), alors qu'on parle, dans le texte français, du « pouvoir de gérer ». Or, en droit des sociétés, on distingue toujours le pouvoir de représentation et le pouvoir de gestion. C'est en fait le pouvoir de représentation qui est important pour les tiers. On donne à présent l'impression de vouloir tenir pour responsable la personne qui, en fait, est chargée du paiement du précompte professionnel et de la TVA. Il peut s'agir d'un simple préposé ou d'un travailleur. Comment va-t-on s'y prendre au juste ?

Selon les dispositions en projet, le receveur des contributions doit adresser un avertissement au dirigeant responsable. S'agit-il de la notification visée à l'article 32, 2º, du Code judiciaire ? Comment faire pour trouver les dirigeants de fait ?

Le receveur peut déjà prendre des mesures conservatoires dans le chef de l'administrateur dont la responsabilité pourrait être engagée. La preuve de la faute doit encore être établie. Par dérogation au droit commun qui prévoit que l'on ne peut prendre des mesures conservatoires que pour des dettes certaines, liquides et exigibles, sauf cas d'urgence, le receveur peut déjà actuellement immobiliser à titre conservatoire le patrimoine d'un administrateur. Le receveur a donc un pouvoir considérable.

Le gouvernement avancera sans doute qu'il ne s'agit ici que d'un moyen de dissuasion. Mais les moyens de dissuasion peuvent être effectivement mis à exécution. C'est pourquoi M. Steverlynck trouve que les articles 14 à 16 vont trop loin.

La responsabilité solidaire serait encore défendable en soi comme mesure individuelle. Mais elle paraît complètement superflue en tant qu'instrument supplémentaire pour le fisc.

D'où la proposition de supprimer ce chapitre dans sa totalité.

Le secrétaire d'État précise que ce chapitre s'inspire de plusieurs législations existantes dans les pays voisins, notamment la France et les Pays-Bas. Là, des dispositions similaires ne posent pas problème pour l'esprit d'initiative dans ces pays.

Deuxièmement, lors de l'élaboration de ces dispositions, il y a eu concertation avec la FEB. Cela a abouti à un système préventif. Il fait que la responsabilisation est certes là, mais elle est corrigée.

Le secrétaire d'État est bien conscient du fait qu'une jurisprudence va se développer. L'important, c'est qu'il y a un arriéré considérable dans le précompte professionnel et dans la TVA dans le chef d'entreprises qui n'ont pas un comportement de dirigeants normal. L'État ne peut pas continuer à constater que l'arriéré fiscal prend des ardoises négatives toutes les années.

La notion de faute doit rester le guide dans cette législation. Parfois, des sociétés vivent pendant des années en situation virtuelle de faillite ou de dissolution tout en ne payant pas leurs impôts. Ici, il s'agit uniquement de la TVA et des précomptes professionnels. La TVA est de l'argent qui devrait circuler, il n'appartient pas à l'entreprise. Puis, le précompte professionnel est de l'argent que l'on paie pour compte de tiers (employés et ouvriers). Il ne s'agit donc pas des impôts des sociétés.

Contrairement à ce qu'a déclaré M. Steverlynck, dans énormément de cas de faillites, le fisc n'occupe pas une position privilégiée. Il a une hypothèque générale qui vient au Xième rang. Bien souvent, les créanciers spéciaux et les premiers créanciers généraux viennent avant le fisc.

La FEB est bien d'accord sur le mode de fonctionnement. Il y a une présomption de faute quand il y a non-paiement soit de deux échéances, soit de trois échéances, suivant que l'on est dans le régime mensuel ou trimestriel dans les précomptes et dans la TVA.

Lorsque le fisc s'adresse à l'entreprise qui est en défaut de payer, un mois à l'avance, pour leur demander de s'expliquer sur la raison du non-paiement et que le fisc n'obtient pas de réponse, cela sous-entend que l'on est de mauvaise foi. Il est du devoir de l'État de réagir. Après ce mois seulement, l'État peut assigner, soit devant le tribunal de commerce s'il s'agit d'une société, soit le tribunal de première instance, s'il s'agit d'une grosse ASBL. Il appartient alors au juge de trancher.

Les dispositions à l'étude ici n'apportent de neuf que la présomption de faute en cas de non-paiements répétés.

À partir du moment où on met les entreprises et les ASBL concernées devant la possibilité de s'expliquer plusieurs fois, et quand elles font preuve de leur bonne foi, le régime est beaucoup plus souple.

Seulement, lorsqu'elles ne réagissent pas, le fisc a le devoir d'agir. Le tribunal de commerce peut contrôler s'il y a manifestement fraude. D'ailleurs, dans les tribunaux de commerce, il y a ces clignotants qui font que les juges-commissaires invitent les sociétés à venir se justifier sur des difficultés, notamment dans le cadre des paiements des cotisations sociales. Ici, on ne fait quelque part que se conformer à une philosophie de travail mise en œuvre depuis plusieurs années.

Le secrétaire d'État confirme qu'effectivement, le Code des impôts sur les revenus parle de la notion de « dirigeant d'entreprise ». Il rappelle que les lois coordonnées sur les sociétés prévoient déjà la responsabilité du gérant, du dirigeant, de l'administrateur de fait ou de droit, lorsqu'il y a une faute (grave) dans le cadre de la gestion de l'entreprise.

Toujours est-il que comme dans le droit commun belge, le tribunal de commerce appréciera qui est en fait, le cas échéant, le dirigeant responsable en cascade. Dans la loi, on ne peut prescrire la vie et le fonctionnement de chacune des entreprises. La responsabilité solidaire et par cascade qui peut s'installer n'est que la pure application de ce qui se fait déjà dans les lois coordonnées sur les sociétés.

Les dispositions à l'étude servent à responsabiliser, dans le cadre du paiement et de la TVA, et du précompte professionnel les gens qui, de manière claire, refusent de collaborer par exemple à l'élaboration du plan d'apurement. Force est de constater que de toute façon, à court terme, ces entreprises font faillite.

Le secrétaire d'État estime par conséquent qu'il s'agit d'une législation qui se justifie complètement. Elle lui paraît équilibrée, respectueuse des droits de chacun, garantir les droits puisqu'en définitive ce sera le tribunal qui appréciera la bonne foi ou la faute.

Le secrétaire d'État ajoute que cette législation aidera aussi à combattre la concurrence déloyale envers les sociétés qui respectent toutes leurs obligations.

Réplique de M. Steverlynck

M. Steverlynck estime lui aussi qu'il importe de résorber au plus vite l'arriéré en matière de recouvrement de l'impôt. Il faut aussi lutter contre la concurrence déloyale.

L'intervenant reste néanmoins sceptique quant à la nécessité de doter le fisc d'un instrument complémentaire. Le régime introduit en l'espèce serait analogue à celui en vigueur dans plusieurs pays voisins. Reste cependant à savoir si les administrations fiscales y bénéficient aussi de tous les autres instruments que le fisc belge a à sa disposition.

On peut difficilement nier que les dispositions à l'examen alourdissent la responsabilité des dirigeants et battent en brèche la personnalité juridique du fait que l'on peut tenir directement (concrètement) les dirigeants pour responsables.

Le secrétaire d'État a beau déclarer que ces dispositions ne poseront aucun problème aux entreprises de bonne foi, il n'empêche qu'elles seront aussi applicables aux ASBL, aux organisations non marchandes dont les dirigeants sont des personnes qui s'engagent. Il est clair que confrontées à ces dispositions, elles courront dorénavant des risques. Or, elles ne sont pas toujours en mesure d'apprécier concrètement ces risques et ne considèrent pas toujours comme étant de leur ressort de vérifier si le précompte professionnel a été versé à temps ou non. Les statuts précisent d'ailleurs souvent que les dirigeants n'assument aucune responsabilité. Une très grande insécurité s'est fait jour sur la question de savoir qui pourra en fin de compte être mis en cause. Le fait que ce soit finalement un tribunal qui doive trancher n'est pas de nature à apaiser la méfiance. Les membres d'un conseil d'administration ne s'occupent habituellement pas de la gestion journalière.

M. Steverlynck craint aussi que l'on n'étende ultérieurement cet instrument à des impôts autres que la TVA et le précompte professionnel, surtout si l'on ne parvient pas à résorber l'arriéré en matière de recouvrements. Cela pèsera alors sur les créances des créanciers chirographaires. Des abus ne sont pas à exclure. On peut citer des exemples d'entreprises qui ont fait faillite à cause d'impositions injustifiées et qui n'ont été réhabilitées en justice que bien des années plus tard.

Le secrétaire d'État rétorque que ce mécanisme n'ajoute rien, ne complique pas, mais simplifie et transpose une grande partie de la jurisprudence dans un but aussi d'une certaine sécurité juridique. Il y a déjà énormément de jurisprudence sur la responsabilité des administrateurs. Le service de recouvrement a étudié cette jurisprudence tant en Belgique qu'à l'étranger ainsi que les législations étrangères. Il en a fait une synthèse qui aujourd'hui est transposée dans le projet de loi-programme.

L'intervenant considère comme positif le fait que cette législation ait comme conséquence que certaines personnes vont réfléchir davantage avant de se lancer en entreprise.

Dans 99 % des cas, le fisc n'aura pas de problème à déterminer qui est le dirigeant qui assure la gestion journalière. Quand il y a quelqu'un d'autre, il faut d'abord que sa faute soit reconnue comme telle. Un simple employé ne sera pas mis en cause.

M. Roelants du Vivier soutient la position du gouvernement concernant les dispositions à mettre en œuvre pour responsabiliser davantage les dirigeants d'entreprise.

Toutefois, il est important que le gouvernement fasse bien la distinction entre un certain nombre d'entreprises commerciales, d'un côté, et les ASBL, de l'autre.

Il y a énormément d'ASBL qui s'inquiètent aujourd'hui de ce qu'elles lisent dans une certaine presse. Beaucoup d'associations survivent à peine et dépendent souvent de subsides de pouvoirs publics qui n'arrivent pas à temps. Par conséquent, elles sont obligées de faire de l'équilibre à tel point qu'il n'est pas toujours possible de payer à temps leur précompte professionnel.

Il n'est pas du tout dans les intentions des administrateurs de ces ASBL de frauder ou d'éluder l'impôt, leur seul objectif est de survivre. Il importe que l'administration des Finances fasse bien la distinction entre ce type de comportement des ASBL et le comportement de certains dirigeants d'entreprises commerciales.

M. Steverlynck se rallie à ces propos.

Le secrétaire d'État fait observer que les dispositions sur la responsabilité des dirigeants reposent sur cette notion de faute et de bonne foi. Par définition, si une ASBL travaille correctement et qu'elle a des problèmes de liquidités, par exemple, dans le cas d'une subvention qui n'est pas arrivée à temps ou d'une manifestation qui a rapporté moins que l'on aurait pu croire, il est clair que ces éléments seront pris en considération par l'administration. Seulement, ils doivent lui être communiqués.

Ce sont surtout les fausses ASBL, qui sont en réalité des sociétés commerciales, qui sont visées ici.

Article 18

En ce qui concerne cet article, M. Steverlynck demande si la définition qu'il donne de la pratique abusive ne pourrait pas avoir de graves répercussions pour certaines villes et communes. Celles-ci utilisent elles aussi certaines constructions qui réduisent parfois sensiblement leurs dépenses de TVA.

Il peut s'agir à cet égard d'entreprises publiques autonomes. A-t-on vraiment l'intention d'étendre la disposition proposée ici à ces entreprises ? La VVSG a déjà exprimé sa préoccupation à propos de cet article.

Le secrétaire d'État fait observer qu'effectivement, une série de communes ont fait preuve d'une certaine ingéniosité en matière de TVA. Personnellement, il en reste au principe que l'on soit indépendant, que l'on soit commune, que l'on soit particulier, lorsque la transaction juridique ou commerciale que l'on fait, n'a d'autre but que d'éluder l'impôt, il faut assumer sa responsabilité. Dans la pratique, les communes ont mis sur pied des montages très différents, les uns pouvant être acceptables, les autres relevant très clairement de pratiques abusives. Dès lors, il est impossible de donner une réponse globale. Il n'est impossible que pour des cas non admissibles, il y ait des redressements de paiement de TVA. L'égalité des villes doit être assurée à tous égards et notamment quant aux obligations fiscales des unes et des autres. Il appartiendra à l'administration fiscale et éventuellement à la justice d'évaluer les dossiers en question.

La disposition proposée à l'article 18 constitue la transposition du droit communautaire d'abord et est aussi la résultante de deux arrêts de la Cour de justice européenne. Toute la jurisprudence récente en Europe et en Belgique va dans ce sens. Les pays voisins ont tous pris des dispositions identiques ou relativement similaires.

M. Steverlynck souligne que certaines communes se voient presque contraintes de mettre sur pied certaines constructions pour que le financement d'investissements importants reste supportable. Son groupe est partisan de la création d'un fonds de compensation pour la TVA comme variante. Il insiste sur le fait que cela permettrait de faire la clarté, en particulier pour des dossiers de réseaux d'égouts et d'épuration d'eau.

Pour le secrétaire d'État, il importe de ne pas désavantager le public par rapport au privé comme il ne faut pas désavantager le privé par rapport au public. C'est toute une série de circonstances de fait qui feront que des cas sont acceptables contrairement à certains montages dans le but d'éluder l'impôt. Le secrétaire d'État estime que la disposition proposée définit clairement les critères.

M. Steverlynck souligne que dans un arrêt du 16 mars 2005, la Cour d'arbitrage a déclaré inconstitutionnel l'article 6 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée. À diverses demandes d'explications concernant la TVA sur les investissements relatifs à des égouts, il a chaque fois été répondu qu'un projet de loi serait déposé prochainement pour régler ce problème d'inconstitutionnalité. L'intervenant s'étonne dès lors que l'on n'ait pas profité du projet de loi à l'examen pour le faire. On avait pourtant promis que cela se ferait avant les vacances.

Le secrétaire d'État souligne que l'objectif du projet de loi est justement de mettre fin à un régime d'incertitude dans certains cas.

M. Steverlynck estime que l'on se sert du § 10 en projet, qui est ajouté à l'article 1er du Code de la TVA, pour résoudre le problème de l'inconstitutionnalité de l'article 6 de ce même code. Cette modification n'empêche pas l'article 6 de subsister. L'intervenant estime qu'il s'agit là d'une autre source d'incertitude pour les communes. Quand le gouvernement compte-t-il adapter l'article 6 ?

Le secrétaire d'État répond qu'un projet de loi visant à modifier la Code de la Taxe sur la valeur ajoutée et l'arrête royal nº 20, du 20 juillet 1970, fixant les taux de la taxe sur la TVA et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux a été rédigé.

L'article 6 du Code de la T.V.A. transpose en droit national l'article 4, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977. Par son courrier du 22 octobre 1992, la Commission des Communautés européennes faisait observer à la Belgique que n'est pas conforme aux dispositions de la sixième directive le procédé consistant à ne considérer comme assujetti un organisme de droit public exerçant une activité commerciale qui entraîne des distorsions de concurrence qu'à partir du moment où l'activité ou l'organisme en question est repris dans la liste de l'arrêté royal nº 26. La Cour d'arbitrage, en son arrêt nº 57/2005 du 16 mars 2005, dit pour droit que l'article 6, alinéa 3, du Code de la T.V.A. viole les articles 170, § 1er, 10 et 11 de la Constitution, considérant notamment que la délégation au Roi qu'organise l'article 6, alinéa 3, du Code « implique une différence de traitement injustifiable entre deux catégories de contribuables: ceux qui bénéficient de la garantie que nul ne peut être soumis à un impôt si celui-ci n'a pas été décidé par une assemblée délibérante démocratiquement élue et ceux qui sont privés de cette garantie constitutionnelle ».

Le projet de loi aura précisément pour objet de se conformer désormais tant au prescrit communautaire qu'aux règles de constitutionnalité soulignées par cet arrêt de la Cour d'arbitrage.

Le cabinet des Finances a déjà reçu un avis favorable de l'Inspecteur des Finances. Le groupe de travail coordination des politiques doit encore marquer son accord sur l'avant-projet afin de pouvoir l'agender au prochain Conseil des ministres. Ce groupe de travail se réunit le lundi 3 juillet 2006.

Le secrétaire d'État ne peut pas trop dévoiler le texte de ce avant-projet de loi étant donné qu'il n'est pas définitif.

III. TITRE IV: DISPOSITIONS DIVERSES

III.1. Chapitre IV — Politique scientifique (Art. 67)

Cet article n'appelle aucune observation.

III.2. Chapitre V. — Classes moyennes — BIRB (Art. 68)

III.2.1. Exposé introductif de la ministre des Classes moyennes et de l'Agriculture

L'article 68 à l'examen tend à éviter que la BIRB ne transfère une partie de son bénéfice net au Trésor public pour se faire allouer par la suite par ce même Trésor public un budget destiné à financer les frais liés à la réalisation de la norme ISO/IEC 17799.

III.2.2. Discussion

La ministre déclare qu'il s'agit en l'occurrence d'une disposition purement technique.

Cet article ne donne lieu à aucune observation.

IV. VOTES

Les amendements nos 1, 2 et 3, respectivement aux articles 14, 15 et 16, sont rejetés par 9 voix contre 1.

L'ensemble des articles envoyés à la commission a été adopté par 10 voix contre 1.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Joëlle KAPOMPOLÉ. Jean-Marie DEDECKER.

La commission décide d'apporter diverses corrections de texte n'entraînant aucune différence de fond par rapport au texte transmis par la Chambre des représentants.


Texte corrigé par les commissions (doc. Sénat, nº 3-1774/7 - 2005/2006)