3-1644/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

19 AVRIL 2006


Projet de loi portant réforme des carrières et de la rémunération du personnel des greffes et des secrétariats des parquets


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. MAHOUX


I. INTRODUCTION

Le présent projet de loi, qui relève de la procédure bicamérale obligatoire, est issu d'un projet de loi que le gouvernement a déposé initialement à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 51-2299/1).

Il a été adopté par la Chambre des représentants le 30 mars 2006, par 112 voix contre 13.

Il a été transmis au Sénat le 31 mars 2006.

La commission a examiné ce projet de loi au cours de sa réunion du 19 avril 2006, en présence de la ministre de la Justice.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE LA MINISTRE DE LA JUSTICE

Le présent projet vise la modernisation des carrières du personnel des greffes et des secrétariats de parquet ainsi que la réforme y afférente de leur statut pécuniaire. Cette modernisation s'inspire des réformes récentes pour le personnel de l'autorité fédérale.

Dans le prolongement de la dynamique qui avait produit la réforme Copernic, le protocole 249 concernant la modernisation de la politique du personnel des greffes et parquets a été conclu le 1er avril 2003 avec les organisations syndicales.

Différents aspects de ce protocole ont déjà été exécutés (augmentation de traitement linéaire, octroi du pécule de vacances, adaptation du régime des congés, adaptation des examens linguistiques, adaptation des cadres) ou sont actuellement en cours (formation).

Le présent projet de loi concernant la carrière constitue la phase finale de la réforme voulue pour le personnel administratif.

Cette modernisation a pour principaux objectifs:

— de se concentrer davantage sur le contenu de la fonction;

— d'élaborer une rémunération conforme au marché calquée sur celle des agents de l'État;

— de développer une politique de carrière et de développement axée sur les compétences;

— d'engendrer la transparence et de créer des possibilités de promotion ainsi que des perspectives de carrière.

Ce texte apporte des modifications fondamentales à la carrière, mais se limite au personnel administratif des niveaux B, C et D.

La ministre insiste sur le fait que le protocole 249 ne vise que le personnel administratif. La carrière des greffiers, des secrétaires et des membres du personnel de niveau A (tels que les référendaires, juristes de parquet), n'est pas concernée par celui-ci.

Le présent projet de loi ne touche en aucun cas aux caractéristiques de la carrière actuelle des greffiers et secrétaires. Sont ainsi entre autres maintenus:

— le grade de greffier adjoint et de secrétaire adjoint;

— la distinction dans la carrière administrative et pécuniaire en fonction de la hiérarchie des juridictions;

— le système des présentations et des avis lors des nominations;

— l'absence de lien hiérarchique entre le magistrat-chef de corps et le greffier en chef.

Il va sans dire que leurs conditions de nomination sont mises dans le présent projet de loi techniquement en concordance avec les nouveaux grades prévus pour le personnel administratif des niveaux B, C et D. Un candidat qui n'est pas juriste doit, par exemple avoir exercé durant au moins cinq ans les fonctions « d'expert ou d'assistant » dans un greffe d'une cour, d'un tribunal, d'une justice de paix ou d'un tribunal de police, en lieu et place des anciens grades supprimés de rédacteur ou d'employé.

Des négociations pour ces catégories de personnel ont été menées séparément et ont abouti à la conclusion du protocole d'accord 293 signé le 17 octobre 2005. Ce texte est cependant indépendant du présent projet.

Tout comme pour les fonctionnaires fédéraux, une réforme de la carrière des niveaux B-C-D fut suivie d'une réforme du niveau A, l'ordre judiciaire verra, dans une seconde phase, également une adaptation des plus hauts niveaux. Un projet de texte, sur la base de l'accord conclu, a déjà été préparé et fait actuellement l'objet d'une concertation.

Instrument juridique

Il appartient au législateur de fixer les fondements du nouveau statut du personnel des greffes et parquets, en tant que partie de l'ordre judiciaire, et tenant compte des particularités du personnel en question. Ce groupe de personnel sera par conséquent encore toujours un corps spécifique, distinct du personnel des services publics fédéraux.

Toutefois la compétence pour exécuter d'une manière cohérente et transparente les modalités de ces principes de base, est donnée autant que possible au Roi.

Dans une gestion du personnel moderne il faut pouvoir répondre de manière flexible aux réalités du marché de l'emploi et aux nouvelles orientations en matière de ressources humaines. Si la correspondance avec les dernières évolutions du personnel du pouvoir fédéral veut être assurée, les dispositions réglementaires nécessaires doivent pouvoir être adaptées d'une manière aussi souple.

En outre, il serait souhaitable de réaliser un tout cohérent où, entre autres, les dispositions qui sont actuellement dispersées sur plusieurs arrêtés seraient reprises dans un arrêté royal unique. L'article 380 du Code judiciaire attribue au Roi la compétence de fixer le statut pécuniaire, ce qui fut le cas avec différents arrêtés concernant les traitements, suppléments et indemnisations. Une coordination dans un arrêté unique, où les aspects tant administratifs que financiers sont réunis, en améliorera évidemment la lisibilité.

Le projet d'arrêté royal en question a déjà été approuvé en Conseil des ministres le 24 novembre 2005, en même temps que le présent projet de loi.

Lignes de force de la réforme

Création de nouveaux niveaux et grades

Par analogie avec les fonctionnaires des administrations fédérales, le nouveau modèle de carrière a été établi autour de trois niveaux de fonctions:

— le niveau D avec le grade de collaborateur (anciens niveaux 4 et 3)

— le niveau C avec le grade d'assistant (ancien niveau 2)

— le niveau B avec les grades d'expert, d'expert administratif et d'expert ICT (ancien niveau 2+)

Cette analogie est un choix délibéré et doit faciliter la mobilité entre les deux catégories de personnel.

Conditions de nomination

L'accès à l'emploi dans les greffes et parquets est actuellement très fermé. Les conditions de nomination sont établies de manière très hiérarchique.

L'option a été prise pour une structure ouverte. Tous les niveaux de fonctions seront accessibles, tant par recrutement que par promotion.

À tous les niveaux, d'une part, pourront être recrutés des externes porteurs d'un diplôme ou certificat pris en considération pour l'admission aux fonctions de niveaux B ou C.

D'autre part, le projet permet aux membres du personnel en service (internes) de valoriser leur expérience professionnelle via des examens de promotion, indépendamment des conditions de diplôme. Des éléments valables, qui ne sont pas porteurs d'un diplôme pris en considération pour l'admission aux niveaux B ou C, auront par conséquent les mêmes perspectives de carrière.

Sélection et recrutement

La compétence pour fixer les modalités de la sélection comparative et le recrutement est attribuée au Roi. La compétence d'organisation de sélections comparatives est explicitement attribuée à Selor, de manière à ce que, de ce point de vue-là également, l'analogie avec les agents fédéraux soit établie.

Structure de la carrière

Le pouvoir accordé au Roi afin de définir le statut permet, par analogie avec les agents de l'État, d'abandonner le modèle de carrière basé sur l'ancienneté et de le remplacer par l'avancement dans l'échelle barémique, lié à la réussite de mesures de compétence ou de formations certifiées, organisées respectivement par Selor et l'IFA.

En ce qui concerne le niveau D, le principe est réalisé en deux phases. Dans un but d'égalité avec les fonctionnaires, une opération de rattrapage d'échelle de promotion sera accordée à 70 % du groupe-cible. À partir du 1er septembre 2007, nous entrerons alors dans le système de carrière basée sur les formations certifiées.

Simultanément des mécanismes de paiement identiques sont prévus. Ceci afin de maintenir l'harmonie entre les échelles de traitement attribuées aux différents niveaux des agents fédéraux et les échelles de traitement de niveaux identiques du personnel en question. De cette manière les allocations et primes existantes pour les fonctionnaires seront étendues au personnel des greffes et parquets (prime de compétence, prime d'intégration, prime de direction, allocation pour exercice de fonctions supérieures, ...)

Flexibilité

Actuellement chaque place vacante est pourvue par une nouvelle nomination. Dans le statut actuel il n'existe pas de pont entre le personnel des greffes et le personnel des secrétariats de parquet.

Ceci rend l'attribution des places vacantes administrativement très lourd et nécessite beaucoup de temps. En outre le système actuel n'offre aucune possibilité de mutation de personnel, ce qui provoque un immobilisme dans l'organisation mais prive également les membres du personnel en service de perspectives.

C'est pourquoi la réforme veut introduire plus de flexibilité. Elle fait cela sur trois plans:

Une carrière commune dans les greffes et parquets

La distinction entre les membres du personnel des greffes et parquets disparaît. Cet alignement permet d'éviter une discordance (accrue) entre ces deux catégories de personnel et contribue à une organisation flexible en facilitant le passage du greffe au parquet et vice versa.

Mutation

Le projet introduit le concept de mutation dans les greffes et parquets. Lors d'une vacance d'emploi il sera examiné dans quelle mesure la place peut être pourvue via une mutation, avant d'envisager la publication d'un appel général de recrutement.

La mutation se fera sur demande du membre du personnel et aura priorité sur le recrutement et la promotion.

Mobilité

En tant que corps particulier, le personnel des greffes et parquets est totalement distinct du personnel des pouvoirs fédéraux. La structure de la carrière des deux catégories de personnel était d'ailleurs totalement différente.

Étant donné que cette réforme introduit un plan de carrière similaire, la mobilité réciproque entre les membres du personnel des greffes et parquets et le personnel des pouvoirs fédéraux peut être envisagée, de manière à ce que l'expertise et la compétence des deux groupes puissent être partagées.

Attribution de fonctions supérieures

Actuellement, il n'est pas du tout exceptionnel qu'il soit, de manière structurelle, fait appel dans les greffes et secrétariats de parquet à des membres du personnel d'un niveau inférieur pour exercer une fonction d'un niveau supérieur.

On s'efforce maintenant de trouver un équilibre entre l'indispensable continuité du service et la limitation sensible du recours à la technique des fonctions supérieures.

Il faut en tout cas éviter que cette technique ne devienne une habitude d'un mécanisme de paiement caché. En outre, il faut veiller à ce que les intérêts des agents réunissant les conditions de nomination ne soient lésés.

Tribunaux du travail

Contrairement au personnel des autres juridictions et le personnel des secrétariats des tribunaux du travail, le personnel administratif des greffes des tribunaux du travail est partiellement de la compétence du ministre de l'Emploi.

Cette compétence est limitée au recrutement et nomination dans les grades d'agent administratif, employé et rédacteur de greffe.

Tous les autres aspects de l'administration du personnel (traitement, régime de travail, congés, fin de carrière, etc.) sont par contre de la compétence du ministre de la Justice. La Justice assume en outre la responsabilité, également pour ces grades, d'établir le budget et d'en assurer le suivi.

Cette répartition des compétences sur deux ministres a montré de nombreuses incohérences et n'apporte que des complications administratives.

Le projet de loi centralise par conséquent les compétences pour toutes les juridictions chez le ministre de la Justice, et promeut donc la simplification administrative.

Pour des raisons d'organisation le transfert des compétences ne se fera que 15 mois après l'entrée en vigueur du présent texte.

Règles d'intégration et mesures transitoires

La nouvelle forme des carrières suppose des règles précises concernant l'intégration du personnel en service dans le nouveau statut.

Il est effectivement évident que les membres du personnel seront automatiquement nommés dans les nouveaux niveaux. Une attention particulière est toutefois donnée à la préservation des droits acquis. Nombres de mesures transitoires sont prévues, tant du point de vue administratif (par exemple la préservation de l'ancienneté acquise) que du point de vue financier (maintien de certaines échelles de traitement en extinction). En vue de la continuité du service, la validité des certificats de réussite des examens obtenus sous l'ancien statut sera également maintenue (quoique provisoire).

Amendements du gouvernement

Les amendements nºs 1, 2 et 3 déposés par le gouvernement lors des discussions à la Chambre ne visaient aucune modification de fond mais bien des corrections légistiques des modifications apportées à la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire.

L'amendement nº 4 du gouvernement avait, quant à lui, pour objectif la mise en concordance de l'entrée en vigueur de la loi du 26 avril 2005 modifiant les articles 53, § 6, et 54bis de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire et insérant dans celle-ci un article 54ter et un article 66bis avec l'entrée en vigueur de l'article 61 du présent projet qui modifie la loi précitée.

Impact budgétaire

Ce projet fait partie intégrante des accords contenus dans le protocole nº 249 dont le coût total est estimé à 13 891 815 euros.

L'impact des mesures avec une entrée en vigueur directe, a trait à:

— l'intégration des niveaux 4 dans le niveau D: 145 000 euros en base annuelle;

— octroi de la prime de direction: 217 000 euros en base annuelle;

— promotion dans l'échelle pour le niveau D: impact total 1 780 000 euros en base annuelle;

— octroi de la prime de compétence: 1 875 000 euros en base annuelle.

Le total, sur base annuelle, pour les aspects de la carrière avec un impact direct, se chiffre par conséquent à 4 017 000 euros. Les crédits nécessaires à l'exécution de ces mesures sont déjà prévus au budget 2006.

Les adaptations des dispositions pour le niveau D généreront encore, pour les années 2007 et 2008, un surcoût de 4 108 000 euros pour l'attribution des primes de compétence aux niveaux D et de 263 000 euros pour l'attribution des primes de direction.

Enfin, la ministre précise que les discussions à la Chambre ont largement porté sur la question de la carrière des greffiers.

La réforme de la carrière des greffiers fera l'objet d'un projet de loi distinct dont les lignes directrices ont déjà fait l'objet d'un accord avec les organisations syndicales pour ce qui concerne les secrétaires de parquet.

Pour ce qui concerne les greffiers, la situation est particulière car leur représentativité n'est pas réglée par la loi.

La ministre annonce qu'elle déposera courant du mois de mai 2006 un avant-projet de loi visant à régler la question de la représentativité des greffiers. À l'avenir, les greffiers auront une représentativité assurée par un système qui s'inspirera de ce qui existe pour la Sûreté de l'État, à savoir la coexistence des organisations syndicales traditionnelles avec une possibilité de syndicats spécifiques.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Mahoux rappelle que le projet de loi à l'examen s'inscrit dans le cadre d'une réforme plus générale puisqu'il existe au total pas moins de quatre projets de loi relatifs aux greffes. Le premier concerne le cadre du personnel des greffes des tribunaux de police et de première instance (voir doc. Sénat, nº 3-1643). Le présent projet, qui est la concrétisation de négociations avec les organisations syndicales, vise la modernisation des carrières du personnel des greffes et des secrétariats de parquet. Un troisième projet concerne la représentation des greffiers alors que le dernier projet porte sur la fonction du greffier.

Sur le fond du projet, l'intervenant demande quel est le coût récurrent des réformes proposées.

La ministre répond que le coût est évalué à 4 millions d'euros.

M. Mahoux constate qu'un des objectifs du projet est d'encourager la flexibilité. Il pense que toutes les mesures qui permettent une flexibilité plus importante dans tout ce qui concerne la mobilité sont positives pour le personnel concerné. On encourage la mobilité entre le greffe et le parquet. De même, la possibilité de changer d'affectation géographique à l'intérieur du réseau des greffes ou des parquets (mutation) est stimulée. M. Mahoux demande s'il existe des possibilités de mobilité entre les greffes et parquets et la fonction publique puisque le projet réalise une harmonisation des dénominations et des grades par rapport à la fonction publique. La mobilité est-elle possible en sens inverse, c'est-à-dire en passant de la fonction publique vers les greffes et parquets ?

Enfin, l'intervenant demande si le projet apporte des changements sur le plan du régime disciplinaire. Le personnel des greffes et parquets est-il soumis au régime disciplinaire général de la fonction publique ou est-il soumis à un régime spécifique ? Si l'on veut favoriser la mobilité, il faut que les régimes disciplinaires soient harmonisés pour éviter que l'agent ne change de régime en changeant d'institution.

Mme de T' Serclaes demande s'il existe un tableau schématisant les fonctions actuelles et la manière dont elles seront intégrées dans les niveaux B, C, D.

La ministre renvoie à l'article 66 du projet de loi qui décrit les grades existants et les nouveaux grades (voir doc. Chambre, nº 51-2299/01, p. 81).

Mme de T' Serclaes demande si toutes les fonctions exercées à l'heure actuelle mais qui ne sont pas mentionnées dans la colonne de gauche figurant à l'article 66 sont à considérer comme étant hors du champ d'application du projet.

La ministre répond que les nouvelles dénominations proposées à l'article 66 correspondent à des grades existants dans la fonction publique. Le projet reconnaît la spécificité des différentes catégories qui composent l'ordre judiciaires. Il ne faut cependant pas perdre de vue que la plupart des membres de l'ordre judiciaire sont des fonctionnaires fédéraux et qu'il faut avoir des similitudes avec le statut actuel du fonctionnaire fédéral pour favoriser la mobilité et la mutation. Par ailleurs rien ne justifie que l'on maintienne la différence de traitement qui existe aujourd'hui.

Le projet s'inspire de la philosophie de la réforme Copernic, qui permet aux fonctionnaires fédéraux de bénéficier d'augmentations salariales à condition qu'ils s'inscrivent dans une logique de formation permanente et réussissent des tests de compétence.

Mme de T' Serclaes comprend la logique pour le personnel administratif. Qu'en est-il cependant des fonctions spécifiques de l'ordre judiciaire qui sont décrites dans le Code judiciaire ? La réforme proposée suscite en effet des polémiques de la part des greffiers, greffiers-adjoints, etc. qui expriment des craintes par rapport à leur statut.

La ministre rappelle les rétroactes du projet de loi. Le gouvernement de l'époque a conclu avec les organisations syndicales représentatives, le 1er avril 2003, le protocole d'accord nº 249 relatif à une modernisation de la politique en matière de personnel pour le personnel des greffes et des parquets.

Ce protocole, qui contient une série d'engagements à l'égard du personnel administratif, ne concerne pas le personnel de niveau A (les titulaires d'un diplôme universitaire) ni les fonctions spécifiques (greffiers, secrétaires, juristes de parquet, etc.). Étant donné l'approche des élections, le gouvernement de l'époque a décidé de reporter la négociation d'un accord pour ces catégories de personnes.

Lorsque les discussions en vue de la conclusion d'un protocole d'accord pour le personnel de niveau A et pour les fonctions spécifiques ont démarré, au cours de la présente législature, il a fallu discuter de la manière d'intégrer les fonctions spécifiques. La ministre a proposé que les fonctions de greffier, greffier adjoint, secrétaire de parquet et secrétaire-adjoint soient intégrées dans le niveau B, qui correspond au niveau « humanités + trois années d'études supérieures ».

Elle rappelle que ces personnes ne sont, pour la très large majorité, pas titulaires d'un diplôme universitaire. Ainsi, actuellement, seules 8,4 % des personnes exerçant ces fonctions ont un diplôme universitaire.

D'autre part, en ce qui concerne le contenu de la fonction, elle estime que l'exigence d'un diplôme universitaire ne s'impose pas. La réalité du terrain démontre que les choses fonctionnent bien alors que 91,6 % des personnes qui exercent ces fonctions spécifiques n'ont pas de diplôme universitaire. La ministre y voit un argument en vue de l'insertion des greffiers et secrétaires de parquet dans le niveau B. Toutefois, elle a estimé opportun d'insérer les greffiers en chef, les secrétaires en chef et les greffiers-chefs de service dans le niveau A, en raison du contenu de ces fonctions et des responsabilités de gestion d'équipe qui y sont liées.

Des mesures transitoires sont proposées pour dispenser les greffiers et greffiers-adjoints actuellement en place d'un examen pour pouvoir accéder au niveau A.

L'intervenante rappelle qu'il est possible d'accéder au niveau A, soit parce que l'on est titulaire d'un diplôme universitaire, soit par la voie interne moyennant un examen d'accès. La mesure transitoire permet d'insérer automatiquement dans le niveau A une série de personnes actuellement en place.

Toutes ces mesures feront l'objet d'un projet de loi qui sera déposé au Parlement en octobre 2006.

La ministre rappelle que dans la majorité des greffes des justices de paix, l'effectif total est inférieur à sept personnes. Le greffe moyen y est composé d'un greffier en chef, d'un greffier, d'un greffier adjoint et du personnel administratif.

En suivant la proposition du gouvernement d'insérer les greffiers dans le niveau B, on aboutit à la situation suivante: le greffier en chef fera partie du niveau A, le greffier et le greffier adjoint feront partie du niveau B (humanité + trois ans) et le personnel administratif sera intégré dans les niveaux B, C ou D.

Si l'on avait suivi la position défendue par certains, qui visait à intégrer les greffiers dans le niveau A, on aurait abouti à la structure suivante: le greffier en chef, le greffier et le greffier adjoint auraient été intégrés dans le niveau A. En d'autres termes, trois personnes de niveau universitaire seraient prévues pour assumer un travail principalement de dactylographie et quelques responsabilités limitées. L'intervenante a considéré que cette solution était inopportune et excessive pour assurer un fonctionnement correct des greffes.

La ministre déclare avoir conclu avec les organisations syndicales un protocole dans lequel ont été coulés les principes qu'elle vient d'évoquer pour ce qui concerne les secrétaires de parquet. Elle rappelle que les syndicats traditionnels ne sont pas compétents pour les greffiers. Pour ce qui concerne cette dernière catégorie, la ministre a eu des contacts avec la CENEGER, une organisation qui représente certains greffiers. La CENEGER est opposée à l'intégration des greffiers et greffiers-adjoints dans le niveau B.

L'intervenante a cependant décidé de maintenir sa position et les textes sont actuellement en préparation. Ils seront soumis au gouvernement courant du mois de mai et le projet de loi sera déposé au Parlement après les vacances parlementaires. Le gouvernement souhaite en effet achever la réforme des carrières de tous les niveaux avant la fin de la législature.

Le projet de loi à l'examen concerne 5 600 personnes. Les règles transitoires qui sont prévues en termes de rémunération sont favorables au personnel. Cela se traduit par des augmentations de rémunération de plusieurs pour-cent et ouvre des perspectives de carrière pour les personnes en place. En contrepartie, l'autorité obtient la garantie que le personnel concerné devra s'inscrire dans un processus de formation. Or, le niveau du personnel administratif dans les greffes est assez faible et la volonté est de tirer ces personnes vers le niveau supérieur. Il ne faut cependant pas être excessif en voulant entourer les juges exclusivement de personnel de niveau universitaire. Cela n'a pas de sens d'engager du personnel surqualifié pour des tâches administratives.

Mme de T' Serclaes estime qu'il est positif, pour les 5600 personnes qui ont choisi la fonction publique, d'avoir des perspectives de mobilité, car un des éléments frustrants de cette fonction réside dans les carrières planes, où les possibilités de voir son statut s'améliorer sont très faibles.

Elle suppose que les descriptions de fonction devront encore être affinées pour tenir compte, par exemple, des différences qui peuvent exister entre les tâches du greffe d'une justice de paix bruxelloise et celles du greffe d'une autre justice de paix.

En ce qui concerne Bruxelles, où les exigences de bilinguisme sont importantes, comment ces exigences sont-elles concrétisées au niveau pécuniaire et sur le plan de la formation ? Des mesures spécifiques sont-elles prévues pour cet arrondissement, afin que tout le monde ait droit aux mêmes promotions ? À l'heure actuelle, les fonctions des greffes y sont occupées pour une large majorité par des néerlandophones.

L'intervenante souligne en outre que la tradition fait que certaines organisations syndicales spécifiques existent pour les greffiers. Il faut être attentif à ce que ces organisations, qui disposent d'une longue expérience, puissent être entendues comme toutes les autres.

M. Hugo Vandenberghe se réfère au point de vue de son groupe politique, tel qu'il a été exposé par M. Van Parys à la Chambre des représentants.

L'intervenant se réfère aussi aux demandes d'explications qu'il a déjà adressées en la matière à la ministre de la Justice.

Il a introduit, le 3 juin 2004, une première demande d'explications (nº 3-286) au sujet du cadre organique des différents greffes. L'intervenant avait alors demandé à la ministre si une étude était en cours sur la charge de travail au sein des différents greffes et sur la nécessité d'une extension de cadre. Sur la base de quels critères objectifs détermine-t-on le cadre organique du personnel par tribunal et par cour ? Ces critères sont-ils appliqués de la même manière dans les différents arrondissements et sont-ils suffisamment actualisés ?

L'intervenant se réfère à cet égard par exemple au nombre et à la nature des décisions judiciaires qui sont rendues. La ministre prévoit-elle à court terme une extension du cadre du personnel des greffes ? La ministre Onkelinx a répondu à ces questions comme suit: « En attendant une réforme définitive, les cadres du personnel sont complétés sur la base de l'article 185 du Code judiciaire. On tient compte des besoins de l'Ordre judiciaire qui me sont régulièrement communiqués. Je puis vous dire que pour l'avenir, dans le cadre du Protocole 249, une extension générale du cadre du personnel aura lieu par une conversion des emplois contractuels existants en emplois statutaires. Ces collaborateurs contractuels aident en effet à répondre à des besoins structurels. »

L'intervenant demande si le projet de loi à l'examen répond à cette demande.

Il a introduit, le 2 décembre 2004, une deuxième demande d'explications (nº 3-459) faisant référence, elle aussi, au protocole nº 249 du 1er avril 2003 du service public fédéral Justice qui scelle un accord sur les carrières du personnel des greffes et des parquets et qui définit un nouveau modèle de carrière pour le personnel administratif auxiliaire autour de 3 niveaux de fonction. Les greffiers relèveraient du niveau A. Le « fonctionnaire » actuel deviendrait un « collaborateur » et le « rédacteur » un « assistant ».

Les fonctionnaires ayant réussi l'examen de rédacteur et titulaires d'une attestation du SPF Justice leur conservant de façon illimitée le bénéfice de leur résultat, devraient cependant passer un nouvel examen avant de pouvoir être nommés assistants. Ce serait en particulier le cas si, pour quelque raison que ce soit, ils n'étaient pas nommés rédacteurs avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

L'intervenant a donc demandé à la ministre de la Justice si elle pouvait confirmer que les fonctionnaires actuels, qui ont déjà réussi l'examen de rédacteur mais qui n'ont pas été nommés rédacteurs avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, devront, pour être nommés assistants, passer un nouvel examen après l'entrée en vigueur de ladite réglementation ? Dans l'affirmative, quelles mesures la ministre envisage-t-elle de prendre pour que les fonctionnaires qui ont déjà réussi l'examen de rédacteur, mais qui n'ont pas été nommés avant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, conservent de façon illimitée le bénéfice de leur résultat de manière à ne pas devoir passer un nouvel examen ?

Au nom de la ministre de la Justice, le ministre Dupont a répondu comme suit: « des mesures transitoires seront prises afin de résoudre le problème ».

L'intervenant demande si ces mesures transitoires existent bel et bien.

Il a encore adressé à la ministre, le 9 mars 2006, une demande d'explications (nº 3-1429) rédigée en ces termes: « (...) il résulterait du projet de loi portant réforme de la carrière professionnelle et du statut pécuniaire des membres du personnel de l'organisation judiciaire du niveau A, des greffiers et des secrétaires, qu'un greffier adjoint comptant sept ans de nomination en qualité de greffier adjoint, mais qui n'a pas encore douze années de service au ministère de la Justice, est classé dans un barème plus bas qu'un greffier adjoint comptant cinq années de nomination en qualité de greffier adjoint mais douze années de service au ministère de la Justice.

La ministre peut-elle confirmer la différence barémique selon le nombre d'années de service au ministère de la Justice ?

Quelles en sont les raisons sous-jacentes ?

Ne trouverait-elle pas préférable que l'on tienne compte, lors du classement barémique, du nombre d'années de service en qualité de greffier adjoint et non d'un cumul des années de service au ministère de la Justice ?

M. Donfut a répondu, au nom de la ministre de la Justice, qu'il serait répondu aux observations de M. Vandenberghe et tenu compte, lors de l'élaboration du statut, des objections qui ont été soulevées par les intéressés.

Il est prévu que tous les greffiers-adjoints sont intégrés dans l'échelle BG 2; il n'est donc fait pour eux aucune distinction sur la base du critère d'ancienneté. Conformément à l'article 169 du Code judiciaire les greffiers adjoints peuvent cependant après 12 ans d'ancienneté de service, en quelque qualité que ce soit, être nommés greffiers adjoints principaux.

La ministre répond comme suit aux différents intervenants:

En ce qui concerne le régime disciplinaire, un régime spécifique est prévu par le Code judiciaire, auquel on n'a rien changé. En cas de mobilité, c'est l'endroit où l'on est accueilli qui sera déterminant pour le régime disciplinaire.

M. Mahoux fait observer que, sous réserve de contraintes spécifiques liées au secteur considéré, il serait souhaitable de tendre à une harmonisation, y compris dans le régime disciplinaire.

La ministre souligne que, dans le secteur de la justice, la hiérarchie est totalement différente de celle qui existe dans la fonction publique en général.

En ce qui concerne les justices de paix bruxelloises, elles n'ont pas l'ampleur que l'on pourrait croire. La majorité d'entre elles comptent un personnel de moins de 7 membres.

Quant aux questions liées à la connaissance de l'autre langue, la ministre rappelle que l'on a apporté à la loi de 1935 des modifications ayant pour objectif d'introduire ce que l'on a appelé l'examen « light » pour certaines catégories de personnel. Le personnel administratif pourra se contenter d'une connaissance plus superficielle. Par contre, pour les greffiers, rien n'a changé: la connaissance approfondie est requise, puisqu'ils sont amenés à siéger dans les deux langues.

Dans le rapport de la commission de la Justice de la Chambre, M. Borginon avait posé des questions sur le nombre d'emplois vacants à Bruxelles en raison des conditions linguistiques. La ministre avait fourni les chiffres suivants: greffiers(adjoints) 97, rédacteurs 49, employés 183, soit un total de 329 emplois.

Il faut souligner que des contractuels sont présents.

La réforme en ce qui concerne les niveaux D devrait permettre la nomination de 183 membres du personnel.

Quant aux questions posées par M. Hugo Vandenberghe, et tout d'abord celle relative au cadre, le masterplan a été publié au Moniteur belge.

En quoi consiste ce plan ? Une moyenne du nombre d'emplois occupés par des contractuels a été opérée. En fonction des résultats, les cadres ont été adaptés, les vacances publiées, et la plupart des nominations réalisées. Ces extensions de cadre ont touché pratiquement toutes les juridictions du pays, quel que soit leur niveau.

Une deuxième question concernait les mesures transitoires.

Les articles 67 à 69 du projet contiennent toutes les garanties en ce qui concerne les personnes qui possèdent le brevet de réussite de l'examen adéquat. Ces personnes ne devront pas représenter un examen. Le certificat sera valable pendant une période de 6 ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

En outre, dans le projet de loi qui sera approuvé en mai par le gouvernement, on trouvera une concrétisation des éléments fournis par la ministre dans sa réponse au sujet de l'intégration.

Mme de T' Serclaes souhaite plus d'informations en ce qui concerne la formation, qui est indispensable pour moderniser une carrière.

Pour le personnel administratif des tribunaux, le présent projet n'explicite pas qui procédera à cette formation, comment elle sera organisée, comment le personnel des greffes pourra la suivre, ...

L'utilité de la formation a été démontrée, par exemple, par toutes les difficultés rencontrées dans l'application de la nouvelle loi sur les ASBL, notamment au greffe du tribunal de commerce de Bruxelles, qui a manifestement été débordé par la multitude des ASBL se trouvant sur le territoire relevant de sa compétence. Les greffes se sont vus attribuer en la matière des responsabilités pour lesquelles ils n'avaient pas été formés.

La ministre répond que, dans le protocole nº 249, il y avait un engagement de l'autorité à développer une politique en matière de formation.

Cet engagement s'est traduit dans un arrêté royal relatif à la formation professionnelle des membres des greffes et parquets.

Ce texte a été approuvé par les organisations syndicales, le 19 décembre 2005, et a été communiqué au Conseil d'État, qui vient de rendre son avis. L'arrêté royal devrait être publié prochainement. Il contient notamment des dispositions relatives au droit à la formation. Alors qu'aujourd'hui, rien n'est prévu pour le personnel des greffes et parquets, on va vers ce qui est prévu pour la fonction publique fédérale: droit à la formation, réglementation de la formation lorsqu'elle est sollicitée, création d'une commission de formation composée des différents responsables qui vont élaborer des plans de formation à destination du personnel des greffes et parquets.

Ces responsables sont, d'une part, ceux de la direction générale de l'ordre judiciaire du SPF Justice, et d'autre part, des magistrats et des greffiers en chef, avec la collaboration des organisations syndicales. Il s'agit d'identifier et de rencontrer les besoins de formation, et de développer une politique de formation.

Des formations sont organisées depuis un certain temps déjà, mais pas de manière systématique. L'arrêté royal prévoira notamment des formations à l'accueil, une formation de base pour les nouveaux arrivés, des formations dites transversales (connaissance de la langue, orthographe, informatique, ..).

Tout cela se met en place progressivement.

Le département de la justice a également décidé d'investir dans le service formation de l'ordre judiciaire, en termes de personnel, de locaux, ... de manière que le SPF Justice puisse présenter des formations intéressantes, attrayantes, et utiles.

Le budget consacré à la formation pour l'ensemble de l'ordre judiciaire (magistrature et personnel) s'élève à moins de 0,8 % de la masse salariale. Or, dans le pacte des générations, le gouvernement a imposé une norme salariale de formation de 1,9 %.

Le retard au niveau de l'ordre judiciaire est donc considérable.

Face à cette situation, outre la prise de l'arrêté royal précité, la ministre présentera en mai un avant-projet de loi créant un Institut de formation de l'ordre judiciaire, dans le giron de la justice, mais indépendant du Conseil supérieur de la Justice et du SPF Justice, qui sera chargé de gérer la question de la formation.

Dans l'avant-projet de loi, la ministre propose au gouvernement une discussion sur l'investissement à consacrer à la formation.

Si l'on veut une justice de qualité, il faut permettre aux acteurs judiciaires (pas uniquement les magistrats) de se former, voire les y obliger.

L'effort financier devra être échelonné pour atteindre à terme l'objectif de 1,9 % précité.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES ET VOTES

Les articles 1er à 71 du projet de loi ne donnent lieu à aucune observation.

Ils sont adoptés à l'unanimité des 12 membres présents.

V. VOTE FINAL

L'ensemble du projet de loi est adopté à l'unanimité des 12 membres présents.


À la même unanimité, confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Philippe MAHOUX. Hugo VANDENBERGHE.

Le texte adopté par la commission est identique au texte du projet transmis par la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 51-2299/6)