3-1460/2

3-1460/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

7 FÉVRIER 2006


Projet de loi modifiant certaines dispositions du Code civil en vue de permettre l'adoption par des personnes de même sexe


Procédure d'évocation


AMENDEMENTS


Nº 1 DE M. DELACROIX

Art. 2bis (nouveau)

Insérer un nouvel article 2bis, libellé comme suit:

« Art. 2bis. — Un article 344-3, rédigé comme suit, est inséré dans le même Code:

« Art. 344-3. — Lorsque les adoptants sont de même sexe, ils ne peuvent être autorisés à adopter que des enfants issus biologiquement de parents de même sexe ». »

Justification

L'auteur du présent amendement est d'avis qu'une dimension fondamentale au problème éthique que pose le projet de loi a été perdue de vue. En effet, les enfants qui seraient susceptibles de faire l'objet de l'adoption ici discutée sont généralement issus de couples hétérosexuels. On doit en déduire qu'ils ont intégré de par là même un schéma de pensée et de conception de vie déjà arrêté, soit qu'ils aient connu leurs parents dans leur prime enfance, soit que leur inconscient ait enregistré l'hétérosexualité ab initio de leurs auteurs. En juger autrement reviendrait à spéculer sur des principes que les connaissances scientifiques d'aujourd'hui ne permettent pas de considérer comme certains.

Le corollaire obligé de cette situation d'acquis est un risque majeur de voir les enfants concernés perturbés dans une mesure inappréciable par leur insertion dans un foyer de parents homosexuels.

L'auteur du présent amendement propose, pour pallier un tel risque et les danger majeurs qu'il peut entraîner, que seuls les enfants issus de parents du même sexe puissent faire l'objet d'une adoption par des parents de même sexe.

Michel DELACROIX.

Nº 2 DE MME NYSSENS

Intitulé

Remplacer l'intitulé du projet par l'intitulé suivant:

« Proposition de loi modifiant le Code civil et le Code judiciaire par des dispositions relatives à la parentalité sociale »

Justification

Voir amendement nº 6 à l'article 5.

Nº 3 DE MME NYSSENS

Art. 3

Remplacer cet article par ce qui suit:

« Art. 3. — Il est inséré dans le livre premier du même Code un titre IXbis nouveau, comprenant les articles 387ter à 387quater, rédigé comme suit:

« Titre IXbis: De la parentalité sociale

Art. 387ter. — Le statut de la parentalité sociale peut être reconnu, par une décision judiciaire, à une personne qui forme un couple avec une autre personne et qui s'implique de manière effective dans l'exercice des responsabilités parentales à l'égard de l'enfant mineur non émancipé de son partenaire dont il n'est par ailleurs ni le père ni la mère.

Art. 387quater. — § 1. Lorsque l'autorité parentale à l'égard d'un enfant est exercée par un seul de ses parents, soit que la filiation de l'enfant ne soit établie qu'à l'égard de ce seul parent, soit que l'autre parent soit décédé, absent ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, le tribunal de la jeunesse, peut, à la demande du parent et de son partenaire cohabitant, attribuer la parentalité sociale à ce dernier.

§ 2. L'attribution de la parentalité sociale peut être sollicitée par le parent de l'enfant et par son partenaire lorsque ceux-ci sont mariés, ou vivent ensemble de façon permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de l'introduction de la demande.

Dans tous les cas, le tribunal doit constater qu'il existe un lien d'affection particulier entre le partenaire du parent et l'enfant et que l'attribution de la parentalité sociale correspond au meilleur intérêt de l'enfant. La demande est dans tous les cas rejetée si le tribunal constate, par une décision motivée, que la parentalité sociale nuirait à l'intérêt de l'enfant ou au parent investi de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant.

§ 3. Le titulaire de la parentalité sociale exerce conjointement avec le parent de l'enfant les droits et obligations inhérents à l'autorité parentale à l'égard de l'enfant.

Les dispositions du présent Livre, Titre IX, sont applicables.

§ 4. Les articles 203, § 1er, 203bis, 203ter et 259bis, §§ 3 à 5 sont applicables par analogie.

Le parent social est tenu de fournir des aliments à l'enfant et aux descendants de celui-ci dans le besoin.

L'enfant et ses descendants doivent des aliments au parent social s'il est dans le besoin. Si l'enfant meurt sans laisser de descendance, sa succession doit des aliments au parent social s'il est dans le besoin.

§ 5. L'enfant ou ses descendants acquièrent sur la succession du parent social les mêmes droits que ceux qui sont conférés aux enfants et aux descendants par les dispositions du Livre III, Titre I. Ils n'acquièrent aucun droit sur la succession des parents du parent social.

Le parent social acquiert sur la succession de l'enfant les mêmes droits que ceux conférés aux ascendants en vertu des dispositions du Livre III, Titre I. Les parents du parent social n'acquièrent aucun droit sur la succession de l'enfant.

Sous réserve des droits du conjoint survivant sur l'ensemble de la succession de l'enfant décédé sans postérité, celle-ci est réglée comme suit:

1º les articles 747 et 915 ne sont pas applicables;

2º à défaut de dispositions entre vifs ou testamentaires, les biens donnés par les ascendants de l'enfant ou par le parent social ou recueillis dans leur succession et qui se retrouvent en nature dans la succession de l'enfant, retournent à ces ascendants ou au parent social, selon le cas, ou à leurs héritiers en ligne descendante, à charge de contribuer aux dettes et sous réserve des droits acquis des tiers; lorsque les biens ont été vendus, ce droit s'exerce sur le prix si celui-ci n'est pas encore payé ou s'il n'est pas confondu avec la masse;

3º le surplus des biens de l'adopté est déféré conformément aux règles prévues au Livre III, Titre 1er.

§ 6. En cas de décès du parent, le titulaire de la parentalité sociale continue à exercer lui-même les droits et obligations inhérents à l'autorité parentale à l'égard de l'enfant.

Justification

Voir amendement nº 6 à l'article 5.

Nº 4 DE MME NYSSENS

Art. 2

Remplacer cet article par ce qui suit:

« Art. 2. — À l'article 375, alinéa 2, du même Code, sont insérés les mots « ni parent social » entre le mot « mère » et le mot « en » »

Justification

En cas de décès du parent, le titulaire de la parentalité sociale continue à exercer lui-même les droits et obligations inhérents à l'autorité parentale à l'égard de l'enfant, sans qu'il y ait lieu à l'ouverture d'une tutelle (avis du Conseil d'État, p. 107).

Nº 5 DE MME NYSSENS

Art. 4

Remplacer cet article par ce qui suit:

« Art. 4. — L'article 389, l'alinéa 1er, du même Code est complété par les mots « et s'il n'y a pas de parent social en état d'exercer l'autorité parentale. » »

Justification

Voir sous l'amendement nº 4 à l'article 3 (Avis du Conseil d'État, p. 107).

Nº 6 DE MME NYSSENS

Art. 5

Remplacer cet article par ce qui suit:

« Art. 5. — Il est inséré dans la quatrième partie, Livre IV, du Code judiciaire, un Chapitre IXbis, libellé comme suit:

« Chapitre IXbis — De la parentalité sociale

Article 1237bis

§ 1er. La demande visée à l'article 387quater du Code civil est introduite conjointement par le parent de l'enfant et son partenaire devant le tribunal de la jeunesse du lieu du domicile de l'enfant, conformément aux articles 1025 et suivants.

L'enfant qui dispose du discernement requis peut être entendu conformément à l'article 931, alinéas 3 à 7. En outre, si l'enfant a atteint l'âge de 12 ans accomplis, son consentement préalable est requis.

Le tribunal de la jeunesse convoque en chambre du conseil les requérants. Il vérifie en tout état de cause si le parent demandeur consent à voir la parentalité sociale attribuée à son partenaire et si les conditions visées à l'article 387quater, §§ 1er et 2 du Code civil sont réunies.

Il demande également l'avis du ministère public.

Il peut ordonner la comparution en chambre du conseil de toute personne qu'il estime utile d'entendre. Ces personnes peuvent déclarer, par simple acte, vouloir intervenir à la cause.

§ 2. Dans tous les cas, le tribunal de la jeunesse peut, à la demande du parent et du parent social, de l'un d'eux ou du procureur du Roi, ordonner, modifier ou supprimer, dans l'intérêt de l'enfant, toute disposition relative à la parentalité sociale. » »

Justification

Les amendements nos 2 à 6 reprennent les amendements déposés à la Chambre tout en y apportant les corrections suggérées par le Conseil d'État dans son avis (doc. Chambre, nº 51-0393/002).

Les modifications sont les suivantes:

1. La condition de « vivre ensemble de manière permanente et affective » s'applique tant pour la cohabitation légale que pour la cohabitation de fait. Cela rejoint la notion de cohabitant, telle que prévue à l'article 343 du Code civil en matière d'adoption (doc. Sénat, nº 51-0393/002, observation 148, p. 104).

Il n'a par contre pas été jugé opportun de répondre à la remarque du Conseil d'État, suggérant d'ajouter la notion d'époux non séparés. Cette condition n'existe pas à l'article 343 du Code civil en ce qui concerne l'adoption. Par ailleurs, il n'a pas non plus été précisé qu'il ne doit pas exister entre les cohabitants de prohibition à mariage non susceptible de dispense dès lors que la définition de la parentalité sociale contenue à l'article 387ter nouveau renvoie à la notion de couple affectif.

2. Conformément à la remarque du Conseil d'État, il est précisé que la parentalité sociale ne s'ouvre que si l'enfant est mineur non émancipé, ce qui semblait aller de soi dès lors que l'autorité parentale stricto sensu prend fin à la majorité de l'enfant (doc. Chambre, nº 51-0393/002, observation 150, p. 104-105).

3. Par analogie avec les articles 375 et 389 du Code civil, la parentalité sociale peut être accordée dans les hypothèses où un des parents est dans l'impossibilité de manifester sa volonté ou dans l'impossibilité durable d'exercer l'autorité parentale (doc. Chambre, nº 51-0393/002, observation 150, p. 105).

4. L'obligation alimentaire ainsi que les droits de succession ont été aménagés conformément à l'avis du Conseil d'État (doc. Chambre, nº 51-0393/002, observations 152, 153 et 155, p. 105-106).

5. Concernant l'observation nº 154 du Conseil d'État (doc. Chambre, nº 51-0393/002, p. 106), il faut noter que dans l'esprit de l'auteur de l'amendement, la parentalité sociale ne prend pas fin en cas de séparation. Les dispositions du Code civil relatives à l'autorité parentale lorsque celle-ci n'est plus exercée de manière conjointe sont donc d'application.

6. Les dispositions concernant la procédure ont été insérées dans le Code judiciaire (doc. Chambre, nº 51-0393/002, observation 157 et 158, p. 107). L'âge de l'enfant pour consentir à la parentalité sociale est fixé à 12 ans (comme dans le cas de l'adoption).

Peut-on autoriser l'adoption d'un enfant par deux personnes de même sexe ?

1. L'adoption consiste à conférer à l'enfant un statut de filiation à l'égard du partenaire de son parent.

La filiation est, à titre principal, le rapport de droit qui en désignant le père et/ou la mère d'un enfant, définit ou circonscrit l'identité de cet enfant. Elle lui indique ses racines et elle l'inscrit dans une généalogie. C'est parce que la filiation fournit ainsi à l'enfant la structure de base de son identité — c'est-à-dire ce qu'il « est » — qu'elle détermine par là même l'« état (civil) » de toute personne et qu'elle lui assure la transmission de son nom qui permet précisément de l' « identifier » dans la communauté des hommes.

Par ailleurs, en tant qu'elle rattache un enfant à ses « parents », la filiation produit aussi, mais à titre secondaire ou complémentaire, un certain nombre de conséquences juridiques dont les deux plus importantes, dans la vie quotidienne de l'enfant, seront, d'une part, l'autorité parentale et l'obligation d'entretien de l'enfant, et, d'autre part, les droits successoraux légaux et réservataires de l'enfant à l'égard de ses parents.

L'adoption, à la différence de la parentalité sociale, instaure donc un lien de filiation qui définit, en termes sociaux et juridiques, l'identité d'un enfant. Sur notre fiche d'état civil, chacun d'entre nous est identifié comme l'enfant d'un père et d'une mère. Chaque être humain est issu de la rencontre du sexe masculin et du sexe féminin.

Vouloir faire adopter un enfant par deux personnes de même sexe c'est instituer pour cet enfant une filiation et dès lors une identité qui aurait gommé toute référence fondatrice à la différence des sexes, comme à la double racine — féminine ou maternelle et masculine ou paternelle — constitutive de chaque être humain.

Or, c'est la responsabilité d'une société et donc des autorités politiques, du législateur, de ne pas créer de confusion et de continuer à nommer pour tous les êtres humains les composantes fondamentales de l'humanité, et notamment la place de la différence des sexes dans la définition de l'identité et dans la structuration de la filiation du sujet humain.

En revendiquant qu'un enfant élevé par un couple homosexuel devienne l'enfant de ce couple, on confond la parentalité et la filiation.

La question n'est donc pas de savoir si les enfants éduqués au sein d'un couple homosexuel sont aussi heureux que ceux élevés par un père et une mère: ils peuvent être aussi heureux, même si on occulte souvent les propos de nombreux psychiatres et psychologues qui restent très prudents à propos des difficultés qui pourraient se poser pour la structuration psychique de ces enfants et des enfants de ces enfants. Ce n'est pas l'argument principal.

La question c'est de savoir pourquoi décider subitement de changer leur identité et de leur conférer une identité radicalement différente de tous les autres enfants. Comme le notent à juste titre certains psychologues et psychiatres, si le sexué (pas le sexuel, qui est une façon de vivre sa sexualité) disparaît de ce qui est nécessaire pour l'établissement d'une filiation, sachant que le sexué a déjà disparu dans le mariage, il n'y a plus de nécessité d'opérer la différence homme-femme en droit dans la société. Cette logique supprime de facto la nécessité d'instituer la différence des sexes dans l'état civil.

Les règles de la filiation — qui définissent notre identité- doivent rester des règles qui ne dépendent pas de l'orientation sexuelle de nos auteurs.

De manière subsidiaire, il convient aussi de souligner que l'impact de la parenté homosexuelle sur la construction identitaire de l'enfant reste obscur. Et le caractère scientifique des études ou enquêtes faites outre-Atlantique par des équipes de psychologues américains ou canadiens, ou encore en France et aux Pays-Bas, par les communautés homosexuelles elles-mêmes — dont on juge généralement les conclusions globalement satisfaisantes — peut être remis en question sur plusieurs points.

1. La plupart des études étudient le développement des enfants nés d'un couple hétérosexuel et élevés dans un couple homosexuel, ce qui fausse les données vu la différence de repères identitaires sexués;

2. Par ailleurs, le nombre d'enfants sur lesquels ont porté les études est extrêmement peu élevé. En outre, la majorité des études concerne de très jeunes enfants, le plus souvent prépubères. Or il faudrait aller jusqu'à l'âge adulte, prendre en compte l'intergénérationnel, compte tenu notamment de la fragilité des couples dont il est établi qu'elle est beaucoup plus grande entre sujets homosexuels;

3. Les études portant notamment sur les possibilités de différenciation sexuelle ou d'adoption d'un comportement sexué normal chez l'enfant ont été réalisées exclusivement sur des enfants de mères lesbiennes en comparaison avec des enfants de mères hétérosexuelles, aucune donnée n'étant disponible sur ces questions pour les enfants de parents gays. Cette lacune est présente aussi pour l'évaluation des relations sociales développées par les enfants;

4. Par ailleurs, la quasi totalité des études compare le comportement des enfants élevés par une mère lesbienne à celui d'enfants élevés par une mère hétérosexuelle seule ou ayant divorcé (la raison donnée étant que les mères lesbiennes se trouvent généralement dans cette situation). La comparaison est d'office tronquée si elle ne se fait pas avec un enfant élevé par deux parents hétérosexuels;

5. Dans une étude française, ce sont seulement les parents qui sont interrogés, et ils sont tous membres d'une association de parents homosexuels;

6. Les études ont été réalisées dans un contexte militant;

7. Les études se présentent comme systématiquement empiriques (sous forme de questionnaires dont les termes sont sujets à caution);

8. Une étude très exhaustive a examiné en détail toutes les études existantes sur la parenté homosexuelle. Les conclusions sont parfois radicalement différentes;

9. Considérer que l'orientation sexuelle des parents ou des futurs parents est un critère irrelevant dans le cas de l'adoption n'est pas correct, car il n'existe aucune étude comparative sur les effets de l'adoption homosexuelle.

En conclusion, si elles peuvent être prises à titre indicatif, ces études ne peuvent pas être considérées a priori comme des arguments décisifs pour établir a priori un conflit ou une concordance entre l'intérêt de l'enfant et celui des éventuels parents de même sexe;

Mais la question — cela doit être répété — n'est pas de juger de la capacité éducative, la question n'est finalement pas celle de l'objectivité scientifique (si difficile à établir), la question est d'un autre ordre, d'un ordre anthropologique: la différence des sexes est-elle un élément fondateur de l'humain ?

Nous affirmons, avec la plupart des auteurs ou experts, que oui: il est important que l'enfant se sache issu d'un homme et d'une femme. Il est même souhaitable qu'il connaisse ces derniers, et même qu'il soit en relation avec eux.

La question de l'ouverture de l'adoption aux couples homosexuels est intimement liée au débat sur l'accès aux procréations médicalement assistées et à l'anonymat du don de sperme.

Rappelons ici l'interprétation donnée par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Marckx de l'article 8 de la Convention européenne, selon laquelle l'enfant a un droit fondamental à une double filiation paternelle et maternelle et à « une vie familiale normale », ainsi que l'article 7 de la Convention des droits de l'enfant qui dispose que l'enfant a le droit, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d'être élevé par eux.

2. L'arrêt Fretté c/ France rendu par la Cour européenne des droits de l'homme le 26 février 2002 rappelle que l'adoption vise à « donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille » et qu'une « importance particulière doit être attachée à l'intérêt supérieur de l'enfant qui, selon sa nature et sa gravité, peut l'emporter sur celui des parents ». Après avoir constaté que la communauté scientifique est divisée sur les conséquences éventuelles de l'accueil d'un enfant par un ou des parents homosexuels, compte tenu notamment du nombre restreint d'études scientifiques réalisées sur la question à ce jour, la Cour souligne également les profondes divergences des opinions publiques nationales et internationales et constate également l'insuffisance du nombre d'enfants adoptables par rapport aux demandes.

Dans ces conditions, la Cour estime que les autorités nationales (la France, en l'espèce) ont pu légitimement et raisonnablement considérer que le droit de pouvoir adopter dont M. Fretté se prévalait trouvait sa limite dans l'intérêt des enfants susceptibles d'être adoptés, nonobstant les aspirations légitimes du requérant et sans que soient remis en cause ses choix personnels. Pour la Cour, si l'on tient compte de la grande marge d'appréciation laissée en cette matière aux États et de la nécessité de protéger les intérêts supérieurs de l'enfant pour atteindre l'équilibre voulu, le refus d'agrément qui a été opposé à M. Fretté n'a pas transgressé le principe de proportionnalité.

En bref, la justification avancée par la France pour refuser à M. Fretté l'adoption paraît objective et raisonnable et la différence de traitement litigieuse n'est pas discriminatoire au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Notre Cour de cassation, dans un arrêt du 10 avril 2003, a précisé également qu'« en tant qu'il reconnaît à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme n'oblige pas les États à accorder à une personne le statut d'adoptant ou d'adopté ». En d'autres termes, « l'article 8 de la CEDH ne garantit pas le droit d'adopter ». L'adoption n'est donc pas un « droit de l'homme » au sens de la Convention, ni dans le chef de l'adoptant, ni dans le chef de l'adopté.

3. La question de l'adoption internationale par des couples de même sexe a été discutée lors des travaux ayant abouti à l'élaboration de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, faite à La Haye le 29 mai 1993 (transposée dans notre loi belge du 24 avril 2003 (non encore en vigueur)): il a été souligné lors des travaux que dans la procédure d'adoption internationale, l'État d'origine et l'État d'accueil doivent collaborer dès le début. Ils pourront donc mettre un terme à la procédure à tout moment, par exemple en raison de la situation personnelle (par exemple, l'homosexualité) des futurs parents adoptifs. De plus, au cas où ils donneraient leur consentement à ce type particulier d'adoption, les autres États contractants auraient le droit de refuser de la reconnaître pour des raisons d'ordre public et au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, ainsi que le prévoit l'article 24 de la Convention. Nous serions donc face à ce qui est qualifié en droit international privé, d'adoption « boiteuse ».

Par ailleurs, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale du 29 mai 1993 précise bien que l'adoption doit être faite et organisée « dans l'intérêt supérieur de l'enfant » et non pas dans l'intérêt des adultes. Les enfants légalement adoptables, dont le nombre est largement inférieur au nombre de candidats adoptants, doivent continuer à bénéficier du droit à avoir et un père et une mère parce qu'ils ont besoin de cette différence humaine irremplaçable pour se construire pleinement.

Autant nous pouvons comprendre le désir d'enfants de couples homosexuels, autant nous ne pouvons que constater le besoin objectif d'un couple parental hétérosexuel pour l'éducation complète d'un enfant, besoin largement constaté par la majorité des pédopsychiatres. Étant donné qu'il y a pléthore de candidatures de couples hétérosexuels, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions en priver les enfants au nom d'une idéologie qui voudrait en arriver à nier les différences.

L'institution de l'adoption n'a pas été conçue pour résoudre la question sensible du lien entre parents homosexuels et leurs enfants, d'autant qu'il y a d'autres solutions juridiques.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'adoption internationale, les auditions ont clairement montré que si l'on se réfère aux seuls pays avec lesquels les organismes d'adoption agréés par la Communauté française sont autorisés à collaborer, on constate que 46 % des enfants adoptés entre 1991 et 2004 sont originaires de pays où l'homosexualité est illégale ou au minimum réprimée, 52 % de pays où l'homosexualité n'est pas reconnue et 2 % de pays où l'homosexualité bénéficie d'une reconnaissance légale. Pour la seule année 2004, on constate que 66 %, soit les 2/3, des enfants adoptés sont originaires de pays où l'homosexualité est illégale ou au moins réprimée.

Les débats qui traversent plusieurs pays européens à propos de l'adoption par les couples de même sexe interpellent et inquiètent les autorités compétentes des pays d'origine. Ainsi, un pays comme la Chine (principal pays d'origine des enfants adoptés par des personnes résidant en Belgique, soit 43 % des enfants adoptés à l'étranger par l'intermédiaire d'un organisme agréé par la Communauté française), exclut de manière très nette toute possibilité d'adoption pour un couple de même sexe. De sorte que l'on peut en conclure que l'ouverture des possibilités d'adoption aux couples de même sexe en matière d'adoption internationale est et restera sans doute encore pour longtemps un leurre.

Outre qu'il importe de respecter ces différences de culture et de sensibilité, il convient également d'être prudents et de ne pas sous-estimer l'impact qu'une législation ouvrant l'adoption aux couples de même sexe pourrait avoir sur les procédures en cours ou à venir introduites par des couples hétérosexuels.

4. Par ailleurs, les situations où l'enfant est élevé de facto quotidiennement par un couple affectif constitué du parent biologique et d'une personne qui n'a pas de lien biologique avec cet enfant sont nombreuses. Ces situations ne doivent pas être abordées sous l'angle restreint du « couple homosexuel ». Elles concernent encore bien plus la situation vécue par des couples hétérosexuels.

La parentalité sociale est une figure juridique nouvelle qui permettrait, sans toucher à la filiation proprement dite de l'enfant, et dès lors à son identité, d'attribuer à une personne qui s'implique ou s'investit dans une fonction de parentalité à l'égard d'un enfant, tout ou partie des effets secondaires d'un rapport juridique de filiation.

C'est une figure intéressante parce qu'elle est souple et peut s'appliquer à différents types de situations familiales où un enfant, sans être biologiquement et juridiquement l'enfant d'une personne, est élevé par cette personne qui a contracté à son égard un engagement éducatif, comme par exemple, dans les familles recomposées, hétérosexuelles ou homosexuelles.

La figure de la « parentalité sociale » semble, par ailleurs, aller dans le sens préconisé par la Cour d'arbitrage dans son arrêt du 8 octobre 2003, lequel a conclu, concernant un enfant élevé par un couple de lesbiennes dont l'une était la mère de l'enfant né suite à une procréation médicalement assistée avec donneur anonyme, « qu'il appartenait au législateur de préciser sous quelle forme, à quelles conditions et selon quelle procédure l'autorité parentale pourrait, dans l'intérêt de l'enfant, être étendue à d'autres personnes qui n'ont pas un lien de filiation avec lui (...) ».

Lorsque l'autorité parentale n'est exercée que par un seul parent, on peut envisager l'attribution de la parentalité sociale comme une véritable attribution des droits et obligations inhérents à l'autorité parentale sans que cela ne pose de problèmes particuliers puisqu'il n'y a pas d'autre parent biologique.

On ne pourra, par ailleurs, pas préconiser pour l'attribution de la parentalité sociale au partenaire des conditions plus strictes que celles exigées dans l'hypothèse d'une adoption, puisque par définition la parentalité sociale est une figure juridique génératrice d'effets juridiques moins conséquents que l'adoption.

On prévoit ainsi que l'attribution de la parentalité sociale peut être sollicitée par le parent de l'enfant et son partenaire, lorsque ceux-ci sont mariés, ou ont fait une déclaration de cohabitation légale ou vivent ensemble de façon permanente et affective depuis au moins trois ans au moment de l'introduction de la demande. La demande peut donc être introduite dès la naissance de l'enfant, comme dans le cas d'une adoption.

Dans tous les cas, le tribunal devra constater qu'il existe un lien d'affection particulier entre le partenaire du parent et l'enfant et que l'attribution de la parentalité sociale correspond au meilleur intérêt de l'enfant.

Cela signifie concrètement que le régime actuel de l'autorité parentale visé aux articles 371 à 387bis du Code civil est pleinement d'application.

Lorsque le parent biologique et le parent social vivent ensemble, ils exercent conjointement leur autorité sur la personne de l'enfant.

À l'égard des tiers de bonne foi, le parent et le parent social sont réputés agir avec l'accord de l'autre quand l'un accomplit seul un acte de cette autorité sous réserve des exceptions prévues par la loi.

À défaut d'accord, le parent ou le parent social peut saisir le tribunal de la jeunesse. Le tribunal peut autoriser le parent ou le parent social à agir seul pour un ou plusieurs actes déterminés.

Lorsque le parent biologique et le parent social ne vivent pas ensemble, l'exercice de l'autorité reste conjoint et la présomption d'accord s'applique. À défaut d'accord sur l'hébergement de l'enfant, sur les décisions importantes concernant sa santé, son éducation, sa formation, ses loisirs et sur l'orientation religieuse ou philosophique ou si cet accord lui paraît contraire à l'intérêt de l'enfant, le juge compétent peut confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'un des deux.

Il peut aussi fixer les décisions d'éducation qui ne pourront être prises que moyennant le consentement des deux.

Il fixe les modalités selon lesquelles celui qui n'exerce pas l'autorité parentale maintient des relations personnelles avec l'enfant. Celui qui n'exerce pas l'autorité conserve le droit de surveiller l'éducation de l'enfant et peut obtenir toute information utile et s'adresser au tribunal dans l'intérêt de l'enfant.

Dans tous les cas, le juge détermine les modalités d'hébergement de l'enfant et le lieu où il est inscrit à titre principal dans les registres de la population.

Le parent et le parent social exercent conjointement l'autorité sur la personne de l'enfant, ils administrent ensemble ses biens et le représentent ensemble. À l'égard des tiers de bonne foi, chacun est réputé agir avec l'accord de l'autre quand il accomplit seul un acte de l'administration des biens de l'enfant, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

Lorsqu'ils n'exercent pas conjointement l'autorité sur la personne de l'enfant, celui qui exerce cette autorité a seul le droit d'administrer les biens de l'enfant et de le représenter, sous réserve des exceptions prévues par la loi. L'autre parent conserve le droit de surveiller l'administration. Il pourra ainsi obtenir toute information utile et s'adresser au tribunal de la jeunesse dans l'intérêt de l'enfant.

Il peut saisir le juge de paix pour les actes sur les biens du mineur subordonnés à l'autorisation de celui-ci. Si le juge de paix est saisi par le parent biologique, le parent social est entendu ou convoqué. Les dispositions relatives à l'administration et à la jouissance des biens des mineurs sont également applicables au parent social.

En cas de décès du parent biologique, l'autorité parentale sera automatiquement exercée par le parent social, sans que cela donne lieu à l'ouverture de la tutelle.

Nous n'avons pas souhaité régler, par le biais du présent amendement, la situation où les deux parents biologiques sont toujours en vie et investis de l'autorité parentale à l'égard de leur enfant, que celle-ci soit conjointe (ce qui est le principe) ou exclusive. La seule possibilité qui pourrait être aménagée, dans ce cas, serait celle d'une délégation de droits. En effet, tant au niveau psychologique que juridique (art. 9 de la Convention de New York sur les droits de l'enfant), l'autorité parentale proprement dite ne peut reposer que sur deux personnes, même si on peut envisager que certaines responsabilités soient déléguées à un tiers.

Nº 7 DE MME NYSSENS

Art. 6

Supprimer cet article.

Nº 8 DE MME NYSSENS

Art. 7

Supprimer cet article.

Nº 9 DE MME NYSSENS

Art. 8

Supprimer cet article.

Clotilde NYSSENS.