3-1417/2

3-1417/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

22 FÉVRIER 2006


Proposition de loi modifiant diverses dispositions en vue de lutter contre la violence entre partenaires

Proposition de loi modifiant les articles 223, 1447 et 1479 du Code civil et les articles 587, 594 et 1280 du Code judiciaire en matière d'éloignement préventif du domicile familial et portant d'autres mesures de suivi et de répression de la violence entre partenaires

Proposition de loi visant à réprimer la violence familiale et à compléter l'article 458 du Code pénal


RAPPORT

FAIT AU NOM DU COMITÉ D'AVIS POUR L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES PAR

MME VAN de CASTEELE


I. INTRODUCTION

Conformément à l'article 86, § 4, du règlement du Sénat, le comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes a décidé de rendre, de sa propre initiative, un avis à la commission de la Justice sur les trois propositions de loi visant à lutter contre la violence intrafamiliale.

Le comité d'avis a invité M. Ch. Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des Grandes villes et de l'Égalité des chances à venir présenter le plan d'action national relatif à la lutte contre la violence au cours d'une réunion qui s'est tenue le 30 novembre 2005.

Les réunions du 9 novembre et 20 décembre 2005 et du 10 janvier 2006 ont été consacrées à l'audition de divers acteurs de terrain concernés par la problématique, à savoir:

— le 9 novembre, Mmes F. Guilitte et A. Williams, responsables d'Amnesty International Belgique francophone, secteur Femmes; Mme P. Franck, coordinatrice d'un projet relatif à la violence intrafamiliale, Stichting Welzijnszorg, dans la province d'Anvers; Mme L. Van Parijs, représentante de l'ASBL Zijn et du projet Beweging tegen geweld;

— le 20 décembre, M. J. D'Hauwe, médecin généraliste;

— le 10 janvier, Mme I. Stals, coordinatrice du projet relatif à la violence intrafamiliale à la police d'Anvers et Mme Th. Delattre, pédiatre, travaillant pour le service d'Aide et Prévention Enfants-Parents de Charleroi.

Sur la base des éléments recueillis lors de ces auditions, le comité d'avis a élaboré un projet d'avis qu'il a discuté et adopté lors des réunions des 14, 21 et 22 février 2006.

II. AUDITIONS

II.1. Réunion du 9 novembre 2005

1. Exposé de Mmes F. Guilitte et A. Williams, responsables de Amnesty International Belgique francophone, secteur Femmes

Début 2004, Amnesty International a donné le coup d'envoi de la campagne « Halte aux violences contre les femmes ! ».

Les chiffres varient suivant le type de violence dont on parle, mais qu'il s'agisse des mutilations génitales féminines, des infanticides, des crimes d'honneur, des mariages forcés, des violences conjugales, de l'esclavage domestique, des viols conjugaux, en détention ou lors des conflits armés ... ce sont toujours les femmes et les fillettes qui paient le prix fort.

Amnesty International a tenté d'attirer l'attention de l'opinion publique et des gouvernements sur les violences abominables dont sont victimes les femmes et les fillettes dans les conflits armés; il s'est fait le porte-parole des milliers de femmes qui ont été victimes ces dernières années d'une terrible arme de guerre: le viol, souvent pratiqué dans des régions comme le Kivu par des enfants-soldats. Des défenseurs des droits des femmes ont été invités à venir témoigner ici de cette terrible réalité qui tue des milliers de leurs concitoyennes.

Le 25 novembre 2004, Amnesty a abordé les violences commises dans la sphère privée, ce qui a permis d'ouvrir un volet belge et plus particulièrement la problématique des violences entre partenaires en Belgique.

Les violences conjugales touchent toutes les femmes, elles dépassent les barrières idéologiques, politiques, sociales, les cultures et religions, l'âge et l'origine ethnique. Il n'y a pas un profil type de femme battue.

Au moins une femme sur trois dans le monde a été battue, ou forcée à des rapports sexuels à un moment de sa vie. Le coupable est en général un membre de la famille ou quelqu'un qu'elle connaît.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, près de 70 % des femmes victimes d'un homicide sont tuées par leur partenaire masculin. En Belgique, plus de 2 000 femmes en moyenne se plaignent chaque année d'avoir été violées ...

Ces statistiques sont la partie visible de l'iceberg. Les actes de violence perpétrés contre les femmes font l'objet de peu de signalements, car les femmes ont peur et parce que peu de moyens sont mis en place pour évaluer réellement l'ampleur du phénomène, pour enregistrer les plaintes ou les soins de santé dispensés à la suite de ce type de violence.

La situation en Belgique n'est pas pire ou meilleure que dans la majorité des pays européens. Il y a une prise de conscience du problème, qui est certainement liée à l'obligation qu'ont les gouvernements de respecter les engagements pris au niveau international lors des conférences des Nations unies à Beijing ou à New York mais la concrétisation de ces engagements tarde à venir.

Un sondage commandé par Amnesty International et réalisé avec Le Soir Magazine par Dedicated Research dans la partie francophone du pays, montre que 30 % des personnes sondées connaissent dans leur entourage proche un couple vivant des violences inacceptables.

Le message d'Amnesty est clair: « Les violences à l'encontre des femmes ne sont jamais acceptables, elles ne peuvent jamais être tolérées, elles ne sont jamais justifiées. Les femmes qui en sont victimes ont des droits. »

En Belgique francophone, les vecteurs de sensibilisation sont les campagnes publicitaires dans les médias — malheureusement pas sur la RTBF qui a refusé de diffuser la campagne gratuitement—, des affiches et des dépliants en très grand nombre, distribués par l'intermédiaire des groupes et membres dans tous les recoins de la Belgique francophone.

Si une femme sur cinq est victime de violences conjugales dans notre pays, il faut que cette femme trouve facilement et en permanence près de chez elle l'information utile pour s'en sortir, et qu'elle ait accès à des services qui puissent lui apporter de l'aide. Or, ceci n'est pas une priorité pour les autorités.

Des dizaines d'organisations, les syndicats, la Fédération des entreprises de Belgique, les mutuelles, la Ligue des Familles, entre autres ont appelé nos autorités, en juin dernier, à respecter leurs obligations en la matière.

Même si ces violences sont commises par des personnes privées, en vertu du principe de « diligence due », les États ont une responsabilité. En effet, selon le droit international relatif aux droits humains, il appartient en premier lieu aux États — c'est-à-dire aux gouvernements — de faire en sorte que le respect des droits des femmes devienne réalité.

Le point de départ de l'action en Belgique est le Plan d'action national contre les violences conjugales 2004-2007 (PAN) succédant au Plan d'action national contre les violences.

Beaucoup d'associations spécialisées sont déçues par rapport à la mise en œuvre du PAN, qui devrait être la pièce maîtresse de la protection des femmes contre la violence conjugale.

Alors qu'il est à la moitié de sa durée, les mises en œuvre du PAN au niveau fédéral sont timides et pratiquement inexistantes au niveau fédéré. Certaines personnes (policiers, magistrats, médecins, assistants sociaux, ...) font un très bon travail mais cela résulte de leur initiative personnelle et non pas d'une volonté politique. En effet, aucun message politique clair n'est sorti des rencontres interministérielles. La complexité des différentes compétences et des différents niveaux de pouvoir reflète le paysage politique belge.

Le ministre de l'Égalité des chances, dans un article du Fil d'Ariane, revue de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, parle de concertation avec les régions et communautés. Or, la Région wallonne, par sa ministre de la Santé, de l'Action sociale et de l'Égalité des chances, vient de publier un plan de cohésion sociale pour 2006-2009 ne comportant pas une ligne sur les centres d'accueil spécialisés, sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Le PAN a été généralement bien accueilli par tout le monde mais les ONG spécialisées en la matière font remarquer qu'on ne pourra jamais faire tout ce qui est prévu.

Les régions et communautés n'ayant pas été associées à l'élaboration du PAN, elles n'ont pas alloué les moyens humains et financiers nécessaires. Tout le travail d'élaboration du PAN doit être refait à leur niveau et cela ne semble vraiment pas être une priorité pour elles.

Au niveau du ministère de la Justice, il semble qu'il y ait une volonté d'avancer. La circulaire en préparation, en coordination avec le collège des procureurs, est annoncée pour le début de l'année 2006. Elle instaurera un outil spécifique d'enregistrement de la plainte. N'importe quel procureur peut donner instantanément les statistiques détaillées de car-jacking dans l'arrondissement. Peu seraient capables de donner des statistiques détaillées sur les violences conjugales.

Au service public fédéral de la Santé, les choses bougent — lentement — aussi. L'évaluation qui aurait dû être réalisée voici plusieurs années est en cours. Il convient d'insister sur l'importance du certificat médical qui est en fait la propriété du patient et qui devrait être plus développé pour être utilisable en cas de recours en justice.

L'arrêté royal attendu depuis neuf mois, qui inclurait les violences conjugales dans le cursus de base des policiers, n'a pas encore été publié. Si certaines formations ont lieu grâce au travail des coordinateurs provinciaux, on ne répond toutefois pas à une demande qui revient très régulièrement.

Pour conclure, Mme Guilitte souligne que le ministre de l'Égalité des chances doit être le moteur de la mise en œuvre du PAN.

Il est vraiment inquiétant qu'il n'ait pas encore été possible de se mettre d'accord sur la définition du concept de violence conjugale. Si une définition est enfin trouvée, et si elle est accompagnée de quelques propositions frappantes comme la ligne d'appel d'urgence, cela ne remplacera pas une approche systématique du problème.

Cette volonté peut être exprimée en faisant par exemple un parallèle avec ce qui existe pour la sécurité routière. L'établissement d'une fonction comparable à celle de l'Institut belge de la sécurité routière permettrait de prendre en compte la gravité et l'ampleur du problème et de mener des campagnes permanentes, nationales et régulières avec des acteurs sur le terrain, et en coordination avec la police.

Ce qui pourrait rendre davantage de cohésion à l'ensemble de la législation existant en la matière, serait d'envisager un réexamen de la loi afin d'obtenir une « loi cadre », texte global qui reprendrait toutes les dispositions en matière de violence entre partenaires et qui rendrait une application plus évidente.

Le Parlement pourrait s'inspirer des initiatives engagées dans d'autres pays européens et plus particulièrement en Espagne.

Il convient d'envisager tant la protection des femmes et la prise en charge des deux partenaires que l'éducation à un comportement égalitaire, l'indemnisation des victimes et leur reconnaissance socioéconomique, et la répression des auteurs.

2. Exposé de Mme Lutgard Van Parijs, Beweging tegen geweld — ASBL Zijn

En tant que mouvement, « Zijn » a reçu pour mission des autorités flamandes d'agir de manière préventive contre la violence dans les relations de confiance. Il entend y parvenir par la constitution de réseaux — des actions et des campagnes — l'éducation et la formation — une influence sur la politique; il s'agit de donner une formation, un soutien et une aide aux individus, aux groupes, aux organisations.

« Zijn » s'efforce de transformer les gens en alliés en leur fournissant des informations adéquates et exactes. Une attitude adéquate vis-à-vis des victimes commence par la perception de la complexité de la violence et de l'image qu'on en a.

« Zijn » agit en fonction d'une idéologie qui lui est propre: le respect fondamental de « l'humanité » d'autrui. Elle se traduit par un respect de la différence, des facultés dont dispose chaque homme et chaque femme d'agir à sa guise en prenant le temps nécessaire. Cela suppose aussi le respect de la manière dont ils veulent ou ne veulent pas agir. Rester aux côtés d'un partenaire violent ou le quitter effectivement — revenir auprès de lui — être dépendant de lui.

Principaux facteurs de risque:

La violence dans le contexte familial est une matière complexe. Il ressort des longues années d'expérience et de multiples entretiens avec des victimes que le problème nécessite une approche multidisciplinaire du fait que les diverses formes de violence ont un lien commun.

Lorsque l'on parle de violence entre conjoints, on pense surtout à la violence des hommes envers les femmes. Il s'agit d'une vision des choses qui est très réductrice. Il y a aussi des femmes qui maltraitent leur conjoint et au sein des relations entre homosexuels et lesbiennes, les choses ne diffèrent guère de ce que l'on constate dans les relations hétérosexuelles.

La violence est une spirale sans fin. Quand on tente d'analyser cette spirale, on est systématiquement confronté à plusieurs facteurs de risque. Cumulés et combinés, ces facteurs mènent à diverses formes de violence.

— Relations et amour

On est amoureux, la personne aimée représente tout, il/elle est parfait(e), même si l'on remarque l'une ou l'autre réaction à l'égard de tiers, de la rudesse envers des amis, des paroles dont on ne mesure pas encore la portée.

Les hommes et les femmes qui ont été confrontés à la violence dès leur plus tendre enfance éprouvent davantage de difficultés que les autres, parce que, pour eux, la violence est normale et inhérente à une relation.

— Modèles éducatifs, conceptions sociales et religieuses et statut social des femmes

En regardant autour de soi, on peut se demander quelles sont les images dont on hérite, quels sont les messages qui conditionnent une vie de femme, d'homme ou d'enfant. Quels sont les messages que véhiculent les médias et le matériel éducatif ?

Qu'en est-il de nos propres modèles éducatifs ? Quelle est notre attitude à l'égard des femmes, des hommes et de la sexualité, et ce, non seulement d'un point de vue d'inspiration chrétienne, mais aussi à la lumière de toutes les religions et de toutes les idéologies ?

La position de la femme et de l'homme dans notre société moderne, ainsi que l'idée que nous nous en faisons, ont également un rôle à jouer. Il est préoccupant de constater que certains jeunes s'approprient d'anciens modèles de comportement et y conforment leur manière d'agir.

L'idéologie de la société influence notre propre façon de penser et nos actes, nous donnant même parfois tout le loisir d'être violents. On ne « saucissonne » pas la violence; toutes ses formes sont étroitement liées, elles sont présentes dans toutes les couches de la population et ne sont pas spécialement liées à la pauvreté.

— Dépendance et manipulation

La violence entre partenaires commence de manière très subtile et la dépendance joue ici un rôle important.

Dans sa thèse de doctorat « Afhankelijkheid en terugkeergedrag bij vrouwen uit een vluchthuis », Sybille Opdebeeck distingue quatre types de dépendance: matérielle, affective, symbolique et sociale. Elle établit également une distinction entre la dépendance de fait et la dépendance perçue (ou intuitive), et ce, en termes absolus et en termes relatifs.

On parle de dépendance matérielle lorsqu'une personne est tributaire de son partenaire pour des raisons d'ordre financier. L'exercice d'un emploi rémunéré est étroitement lié au revenu propre qu'il permet de se procurer. Mais le fait de percevoir un revenu propre ne garantit pas toujours l'indépendance matérielle. La dépendance socio-économique joue un rôle crucial à cet égard: à travail égal, salaire inégal, emplois et statuts moins valorisants, etc.

La dépendance symbolique. Une personne se base sur certaines valeurs et sur certaines normes pour donner une signification et un sens à sa vie et se construire une identité, qui couvre notamment les fonctions qu'elle remplit. Si elle tire cette identité du fait « d'être partenaire », des problèmes surgissent lorsque la relation prend fin, entraînant avec elle la perte de l'identité ainsi « construite ».

La dépendance sociale, qui est liée à l'existence d'un réseau social auquel on peut faire appel, consiste à avoir des connaissances et des amis communs. Si ces amis et connaissances ne sont liés qu'au conjoint, l'absence de celui-ci entraîne une dégradation de ce réseau social et il n'est plus vraiment possible de compter sur son appui.

La dépendance affective, également appelée dépendance émotionnelle, est liée à l'amour et à l'affection que l'on ressent. Lorsque cet amour et cette affection ne sont pas réciproques ou qu'ils sont disproportionnés, on court le risque de s'oublier soi-même. Cette forme de dépendance est à mettre en relation avec l'image de soi et l'amour de soi.

Parallèlement à ces diverses formes de dépendance, on distingue deux niveaux différents, à savoir le niveau objectif et le niveau intuitif.

Le niveau objectif signifie qu'une personne est dépendante sur la base de caractéristiques objectives, c'est-à-dire de caractéristiques que tout le monde peut constater. Ainsi, le fait qu'une personne n'ait aucun revenu est une réalité incontestable.

Le niveau intuitif ou la dépendance subjective désigne le degré de dépendance éprouvé par une personne qui ne dispose pas, par exemple, d'un revenu propre. Il peut arriver qu'une personne sans revenu propre ne se sente pas dépendante parce qu'elle a choisi délibérément cette situation.

— Manipulation

La manipulation est le meilleur moyen d'entretenir la dépendance. Comme pour la dépendance, on distingue diverses formes de manipulation. Les manipulations auxquelles on a recours influencent les stratégies de survie qui seront mises en place.

En même temps, il y a la crainte que le partenaire remarque quelque chose. Cette crainte peut être manipulée.

Tout le monde est un peu manipulateur et plus ou moins dépendant d'autrui, y compris de son partenaire. Mais cette dépendance est liée à la confiance et est enrichissante lorsqu'elle repose sur un équilibre. Elle ne devient problématique qu'à partir du moment où un déséquilibre s'installe qui est entretenu par la peur et la manipulation. Il s'agit d'un mécanisme important dans le cadre de violence entre partenaires.

— Sentiments de peur et de honte

Il est difficile d'imaginer ce que peut être la peur dans le cadre de relations violentes. C'est une angoisse qui croît petit à petit et qui finit par régenter toute l'existence et tous les faits et gestes.

Lorsqu'on envisage de partir, on est envahi par d'autres peurs: on se demande si on pourra s'en sortir seul, on se dit que les enfants ont quand même droit à leur père/mère, on s'inquiète de la réaction de la famille, des voisins, des amis et des connaissances.

Mais, outre le sentiment d'angoisse, il y a aussi le sentiment de honte qui est nourri par la conviction que l'on a échoué, que l'on n'en a pas fait assez ou que l'on est seul dans le cas.

— Histoire personnelle

Chacun est dépositaire d'une histoire personnelle qui est enracinée dans celle des parents, des grands-parents, etc. Cette histoire personnelle peut jouer un rôle important lorsqu'il y a violence dans une relation. Il importe de savoir si la relation entre les parents ou entre les grands-parents était ou non empreinte de violence, si l'enfant était désiré ou pas. Il serait faux de prétendre que les comportements violents se reproduisent inexorablement, mais le risque de violence est quand même plus grand quand il y en a déjà eu.

Il est presque impossible d'identifier tous les facteurs de risque, car ils varient en intensité et se combinent de diverses manières.

Et puis, il y a encore d'autres éléments qui peuvent entrer en jeu.

La solitude est un de ceux-là: elle peut être due à l'absence de bons contacts avec la famille, avec les amis et avec les connaissances ou à l'absence d'une vraie personne de confiance. Le regard culpabilisant de la société et de l'entourage envers la victime est un autre élément qui peut jouer. Dans ce cas, la victime est rendue responsable de la situation par son partenaire et par son entourage.

Dans les situations de violence, les sentiments négatifs envers soi et envers autrui constituent un élément-clé.

La violence est aussi une source de stress supplémentaire du fait qu'elle entretient des tensions et une nervosité sous-jacentes dans les relations et la communication entre les partenaires.

En revanche, ce que l'on constate, c'est que, dans les situations de violence, les divers facteurs de risque sont presque tous présents et se renforcent mutuellement au point d'engendrer une spirale qui touchera même la génération suivante. Le nombre de facteurs de risque présents est un facteur important.

Pour pouvoir briser la spirale de la violence, il faut agir progressivement. On ne peut pas l'arrêter au moyen d'une mesure radicale. Il faut y aller pas à pas.

De quelle manière les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer à la lutte contre la violence entre partenaires ?

1) En faisant une priorité politique de cette lutte

La politique des pouvoirs publics table encore beaucoup trop sur l'intérêt des individus, tant sur le plan privé que sur le plan public, et elle ne tient pas suffisamment compte du lien entre la violence et les attitudes de la société. La collaboration entre les divers ministères qui s'occupent de la problématique dans sa globalité est insuffisante. On ne pourra pas obtenir de bons résultats tant qu'on ne mènera pas une politique coordonnée.

Pour relever le défi d'éradiquer toute violence, il faudra élaborer une méthode multidisciplinaire globale soutenue par les pouvoirs publics.

Cette méthode implique:

— la reconnaissance durable de la problématique par les autorités et une politique structurelle continue;

— une collaboration permanente avec tous les mouvements, tous les acteurs concernés du secteur d'activité et de la société civile, réunis au sein d'une plate-forme de concertation commune permanente, dotée d'une structure adéquate et des moyens nécessaires;

— une politique d'égalité des chances bénéficiant d'un appui structurel permanent et faisant l'objet d'une évaluation dans des rapports d'impact sur l'émancipation.

2) Garantie et soutien de la prévention et de l'assistance

Un changement de mentalité est nécessaire pour pouvoir faire de la prévention. Par manque de moyens financiers, il n'y a pas suffisamment de services d'aide urgente spécifiques, si bien que les centres d'accueil sont submergés. Et les centres d'aide aux auteurs de violence sont pratiquement inexistants. Les personnes qui, au cours de leur carrière professionnelle, sont confrontées à des victimes et à des auteurs, n'ont généralement pas reçu une formation suffisante à ce sujet et les moyens pour pallier cette carence sont pour ainsi dire inexistants. Les victimes ne sont pas toujours suffisamment informées de leurs droits et des possibilités d'assistance qui existent.

Un changement de mentalité ne s'opérera que si cette question bénéficie d'une attention soutenue dans l'éducation. Il faut pour cela lancer des campagnes publiques communes d'information et de sensibilisation.

En concertation avec le domaine d'activité concerné et la société civile, les différents niveaux de pouvoir doivent ensemble:

— organiser des campagnes d'information et soutenir celles de la société civile;

— prévoir une formation de base et des cours de recyclage pour celles et ceux qui doivent venir en aide aux victimes;

— dans le cadre de la formation des enseignants, prévoir une place pour la problématique de l'égalité entre les femmes et les hommes;

— garantir en permanence un financement suffisant des services et des centres d'accueil;

— être attentifs aux nouvelles formes d'accueil;

— reconnaître les conséquences de la violence sur la santé des victimes et créer des possibilités pour y porter remède;

— prévoir une offre structurelle de mesures spécifiques d'encadrement des auteurs;

— établir une directive spécifique à l'attention des parquets en ce qui concerne l'intervention de crise en cas de violence intrafamiliale.

3) Une politique de justice commune incluant l'application effective des droits de l'homme et du respect de la femme

En pratique, on ne fait pas suffisamment usage des lois existantes. La victime qui veut faire valoir ses droits est souvent freinée dans son projet par un manque de protection ainsi que par la longueur et le coût des procédures.

Les diverses législations ne sont pas toujours appliquées de manière cohérente. Il en résulte chez les victimes une sorte de méfiance envers ces lois ainsi que la crainte d'une vengeance éventuelle de l'auteur. Le fait que des affaires soient régulièrement classées sans suite, joue un rôle important à cet égard. À cela s'ajoute un manque criant d'informations sur cette législation, qui soient rédigées dans un langage compréhensible.

Les pouvoirs publics doivent contribuer:

— à l'élaboration d'une politique pénale qui punit les coupables et réduit le nombre des classements sans suite par les parquets;

— à l'évaluation périodique des lois et la protection effective et durable des victimes de la violence;

— au développement d'une réglementation juridique nouvelle prévoyant des procédures pénales et civiles plus rapides, plus simples et moins onéreuses;

— à l'extension du droit pénal à des formes de violence autres que la violence physique et sexuelle;

— à l'élaboration d'un droit d'ester en justice pour les associations de lutte contre la violence, pour leur permettre de se constituer partie civile, et ce, quelle que soit la victime, et la garantie de ce droit par un fonds de solidarité destiné au financement des procédures.

4) Étude scientifique de la problématique

Pour pouvoir mener une politique adéquate, il faut disposer d'études scientifiques. Les études scientifiques qui ont déjà été réalisées mettent surtout l'accent sur la violence physique et sexuelle. La violence psychique et la violence sociale sont souvent oubliées. On a également un besoin pressant d'évaluations et d'études comparatives pour pouvoir mener une politique adéquate. Comme des éléments nouveaux apparaissent constamment, il y a lieu de réaliser de nouvelles études pour que l'on puisse élaborer une politique moderne et agir préventivement.

Voilà pourquoi il appartient aux pouvoirs publics:

— de décrire plus avant la problématique de la violence au moyen d'études scientifiques;

— de faire dresser des statistiques précises et actualisées sur cette problématique, de les mettre régulièrement à jour et de tenir compte dans celles-ci des classements sans suite;

— d'actualiser régulièrement les études existantes;

— de commander de nouvelles études sur la violence et sur ses conséquences pour la santé et pour l'économie;

— d'étudier les moyens de prévention et les nouvelles facilités d'accueil;

— de créer un centre national d'étude, à partir duquel pourraient être diffusés les résultats d'études nationales et internationales.

3. Exposé de Mme Pascale Franck, coordinatrice du projet relatif à la violence intrafamiliale — Stichting Welzijnszorg, Provincie Antwerpen

Dans l'arrondissement d'Anvers, un projet de coopération concernant la violence intrafamiliale a vu le jour. Les autorités régionales ont développé une politique de lutte contre la violence intrafamiliale.

L'approche est multidisciplinaire: tous les acteurs qui ont des contacts avec des victimes de la violence intrafamiliale dans le cadre de l'exercice de leur profession, sont assis autour de la table: la police, la justice, les assistants sociaux, les centres d'aide sociale générale, les services psychosociaux du milieu carcéral, les médecins généralistes, les services des urgences, etc.

Il a d'abord fallu s'accorder sur la définition de la violence intrafamiliale et sur la finalité de la coopération.

L'objectif est d'arriver à mieux appréhender la violence intrafamiliale dans une optique de prévention mais aussi d'intervention précoce afin de limiter les risques d'escalade.

En pratique, on intervient encore souvent de manière curative et la réponse ne vient qu'après beaucoup d'incidents. Des études montrent qu'il faut attendre entre 17 et 32 infractions pénales avant qu'un PV ne soit dressé. Avant l'intervention des services de police et de la justice, il y a déjà une longue histoire de violence.

On aimerait agir beaucoup plus tôt mais les provinces disposent de peu de moyens. Ainsi, par exemple, le plan national ne prévoit rien en matière d'enseignement alors que la transmission des modèles culturels joue un rôle important.

Lorsqu'une personne est confrontée avec un cas de violence dans le cadre de sa profession, elle s'investit beaucoup pour essayer de sauver la situation. Or, une seule personne ne peut résoudre le problème. De plus, la dynamique de la violence fait qu'après une crise, la famille se referme vite sur elle-même et la personne qui voulait venir en aide se retrouve frustrée et ne veut plus intervenir à l'avenir.

Dans le cadre du projet de coopération, chacun a un rôle précis à jouer. On n'attend pas de l'agent de police qu'il intervienne pour fournir des soins.

Pour commencer, il fallait un consensus sur la notion de violence intrafamiliale sur laquelle on voulait travailler. La violence doit être sortie de la sphère de la vie privée. Jusqu'au début des années 2000, dans la plupart des parquets, le fait que la violence avait lieu dans une sphère relationnelle était un motif de classement sans suite. Or, si l'appareil judiciaire refuse d'agir, les victimes se trouvent totalement impuissantes et les auteurs ont un sentiment d'impunité. De plus, le code pénal fait du contexte relationnel une circonstance aggravante pour les faits de violence.

Il faut un consensus sur le devoir d'apporter des réponses à une situation de violence au sein de la famille comme on le ferait pour des violences sur la voie publique. Les victimes ont le droit de réclamer qu'on constate les faits, qu'on mette fin à la violence ou à la menace et qu'on les aide. Les auteurs doivent recevoir un signal clair indiquant que tout comportement violent est inadmissible et entraînera une réaction de la société.

On s'attaque à des faits de violence qui se déroulent dans le cercle intime de la famille. À défaut d'intervention, on constate une escalade tant en gravité qu'en fréquence. 44 % des homicides en Belgique ont lieu dans un contexte familial et sont le plus souvent l'aboutissement d'une suite d'incidents.

Le concept de violence intrafamiliale est plus large que celui de violence entre partenaires. À Anvers, on a clairement opté pour une approche globale. En effet, dans 80 % des cas de violences entre partenaires, il y a aussi maltraitance des enfants, soit physique ou sexuelle, soit psychologique dans la mesure où ils vivent dans un climat de terreur. Le partenaire violent, même s'il est écarté, continue souvent à harceler la victime. Il y a parfois aussi violence envers des aînés. Enfin, il faut identifier toutes les violences, y compris celles des jeunes envers leurs parents ou celles des jeunes entre eux au sein de la famille.

L'objectif est d'appréhender la famille comme un système, car ses membres sont liés et choisissent de rester ensemble malgré la violence.

Le premier élément important de l'approche pratiquée est la constitution d'un dossier. Le membre du Parquet ne peut agir efficacement que s'il a une vision précise de ce qui s'est passé. Il en va de même pour l'assistant social. Cela signifie pour la police l'enregistrement des faits, la rédaction de procès-verbaux et leur mise en corrélation.

Il faut une détection précoce. Les professionnels qui ont reçu une formation reconnaissent rapidement les signaux d'alarme. Les médecins traitants, par exemple, doivent poser les questions adéquates pour détecter les appels à l'aide. Or, ils s'abstiennent parfois par ignorance de ce qu'il faut faire après. Il convient donc de les informer des possibilités d'assistance qui existent pour les inciter à jouer leur rôle.

Il faut assurer la sécurité des victimes. La police, les services sociaux, les médecins doivent pouvoir renseigner la victime sur toutes les actions qu'elle peut entreprendre. Il existe en effet un éventail de possibilités entre rester et subir, d'une part, et quitter le foyer, d'autre part.

Il faut fournir une assistance sociale. En principe, les assistants sociaux interviennent pour répondre à une demande. En matière de violence intrafamiliale, cette demande existe rarement. Les victimes se racontent, puis font marche arrière, quittent le foyer, ne viennent plus aux rendez-vous. Dans le cadre du projet, les assistants sociaux font la démarche d'aller vers les victimes, ils les rappellent et insistent. On leur demande en plus de travailler avec l'ensemble de la famille. Les auteurs de violences ont aussi besoin d'aide, il faut les aider à briser le cercle vicieux de la violence.

À Anvers, le projet est chapeauté par un groupe composé du premier substitut du parquet, du responsable de la zone de police et de membres des centres d'assistance sociale.

On a mis au point un guide à l'intention de la police expliquant le rôle du policier, la manière d'enregistrer la plainte, les mesures qu'il convient de prendre, etc.

Pour les services sociaux, il importe de limiter l'éparpillement de l'offre d'assistance. Il faut une collaboration entre ceux qui aident la victime et ceux qui s'adressent à l'auteur des faits, entre ceux qui aident des gens à se libérer de dépendances comme la drogue et ceux qui travaillent sur les relations au sein du couple. Souvent, le couple a aussi d'autres problèmes tels que l'assuétude à l'alcool ou à la drogue, des problèmes psychologiques ...

À l'exception de Praxis à Verviers, Anvers est la seule ville à avoir mis sur pied un projet s'adressant aux auteurs de violence intrafamiliale. C'est un élément crucial et qui fait pourtant défaut dans 90 % de la Région flamande. Le projet d'Anvers est un projet-pilote. Malheureusement, il ne fonctionne que grâce à des subventions limitées qui ne permettent que de financer des contrats de quelques mois.

Comme un pan de ce projet relève de l'aide sociale, le département de la Justice accepte d'en financer une partie, mais renvoie à la Communauté flamande pour le reste.

Pour conclure, voici quelques points sur lesquels il conviendrait de mettre l'accent.

— la scission des compétences et par conséquent des subventions entre le niveau fédéral et régional est préjudiciable pour l'approche de la violence intrafamiliale;

— l'offre de services sociaux est insuffisante, ceux-ci ne sont pas à même de suivre un dossier;

— le secret professionnel a pour conséquence que le médecin peut à peine apporter son concours aux services sociaux. L'instauration d'un secret professionnel partiel est indispensable pour travailler en collaboration avec tous les acteurs concernés;

— il n'existe pratiquement aucune assistance pour les enfants s'ils ne sont pas victimes de violence physique ou sexuelle.

4. Échange de vues

Mme Geerts demande de quel ministre dépend le financement du projet mené à Anvers.

Mme Franck répond que ce projet ne reçoit pratiquement pas de financement. Deux personnes sont employées à mi-temps, en plus d'elle-même. De temps en temps, des subventions sont accordées, par exemple pour dispenser une formation, mais il s'agit toujours de moyens très limités (une dizaine de milliers d'euros pour dispenser une formation à toute la police de la province). Pour le reste, le projet fonctionne grâce aux moyens dont dispose chaque service.

Sur la base d'un accord entre le ministre fédéral et le ministre régional de l'Égalité des chances et la députation permanente, chaque niveau de pouvoir apporte un financement correspondant à un équivalent temps plein par province. Mais la mise en œuvre du Plan national contre la violence fait également partie de leurs missions et pratiquement aucun moyen financier n'est alloué.

Mme Hermans souligne qu'il est important de détecter la violence le plus tôt possible. Mais où peut-on concrètement s'adresser si on a des soupçons, des indices de violences ? Ne pourrait-on créer une sorte d'« ombudsman » ?

Mme Van Parijs répond que le fait que les professionnels confrontés à des victimes ou des auteurs n'ont pas été formés à appréhender cette situation constitue un gros problème. Récemment, « Zijn » a dispensé une formation à des sages-femmes, et aussi à des médiateurs interculturels, mais à part deux subsides des autorités flamandes, l'ASBL n'a plus rien reçu.

Ce manque de formation constitue le nœud du problème: on demande aux professeurs de détecter la maltraitance chez les enfants, mais ils ne connaissent pas les facteurs de risques. Il faut appréhender la violence de manière logique.

Mme Franck ajoute qu'Anvers travaille avec les « centra algemeen welzijnswerk ». Actuellement, la police renvoie le plus souvent à des foyers d'accueil alors qu'il y a tout un éventail de possibilités. Dans un centre de ce type, la victime peut être réorientée ou examiner elle-même les options qui s'offrent à elle. Le renforcement des moyens de ces centres afin qu'ils puissent constituer un point d'accueil est une première piste.

Les professionnels demandent l'élargissement du système de centres de confiance. Un médecin, un policier, un infirmier ... qui constate un problème peut téléphoner à l'un de ces centres pour s'informer sur la marche à suivre en tant que professionnel.

Mme Van de Casteele demande dans quelle mesure le secret professionnel est ressenti comme un obstacle dans la pratique.

Mme Franck répond que le système des centres de confiance est une réponse au problème du secret professionnel, car le praticien peut s'adresser à ce centre sans qu'on lui reproche une rupture du secret professionnel.

II.2. Réunion du 30 novembre 2005

1. Exposé de M. Ch. Dupont, ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances

La violence conjugale est un phénomène touchant l'ensemble de la société mais qui reste encore trop souvent un sujet tabou.

Selon l'Organisation mondiale de la Santé, la moitié des décès violents de femmes dans le monde sont provoqués par la violence entre partenaires. Toujours selon l'OMS, ce type de violence constitue la première cause de mortalité chez les femmes de 16 à 44 ans, devançant même le cancer et les accidents de la route (1) .

L'étude française ENVEFF (2) a montré, de son côté, que 9 % des femmes, tous âges confondus, ont déjà été victimes de violences au cours de leur vie.

Selon Amnesty International et l'Organisation mondiale de la Santé, une femme sur cinq serait un jour victime d'actes de violence commis par son partenaire (3) .

Amnesty affirme par ailleurs qu'en ce qui concerne la Belgique, « la dernière enquête scientifique disponible date de 1998 (4) , et avait révélé des chiffres effrayants, puisque 68 % des femmes interrogées affirmaient avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles » (5) .

Enfin, selon l'enquête santé effectuée en 2001 par l'Institut scientifique de santé publique, 15 % des Belges ont affirmé avoir été victimes de violences. Dans cette enquête, les femmes ont été près de deux fois plus nombreuses que les hommes à faire état de violence à domicile (42 % contre 24 %) (6) .

Même si ces chiffres ne peuvent être systématiquement corrélés à la liste des cas de violence entre partenaires, ils donnent quand même une idée de l'ampleur du problème et de l'importance de celui-ci pour les autorités politiques.

Depuis 2001, la Belgique s'est attelée à lutter contre la violence conjugale de manière globale en coordonnant le travail des entités fédérées.

Le premier Plan est né en 2001 à la suite de la Conférence interministérielle sur l'Égalité des Chances de novembre 2000. Il souhaitait lutter contre la violence à l'égard des femmes et s'inscrivait en droite ligne dans la recommandation 1582 (2002) du Conseil de l'Europe sur la violence domestique à l'égard des femmes et dans la recommandation 1450 (2002) portant sur la violence envers les femmes en Europe.

Il faisait également suite à l'adoption par le Parlement de l'article 10 relatif à l'égalité des Belges, garantissant aux femmes et aux hommes l'égal exercice de leurs droits et libertés.

L'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, créé en décembre 2002, était mandaté pour suivre l'exécution du premier Plan d'action.

Après évaluation, il a été décidé qu'un second Plan verrait le jour, pour la période 2004-2007.

Le second Plan de lutte contre la violence conjugale (2004-2007) est divisé en six axes d'actions stratégiques.

a) Sensibilisation

Tant les professionnels, les politiques que les citoyens doivent être sensibilisés par de larges campagnes afin que la violence soit clairement définie comme inacceptable dans notre société.

À cet effet, une brochure destinée aux victimes et aux acteurs de terrain « Violence: Comment s'en sortir ? » a été diffusée à plus de 20 000 exemplaires.

Par ailleurs, un dépliant d'information destiné aux victimes est également largement diffusé: « Brisons le silence avant qu'il ne nous brise ».

Ce dépliant a été publié dans les trois langues nationales à 150 000 exemplaires et dans douze autres langues, à raison de 5000 exemplaires par langue.

Le grand public et des groupes cibles sont ainsi visés par les campagnes de sensibilisation.

b) Formation

La sensibilisation reste inefficace sans l'éducation et la formation. Le plan propose des formations d'experts au niveau local (via les coordinatrices provinciales), des formations pour les personnes chargées de l'assistance médicale ou sociale, pour les travailleurs du secteur de la Justice (magistrats, maisons de Justice) et de la police, ainsi que pour les médecins généralistes.

À cette fin, il est prévu d'intégrer de manière structurelle la problématique de la violence entre partenaires dans les formations habituelles des intervenants de première ligne. Ce travail de longue haleine est en cours depuis plus d'un an.

c) Prévention

La violence à l'égard des femmes prend racine dans un contexte sociétal plus large d'inégalité sexuelle. Le Plan vise donc à agir sur ce contexte, notamment par des actions de lutte contre les stéréotypes et les inégalités.

À cet effet, des actions spécifiques sont prévues pour associer étroitement les hommes dans la lutte contre les violences entre partenaires.

L'éducation et l'enseignement peuvent être des outils de base pour susciter un comportement fondé sur le dialogue, le respect, la tolérance et l'égalité. C'est très tôt dans la socialisation que les valeurs et les comportements en matière de violence doivent s'acquérir.

Le PAN attache également de l'importance à la prévention des récidives grâce au travail mené avec les auteurs de violence conjugale.

d) Prise en charge et protection des victimes

Le Plan met l'accent sur la nécessité d'assurer à la fois la prise en charge des victimes par des personnes compétentes dans de bonnes conditions et leur protection contre l'auteur des actes de violence. L'accompagnement des victimes doit être efficace et d'un haut niveau qualitatif.

Il est indispensable de prendre des mesures en ce sens, afin d'éviter que des personnes ne deviennent victimes de violences ou que d'autres, déjà victimes, ne soient forcées de constater que la violence continue.

Sur le plan juridique, on prévoit également des dispositions destinées à améliorer la situation des victimes.

Le Plan veille à ce que toutes les mesures susceptibles de contribuer à un meilleur suivi de la situation des victimes de violences puissent être adoptées et soient efficaces.

C'est ainsi que la loi visant à l'attribution du logement familial accorde la priorité à la victime de violences pour ce qui est de l'occupation du domicile avant, pendant ou après la séparation.

L'application de cette loi n'est pas encore satisfaisante; une évaluation est en cours afin de déceler les causes de dysfonctionnement et de proposer des solutions concrètes.

e) Sanctions

En montrant à la société que la violence conjugale est punie par la Justice, notre pays adressera un signal clair aux auteurs et aux victimes. Des mesures seront donc prises dans ce sens sur le plan policier et sur le plan juridique.

Le Plan met l'accent sur les mesures à prendre en matière de sensibilisation, de prévention et de traitement des auteurs.

Trois projets pilotes, destinés à l'accompagnement des auteurs de violences, sont subventionnés, respectivement à Bruxelles, en Flandre orientale et à Anvers. Ces projets seront évalués en 2006 et les résultats seront soumis à la Conférence interministérielle.

Par ailleurs, il est important également de traiter les auteurs des actes de violence pour prévenir toute récidive.

f) Évaluation des actions

L'évaluation quantitative et qualitative des actions doit être effectuée correctement. C'est à cette fin qu'ont été créés un groupe interdépartemental et un groupe d'experts.

Le ministre soutient, en partenariat avec les communautés et les régions, le réseau de coordinatrices provinciales, dont la mission est de mettre sur pied, au plan local, des initiatives de prévention des violences, de protection des victimes et de sensibilisation du public.

De son côté, la ministre de la Justice a créé une série d'outils qui contribuent à la mise en place d'une politique criminelle concertée pour lutter contre les violences conjugales:

— l'élaboration d'une circulaire ministérielle relative aux violences conjugales, soumise actuellement au Collège des procureurs généraux, qui prévoit notamment:

— l'établissement par les procureurs de plans d'actions avec les acteurs de terrain en ce qui concerne l'accueil des victimes, la prise en charge des auteurs ou encore l'action de la police et des services de médiation;

— une définition claire de la violence intrafamiliale permettant les encodages statistiques de manière similaire à tous les niveaux (magistrats, policiers, services administratifs);

— la désignation systématique d'un magistrat de référence dans chaque parquet ainsi que, dans la mesure du possible, le traitement des dossiers de violences conjugales par des magistrats spécialisés.

— une meilleure information des parquets, à travers l'exigence de procès-verbaux complets pour les violences conjugales et la transmission automatique du procès-verbal même si les faits ne sont pas constitutifs d'infraction.

À l'initiative du ministre de la Santé publique, une étude a été réalisée en vue de lutter contre la violence intrafamiliale et plus particulièrement la violence conjugale.

Un guide a ainsi pu être publié, dont l'objectif est de sensibiliser les intervenants de première ligne — les médecins généralistes et les médecins urgentistes — à la problématique de la violence intrafamiliale, par le biais de recommandations pour l'identification, la prise en charge de la maltraitance et des lignes de conduite tant déontologiques qu'éthiques.

Ce guide a été diffusé à l'ensemble des hôpitaux et des médecins généralistes et est accessible sur internet.

Son impact a ensuite été évalué et, sur cette base, des fiches pratiques ont été réalisées à l'attention du médecin qui soupçonne un cas de violence conjugale.

Le Plan contre les violences conjugales a pour objectif fondamental de donner de la cohérence et de renforcer les initiatives prises par les pouvoirs publics pour protéger les victimes de violence, d'une part, et prévenir le passage à l'acte, d'autre part.

Les communautés et les régions ont été associées au Plan dans le cadre de la Conférence interministérielle Égalité hommes-femmes. Celle-ci a décidé de renforcer la coordination de l'action des différents niveaux de pouvoirs dans la lutte contre les violences conjugales. L'objectif est d'établir pour février 2006 un plan intégré garantissant une lutte cohérente et concertée contre la violence conjugale.

Développer l'action de proximité, améliorer l'accessibilité des services d'accueil et de soutien des victimes, établir une stratégie commune en matière de sensibilisation, améliorer l'enregistrement des faits de violence figurent parmi les objectifs de ce plan intégré.

Le ministre proposera aux communautés et régions d'améliorer l'accès des victimes à une information correcte, notamment par la création d'une ligne téléphonique d'écoute et d'orientation spécifiquement destinée aux femmes victimes de violences conjugales.

Il proposera également, après concertation avec le tissu associatif, la création d'un service spécialement consacré à cette problématique au sein de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, afin de renforcer la visibilité de la thématique et la coordination et de concentrer l'expertise en un point national.

La prise en charge et l'accompagnement des auteurs de violences conjugales constituent également l'une des priorités. En plus d'un renforcement du soutien aux projets existants (Praxis Wallonie; Slachtoffer in « Beeld » et « Dader in-zicht » en Flandre), une évaluation des besoins sera réalisée avec les communautés et régions, dans l'objectif d'élargir et de pérenniser ce type d'initiative pour appuyer les plans d'action locaux requis par la circulaire de la ministre de la Justice.

La ministre de la Justice poursuivra, par ailleurs, son action à destination des magistrats. À partir de mars 2006, le Conseil supérieur de la Justice organisera des journées de formation à destination des magistrats. Les législations pénales et civiles — notamment la loi sur l'attribution préférentielle de la résidence du conjoint — y seront, entre autres, expliquées.

En matière de Santé publique, le ministre, poursuivant son action, prévoit de mettre en place un plan de formation des médecins généralistes de façon à ce que ces derniers puissent réagir au mieux en cas de suspicion de violence intrafamiliale.

Parallèlement, il envisage de créer un système d'enregistrement des cas de violence dans les hôpitaux.

Au-delà de toutes les mesures qui peuvent être prises, la disparition des violences conjugales passe, avant tout, par une prise de conscience de chaque citoyen que cette problématique est une affaire publique, non une affaire privée.

Notre société véhicule encore trop souvent des images stéréotypées et réductrices de la femme et de l'homme.

Ce n'est qu'en coordonnant au mieux les actions de tous les niveaux de pouvoirs et de tous les acteurs de terrain que nous parviendrons à changer cette situation.

2. Échange de vues

Mme Geerts constate que le plan d'action national contient indiscutablement beaucoup de pistes intéressantes. Le seul reproche est qu'on a parfois l'impression que leur réalisation concrète se fait attendre.

En matière de sensibilisation, a-t-on déjà pris des initiatives ou en est-on encore au stade des intentions ?

Les formations pour les médecins ou la police ont-elles commencé et, dans la négative, quand sont-elles prévues ?

M. Dupont, ministre de l'Égalité des chances, reconnaît que l'on voudrait et que l'on pourrait toujours aller plus vite, mais cela ne signifie pas que rien n'a été accompli. Une enquête récente des Femmes prévoyantes socialistes — en Région flamande, une enquête sera réalisée l'année prochaine par Viva-SVV-- a relevé un grand nombre de formations déjà organisées pour toutes les catégories d'acteurs concernés par la problématique. On assiste même au développement d'un marché pour ces formations. Le risque est cependant qu'elles ne soient pas toutes d'égale qualité; c'est pourquoi le ministre envisage de créer une espèce de label.

Il ressort également de cette enquête que les formations sont souvent trop courtes et qu'il n'y a pas de suivi. La conclusion de cette évaluation est que les formations existent mais qu'il faut en améliorer la qualité. Au sein des services de police, on dispose déjà d'une expérience assez solide en la matière.

Dans le domaine des médias, le ministre envisage une campagne impliquant des hommes qui viendraient affirmer le caractère inacceptable des violences intrafamiliales.

Mme Laloy se réjouit du nombre d'actions déjà entreprises même si elles doivent encore être évaluées et le cas échéant renforcées.

A-t-on cherché à identifier les raisons pour lesquelles la législation existante est peu appliquée ? Il est clair que les tabous et les stéréotypes en matière de violence à l'égard des femmes ont encore trop souvent force de loi. En pratique, il est difficile pour une femme de persuader les policiers qu'elle a été victime de violences si elle ne porte pas de véritable marque de coups. Il est difficile de les persuader d'écouter la femme victime de violence et de réaliser une interview pour la suite de la procédure. La formation de la police doit être intensifiée. Police et services d'urgence doivent être des cibles prioritaires, car ils interviennent en première ligne.

Au sein de la conférence interministérielle, y a-t-il un agenda pour les accords de coopération ?

M. Dupont, ministre de l'Égalité des chances, répond que la conférence se réunira à nouveau au début du mois de février 2006.

Il y a actuellement un phénomène de prise de conscience que la violence intrafamiliale est un problème grave, qu'on ne peut banaliser. L'opération tolérance zéro étendue maintenant à tous les parquets, les instructions très précises des procureurs généraux, l'obligation d'enregistrer officiellement tout fait de violence même s'il ne fait pas l'objet de poursuites, impliquent que les policiers qui refuseraient de dresser procès-verbal commettraient une faute. À cela doit s'ajouter une sensibilisation de la police de manière à se débarrasser des stéréotypes.

Le guide édité à l'initiative du ministre de la Santé publique est très utile pour les services d'urgence. Il faut les convaincre qu'ils ont aussi un rôle civique à jouer: ils doivent dénoncer certains faits, ce qui est parfois entravé par le secret médical.

On pourrait envisager la création d'un relais local auxquels les services d'urgence, les médecins, ou toute autre personne concernée pourraient s'adresser plutôt qu'à la police. Il se peut en effet que l'instituteur, l'assistant social, l'agent de police ... détecte certains indices mais ne les juge pas suffisants pour en déduire un cas de violence. Une coordination locale de soins de santé et d'actions sociales permettrait un traitement moins parcellisé des données.

Mme Van de Casteele insiste sur l'importance d'un accès facile aux institutions au niveau local. Elle rappelle que lors de la journée de lutte contre la misère, la princesse Astrid a proposé la création au niveau local d'un guichet auquel les personnes ayant des problèmes liés à la pauvreté pourraient s'adresser. Si on conçoit ce guichet de manière assez large, il pourrait aussi servir dans le cadre de la problématique de la violence familiale.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le secret professionnel ne s'impose pas seulement aux médecins mais à tous les prestataires de soins de santé, et notamment aux infirmières qui sont parfois encore mieux placées que les médecins pour détecter les cas de violence intrafamiliale. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure la dénonciation des cas de violence intrafamiliale se heurte au secret professionnel et quelles pistes on pourrait suivre pour éviter que cette obligation de secret ne permette une escalade dans la violence avant qu'on n'intervienne enfin. La communication des faits de violence devrait être conçue comme une assistance apportée à des victimes plutôt que comme la dénonciation à la police de faits réprimés pénalement.

Mme Pehlivan déclare que, lors d'une journée d'étude sur la violence intrafamiliale organisée le 29 novembre 2005 à Anvers, on a expliqué que les procès-verbaux dressés par la police dans ces cas de violence sont souvent trop superficiels et de ce fait inutilisables ensuite par le parquet. Quand la police vient sur les lieux, le calme est revenu, la victime est apaisée. C'est pourquoi des directives sont données à la police pour rédiger des procès-verbaux plus précis.

La violence entre partenaires s'exerce aussi à l'encontre des hommes. Le Plan d'action national vise-t-il ces hommes ? C'est important car, vu les stéréotypes de la société, il doit être encore plus difficile pour un homme d'avouer qu'il est victime de violences.

Le ministre répond que le Plan d'action national vise à lutter contre la violence entre partenaires, sans distinguer entre les hommes ou les femmes. Il y a en effet des indications selon lesquelles des hommes subissent des violences, même s'ils sont beaucoup moins nombreux que les femmes.

Mme Laloy déclare qu'il y a quelques années, l'ONE a mis en place des coordinations locales des travailleurs médico-sociaux. L'objectif était de travailler en synergie avec les autres intervenants sociaux de première ligne (assistants sociaux des mutuelles, des allocations familiales, etc.) pour mieux encadrer les familles qui se rendaient aux consultations de l'ONE. Cette collaboration a donné de très bons résultats. On pourrait s'en inspirer pour la mise en place de coordinations locales comme le propose le ministre.

Le ministre trouve la suggestion intéressante et ajoute qu'on pourrait créer dans chaque commune un échevin de la Santé et de la Famille.

II.3. Réunion du 20 décembre 2005

1. Exposé de M. Ph. D'Hauwe, médecin généraliste

M. Ph. D'Hauwe est médecin généraliste et suit en outre une formation de psychothérapeute et sexothérapeute. Il a participé pendant deux ans, à raison d'une à deux soirées par mois, à une formation relative à la problématique des violences domestiques, organisée par la Région wallonne. Cette formation était dispensée par différents intervenants dans le domaine de la lutte contre la violence et comportait des rencontres avec des victimes d'actes de violence qui ont fait part de leur vécu. À l'issue de cette formation, un rapport a été remis à la Région wallonne.

En 2003, M. Vandenbroucke, alors ministre de la Santé, a fait éditer un guide à l'usage des médecins, dans lequel étaient abordés les trois types de violence domestique, à savoir la violence entre partenaires, la violence vis-à-vis des enfants et celle envers les personnes âgées.

Enfin, des fiches assez brèves, ainsi qu'un guide, ont été élaborés à l'usage des médecins qui n'ont pas la formation adéquate pour détecter et suivre les cas de violence.

Actuellement, il existe une demande des médecins pour la mise sur pied d'une formation. Un projet existe dans le cadre de la société scientifique de médecine générale mais il vise essentiellement à expliquer l'usage des fiches aux généralistes et aux urgentistes, dans le but d'en augmenter l'efficacité. On constate en effet qu'un médecin découvrira 60 % de cas de violence supplémentaires s'il est sensibilisé à la question.

Dans la proposition de loi nº 3-701/1, il est prévu une possibilité d'interdire le contact pendant une période de dix jours. M. D'Hauwe trouve cette mesure très intéressante, car il s'écoule toujours un certain temps entre l'intervention judiciaire et le moment où la victime porte plainte auprès de la police. Les femmes hésitent à déposer plainte parce qu'elles craignent une recrudescence de la violence dans cet intervalle.

L'accueil des services de police doit encore être amélioré. Il y a des lieux où la personne responsable de l'aide aux victimes est très présente. À Walcourt, par exemple, une assistante sociale et une policière ont reçu une formation spécifique et l'une des deux est toujours présente ou appelable. Dans certains postes de police, par contre, les femmes sont encore trop souvent invitées à rentrer chez elles avec des commentaires peu encourageants.

Le désintérêt du monde policier ou médical s'explique notamment par le fait que la femme, après s'être manifestée, retourne vers son partenaire. La femme vit dans une situation de terreur, elle craint des représailles tant pour elle que pour ses enfants ou sa famille. Il est essentiel de comprendre que ces marches arrières font partie du processus et ce n'est qu'après un certain nombre d'allers-retours qu'un déclic a lieu. Le problème est que, sur le plan légal, toutes les plaintes antérieures tombent lorsque la femme a réintégré le domicile. Dès lors, la fois suivante, elle dispose de peu d'éléments pour étayer sa plainte.

M. D'Hauwe déplore le manque de coordination entre les services. Il faut organiser des formations interprofessionnelles, des rencontres au niveau local entre tous les intervenants concernés. En effet, une seule personne, médecin, policier ou assistant social, n'est pas à même de prendre en charge une situation de violence.

Enfin, le médecin souligne qu'il existe trop de plans d'actions et que les moyens se dispersent. On trouve des initiatives au niveau des ministères, des mutualités, de la société scientifique de médecine générale, d'Amnesty International ... C'est une perte d'énergie et on manque d'un fil conducteur dans l'approche de la question.

2. Échange de vues

Mme Van de Casteele remarque que les trois propositions de loi à l'examen partent de l'idée que la victime se rend en premier lieu à la police, alors que le seuil psychologique à franchir pour s'adresser à la police reste assez élevé. Il faut travailler à améliorer l'accessibilité d'autres canaux d'intervention. Comme les intervenants possibles en la matière sont assez nombreux, il serait intéressant de créer une sorte de « guichet » auquel les victimes pourraient s'adresser pour être aiguillées vers l'assistance la plus adéquate au moment même.

La sénatrice se réjouit du fait que certains praticiens, comme le docteur D'Hauwe, fassent la démarche de suivre une formation spécifique. Mais ne serait-il pas logique qu'une telle formation soit imposée dans le cadre du programme de cours des aspirants médecins et infirmières, puisqu'ils seront tous un jour confrontés à des cas de violence ?

Le secret professionnel est souvent invoqué par les professionnels de la santé pour justifier la non-divulgation d'informations et l'absence de démarche à la place de la victime. Dans quelle mesure est-ce un handicap pour enclencher une procédure d'aide ou de prise en charge judiciaire ?

M. D'Hauwe explique que la formation à laquelle il a participé a été mise sur pied à la suite d'une demande du Collectif contre les violences familiales et l'exclusion de Liège. Sept généralistes y ont participé et sont en train, à leur tour, de développer une formation pour d'autres médecins. Il serait évidemment intéressant que cette formation soit intégrée dans le cursus universitaire.

On parle beaucoup de violence physique ou sexuelle, mais il faut savoir que la violence psychologique commence plus tôt et est plus insidieuse. Beaucoup de femmes jugent cette dernière bien plus douloureuse.

Dénoncer un cas de maltraitance vis-à-vis d'un enfant pose moins de problème au médecin que des violences envers un adulte. En effet, si les parents n'interviennent pas, on peut considérer qu'il y a abandon et agir à leur place. Par contre, il est délicat de répercuter auprès de la police ou de la justice des faits qu'une femme ne veut pas elle-même dénoncer, car cela risque de briser le lien de confiance avec cette personne. Le médecin peut déjà aborder la question préventivement, de manière allusive. On sait par exemple que la violence s'exerce plus à l'égard des femmes enceintes. M. D'Hauwe évoque donc la question avec toutes ses patientes enceintes.

Quand on soupçonne des violences, il y a tout un travail de maturation à effectuer, qui peut prendre plusieurs années. Ce n'est pas simple. Souvent, le mari accompagne la femme aux consultations.

Obliger à briser le secret médical risque d'amener un effet inverse à celui souhaité.

Mme Van de Casteele objecte que la violence peut avoir des conséquences très graves. Ne faut-il pas, à un certain stade, dénoncer les faits et rompre la relation de confiance ?

Pour M. D'Hauwe, la réponse est difficile. Il se pourrait que le médecin dénonce une situation critique, mais que la victime réintègre quand même le domicile conjugal après quelques jours et se fasse assassiner. Il y va de la liberté individuelle de la victime.

La formation dispensée aux médecins les incite surtout à rester présent, à l'écoute, et à remettre régulièrement le sujet sur la table. Le médecin doit tout faire pour amener la femme à reconnaître qu'elle est victime de violences, mais il est très difficile d'évaluer à quel moment il serait justifié de prendre une décision à sa place.

Mme Zrihen déclare qu'elle entend de plus en plus de cas de femmes dans des situations de familles monoparentales, qui se plaignent d'être frappées par leurs enfants adolescents. Blessées en tant que mères, elles ont du mal à dénoncer une telle situation. M. D'Hauwe est-il confronté à de tels cas ?

La membre s'interroge sur la capacité de suivi des victimes par les différents corps professionnels. Certes, il y a de plus en plus de formation, en particulier à destination des corps de police. Mais y a-t-il un suivi psychologique de la victime une fois qu'elle a quitté le domicile conjugal ?

M. D'Hauwe reconnaît qu'il est de plus en plus confronté à des cas de violence d'adolescents envers leur mère. Il est encore plus difficile dans ces cas de persuader la mère d'entreprendre des démarches, car cela lui semble une trahison vis-à-vis de son enfant. Comme dans toutes les situations de violence, le travail consiste à lui faire prendre conscience du fait qu'on ne condamne pas la personne mais son acte. La réponse n'est d'ailleurs pas forcément la plainte en justice, mais une assistance, un suivi dans un centre de guidance, par exemple.

Mme Zrihen objecte que le processus est très lent. Les services d'aide à la jeunesse n'ont pas l'habitude de gérer ce type de comportement.

M. D'Hauwe précise qu'il s'agit d'une forme de violence intrafamiliale au même titre que la violence envers des enfants ou entre partenaires. La violence d'un enfant ou d'un adolescent est le signe d'une souffrance. La voie juridique est possible, mais en tant que médecin, il privilégierait l'écoute et l'accompagnement.

Mme Laloy partage le regret exprimé par le médecin au sujet du manque de coordination des intervenants sur le terrain. A-t-il des suggestions à faire quant à la manière d'organiser cette coordination ? Que pense-t-il des équipes SOS-Enfants mises en place par l'ONE ?

M. D'Hauwe répond que les équipes SOS-Enfants fonctionnent très bien. Cela pourrait être une piste. Il faut en tout cas un lieu de rencontre pour les professionnels, un centre de référence auquel ils pourraient s'adresser s'ils se posent des questions et où les cas de maltraitance pourraient éventuellement être pris en charge.

Le médecin attire en outre l'attention sur deux autres types de violences qui n'ont pas été abordées: la violence envers les personnes âgées et la violence institutionnelle. Par cette dernière, il vise des comportements dont sont victimes, par exemple, les enfants dans les écoles, les patients dans les hôpitaux (tutoiement, non-respect de leur intimité, etc.).

Mme de T' Serclaes aimerait savoir dans quelle mesure la police est formée aujourd'hui à appréhender les cas de violence intrafamiliale. Comment la victime est-elle accueillie concrètement ?

La formation prend-elle en compte la diversité ethnique et culturelle à laquelle on peut être confronté, en particulier dans certaines communes ?

M. D'Hauwe répète qu'à Walcourt, une policière a reçu une formation spécifique et une assistante sociale est responsable de l'accueil des victimes. Quand un cas se présente, l'une des deux est appelée. Quant à la formation des policiers, elle n'est pas la même que celle qu'il a suivie en tant que médecin et il n'y a pas de mise en commun des expériences. La formation était en tout cas dispensée par différents corps de métiers, ce qui a permis d'épingler certains problèmes et de tenter de les résoudre. Ainsi, il est apparu que 75 % des certificats médicaux pouvaient être remis en cause et frappés de nullité en justice parce qu'ils n'étaient pas complétés de manière adéquate (données manquantes, éléments subjectifs ...). Avec l'aide de policiers et de juges, l'équipe de médecins a mis au point un certificat-type.

Mme Jansegers demande si même dans un cas de violence telle que la victime est hospitalisée, le médecin n'a pas l'obligation de transmettre à la justice les informations dont il a connaissance.

M. D'Hauwe répond par la négative: les médecins sont en principe toujours liés par le secret médical.

Mme Van de Casteele remarque que le législateur s'interroge précisément sur l'opportunité d'imposer une obligation d'information, dont le non-respect constituerait une infraction pénale. Il pourrait y avoir une gradation. C'est au médecin à estimer la gravité des maltraitances auxquelles il est confronté, mais à un certain stade, la membre est d'avis que la non-communication des informations dont il a connaissance doit être considérée comme un fait punissable. On imposerait au médecin une obligation d'information à un certain stade, sans lui demander de faire d'autres démarches. L'instance à laquelle les informations auront été communiquées prendra contact avec la victime et jugera des suites à apporter au dossier.

Mme Geerts soutient le raisonnement de l'intervenante précédente. On peut en effet demander au médecin d'estimer en son âme et conscience s'il y a un problème, puis faire appel à des canaux intermédiaires.

En outre, le médecin a comme devoir de porter assistance à une personne en danger. Interprète-t-on cela uniquement comme un danger de mort ?

Mme Pehlivan ajoute que le devoir du médecin doit être avant tout de protéger la victime et non l'auteur. L'invité a parlé de relation de confiance, mais la victime attend peut-être une aide de son médecin sans parvenir à l'exprimer. C'est d'autant plus grave qu'en attendant une intervention, les enfants sont aussi victimes de la situation, en tous les cas sur le plan psychologique.

Mme Hermans fait remarquer qu'il y a une obligation de communiquer les faits dont on a connaissance quand ils concernent la maltraitance d'enfants. Les médecins étaient réticents quand le législateur a instauré cette obligation, mais, à la longue, il est apparu que cela fonctionnait efficacement. Il faudrait réfléchir dans la même direction pour les violences entre partenaires. On pourrait imaginer que les médecins remplissent une fiche qu'ils communiquent ensuite à une autre instance, ce qui permettrait d'enregistrer les faits et d'éviter que toutes les preuves soient perdues chaque fois que la victime réintègre le domicile conjugal.

Mme Jansegers admet que la question de savoir à quel stade de la violence le médecin doit décider d'intervenir est délicate, mais l'on peut considérer objectivement qu'en cas d'hospitalisation de la victime, le seuil est atteint.

M. D'Hauwe répond que le secret professionnel n'a pas pour but de protéger l'auteur des maltraitances mais bien la victime. Si la loi impose au médecin de dénoncer toute situation de violence à laquelle il est confronté, il faudra déterminer à partir de quand cette obligation s'impose: faut-il une violence physique ? une menace ? ou au contraire un danger de mort ? Une obligation de dénonciation posera problème au regard des droits de la victime qui n'a pas nécessairement envie que sa situation soit dévoilée, car il y a très rapidement des fuites.

Quant aux enfants, le médecin reconnaît qu'ils sont victimes dans une situation de violence intrafamiliale, tant au moment même que dans leur développement futur. Ces enfants ne deviennent pas nécessairement des adultes violents, mais on sait que le risque est accru.

Mme Van de Casteele propose un système à paliers, dans lequel le médecin aurait une obligation de transmettre les informations à une espèce de centre « SOS-familles », composé d'une équipe pluridisciplinaire qui pourrait assurer le suivi de la plainte. Le médecin ne serait pas tenu de dénoncer lui-même le cas à la police ou à la justice. Le centre d'assistance jouerait le rôle d'intermédiaire et c'est en son sein que serait prise la décision éventuelle d'aller plus loin.

M. D'Hauwe réplique qu'un tel système peut fonctionner pour la maltraitance d'enfants parce qu'il existe des canaux tels que l'école, les centres PMS, qui permettent de faire une enquête sur la situation par des voies indirectes. Une fois les soupçons étayés, le médecin peut déclarer la situation à la police avec l'aide de l'organisme qui est intervenu. Mais si le médecin soupçonne un cas de maltraitance au sein du couple et le dénonce à un centre d'assistance, comment les membres de ce centre vont-ils pouvoir aller vérifier sur place ce qu'il en est ? La femme aura peur, elle niera les faits.

Mme Zrihen pense aussi que ce scénario aura du mal à fonctionner. Quand l'ONE rend visite aux familles, beaucoup de femmes refusent de les laisser entrer. Dès qu'une assistante sociale se rend chez vous, le voisinage jase.

M. D'Hauwe pense qu'une formation de tous les médecins, associée à une collaboration entre tous les intervenants, permettra de faire bouger réellement les choses. La création d'un centre de référence constituerait une étape importante. Par contre, l'intrusion d'une instance extérieure dans le cocon familial risque de causer des dégâts.

II.4. Réunion du 10 janvier 2006

1. Exposé de Mme Ingrid Stals, coordinatrice du projet relatif à la violence intrafamiliale à la police d'Anvers

Mme Stals donne un aperçu du plan d'action contre la violence intrafamiliale qui est entré en vigueur en 2005. Pour de plus amples informations concernant l'élaboration de ce plan d'action, elle renvoie à l'audition de Mme Pascale Franck, coordinatrice du projet relatif à la violence intrafamiliale, de la « Stichting Welzijnszorg » de la province d'Anvers.

Dans la structure existante, un des groupes de travail est constitué par la cellule d'experts en matière de violence intrafamiliale au sein de laquelle la police collabore avec la Justice en vue de définir les rôles respectifs de chacun. Il est en effet très important de savoir quel sera le rôle de la police et de la justice dans le cadre de la lutte contre la violence entre partenaires. La police est un acteur important pour ce qui est de la détection des situations de violence familiale, étant donné que, de par ses interventions, elle est souvent la première à pouvoir se faire une idée de ce qui s'est passé dans l'intimité d'un couple. À elle seule, la police n'est pas en mesure de résoudre le problème, lequel requiert une approche intégrée. C'est pourquoi il est important que les acteurs sachent quelle fonction ils doivent assumer dans la chaîne d'intervention.

La cellule d'experts a élaboré un scénario type qui définit les rôles respectifs de la police et de la justice, mais ce n'est pas parce qu'il existe que tout le monde le connaît d'emblée et s'y conforme. Il est apparu très vite qu'un suivi était nécessaire.

L'objectif de la collaboration est évidemment de faire cesser les actes de violence entre partenaires pour qu'ils puissent poursuivre leur relation s'ils le souhaitent ou y mettre un terme en toute sécurité s'ils le préfèrent. Cela signifie aussi que toutes les fonctions qui constituent la chaîne d'intervention doivent tenir compte de l'aspect « sécurité » et que la qualité de vie des personnes concernées doit être améliorée. On ne peut y parvenir qu'en adoptant une approche multidisciplinaire et qu'en considérant que le problème en question se rapporte non pas à un incident, mais à un processus, c'est-à-dire à un enchaînement de faits.

Dans le plan d'action de la police, on a choisi de distinguer des « actions proactives », des « actions de prévention », des « actions de répression » et des « actions d'aide ».

En ce qui concerne les actions proactives et les actions de prévention, une campagne de sensibilisation est organisée chaque année depuis 2002. Cette campagne est nécessaire si l'on veut pouvoir bénéficier d'un large soutien. L'accent y est mis surtout sur le lien entre la maltraitance à l'égard du partenaire, qui touche essentiellement les femmes, et la maltraitance à l'égard des enfants. Des chiffres montrent que 70 % des personnes qui commettent des actes de maltraitance à l'égard de leur partenaire agissent de même à l'égard de leurs enfants et que 80 % des victimes de violences conjugales maltraitent leurs enfants. Si les victimes bénéficient d'un meilleur accompagnement, les enfants ont davantage de chances de grandir dans un environnement plus sûr.

Un deuxième objectif en matière de prévention est l'application d'une définition de la violence entre partenaires. Cette définition a été mise au point dans le cadre du scénario type en question et elle est importante pour l'enregistrement des cas par la police. Elle permet de mieux reconnaître les situations de violence entre partenaires, ce qui a évidemment un impact au niveau de l'enregistrement des cas. L'enregistrement des cas par la police, les services d'aide, la justice et le secteur des soins de santé revêt une très grande importance dans la mesure où la politique qui est mise en œuvre est fondée sur des données chiffrées. Il faut enregistrer des données pour pouvoir appliquer une politique et procéder à des comparaisons, par exemple, du nombre d'appels pour cause de violence intrafamiliale que reçoit la police et du nombre d'appels qui sont relayés vers les services d'aide.

À Anvers, on a une connaissance partielle de ces chiffres. Seulement 20 % des 2700 procès-verbaux dressés annuellement pour cause de violence intrafamiliale (il ne s'agit que des procès-verbaux, abstraction faite des cas d'intervention) sont transmis à un service interne qui dirige quant à lui les victimes vers d'autres intervenants. Cela peut s'expliquer en partie par l'arrangement qui a été pris au niveau de la Communauté flamande dans le cadre de l'accord de coopération, selon lequel la police doit demander aux victimes si elles souhaitent qu'un service d'aide aux victimes prenne contact avec elles. Le consentement des victimes est donc nécessaire en l'espèce. Il y a en effet lieu d'éviter qu'elles soient appelées en présence de leur partenaire et que la situation puisse s'aggraver à la suite de cela. Les chiffres indiquent toutefois qu'il a davantage besoin d'aide active, rapide et continue a augmenté. Si des victimes manquent un rendez-vous, il faut prendre contact avec elles afin de connaître les raisons de leur défection. Les victimes épuisées pour avoir subi des actes de maltraitance ont du reste souvent beaucoup de mal à s'organiser pour sortir de chez elles.

Par ailleurs, on a également mis au point des instruments qui doivent permettre de développer une approche qualitative. La check-list PV est l'un de ceux-ci. L'objectif est de faire en sorte que les agents s'y conforment autant que possible. Ils peuvent en effet passer très facilement à côté d'une situation de violence familiale lors d'une intervention. Il peut arriver par exemple qu'un enfant téléphone à la police pour signaler que son père menace de tuer sa mère et que les agents envoyés sur place ne détectent à première vue aucun problème, les parents démentant que quelque chose se soit passé. Dans ce cas, ils ne peuvent évidemment faire aucune constatation. La check-list PV doit aider la police à procéder malgré tout, au cours de chaque intervention, à un minimum d'investigations et à faire un minimum de constatations.

À partir de 2005, tous les procès-verbaux devraient pouvoir être assortis d'une rubrique « violence intrafamiliale ». Il importe que tous les faits quels qu'ils soient (prise d'otages, destruction d'objets, etc.) puissent être rangés aussi, si nécessaire, dans la rubrique « violence intrafamiliale ». Mme Stals souligne qu'il serait très utile d'inscrire aussi ce système dans le cadre de la banque de données nationale. En effet, les familles déménagent souvent et les données d'un arrondissement judiciaire ne sont pas accessibles dans un autre. À l'heure actuelle, les faits sont enregistrés dans la banque de données nationale lorsqu'ils sont suffisamment graves (lorsqu'ils sont qualifiés de délits), mais ils n'y sont pas conservés pendant une longue période. C'est évidemment une lacune qui engendre un handicap.

Selon les chiffres du début de l'année 2005, 39 % des procès-verbaux dressés à Anvers étaient des procès-verbaux pour cause de violence familiale. Selon les derniers chiffres, qui datent de septembre, ces procès-verbaux constituent 87 % de l'ensemble. Cela prouve qu'un meilleur suivi est utile dans la mesure où les agents identifient mieux des faits comme des actes de violence intrafamiliale.

En application de ces règles, la police a dressé, au total, en 2005, à Anvers, 2596 procès-verbaux pour cause de violence intrafamiliale. En outre, il est apparu qu'au cours de la même période, 312 auteurs d'actes de violence étaient connus pour divers faits. Le tiers de ceux-ci, soit un peu plus de 30 %, a commis, en 2005, plus de deux faits qui ont été enregistrés. Ces récidivistes sont à l'origine de 747 procès-verbaux pour cause de violence intrafamiliale, soit 28 % des procès-verbaux de cette catégorie.

Si on regarde les choses sur une période de plusieurs années, on constate que, dans 75 % des cas, les auteurs de violence intrafamiliale se sont rendus coupables de plusieurs faits. On peut donc affirmer qu'il ne fait aucun doute qu'il s'agit de faits qui se répètent sur une longue période. Souvent, les faits en question, pris séparément, ne sont toutefois pas suffisamment graves d'un point de vue juridique pour justifier des poursuites.

Nous participons bien entendu aussi à une concertation structurelle. Des programmes de formation sont développés et des formations organisées à la demande de certains partenaires (écoles, Amnesty International, associations de femmes, ...). Un programme de formation, s'adressant aux 13 à 18 ans, a été développé spécifiquement pour les écoles. Il est procédé chaque année à un sondage des signalements de violence intrafamiliale qui parviennent au numéro d'appel 101. On constate depuis deux ans déjà que le nombre d'appels de cette nature représente 10 % du nombre total des appels. Très peu de procès-verbaux sont cependant dressés. L'an passé, les PV en la matière ont représenté quelque 27 % du nombre total de procès-verbaux; souvent, on établit de brefs comptes rendus, qui contiennent très peu d'informations et ne sont pas non plus transmis au parquet. Il est difficile d'en déduire des facteurs de risque.

Au début de l'année, il a été convenu avec le procureur que tous les faits de violence familiale feraient l'objet d'un PV. Dans le cas de faits non punissables, un PV d'information serait dressé. Cette façon de faire ayant entraîné une prolifération des PV, on a quand même décidé de les limiter aux faits punissables. Le résultat a été, selon l'intervenante, que cette année on a enregistré encore moins de procès-verbaux et encore plus de comptes rendus succincts. Les agents considèrent donc que l'enregistrement est utile, mais moins sous la forme d'un PV. Cela montre bien qu'il importe de prévoir que chaque fait doit obligatoirement faire l'objet d'un PV, de manière à disposer d'un enregistrement précis, qui permette également de faire une comparaison et de repérer éventuellement quand il y a escalade.

Dans une phase suivante, on pourrait gérer les dossiers en extrayant les situations à risque et en discutant des mesures à prendre. À l'heure actuelle, plusieurs personnes disposent, chacune, d'informations partielles. Il n'est malheureusement pas possible actuellement, pour des raisons budgétaires, de gérer les dossiers de cette manière à Anvers.

Dresser un PV de chaque fait de manière qu'il contienne suffisamment de données pour que le parquet puisse prendre une décision appropriée n'est pas une tâche aisée. La violence familiale est un des délits les plus difficiles à prouver et qui, de surcroît, implique une forte charge émotionnelle. Certains procureurs font remarquer que les procès-verbaux de violences familiales ne leur sont d'aucune utilité parce qu'ils regorgent de données subjectives. Ici aussi, la liste de contrôle peut s'avérer utile en mettant l'accent sur des données plus objectives.

L'appréciation des facteurs de risque a également son importance. Mme Stals croit se souvenir que l'on a déposé une proposition de loi sur la détention d'armes, qui permettrait de saisir une arme même si elle n'a pas été utilisée lors des faits. Elle insiste sur l'importance de cette possibilité. On peut en effet affirmer sans ambages que la présence d'une arme est un des facteurs de risque les plus importants en cas de violence familiale.

Selon elle, il importe également d'être très attentif à l'évolution de la situation par la victime. Comment la victime, qui dans 98 % des cas enregistrés est une femme, évalue-t-elle le risque pour elle-même et pour ses enfants ?

À plus long terme, on envisage également une meilleure concertation avec le parquet à propos des multirécidivistes. Des accords plus concrets avec les services d'aide et l'élaboration d'un accord de coopération concret sont également au programme.

En ce qui concerne les soins a posteriori, il est surtout important de prévoir un suivi dans les 24 heures qui suivent la déclaration faite par la victime. Dans ce domaine, on peut encore améliorer sensiblement les choses. Le nombre de victimes que la police oriente vers les services de soins est minime. Il est indéniable qu'il faut revoir les accords actuels.

Il vaudrait également mieux que l'on assure le suivi de l'offre systématique d'informer les victimes de la mise en liberté de l'auteur des faits, pour s'assurer que l'information leur est effectivement parvenue. Il arrive en effet trop souvent aujourd'hui que des victimes soient confrontées à l'auteur des faits.

Mme Stals termine en citant plusieurs points d'achoppement et en formulant quelques suggestions.

Il faudrait tout d'abord éviter que la formation se focalise uniquement sur les agents de police et les magistrats. Elle devrait s'adresser à toutes les catégories professionnelles, donc aussi aux avocats, aux médecins, etc. Il importe que chacun connaisse les processus qui mènent à la violence familiale et sache comment les reconnaître, les détecter et les gérer.

La violence intrafamiliale devrait aussi faire l'objet d'un module distinct au sein de la formation de base dispensée dans les écoles de police. La plupart des écoles de police affirment que leur formation comprend un module de ce type, mais tel n'est pas le cas à Anvers. Une formation en « violence familiale » y est certes dispensée, mais pas sur une base officielle. De plus, les formations dispensées sont souvent basées sur des théories anciennes et sont axées essentiellement sur la gestion des conflits. Ce n'est pas ce qu'il faut d'après la nouvelle approche, car la gestion des conflits joue généralement au détriment de la victime.

Il faut bien sûr aussi prévoir les moyens nécessaires pour assurer toutes les fonctions sur la ligne d'intervention, comme une assistance rapide pour tous les intéressés y compris les auteurs et les enfants et, donc, pas uniquement pour les victimes. Plusieurs études étrangères ont déjà montré que le travail en groupe est très bénéfique aux enfants et qu'il les aide à faire face aux conséquences des événements qu'ils ont vécus. Le travail de groupe avec les victimes revêt lui aussi une importance capitale.

Les victimes ont également intérêt à participer à la constitution du dossier. Bien des victimes vivent depuis des années dans une situation très difficile et n'ont jamais consulté de médecin ni jamais été à la police. Elles n'ont donc pas de véritable dossier et lorsqu'elles finissent par consulter un avocat, celui-ci ne peut souvent pas grand-chose pour elles, faute de disposer des constatations nécessaires. Il est donc capital d'aider ces personnes à constituer un dossier clair.

Des éléments liés à une même situation relèvent parfois de politiques différentes et par conséquent de compétences différentes. Ainsi, la justice et, donc l'aspect « sanction » est une compétence fédérale tandis que l'aide à la jeunesse est une compétence des communautés. Cet éparpillement est source de difficultés.

La police est souvent confrontée à des difficultés de communication avec les victimes à cause de la langue et elle manque de moyens pour engager des interprètes.

2. Exposé de Mme Thérèse Delattre, pédiatre, ONE, Service d'aide et prévention Enfants-Parents de Charleroi

Il est clair qu'il n'y a pas une réponse unique au problème de la violence et les personnes qui y sont confrontées doivent avoir le choix ou pouvoir utiliser simultanément différentes pistes en fonction des situations. À Charleroi, il n'est pas question d'imposer le recours à la justice ou l'assistance des équipes SOS Enfants-Parents, mais on essaie de rechercher vraiment la réponse la plus adéquate.

Il est important de qualifier la violence d'intrafamiliale, car la violence entre partenaires a nécessairement un impact sur les enfants, ce dont on n'était pas conscient il y a vingt ans. Bien plus, un enfant de moins de deux ans n'est pas capable, sur le plan psychologique, de faire la différence entre la violence faite à sa mère et celle qu'il subit lui-même. Des études montrent les effets sur le développement du cerveau du stress subi par l'enfant lors des premières années.

Les équipes SOS-enfants ont été créées à l'initiative de la Communauté française mais elles se sont adaptées aux spécificités de chaque région.

La violence n'est pas neuve. Elle faisait déjà l'objet de préoccupations avant 1985 mais plutôt de manière informelle. Si de nombreux cas sont mis en lumière aujourd'hui, c'est parce que la société tolère de moins en moins ce phénomène.

Mme Delattre a commencé à exercer en tant que pédiatre en 1978 à Charleroi. Elle a participé à la mise sur pied d'une maison médicale et d'un centre de santé mentale pour répondre aux besoins des enfants du quartier. Dans ce cadre, elle est interpellée par une pédiatre hospitalière confrontée à un cas de maltraitance qui lui a été envoyé par un centre psycho-médico-social (PMS). Quelques intervenants se réunissent alors pour créer un groupe de réflexion autour de l'enfance maltraitée. Ce groupe de bénévoles, le GISEM (groupe d'information et de sensibilisation à la maltraitance) mobilise le réseau psycho-médico-social de la région pour partager ces questions.

Le réseau se met petit à petit en place. Un colloque est organisé fin juin 1984: « La maltraitance à Charleroi, que faire ? ». Il s'appuie sur les résultats de la recherche menée par quatre universités et qui a conclu à la nécessité de la mettre en place des équipes pluridisciplinaires en périphérie qui œuvreraient dans la confidentialité en permettant ainsi de prendre en charge plus précocement des situations de maltraitance ou risquant de le devenir.

Quand le décret sur la maltraitance a été adopté en 1985, la région de Charleroi était prête à mettre sur pied une ASBL pluraliste « Enfance maltraitée Charleroi » sous l'impulsion de l'ONE. Issue d'un réseau pluraliste et pluridisciplinaire de Charleroi, l'équipe est créée en extrahospitalier afin de respecter les collaborations avec les sept services de pédiatrie que comptait la région à l'époque.

Cette petite équipe composée d'assistants sociaux (2 personnes à temps plein et 1 à mi-temps), de psychologues (2 temps plein) et d'un pédopsychiatre, d'un pédiatre et d'un juriste, travaille en effet en lien étroit avec le réseau psychosocial et médical répondant à l'urgence, et dans un travail de proximité avec les familles (visites à domicile, contacts avec les services).

La mission de l'équipe consiste à aider les enfants et leur famille à sortir des situations qui les ont menés ou pourraient les mener à toute forme de maltraitance. Après les sévices physiques, l'équipe a été confrontée aux sévices psychologiques, à la négligence et aux abus sexuels.

L'équipe doit assurer la prévention, évaluer les situations et faire des diagnostics, veiller à ce qu'une aide soit apportée, assurer à cette fin la collaboration avec le réseau psycho-médico-social de la région, et collaborer à la formation des professionnels.

Toute personne concernée par une situation de maltraitance peut faire appel à l'équipe, en ce compris des personnes ne faisant pas partie de la famille ainsi que des professionnels. Il suffit de téléphoner pendant les heures de permanence ou prendre rendez-vous. En cas d'urgence, une première réponse peut déjà être apportée dans les deux jours. Les autres cas sont traités dans un cadre multidisciplinaire lors d'une réunion qui a lieu deux fois par semaine.

Ce que l'on peut demander à l'équipe va d'un simple conseil par téléphone à une prise en charge par le centre. On lui demande aussi des activités de prévention ou la supervision d'une formation.

L'équipe est indépendante du ministère de la Justice; elle travaille dans la confidentialité et est liée par le secret professionnel. Les consultations sont gratuites, car elle est subventionnée.

Chaque appel est reçu par une assistante sociale. La situation fait alors l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire. On réfléchit en équipe au mode d'intervention le plus adéquat et aux démarches utiles vis-à-vis de la famille. Les appels anonymes sont refusés.

Née du réseau pluridisciplinaire de Charleroi, l'équipe avait tendance au début à se voir confier tous les cas difficiles. Très vite, elle a été débordée, devant sans cesse jouer le rôle de pompier. Il était évident que le réseau restait le maillon nécessaire de lien avec les familles dans cette problématique dont l'origine se trouve dans la pathologie du lien.

En 1988, une situation dramatique (décès d'enfant) oblige l'équipe à évaluer sa pratique et les fondements de son action. Celle-ci, extrahospitalière, n'est pas outillée pour répondre à l'urgence (coté pompier du label SOS). Elle ne peut assurer seule l'aspect protectionnel et l'aide dans ces situations. Elle modifie le nom « SOS enfants » en APEP (Aide et Prévention Enfants-Parents) pour souligner l'aspect préventif et l'aide aux familles. L'aspect « contrôle » est plutôt dévolu à l'époque au monde judiciaire (police, parquet et tribunal de la jeunesse).

Elle publie une brochure à l'usage des intervenants pour donner quelques balises théoriques sur la maltraitance, la négligence et les abus sexuels, ainsi que quelques repères pratiques pour l'intervenant confronté à une situation. Elle propose entre autres aux professionnels de s'adresser au service pour un avis ou un soutien dans la réflexion et la prise en charge des situations. Elle n'a de cesse de créer des espaces de formation et supervision, enrichissant ainsi sa pratique de celle des autres institutions.

Dans le souci de répondre aux situations urgentes, l'équipe et le PSE (ex-PMS) de la ville de Charleroi sollicitent la collaboration des services de pédiatrie pour l'accueil des enfants maltraités 24h sur 24.

L'équipe refuse, peut être à tort, l'étiquette de spécialiste qui aurait pour corollaire d'apporter la réponse à la maltraitance. C'était d'ailleurs le message envoyé très démagogiquement par le monde politique: l'éradication de la maltraitance. Plus on travaille dans ce domaine, plus on se rend compte que la violence est inhérente à l'être humain et à ses relations. Lutter contre la violence ne signifie pas rompre le lien mais le modifier, et cette modification n'est possible que si les personnes acceptent de se placer dans une autre dynamique. Certains systèmes permettent la violence. C'est donc sur ce changement que l'équipe APEP travaille. C'est un travail à long terme. Violence ne signifie pas nécessairement urgence.

Depuis vingt ans, l'équipe tisse et réaménage des liens autour d'une pathologie souvent en panne de relation. La collaboration dans ces situations est difficile parce que l'émotion peut susciter la violence et les rapports entre services qui s'occupent de la violence peuvent devenir eux-mêmes rapidement violents.

Chronologiquement, différents outils ont été expérimentés et des questions brûlantes se sont posées:

— Est-il opportun de recueillir des informations auprès des services sans que la famille soit informée ? Comment respecter la transparence à l'égard des familles ?

— Les tables rondes entre intervenants autour d'une famille soulevaient des questions de responsabilité, des mandats et des rôles différents auprès des familles et, de façon globale, des questions relatives au secret professionnel, au respect de la vie privée, à la notion de pouvoir et de contrôle. Ce modèle a été abandonné.

— Des séminaires-rencontres étaient organisés sur le temps de midi. Il s'agissait d'espaces d'échange et de réflexion ouverts à tous les professionnels de l'enfance.

— Des modules de formation ont été mis sur pied pour 8 à 12 personnes s'engageant dans un processus de formation d'un an, à raison d'une fois par mois.

— Des formations à la carte sont accessibles aux institutions en fonction de leurs questions.

— Comme autres activités, on peut encore citer: supervision de groupes, participation à la mise sur pied d'un réseau dans des régions plus éloignées (Thuin, Chimay), participation en tant que « référent enfant » aux ateliers du réseau parentalité et usage de drogue; journées d'études sur ces différents thèmes (prévention, liens autour de la naissance, secret professionnel ...).

À Charleroi, un groupe se réunit tous les deux mois avec des professionnels du monde judiciaire et du monde psycho-médico-social sur des questions telles que le secret professionnel.

La voie d'entrée à l'APEP pointe le symptôme de la maltraitance, ce qui n'est pas sans poser de question: danger de stigmatisation, risque de burn-out pour les équipes qui ne s'occupent que de maltraitance.

La spécificité plutôt que la spécialité de ces équipes doit être de rester un espace de recherche, de réflexion, d'interpellation permanente, en mouvement perpétuel, en harmonie ou en dysharmonie avec la société tout entière, du citoyen au monde politique, dans le cadre juridico-administratif déterminé par cette société.

3. Échange de vues

3.1. Questions

Mme Van de Casteele demande si les oratrices estiment que les problèmes doivent être appréhendés dans un certain ordre. Combien d'appels reçoit l'équipe de Mme Delattre et de qui émanent-ils essentiellement ? Dans quelle mesure l'équipe fait-elle appel à la police ? Est-ce par définition la deuxième étape quand l'équipe a été contactée ?

Mme Stals est-elle d'avis qu'il faut contacter la police dès qu'un problème se pose ? La police ne joue-t-elle pas seulement un rôle répressif mais peut-elle avoir dans une certaine mesure une tâche de prévention ou d'accueil ? Comment, en tant que membre de la police, conçoit-elle le rôle des services d'aide qui ne relèvent pas de la police ? Dans quelle mesure les services d'assistance prennent-ils contact avec la police ?

La sénatrice explique que la commission réfléchit à l'opportunité d'imposer aux services sociaux, aux médecins ou autres intervenants médicaux l'obligation de dénoncer les faits dont ils prennent connaissance dans le cadre de leur travail. La question suivante est de savoir si c'est nécessairement à la police qu'ils devraient transmettre ces informations.

Enfin, Mme Stals a évoqué différents types de procès-verbaux. Quelle est, selon elle, la meilleure façon d'enregistrer une plainte pour violence intrafamiliale de manière à ce que le procès-verbal puisse facilement être utilisé en cas de récidive ?

Mme Bousakla souligne l'importance d'organiser dans les écoles des actions de sensibilisation à la violence intrafamiliale, ainsi que de collaborer avec les associations de femmes.

Elle aimerait savoir comment la police collabore avec les foyers d'accueil pour les femmes maltraitées. Aux Pays-Bas, par exemple, la police possède une liste des refuges, elle prend contact avec l'un d'eux et y accompagne la victime.

Dispose-t-on de chiffres concernant la répartition des victimes selon leur origine ethnique ? L'oratrice a épinglé les problèmes linguistiques auxquels la police est parfois confrontée. De telles difficultés existent aussi dans les centres d'accueil.

Mme Zrihen se dit interpellée par la question du secret professionnel. Quand on constate qu'un homme, une femme ou un enfant est en danger, il n'est pas toujours évident de trouver un interlocuteur compétent. Si les faits se passent durant le week-end ou des congés, on est coincé par les horaires administratifs de certaines institutions. Seule la police est accessible tous les jours, 24h sur 24, mais entrer dans le dispositif policier peut mettre en danger la victime car des procédures se mettent en route.

Le cas des enfants est encore plus angoissant, car il est difficile pour eux de dénoncer ce qui se passe avec leurs parents. Le silence du milieu éducatif peut être dangereux pour l'équilibre mental de l'enfant. Il y a souvent une incidence sur les résultats scolaires sans que le diagnostic éducatif n'en détecte la cause.

Il faut un système qui donne une bouée de sauvetage aux victimes, adultes ou enfants, sans qu'ils se retrouvent automatiquement dans une procédure judiciaire ou un engrenage dans lequel ils ne sont pas prêts à s'engager. La membre plaide pour un interface entre le monde policier et le monde associatif, qui présenterait une grande flexibilité pour les victimes.

Mme Hermans est d'avis qu'il faut un modèle uniforme de déclaration des plaintes ainsi qu'une obligation d'enregistrer toute déclaration faite par la victime de manière à en garder une trace. Mme Stals peut-elle faire des suggestions dans ce sens ?

Par ailleurs, elle se demande si une solution n'est pas tout simplement un numéro d'appel spécial disponible 24h sur 24 auprès de la police.

Mme Anseeuw demande aux deux oratrices si le secret professionnel n'est pas une entrave à la collaboration entre la police et les services d'aide sociale.

Mme Jansegers s'interroge sur le rôle joué par Kind en Gezin. Elle trouve que le suivi des enfants que les délégués de Kind en Gezin assurent juste après la naissance est très limité.

3.2. Réponses

Mme Delattre explique que toutes les situations se règlent au cas par cas. C'est la raison pour laquelle l'équipe APEP se réunit deux fois par semaine pour en discuter. Une permanence est assurée chaque jour, mais pas 24h sur 24, par une assistante sociale qui peut contacter un autre membre de l'équipe si elle souhaite l'avis d'un médecin ou d'un juriste, par exemple. L'équipe fonctionne de manière assez souple.

Les structures d'urgence ne sont pas inexistantes. Les hôpitaux peuvent accueillir des victimes 24 heures sur 24. On aiguille aussi les victimes vers le médecin généraliste de garde.

Beaucoup de cas transmis à l'équipe APEP sont, sinon pris en charge, du moins connus par la justice. Toutefois, l'équipe elle-même signale peu de situations à la justice. Elle veille en effet à ce que l'enfant soit protégé et fait en sorte que le parent qui protège l'enfant apporte les éléments à la justice, avec l'aide de la juriste, de la psychologue, de l'assistante sociale.

Le secret professionnel ne joue pas seulement vis-à-vis de la justice, mais aussi entre les intervenants médicaux. Une mère qui confie une situation au pédiatre ne veut pas nécessairement que son médecin traitant soit au courant. Le dossier n'est dès lors transmis au médecin traitant qu'avec l'accord de la personne. Il faut toujours s'interroger sur la démarche qui va aider le plus l'enfant: partager son secret ou non ? Cela implique une balance entre le secret professionnel et l'assistance à personne en danger.

Il ne faut pas croire que l'article 158bis du Code pénal inséré par une loi du 28 novembre 2000 a simplifié l'application du secret professionnel, car il impose des conditions très restrictives pour être délié de ce secret: le médecin doit avoir vu et entendu l'enfant personnellement, il faut que tout ait été mis en place pour le protéger, en vain, et que son intégrité mentale ou physique soit menacée par un péril grave et imminent.

L'équipe SOS-enfants traite environ 300 cas de maltraitance par an. C'est loin de correspondre au nombre de cas dans la région de Charleroi mais l'équipe se limite à ce que ses moyens lui permettent de faire. Mme Delattre voit aussi des cas de maltraitance au service pédiatrie de l'hôpital où elle travaille.

Lorsqu'un enfant est dans une telle situation, l'une des solutions pour le protéger dans l'immédiat consiste à proposer son hospitalisation. Le pédiatre de l'hôpital recevra les parents et, en fonction de leur collaboration, un travail pourra être entamé avec l'équipe SOS. Si le diagnostic médical ou le comportement de l'enfant démontrent qu'il est maltraité et si les parents refusent de reconnaître quoi que ce soit, on contacte évidemment le parquet.

De nombreux outils sont à disposition. Il faut apprendre aux professionnels à les utiliser au mieux dans l'intérêt de la victime.

Mme Stals ne partage pas le point de vue selon lequel la violence doit être considérée comme une « pathologie ». Elle trouve difficile de résoudre le problème en adoptant pareille approche, car cela dénie les responsabilités. Pour elle, l'intervention de la police est essentielle, car elle permet de renvoyer au parquet. Cela ne va pas mener nécessairement à un emprisonnement, mais le juge pourra imposer à l'auteur des violences de suivre une thérapie pour mettre à jour les origines de son comportement violent, lui faire prendre conscience des conséquences sur son entourage.

Il faut un suivi de l'auteur des faits et, souvent, la seule voie possible est celle de la justice. Pour cette raison, il est nécessaire de consigner les faits sur papier et c'est pourquoi l'intervention de la police s'impose.

L'oratrice constate aussi que la perception des situations de violence est très différente dans les services d'aide sociale et à la police. Lorsqu'une victime s'adresse à un service social, on parle souvent de dépression, de problèmes financiers, mais le problème de violence est souvent minimalisé.

Mme Stals ne trouve pas qu'un médecin traitant doit avoir l'obligation de dénoncer les faits dont il a connaissance. Il doit pouvoir reconnaître les signaux de violence et orienter la victime vers l'un ou l'autre service d'aide. Il peut lui-même prendre contact avec ces services pour savoir si la personne s'y est effectivement adressée. S'il revoit sa patiente plus tard, il doit réaborder le sujet. En cas de nécessité toutefois, le médecin devrait pouvoir avertir directement le procureur sans passer par la police.

Un problème de violence peut être porté à la connaissance du médecin, de services sociaux, de la police. De l'instance qui est en premier lieu informée dépend l'ordre dans lequel on va intervenir. Les services sociaux et le milieu médical ont un rôle à jouer en matière de prévention et de soins, la police a plutôt pour tâche de constater les faits, de fournir une aide et d'assurer la sécurité de la victime ainsi que d'entendre l'auteur des violences. Le médecin traitant et les services d'urgence doivent également aider à la constitution du dossier. Or, il arrive que la victime soit dans le coma et que le médecin refuse de fournir le dossier médical à cause du secret professionnel.

Le secret professionnel est important mais ses limites ne sont pas claires et on a parfois l'impression que certains professionnels se retranchent derrière ce secret pour ne pas devoir intervenir. Or, la question fondamentale, c'est la mise en balance de la vie privée et de la sécurité. Il y a des solutions. Aux Pays-Bas, par exemple, des accords de collaboration décrivent très précisément le type d'informations, dans quelles circonstances et à qui elles peuvent être transmises. La justice travaille avec des cliniques pour auteurs de faits violents.

Il y aurait environ 250 décès par homicide chaque année en Belgique, dont 44 % auraient lieu dans le cercle familial. Selon Mme Stals, ce pourcentage serait bien supérieur. Très souvent, l'issue fatale a été précédée de très nombreux faits qui n'étaient pas aussi sérieux. Alors que des facteurs de risque étaient présents et connus, on s'aperçoit qu'aucun service n'assurait de suivi. Quand une instance, quelle qu'elle soit, a connaissance de faits de violence, le suivi de la situation est crucial.

Il y a trois formes d'enregistrement des plaintes auprès de la police:

— Le procès-verbal est surtout utilisé pour les infractions pénales. On travaille parfois aussi avec des procès-verbaux d'information quand il n'est pas sûr que les faits constituent une infraction pénale. Ceux-ci devraient être utilisés en cas de violence intrafamiliale, quand l'infraction pénale ne ressort pas forcément.

— Le procès-verbal dans le cadre du « Traitement policier autonome » n'est pas transmis directement au parquet mais donne lieu d'abord à une enquête de police.

— Le procès-verbal abrégé est un bref rapport de l'intervention.

Ces procès-verbaux sont conservés, mais, il n'y a pas de système d'enregistrement. En outre, certains corps de police utilisent encore des « fiches d'information », par exemple quand une personne fait des confidences à un agent qu'elle connaît, mais sans vouloir enregistrer une plainte.

Le projet « violence intrafamiliale » à Anvers ne fonctionne que grâce à deux personnes. Celles-ci s'occupent essentiellement de formation et de sensibilisation. Elles ne suivent pas de dossiers concrets. Toutefois, dans le cadre d'un petit projet, un suivi qualitatif a été opéré et quelques éléments mesurés, dont le nombre de personnes qui se retrouvaient dans un foyer d'accueil, in casu 15 %. Il n'y a pas de collaboration directe entre les services de police et les foyers d'accueil.

Victimes et auteurs de violences se retrouvent de manière plus ou moins égale dans toutes les couches de la société, tant parmi les Belges que parmi les allochtones.

Pour les interventions en cas de crise, il y a deux lacunes à combler. La première consiste à garantir un suivi immédiat par les services d'aide sociale, la poursuite du dialogue une fois que la police est partie, car la crise peut durer plusieurs heures. Deuxième problème, la police devrait pouvoir prendre des mesures immédiates sur place. En Autriche, l'auteur des faits peut être immédiatement éloigné de la maison et doit remettre la clé à la police qui la transmettra au juge de paix. Les parties signent un contrat dans lequel elles s'engagent à ce que l'auteur ne remette pas les pieds au domicile pendant dix jours.

Parallèlement, il faut assurer la sécurité de la victime. En Autriche, la victime est immédiatement encadrée par une cellule d'intervention relevant des services d'assistance qui travaillent en collaboration avec la police.

La police est accessible sept jours sur sept et 24 heures sur 24 mais il est vrai que les victimes ne s'y adressent pas facilement. Une étude britannique a montré que lors de la première intervention de la police dans une situation de violence, 35 incidents en moyenne avaient déjà eu lieu.

Dans les situations de maltraitance envers les enfants, on peut faire en sorte que le parent qui assure la protection de l'enfant fasse la démarche de dénoncer les faits à la police. Dans le cas de violence entre partenaires, le parent victime n'est pas en mesure de protéger ses enfants. Faut-il toutefois imposer aux professionnels une obligation de dénoncer les faits dont ils ont connaissance ? Mme Stals est d'avis qu'il faut avancer pas à pas. Si les médecins traitants et tous les services tels que les CPAS, par exemple, apprenaient à reconnaître les signaux de violence et à en parler avec les victimes, ce serait déjà un grand progrès. Il faudrait en outre conclure des protocoles de coopération entre les services de manière à pouvoir appréhender globalement la violence.

Enfin, elle signale qu'il y à Anvers un accord de collaboration entre Kind en Gezin et les tribunaux de la jeunesse.

III. AVIS

Considérations

Les statistiques de la police fédérale montrent que les cas de violence entre partenaires ou ex-partenaires et les déclarations y afférentes se multiplient d'année en année (voir les chiffres récents datant de 2004).

Bien que la Belgique ait instauré progressivement une législation axée sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes dans le cadre des relations entre partenaires, il s'avère que la législation actuelle est insuffisante. Il est indispensable de pouvoir intervenir plus rapidement en cas de menace et de mieux protéger les victimes, mais aussi d'assurer un meilleur suivi et un meilleur encadrement des auteurs de violences. On est en outre de plus en plus souvent confronté à des violences infligées à des hommes par leur partenaire ou à des parents ou grands-parents par leurs enfants ou petits-enfants. Enfin, il faut souligner que la définition de la violence ne doit pas se limiter à la violence purement physique.

Bilan de la législation actuelle et autres initiatives diverses

— La loi du 24 novembre 1997 visant à combattre la violence au sein du couple;

— Le 11 mai 2002, le Conseil des ministres a approuvé un plan national de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Ce plan repose sur deux lignes de force: la lutte contre la violence intrafamiliale et la lutte contre la traite des êtres humains;

— La loi du 28 janvier 2003 visant à l'attribution du logement familial au conjoint ou au cohabitant légal victime d'actes de violence physique de son partenaire, et complétant l'article 410 du Code pénal;

— Le gouvernement a également élaboré un plan d'action national de lutte contre la violence entre partenaires (2004-2007). Le plan national de sécurité (2004-2007) aborde lui aussi la problématique;

— Le 30 juin 2005, le ministre de la Fonction publique, de l'Intégration sociale, de la Politique des grandes villes et de l'Égalité des chances a annoncé la publication prochaine d'une directive concernant la violence intrafamiliale;

— Le 3 septembre 2005, la ministre de la Justice a annoncé la préparation d'une circulaire devant aboutir, pour la fin de 2005, à la tolérance zéro en matière de violence entre partenaires.

Trois propositions de loi ont été déposées au Sénat pour combler les lacunes qui subsistent

— La proposition de loi du 14 mai 2004 modifiant les articles 223, 1447 et 1479 du Code civil et les articles 587, 594 et 1280 du Code judiciaire en matière d'éloignement préventif du domicile familial et portant d'autres mesures de suivi et de répression de la violence entre partenaires (déposée par le groupe politique CD&V du Sénat)

— La proposition de loi du 24 juin 2004 visant à réprimer la violence familiale et à compléter l'article 458 du Code pénal (déposée par Mme F. Pehlivan, M. L. Vandenhove et Mme C. Geerts)

— La proposition de loi du 28 octobre 2005 modifiant diverses dispositions en vue de lutter contre la violence entre partenaires (déposée par Mme S. Anseeuw, Mme M. Hermans et M. L. Willems).

Objectif des propositions de loi

Les trois propositions de loi s'inscrivent toutes dans le cadre du renforcement de la lutte contre la violence entre partenaires.

Elles visent:

— à ce que la notion de « violence familiale » soit définie de manière plus large

— à ce que les actes de violence entre partenaires fassent l'objet de poursuites inconditionnelles et systématiques (procédure de l'éloignement préventif du domicile familial et de l'interdiction de contact)

— à ce que le juge statue rapidement en cas d'introduction d'une requête unilatérale

— à ce que la possibilité soit donnée au détenteur d'un secret professionnel de faire une déclaration sous de strictes conditions

— à ce que soit instaurée une assistance judiciaire gratuite

— à ce que les armes trouvées au domicile soient saisies

— à ce que les ministres de la Justice et de l'Intérieur prennent des mesures d'organisation adéquates et décentralisatrices dans le cadre de la lutte contre la violence entre partenaires

— à ce que les ministres de la Justice et de l'Egalité des chances aient l'obligation de faire rapport chaque année au Parlement.

Note critique et opportunité des mesures proposées

— L'utilisation de l'expression « violence familiale » élargit le champ d'application des mesures en question, mais elle pourrait rendre plus difficile l'identification de certaines formes de cette violence et l'administration de la preuve de celles-ci, ce qui présenterait un inconvénient, surtout dans l'optique d'une lutte directe et efficiente contre la violence par les services de police et les services judiciaires.

— Une nouvelle initiative législative ne concernant que la « violence entre partenaires, mariés ou cohabitants » offre l'avantage d'étendre encore la législation en vigueur. Elle attire en outre à juste titre l'attention sur la présence d'autres formes de violence dans les contextes familiaux.

— Le fait de poursuivre inconditionnellement et systématiquement la violence intrafamiliale en procédant à des expulsions du domicile et en infligeant des interdictions de contact a de lourdes conséquences en ce qui concerne certains autres droits, comme celui de la jouissance de la résidence conjugale et la liberté individuelle des intéressés. C'est pourquoi il est souhaitable que le pouvoir judiciaire évalue et/ou contrôle le pouvoir exécutif et que l'on prévoie une limitation dans le temps. Par ailleurs, dans le cas de partenaires qui ont des enfants mineurs, il peut être souhaitable de faire intervenir le juge de paix. Grâce au recours à l'intervention d'un juge avant le lancement d'une procédure d'éloignement du domicile, on dispose d'une décision judiciaire dont l'application peut être forcée avec l'aide de la police, ce qui n'est pas possible lorsque l'éloignement du domicile et/ou l'interdiction de contact résulte d'une décision du parquet qui a été prise sur la base d'un procès-verbal. Une nouvelle initiative législative doit également veiller à ce que l'on mesure la faisabilité de l'éloignement du partenaire violent. Les pouvoirs publics doivent-ils organiser l'accueil temporaire ?

L'intervention du juge ouvre également la possibilité d'introduire un recours contre la décision qu'il aura prise. Ce recours n'est pas suspensif, car, s'il l'était, les mesures qui seraient prises (éloignement du domicile et interdiction de contact) seraient quasi inutiles et n'atteindraient pas leur but.

— Faut-il obliger les dépositaires du secret professionnel (médecins, infirmiers, police, e.a.) à dénoncer la violence entre partenaires ? On peut envisager de les obliger à le faire sous des conditions strictes:

• la victime doit avoir été examinée par le dépositaire du secret professionnel et/ou elle doit avoir pris celui-ci en confiance;

• il doit y avoir un péril grave et imminent pour l'intégrité physique ou mentale des intéressés;

• la victime doit être dans l'impossibilité de préserver cette intégrité seule ou avec l'aide d'autrui (par exemple d'autres personnes habitant sous le même toit, à l'exception des enfants mineurs).

Une autre piste consisterait à faire en sorte qu'une dénonciation de violence intrafamiliale ne soit pas considérée comme une violation du secret professionnel.

— L'initiative en faveur de la gratuité de l'assistance judiciaire est louable, mais est-il possible d'assurer cette gratuité ? Les dispositions générales concernant l'assistance judiciaire gratuite ne doivent-elles pas rester applicables en l'espèce ?

— Saisie des armes trouvées au domicile.

En cas de recours à une procédure d'éloignement du domicile, la cessation immédiate de la violence doit toujours être poursuivie en priorité. Il faut éviter que l'objectif de la réglementation en matière de perquisition et de détention illégale d'armes ne prévale sur la finalité des mesures nouvellement proposées.

Cette approche nouvelle et détaillée de la violence intrafamiliale ne peut être couronnée de succès que si les magistrats, la police et le parquet bénéficient d'une solide formation en la matière et sont suffisamment sensibilisés à la problématique (cf. les mesures concernant la maltraitance des enfants et la traite des femmes).

— En vue du rapport annuel au Parlement, il est nécessaire de disposer de données statistiques en suffisance. C'est pourquoi il est indispensable que le parquet intente des poursuites (si les faits sont suffisamment prouvés). Le classement sans suite doit être exceptionnel. À cet égard, il pourrait être utile de prévoir une possibilité de dénonciation réglée par la loi pour les dépositaires d'un secret professionnel. Il y a lieu également d'organiser un point de contact pour les victimes.

Avis

Le comité d'avis conseille de prendre en considération plusieurs mesures qui sont prévues dans les diverses propositions de loi et, en particulier:

— l'instauration d'une nouvelle procédure accélérée d'éloignement temporaire du domicile familial par requête unilatérale adressée au juge de paix en cas de violence entre partenaires ou de menace d'une telle violence, et ce, pour une durée de dix jours au maximum et avec la possibilité d'un recours non suspensif auprès du président du tribunal de première instance (proposition nº 3-701). Cette mesure est applicable aux personnes mariées et aux cohabitants légaux.

— la combinaison de la mesure précitée avec une interdiction temporaire d'entrer en contact avec la victime.

— l'élargissement de la définition de la violence intrafamiliale (proposition nº 3-776, article 2), surtout en ce qui concerne la dénonciation à la police. Le comité d'avis fait référence à la définition que donne de la violence intrafamiliale le Collège des procureurs généraux. Pour lui, il s'agit de toute forme de violence physique, sexuelle, psychique ou économique entre conjoints, cohabitants ou personnes ayant cohabité et entre lesquelles existe ou a existé un lien affectif.

Le comité d'avis attire l'attention sur le risque d'éparpillement auquel on s'expose lors du traitement des dossiers si chaque forme de violence intrafamiliale (violence entre partenaires, à l'égard d'enfants, à l'égard de personnes âgées, etc.) fait l'objet d'une politique distincte.

— Création, auprès des services de police locaux et des CPAS, d'un point de contact « violence intrafamiliale », qui transmet le dossier à une équipe pluridisciplinaire de la cellule d'intervention « violence entre partenaires » instituée dans chaque zone de police locale ou à une équipe pluridisciplinaire coordonnée par la cellule en question (proposition nº 3-1417, article 7).

— Possibilité de dénonciation par voie électronique (proposition nº 3-1417, article 6), éventuellement étendue au point de contact du CPAS.

— Il y aurait lieu de donner aux victimes et aux tiers la possibilité de signaler les faits de violence. Toutefois, le comité d'avis met l'accent sur la protection des tiers et se demande s'il serait bien opportun d'autoriser les déclarations anonymes.

— Il faudrait prévoir, pour les dépositaires d'un secret professionnel, une obligation ou une possibilité, strictement définie, de déclarer les actes de violence, qui soit inspirée de l'obligation de déclarer des actes de maltraitance commis envers des mineurs (proposition nº 3-1417, article 3, le mot « peut » pourrait être remplacé par le mot « doit »). Le comité d'avis est partagé sur la question de savoir si la déclaration doit être une possibilité ou une obligation pour le dépositaire du secret professionnel.

— Toute déclaration devrait faire l'objet d'un procès-verbal.

— Tous les cas de violence intrafamiliale dans lesquels les faits sont réputés suffisamment prouvés devraient donner lieu à des poursuites inconditionnelles et systématiques sauf un, à savoir celui de la médiation pénale (proposition nº 3-1417, article 2). Toutefois, le comité d'avis attire l'attention sur le risque de voir l'instauration de l'obligation d'engager des poursuites à la suite de certains faits précis acquérir valeur de précédent.

— Il y aurait lieu d'instaurer une assistance judiciaire gratuite pour les victimes de la violence entre partenaires (proposition nº 3-1417, article 4). L'assistance judiciaire gratuite pour des partenaires victimes d'actes de maltraitance existe, par exemple, dans d'autres pays comme l'Espagne. Le comité d'avis estime que l'initiative en question est très positive mais il se demande si elle peut mener à quelque chose. Ne pourrait-on pas considérer qu'il y a discrimination par rapport à d'autres situations (comme celle dans laquelle une femme est agressée en rue) ?

— Il faudrait prévoir la possibilité de saisir les armes trouvées dans le logement familial, même si celles-ci n'ont rien à voir avec l'incident en question.

— Le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice devraient élaborer des directives contraignantes pour leurs services.

— Pour pouvoir garantir le suivi de l'application des mesures, il faudrait imposer, par la voie d'une initiative législative, l'obligation de soumettre tous les deux ans un rapport au parlement concernant l'exécution de la législation existante. Le comité d'avis estime que l'élaboration d'un rapport annuel prévue dans la proposition nº 3-701 entraînerait une charge de travail trop lourde.

— Il y a lieu aussi de prendre une initiative législative accordant une large attention à la prévention. Au niveau fédéral, il faudrait surtout prévoir, à cet égard, une meilleure formation pour les magistrats et les policiers.

— Il y a lieu d'apprendre tant aux victimes d'actes de violence qu'aux auteurs de ceux-ci comment éviter la violence et d'examiner à cet effet de quelle manière on peut faire collaborer les services fédéraux et les services des communautés.

IV. VOTES

L'avis est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, La présidente,
Annemie VAN de CASTEELE. Fatma PEHLIVAN.

(1) Rapport de l'OMS sur la violence et la santé, Genève, 2002

(2) ENVEFF, Les violences envers les femmes en France, Une enquête nationale, la documentation Française, Paris, 2003.

(3) Rapport d'Amnesty International, rapport sur la violence à l'égard des femmes, Bruxelles, 2004.

(4) Rapport de l'université du Limbourg, professeur R. Bruynooghe,1998.

(5) Rapport d'Amnesty International à partir de l'enquête réalisée par « Le Soir Magazine » et Dedicated Research. www.amnestyinternational.be/doc/article4994.html

(6) Institut scientifique de santé publique, enquête de santé des Belges, Bruxelles, 2001.