Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-52

SESSION DE 2005-2006

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Santé publique

Question nº 3-3093 de Mme Van dermeersch du 3 août 2005 (N.) :
Tests de qualité de l'ecstasy. — Participation de l'État fédéral. — Compatibilité avec la pénalisation de l'ecstasy.

Fin novembre 2004, à l'initiative du ministre bruxellois Gosuin, des fontaines ont été placées dans certaines discothèques pour combattre l'hyperthermie et la déshydratation affectant les consommateurs d'ecstasy. Cela devrait permettre de réduire les risques liés à la consommation d'ecstasy.

Au début des vacances d'été, il aurait également été question d'une proposition similaire, à l'initiative cette fois du gouvernement wallon et, selon les journaux, du ministre fédéral des Affaires sociales et de la Santé. Dans cette proposition, ceux qui fréquentent les festivals et les discothèques pourraient faire tester la qualité de leur ecstasy. L'association wallonne Modus Vivendi cautionnerait ces tests de qualité qui permettent au consommateur de savoir si sa pilule est sûre ou non. Le projet serait sponsorisé par le gouvernement wallon. Cependant, on demanderait d'abord l'avis du Collège des procureurs généraux.

Il est incompréhensible qu'un gouvernement participe à de tels projets qui donnent aux drogués l'impression que leur comportement est toléré. Ce projet « votre pilule est sûre, donc, allez-y » peut être considéré comme une légitimation et un encouragement de comportements punissables. Bien qu'en l'occurrence, on invoque ici la prévention du troisième niveau, à savoir la réduction des risques liés à la consommation de drogue, il me paraît insensé que le gouvernement participe à de tels projets. Même la Vereniging voor Alcohol en andere Drugsproblemen (VAD) ne comprend pas ces initiatives. Pour reprendre les termes d'un journaliste du quotidien Het Nieuwsblad : « Les pouvoirs publics disent aux jeunes consommateurs d'ecstasy : nous autres du gouvernement, nous, travailleurs sociaux intelligents et éducateurs diplômés, nous allons examiner avec vous votre petit stock de pilules. Au lieu de leur demander où, chez qui et à quel prix ils ont acheté ces saletés, afin d'attraper ces criminels et de les sanctionner dûment ! » (Het Nieuwsblad, 15 juin 2005).

Récemment, les ministres de la Justice et de l'Intérieur ont encore convenu d'intensifier la lutte antidrogue compte tenu de la hausse frappante de la criminalité liée à l'usage de la drogue.

Je souhaiterais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1. Cette initiative est-elle effectivement soutenue par le ministre des Affaires sociales et de la Santé, ainsi que l'affirme la presse ? Quel rôle joue-t-il dans ces projets et y a-t-il eu concertation avec les communautés chargées de la prévention ?

2. Le Collège des procureurs généraux a-t-il donné son feu vert à ce projet ? Si oui, sur la base de quels arguments ? Sinon, est-il possible qu'une autorisation soit encore accordée en la matière ? L'honorable ministre ne pense-t-elle pas que cela est incompatible avec la pénalisation de la consommation ?

Réponse : J'ai l'honneur de donner la réponse suivante à la question de l'honorable membre.

1. En qualité de ministre fédéral de la Santé publique, je suis au courant des tests de qualité effectués sur les pilules d'ecstasy. Ces tests s'inscrivent dans le cadre de la politique globale et intégrée en matière de drogues, telle qu'elle a notamment été concrétisée dans la Note politique fédérale relative à la problématique de la drogue de 2001.

La politique belge en matière de drogues repose sur trois piliers : (i) la prévention, (ii) l'aide, la réduction des risques et la réintégration, et (iii) la répression. L'analyse des drogues de synthèse est un dispositif intégré dans une démarche globale d'accueil, d'information et d'orientation des usagers de drogues. En effet, ces analyses permettent d'entrer en contact avec une catégorie d'usagers pour lesquels la demande et l'offre de soins sont peu développées.

Divers projets de réduction des risques incluant l'analyse de nouvelles drogues de synthèse sont en cours dans de nombreux pays européens : Pays-Bas (depuis 10 ans), France, Allemagne, Autriche et Espagne.

Par ailleurs, les nouveaux résultats de ces tests seront intégrés dans le Early Warning System, qui sert de système d'avertissement pour la Belgique et l'Union européenne concernant les nouvelles drogues synthétiques en circulation.

Premièrement, le Early Warning System a pour objectif, pour la Belgique de transmettre ces informations relatives à ces nouvelles drogues aux instances importantes, dont, notamment, la Vereniging voor Alcohol en andere Drugproblemen, Eurotox, la Arbeitsgemeinschaft für Suchtvorbeugung und Lebensbewätigung, la Concertation Toxicomanies Bruxelles, les cabinets des « Ministres compétents, les laboratoires cliniques, légaux et toxicologiques, l'Inspection pharmaceutique, les numéros d'appel de services d'aide et les instances judiciaires et de police. De cette manière, cette information issue de ces tests qualité des nouvelles drogues synthétiques peut servir tant pour des initiatives relatives à la prévention qu'à la réduction des risques et à la répression. Le développement de la prévention, notamment sur la base de cette information, relève des compétences des communautés.

Deuxièmement, l'information ainsi obtenue est fournie à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, de sorte que les risques de ces drogues puissent être évalués à l'échelon européen et, le cas échéant, que des mesures de contrôles puissent être prises dans tous les États membres européens.

Pour ces raisons, je soutiens, dans le cadre de mes compétences, le projet porté par l'association Modus Vivendi pour une durée de 27 mois à partir de juin 2005. Dans ce contexte uniquement, j'autorise certains membres de l'association à transporter des produits stupéfiants (pilules vendues comme de l'ecstasy, liquides vendus comme du GHB, et poudres vendues comme des amphétamines) vers l'Institut d'hygiène et de bactériologie de la Province du Hainaut.

À noter que j'ai accordé cette autorisation pour autant que le projet fasse l'objet d'une évaluation menée par un organisme indépendant. L'évaluation devra estimer la pertinence du projet dans sa globalité et son impact sur la consommation de nouvelles drogues synthétiques. Elle devra également rechercher les effets pervers d'un tel système vis-à-vis des non-usagers ainsi que la pertinence de l'installation d'une antenne fixe d'analyse.

Il va de soi que l'information diffusée dans le cadre de ce projet ne pourra en aucun cas être interprétée comme une quelconque promotion des nouvelles drogues. Toute communication devra toujours être centrée sur les dangers liés à la consommation des substances en question.

Je resterai vigilant sur cet aspect. En effet, la consommation de telles substances représente un risque réel en terme de santé publique, voire un risque mortel.

Les rapports d'expériences de pill-testing menées en Autriche indiquent que la présence révélée d'une substance dangereuse provoque un renoncement à la consommation chez deux tiers des personnes.

2. Pour des explications concernant l'opinion du Collège des procureurs généraux et la pénalisation de la consommation, je dois réorienter l'honorable membre vers la ministre de la Justice.

Il s'avère que le Collège a requis mon avis sur la question et que cet avis a été transmis à ministre de la Justice en date du 16 juin 2005.