3-1443/1 | 3-1443/1 |
25 NOVEMBRE 2005
Chaque jour, les droits des enfants sont bafoués partout dans le monde. Le phénomène de la traite des enfants représente une forme extrême d'exploitation, dans le cadre de laquelle il est porté atteinte à leurs droits les plus élémentaires.
La définition la plus usitée de la traite des enfants s'inspire du Protocole de Palerme, autrement dit du Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, approuvé le 15 novembre 2000.
Ce document considère la traite des enfants comme une forme particulière de la traite des êtres humains et évoque le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. La traite des enfants vise le trafic ou l'exploitation d'enfants ou de jeunes âgés de moins de 18 ans.
Cette exploitation consiste à employer des enfants dans le milieu de la prostitution, mais aussi dans d'autres secteurs, comme l'horeca, l'agriculture et l'horticulture, les ateliers de couture, les travaux ménagers, la mendicité ou la criminalité.
Le mineur victime de la traite des êtres humains doit bénéficier d'une approche différente de celle de la victime adulte. De plus, le statut de victime doit l'emporter sur celui de mineur étranger en situation illégale.
Des colloques ont été organisés à l'automne 2003 à la suite d'informations choquantes selon lesquelles 1,2 million d'enfants dans le monde tomberaient chaque année dans les filets de trafiquants d'enfants. Unicef Belgique, la commission Femmes et Développement et le « Nederlandstalige Vrouwenraad » ont mis sur pied la conférence « Traite des enfants, droits et défis politiques ». L'ONG Terre des Hommes a également organisé un séminaire international intitulé « Trafficking in Children in Europe », qui a intéressé un grand nombre de personnes.
Les recommandations auxquelles ont abouti notamment les colloques en question sont essentielles pour lutter efficacement contre la traite des enfants et permettent d'attirer l'attention des politiques sur les besoins de la politique belge et les lacunes que celle-ci présente. Il faut par ailleurs souligner l'importance d'une coordination aux niveaux national, européen et international entre les acteurs politiques, judiciaires et policiers et encourager la mise en place de structures adaptées et d'une politique harmonisée au niveau européen.
La Belgique a donné une bonne impulsion en ratifiant le Protocole additionnel à la Convention visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Par contre, le Protocole facultatif additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, doit encore être ratifié par notre pays.
Le projet de plan d'action national consacré aux enfants a été approuvé par le Conseil des ministres du 24 juin 2005. Il constitue un premier pas sur la voie d'une politique coordonnée en matière de droits de l'enfant en Belgique. On peut espérer que ce plan d'action national sera suffisamment attentif à une vision intégrée à long terme de la traite des enfants.
La traite des enfants est en effet un phénomène complexe qui reste assez méconnu. Il se situe dans le domaine de l'illégalité. Il est dès lors très difficile de se faire une idée exacte du phénomène. Les pays d'origine, les pays de transit et les pays de destination changent constamment.
Il est d'une importance capitale que la lutte contre la traite des mineurs d'âge devienne une priorité pour les pouvoirs publics belges. Les enfants forment un groupe particulièrement vulnérable et doivent en conséquence bénéficier de l'attention et de la protection nécessaires.
En mars 2005, l'Unicef a lancé le Guide à l'usage des parlementaires sur la lutte contre la traite des enfants. Ce guide pourra certainement servir de fil conducteur en encourageant le développement et la mise en œuvre d'initiatives pour lutter contre la traite des personnes et en responsabilisant les gouvernements.
Erika THIJS. |
LE SÉNAT,
1. CONSIDÉRANTS
1.1. Généralités
Considérant que par suite de la demande de main-d'œuvre bon marché, de jeunes filles encore vierges pour l'industrie du sexe et d'adoptions non contrôlées, la traite des enfants est devenue l'une des formes de criminalité organisée les plus lucratives, au même titre que le trafic d'armes et le trafic de stupéfiants.
Considérant que la pauvreté, le manque d'enseignement, les conflits armés, l'ignorance et les discriminations constituent souvent un terreau propice à la traite des enfants.
Considérant que la méconnaissance de ces facteurs sous-jacents peut conduire à privilégier une approche répressive de l'immigration illégale et de la criminalité internationale.
Vu le fait que la traite des enfants est reconnue comme un phénomène universel, auquel tous les États peuvent être confrontés en tant que pays d'origine, de destination ou de transit. Les filières de la traite des enfants varient considérablement en fonction de la législation en vigueur et des crises ou des guerres qui sévissent.
Vu la position de subordination qui est celle des enfants sur les plans juridique et social.
Vu la demande croissante d'enfants à des fins de prostitution, notamment parce que les clients potentiels nourrissent l'illusion que les risques de contamination par le VIH et par d'autres maladies sexuellement transmissibles seraient ainsi sensiblement moindres.
Considérant qu'il existe encore de très nombreux enfants non enregistrés à la naissance et qui, de ce fait, constituent des proies faciles pour des formes très extrêmes d'exploitation, comme la traite des enfants.
Vu l'accroissement notable de la traite des femmes et des enfants; selon les estimations, jusqu'à 120 000 femmes et enfants seraient victimes chaque année de ce type de trafic entre les pays d'Europe centrale et de l'Est et l'Europe occidentale.
Considérant que dans certains pays d'Europe de l'Est, la prostitution est devenue l'une des principales sources de revenus pour un nombre considérable de jeunes filles de 14 à 18 ans et que celles-ci font très souvent partie d'un réseau organisé.
Considérant qu'il a été constaté que la prostitution, pour laquelle on fait parfois appel à de très jeunes filles, s'inscrit dans le contexte plus large d'un marché international du tourisme sexuel en pleine croissance.
Vu les rapports de l'OIM selon lesquels la Belgique est chaque année un pays de destination et de transit pour des milliers de mineurs non accompagnés.
Vu le manque de chiffres concrets, d'informations fiables et exactes et d'éléments comparables permettant de se faire une idée précise du phénomène et de l'ampleur réelle de la traite des enfants.
1.2. Cadre juridique
Le 20 novembre 1989 a été ratifiée la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. Quinze ans plus tard, cette convention est la plus ratifiée au monde. La convention des Nations unies pour les droits de l'enfant précise les garanties contenues dans les traités généraux concernant les droits de l'homme et les complète pour ce qui concerne les enfants. Cette convention a enclenché un processus de prise de conscience non seulement au sujet des droits de l'enfant, mais aussi au sujet des nombreuses violations de ces droits. À côté du travail des enfants, de l'exploitation sexuelle et du problème des enfants soldats, la traite des enfants fait également l'objet d'une attention sans cesse accrue. La législation internationale s'est adaptée et dispose aujourd'hui de plusieurs instruments juridiques importants pour lutter contre la traite des enfants: le Protocole de Palerme, la Convention nº 182 de l'Organisation internationale du Travail relative à l'interdiction des pires formes de travail des enfants, des décisions-cadres de l'UE, ...
Ces conventions requièrent des législations appropriées, des plans d'action nationaux et, surtout, une politique efficace.
1.2.1. Les Nations unies
Convention relative aux droits de l'enfant
Vu l'article 35 de la Convention des Nations unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, qui dispose que les États parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit.
Vu l'article 36 de cette Convention relative aux droits de l'enfant, selon lequel les États parties protègent l'enfant contre toutes autres formes d'exploitation préjudiciables à tout aspect de son bien-être.
Vu le Protocole facultatif du 25 mai 2000 se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, qui oblige les États à prendre des mesures afin de prévenir la traite des enfants, à adopter à tous les stades de la procédure pénale les mesures nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes et de punir les auteurs.
Résolution
Vu la résolution 94/210 des Nations unies du 23 décembre 1994 sur la nécessité de mettre en œuvre au niveau international des mesures efficaces visant à lutter contre la traite des enfants, la prostitution et la pédopornographie et sur l'éradication de ces pratiques.
Protocole de Palerme
Vu le Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, fait à New York le 15 novembre 2000.
Considérant que ce protocole définit, pour la première fois au plan international, ce qu'il faut entendre par traite des êtres humains. Une approche internationale et mondiale combinant la prévention de la traite, la répression des trafiquants et la protection des victimes, est dès lors possible.
Vu l'accent particulier qui est y mis sur la position des victimes mineures.
Convention 182 de l'OIT
Vu la convention 182 de l'OIT de 1999, qui définit la traite des enfants comme l'une des pires formes de travail des enfants et une forme moderne d'esclavage, qui doit comme telle être éradiquée immédiatement.
Déclaration du Millénaire
Vu la Déclaration du Millénaire de septembre 2000 dans laquelle tous les États membres des Nations unies (y compris la Belgique) ont fait la promesse de réaliser d'ici 2015 les huit objectifs de développement internationaux en vue de lutter contre la pauvreté. Ces objectifs présentent un rapport direct avec les droits des enfants et stipulent clairement que tous les enfants doivent pouvoir bénéficier de la protection requise contre la violence, l'exploitation et la maltraitance.
1.2.2. Union européenne
Vu la décision-cadre du Conseil du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, qui comporte une définition précise du concept de traite des êtres humains et de celui de traite des enfants, en particulier.
Vu la décision-cadre du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
Vu la directive 2004/81/CE du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes. Lorsque cette directive est appliquée aux mineurs, l'intérêt de l'enfant doit primer et la procédure doit être adaptée à l'âge et à la maturité de l'enfant.
Vu l'initiative du Royaume de Belgique du 4 novembre 2004 visant à faire adopter par le Conseil une décision-cadre relative à la reconnaissance et à l'exécution dans l'Union européenne des interdictions résultant de condamnations pour infractions sexuelles commises à l'égard d'enfants.
Vu la Déclaration de La Haye de 1997 qui prévoyait que tous les États membres de l'Union européenne désigneraient un rapporteur national en matière de traite des êtres humains, qui informerait les autorités au sujet de la traite des êtres humains et formulerait des recommandations de politique.
1.2.3. Législation fédérale
Vu la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine.
Vu l'insertion de l'article 77bis dans la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, en ce qui concerne l'infraction spécifique de traite des êtres humains à l'encontre d'étrangers et son incrimination.
Vu la modification de l'article 77bis contenue dans la loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs.
Vu la modification des articles 379 et 380 du Code pénal relatifs à la prostitution, qui facilite la répression de la débauche, de la corruption ou de la prostitution d'un mineur et inflige des peines plus sévères pour les infractions à l'encontre de mineurs.
Vu la loi sur la tutelle, en vertu de laquelle, depuis le 1er mai 2004, tout mineur étranger non accompagné se voit désigner un tuteur.
Vu le statut de victime de la traite des êtres humains qui prévoit un régime de séjour, un permis de travail et un accueil. La réglementation actuelle relative aux victimes de la traite des êtres humains est issue de la circulaire ministérielle du 7 juillet 1994 concernant la délivrance de titres de séjour et d'autorisations d'occupation à des étrangers victimes de la traite des êtres humains ainsi que des directives ministérielles des 13 janvier 1997 et 17 avril 2003, relatives aux directives concrètes à tous les services chargés de l'assistance aux victimes de la traite des êtres humains. Ce statut est applicable aussi aux mineurs.
Vu l'aide apportée par l'État aux victimes d'actes intentionnels de violence en vertu de la loi du 1er août 1985 portant des mesures fiscales et autres, modifiée en dernier lieu par la loi du 22 avril 2003. L'article 31 de cette loi prévoit qu'une aide financière peut être octroyée aux père et mère d'un mineur ou aux personnes qui ont à leur charge un mineur, qui suite à un acte intentionnel de violence, a besoin d'un traitement médical ou thérapeutique de longue durée. Cette aide financière est octroyée lorsque, au moment où l'acte de violence est commis, la victime est de nationalité belge, a le droit d'entrer, de séjourner ou de s'établir dans le Royaume, ou s'est vu octroyer par l'Office des étrangers un permis de séjour à durée indéterminée dans le cadre d'une enquête relative à la traite des êtres humains.
Vu l'arrêté royal du 3 mai 2003 réglant le financement de l'accueil en faveur des victimes de la traite des êtres humains.
1.3. Plans d'action et de politique et initiatives diverses
AU NIVEAU INTERNATIONAL
Vu le Premier congrès mondial sur l'exploitation sexuelle commerciale des enfants qui s'est tenu en août 1996 à Stockholm et à l'occasion duquel les 122 États présents ont adopté à l'unanimité un Calendrier d'action en vue de lutter contre la prostitution enfantine, la pornographie enfantine et le commerce d'enfants.
Vu les conclusions du Deuxième congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, qui s'est déroulé à Yokohama en 2001 et à l'occasion duquel on a insisté sur l'importance de lancer, en collaboration avec le secteur privé, les ONG et les pouvoirs publics, des campagnes de prévention axées non seulement sur l'offre (celle d'enfants dans le cadre du tourisme sexuel) mais aussi sur la demande (groupes à risque de « clients » potentiels) dans les pays d'origine.
Vu le plan d'action international « A world fit for children » (Un monde digne des enfants), adopté le 10 mai 2002 à l'occasion d'une session spéciale de l'Assemblée générale des Nations unies consacrée aux enfants.
Vu le programme Daphné II de l'Union européenne, couvrant la période d'avril 2004 à 2008, visant à combattre la violence envers les enfants, les adolescents et les femmes en soutenant financièrement des projets de prévention à hauteur de 50 millions d'euros.
Vu la recommandation R (2001) 16 du Conseil de l'Europe sur la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution et autres formes d'exploitation des enfants.
Vu l'installation par l'Union européenne, en août 2003, d'un groupe d'experts en matière de traite des êtres humains, composé de représentants des États membres et de diverses organisations internationales.
Vu la désignation par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le 13 mai 2004, de Mme Helga Konrad comme représentante spéciale pour la lutte contre la traite des êtres humains.
Vu le Pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est en matière de lutte contre la traite des êtres humains (PSTF), mis en place sous l'égide de l'OSCE pour stimuler la coopération entre les pays de l'Europe du Sud-Est, lutter contre la traite des êtres humains dans leur région et développer des plans d'action concrets.
Vu les initiatives de l'Unicef pour combattre, par des actions directes, les causes de la traite des enfants, telles que la pauvreté et le manque de scolarité, et pour promouvoir la réinsertion des victimes de la traite des enfants.
Vu le Manuel sur la protection de l'enfance à l'usage des parlementaires, édité par l'Unicef en avril 2004, et le Guide à l'usage des parlementaires sur la lutte contre la traite des enfants, édité en avril 2005. Ces deux ouvrages ont vu le jour au sein de l'Union interparlementaire.
Vu le projet spécial que le centre de recherche de l'Unicef prépare sur la traite des enfants et l'élargissement de l'Union européenne.
AU NIVEAU NATIONAL
Vu l'accord de gouvernement fédéral de 2003 qui souligne que la lutte contre la traite des êtres humains sera intensifiée.
Vu le Plan national de sécurité 2004-2007, qui reconnaît la lutte contre la traite des êtres humains comme une priorité.
Vu la Note-cadre de sécurité intégrale, approuvée par le Conseil des ministres du 30 mars 2004, avec une attention particulière pour la traite des êtres humains.
Vu la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre le trafic et la traite des êtres humains, créée par l'arrêté royal du 16 juin 1995.
Vu la création d'un Centre d'information et d'analyse en matière de trafic et de traite des êtres humains (CIATTEH), approuvée par le Conseil des ministres du 30 mars 2004.
Vu le Plan d'action national de lutte contre l'exploitation sexuelle de mineurs à des fins commerciales.
Vu la mission spéciale du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et la xénophobie en vue de stimuler et de coordonner la lutte contre la traite des êtres humains, et d'assurer le suivi de la politique gouvernementale en la matière (cf. la loi du 13 avril 1995 et l'arrêté royal du 16 juin 1995).
2. ADRESSE AU GOUVERNEMENT LES RECOMMANDATIONS SUIVANTES:
A. Afin de reconnaître la position très vulnérable des enfants, il est indispensable que le gouvernement:
— continue à considérer la lutte contre la traite des enfants comme étant de la plus haute importance;
— reconnaisse en tant que tels les enfants qui sont victimes de la traite des enfants, en s'assurant que les décisions et la politique soient guidées par leur intérêt supérieur;
— tienne compte des caractéristiques propres à chaque sexe et des valeurs culturelles qui caractérisent le rôle de l'homme et de la femme dans la société d'origine et/ou de réintégration de l'enfant.
B. Afin de s'attaquer aux causes profondes de la traite des enfants et d'agir préventivement, il est indispensable que le gouvernement:
— développe, dans le cadre de la coopération au développement, des programmes ciblés de lutte contre la traite des enfants. Il s'agira principalement de programmes de lutte contre la pauvreté et contre la précarité du statut social des femmes et des enfants, ainsi que de programmes de promotion de l'emploi, de la santé, de l'éducation et de l'enseignement;
— soutienne l'organisation, dans les pays d'origine, de campagnes de prévention qui attirent l'attention des enfants, de leurs parents et de leur communauté sur les dangers de la traite des enfants et sur les méthodes utilisées par les recruteurs. Il y a lieu de mesurer régulièrement l'impact de ces campagnes afin de pouvoir garantir leur efficacité auprès du groupe cible;
— soutienne des campagnes d'information et de sensibilisation dans les pays d'origine, de transit ou de destination, afin de faire connaître le phénomène de la traite des enfants et de rappeler les acteurs concernés à leurs responsabilités. Ces campagnes doivent également reconnaître le rôle des médias. Ceux-ci doivent diffuser des informations claires et qui ne soient pas axées sur la recherche du sensationnel.
— responsabilise les ambassades et les consulats et les incite à diffuser des informations claires sur les causes et les conséquences de la traite des enfants. Il faudra également accorder une attention particulière au personnel occupé dans les ambassades et les consulats.
C. Afin que les plans d'action et les plans stratégiques prévus puissent être mis effectivement en œuvre, il est indispensable que le gouvernement:
— tire parti du projet de plan d'action national consacré aux enfants, approuvé lors du Conseil des ministres du 24 juin 2005, pour développer une vision intégrée à long terme dans le domaine de la traite des enfants, de manière à ne pas en rester à une déclaration de bonnes intentions. Deux ans après le sommet des enfants des Nations unies, la Belgique a donc quand même respecté son engagement d'établir un Plan d'action national. Notre pays devra se justifier une première fois à l'occasion du prochain rapport périodique sur l'application de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (CIDE), qui doit être transmis au Comité des Nations unies pour les droits de l'enfant pour le 1er janvier 2007 au plus tard. Cette justification doit indiquer clairement quels ont été les résultats concrets obtenus à partir du Plan d'action national de lutte contre la traite des enfants.
— concrétise le Plan national de sécurité. Le défi consistera à mettre en œuvre, à tous les niveaux, les plans d'action opérationnels relatifs à la traite des enfants. Ces plans devront ensuite être adaptés annuellement, tant en fonction de l'évaluation des résultats qu'en fonction des nouveaux accents qui se dessinent.
— soutienne suffisamment la Cellule de coordination interdépartementale en matière de lutte contre la traite internationale des êtres humains pour pouvoir assurer une coordination efficace de la politique et de son exécution et pour garantir la conjonction du volet social et du volet répressif. Une partie des activités de cette Cellule de coordination sera consacrée systématiquement au problème spécifique de la traite des enfants.
— transforme le Centre d'information et d'analyse en matière de trafic et de traite des êtres humains (CIATTEH) en un véritable centre d'information, d'analyse et d'étude. Une condition fondamentale pour que le CIATTEH fonctionne bien est qu'il puisse bénéficier d'un plan intégré et standardisé de collecte de données. Il y a lieu de former et d'encadrer les divers acteurs appelés à fournir des informations en provenance de leur département, service ou institution.
Le CIATTEH accordera une attention particulière au phénomène de la traite des enfants et élaborera à ce sujet des analyses stratégiques.
— donne au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme tous les moyens nécessaires pour accomplir sa mission. Le rapport d'évaluation annuel sur l'évolution et les résultats de la lutte contre la traite internationale des êtres humains restera un élément important d'incitation à suivre d'un œil critique la politique du gouvernement en la matière.
D. Afin de s'attaquer concrètement aux divers obstacles qui empêchent de lutter contre la traite des enfants, il est indispensable que le gouvernement soit attentif:
— au manque de capacité au sein de la police et de la justice. À cet égard, des formations spécialisées seront mises sur pied en vue de permettre aux acteurs concernés d'identifier les enfants à risque et de leur assurer une aide.
— à la formation (connaissance de la législation sociale, de la législation relative à la traite des êtres humains) et à la sensibilisation des divers acteurs concernés par la lutte contre la traite des êtres humains, en collaboration avec les services d'inspection sociale du SPF Emploi et de l'Office des étrangers.
— aux systèmes d'enregistrement, qui doivent être mieux harmonisés;
— au problème de l'insuffisance de structures d'accueil pour les victimes de la traite des enfants. Il faut noter à cet égard la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les mineurs demandeurs d'asile non accompagnés, ainsi que la nécessité de prévoir des capacités d'accueil suffisantes et adaptées bénéficiant d'un financement structurel. Il y a lieu d'élaborer une procédure d'agrément clairement définie permettant de reconnaître des centres tels que t' Huis (en Flandre), Esperanto (en Wallonie) et Minor Ndako (à Bruxelles). Il faudra également continuer à développer une aide psychosociale adaptée.
— à la disparition de mineurs demandeurs d'asile non accompagnés.
— à l'exécution de la loi sur la tutelle. Il faudra consentir un effort accru afin que chaque mineur étranger non accompagné puisse se voir attribuer un tuteur, de manière à ce qu'il soit bien suivi et que ses intérêts soient défendus au mieux.
— à l'affinement du statut de victimes mineures de la traite des êtres humains, notamment en ce qui concerne le délai de réflexion. Les mineurs étrangers non accompagnés qui ne souhaitent pas faire de déclaration aux autorités judiciaires devraient bénéficier malgré tout d'une sécurité et d'une protection suffisantes, dans le cadre d'un véritable statut du mineur non accompagné.
— à une définition claire des rôles assumés dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains et spécifiquement contre la traite des enfants. Plutôt que de désigner un rapporteur national chargé de la problématique de la traite des êtres humains, comme c'est le cas aux Pays-Bas, on pourrait charger le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme de cette tâche, vu la position qu'il occupe sur la scène belge. Dans ce cas, la Cellule interdépartementale de coordination devra assumer le rôle opérationnel.
E. En vue de mettre au point le cadre juridique, il importe que le gouvernement:
— ratifie et mette à exécution les conventions et protocoles internationaux relatifs à la traite des enfants;
— s'attelle, plus spécifiquement, à la ratification, dans les meilleurs délais, du Protocole facultatif additionnel à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Ce protocole facultatif attend d'être ratifié depuis 2000.
— donne exécution, à brève échéance, au projet de loi modifiant diverses dispositions en vue de renforcer la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains et contre les pratiques des marchands de sommeil, adopté le 7 juillet 2005 en séance plénière et actuellement soumis à la sanction royale, et en assure le suivi.
F. En vue de parvenir à une harmonisation et une coordination européennes en matière de traite des enfants, il importe que le gouvernement:
— prenne des initiatives en vue de faire en sorte que la lutte contre la traite des enfants soit un objectif prioritaire dans le cadre du processus d'élargissement de l'Union européenne;
— incite les pays européens avec lesquels il entretient des liens de développement à ratifier les conventions relatives à la lutte contre la traite des enfants et à réaliser des plans d'action nationaux. L'on aura alors un cadre dans lequel il pourra attirer l'attention des pays en question sur leur responsabilité en matière de prévention et de lutte. Une collaboration en matière de justice et de police pourra alors être proposée en vue d'atteindre l'objectif.
— prenne l'initiative au sein du groupe d'experts en matière de traite des êtres humains;
— prenne part à la mise en place de structures en vue d'une coordination entre les acteurs du monde politique, judiciaire et policier au niveau européen;
— soit attentif à la situation des enfants dans le cadre de la coopération bilatérale avec les pays d'Europe de l'Est. Si le pays partenaire est impliqué dans la traite des enfants, la Belgique doit s'assurer que des moyens efficaces sont mis en œuvre, en collaboration avec des institutions internationales et des organisations gouvernementales et non gouvernementales;
— prenne des mesures en vue de soutenir les associations actives en Europe dans le domaine de la prévention, de l'aide et de la lutte contre la traite des enfants en Europe;
— participe à l'offre d'un cadre de « centres de transit temporaires » dans les pays d'origine, de transit et de destination, dans lesquels des victimes de l'exploitation peuvent êtres prises en charge et réinsérées en vue de leur réintégration dans leur communauté.
— encourage la réalisation d'études sur le phénomène de la traite des enfants dans les pays d'origine et de transit et libère les moyens nécessaires à cet effet. Ces études, coordonnées aux niveaux européen et bilatéral, doivent porter entre autres sur la demande, les mécanismes et l'ampleur de la traite des enfants. L'on pourra ainsi prendre la mesure du problème, et donc mettre en lumière les tendances et les changements.
— contribue, en collaboration avec Interpol et Europol, à la création d'une banque de données européenne concernant les enfants interceptés ou disparus qui sont présumés victimes de trafiquants. Cette banque de données contiendrait, au sujet de ces enfants, des informations précises et liées au sexe qui permettraient de les identifier avec certitude.
— promeuve ou finance le développement et l'application d'un système efficace d'enregistrement des naissances et d'identification des citoyens dans les pays de l'Union européenne.
20 juillet 2005.
Erika THIJS. Sabine de BETHUNE. Mia DE SCHAMPHELAERE. Etienne SCHOUPPE. Jan STEVERLYNCK. Hugo VANDENBERGHE. |